Translucide : Game Freak

Une rétrospective en trois actes.

Yo. Comme vous avez pu le constat', ces derniers mois j'ai écrit deux ou trois trucs sur ce site. En traitant de l'actualité au quotidien, et notamment quand j'ai pondu mon article sur la Dordogne (#seulslesvraissavent), je me suis retrouvé à vouloir approfondir certains sujets. C'est vrai. Au final on parle parfois de bails qu'on ne connaît qu'à travers le prisme de l'actualité. Mais il y avait quoi avant ? Comment les principaux acteurs de l'industrie vidéoludique se sont lancés ? Et comment ont-ils fait pour réussir ? C'est en cherchant à répondre à ces questions que vient se dresser cette première rétrospective. Il est temps de percer à jour les mystères qui entourent Game Freak. Il est l'heure d'être translucide.

 

Sobre. Propre. J'aime bien.

 

C’est au début des années 80 qu’émerge le mouvement « otaku » au Japon. Plutôt péjoratif en son temps, ce terme renvoie aux personnes dont la passion pour les mangas, l’animation ou les jeux vidéo frise l’obsession (mais je ne vous apprends rien). Et au sein de ces lecteurs avides et joueurs frénétiques, se trouve un garçon que rien ne distingue encore des autres. Inscrit dans un lycée technique pour devenir électricien, ses résultats scolaires sont médiocres. Il faut dire que le gars a tendance à sécher les cours et à passer son temps en salles d’arcade. L’ennui, c’est que cette passion a un prix et que les ressources du garçon sont limitées. Face à ces problèmes d’argent, celui-ci a alors une idée. Sortir un magazine sur les jeux-vidéo pour financer ses dépenses. Nous sommes en 1983, et le garçon dont il est question s’appelle Satoshi Tajiri. Quant au magazine, son nom vous dira sans doute quelque-chose : il s’agit de Game Freak.

 

Satoshi Tajiri, le créateur de Pokémon, en 1999.

 

GAME FREAK : TRUCS ET ASTUCES

 

Le premier numéro de Game Freak sort le 20 mars 1983. Comptant 14 pages, tous les articles du magazine sont écrits à la main. Satoshi Tajiri photocopie et agrafe chaque exemplaire. Pour la couverture, le jeune homme, qui avoue lui-même n’être pas très doué en dessin, reproduit un personnage de Dig Dug en pixel art. Tiré à 5 exemplaires, Game Freak se retrouve entreposé dans une petite boutique du quartier de Shinjuku, à Tokyo. Ne reste qu’à croiser les doigts en espérant que les clients mordent à l’hameçon…

 

Premier numéro de Game Freak, avec le personnage de Dig Dug sur la page de gauche.

 

Restituons d’abord le contexte de cette sortie. En 1983, la presse dédiée au jeu vidéo n’existe pas encore. Rares sont les joueurs qui possèdent un ordinateur (donc l'essentiel du gaming se passe en arcade) et de toute façon, Internet n’en est qu’à ses débuts. Résultat : l’information circule difficilement. Généralement, c’est le bouche-à-oreille qui prime et c’est de là que naissent les rumeurs les plus dingues. Tajiri nous donne un exemple hallucinant. Une légende circulait et racontait qu'en passant un niveau d'un certain jeu sur borne d'arcade, un chien apparaissait dans la salle. Un chien. Vous voyez un peu le délire ? Le bouche-à-oreille, c'est vraiment toute une époque. Bref.

Une rumeur qui part en gros délire.

 

Avec Game Freak, Tajiri veut mettre un terme aux rumeurs farfelues et proposer des informations fiables sur les jeux populaires du moment. En plus de ça, le magazine apporte quelques rubriques traitant des nouveautés à venir. Tajiri écrit aussi les premiers tests de jeux en attribuant des notes allant de A à E. Sachant que la presse vidéoludique se démocratisera en juillet 83 avec la sortie de la Famicom au Japon, à quelques mois près, le petit Tajiri tape pratiquement dans l’avant-garde.

Et faut croire que ça parle aux gens. En une semaine, les 5 copies de Game Freak trouvent preneur. Aussitôt, Tajiri réimprime son magazine qui continue de s’écouler, ce qui lui permet de « financer » ses recherches en salle d’arcade pour les prochains numéros.

Le deuxième Game Freak sort le 30 mars et traite de Xevious, véritable phénomène dans les salles d’arcade japonaises. C’est Ken Sugimori, ancien camarade de classe de Tajiri, qui s’occupe de l’illustration de couverture. À son tour, ce deuxième guide se vend bien, lui aussi, et c’est un petit commerce qui semble lancé.

 

Jaquette de Xevious, sujet dont parle le deuxième numéro de Game Freak. Ce jeu engendrera une rencontre et marquera un tournant pour le petit magazine.

Le véritable succès de Game Freak arrive quelques mois plus tard quand Ohori Kosuke contacte Game Freak. Kosuke a le même âge que Tajiri. Sa particularité, c’est qu’il est le meilleur joueur de Xevious au Japon. Quelques mois plus tôt, les développeurs du jeu (Namco) ont repéré les prouesses du jeune Kosuke et lui ont demandé de réaliser un guide stratégique sur Xevious. Kosuke s’est mis au boulot et en a vendu près de 5000. L’ennui, c’est qu’en tant que lycéen, Kosuke est vite pris par le temps et doit passer ses examens de fin d’année. C’est à ce moment qu’il contacte Tajiri dont il apprécie le travail sur Game Freak. Kosuke demande qu’on reprenne son travail et qu’on améliore la formule. Quand Tajiri sort la nouvelle version de Comment marquer 10 millions de points à Xevious, il est loin de se douter du succès qui l’attend. 10 000 exemplaires du guide se vendront, surtout par correspondance. Tajiri est submergé de travail. Il reçoit des sacs entiers de lettres de commande et doit demander à sa sœur de lui venir en aide pour gérer les envois.Vous vous doutez bien que depuis les premiers exemplaires, Game Freak a rapidement été confié à un imprimeur.

 

Quelques numéros de Game Freak.

En tout, ce seront 16 numéros de Game Freak qui paraîtront sur les années 83 et 84. Le magazine se forge rapidement une réputation dans le milieu otaku et paraît régulièrement jusqu’en 1985, avant que le rythme ne décline. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’en 1986, Tajiri a de nouvelles ambitions. Il faut croire que côtoyer le milieu de la critique vidéoludique lui a donné envie de passer de l’autre côté du voile créatif. Ils sont plusieurs, d’ailleurs chez Game Freak, à constater que la qualité du jeu-vidéo de l’époque va en déclinant. Du coup, leur ambition, c’est de redorer le blason du jeu en rendant hommage à l’arcade de leur jeunesse.

Très vite, Tajiri et quelques autres membres commencent à travailler sur ce qui deviendra le premier jeu-vidéo de Game Freak : Quinty.

 

Suite au prochain épisode. Là dessus, je me barre.

 

Sources : Générations Pokémon : 20 ans d’évolution. Bulbapedia. Poképédia. L’interview de Tajiri sur Game Center CX. Reddit.

Par Goupelin
  • Goupelin 12/02/2018 à 17:33
    Merci pour ces retours positifs :).
  • Ritsuki 12/02/2018 à 07:59
    #TeamGoupelin
  • Miaou 11/02/2018 à 22:06
    Donc le grand gourou de Pokémon a fait ses débuts en écrivant des magazines à la main?! Il en fait du chemin depuis, le mec...
  • Suneater 11/02/2018 à 21:59
    A quand l'apparition d'un bigN sauvage?!
  • Julainque 11/02/2018 à 20:12
    Intéressant, mais un peu court !
  • TAMEN = CEPENDANT 11/02/2018 à 19:12
    Un article de qualité ! Continuez comme ca !
  • milo 11/02/2018 à 16:14
    Excellent article ! Là vous vous démarquez ;) un contenu de qualité. Faut que tu bosses à FranceTV mec ;)
  • LeMangeurDePain 11/02/2018 à 13:32
    Voilà un article à la sauce trash traditionnelle, un vrai article, quelque chose d'écrit avec du contenu. Merci Goupelin de redorer un peu l'image de P-Trash qui dépérit petit à petit depuis de trop nombreuses années ne comptant plus que sur sa réputation et sur la petitesse du pokéweb francophone.
  • LeMangeurDePain 11/02/2018 à 13:32
    Nan franchement ce que tu sors c'est toujours impec'; déjà que tu brodes mieux qu'un Sarkozy quand il n'y a rien à dire on voit que dès qu'il y a un peu plus de substance au sujet t'envoies du pâté de Galopa
  • Léa 11/02/2018 à 11:03
    Merci pour cet article, c'était très intéressant !
  • Goupeline 11/02/2018 à 10:15
    Je t'aime Goupelin