[Fanfiction] Entre infini et au-delà

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Cyrlight

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19 janvier 2013, 23:38
Chapitre 1 : C'est une belle journée

C'est une belle journée - Mylène Farmer

Spoiler
Il y avait des champs à perte de vue, entre lesquels s'écoulait une rivière à Magicarpe sinueuse au courant fort. Des bois bordaient ces plaines labourées, aux arbres jeunes et la faune abondante. C'était dans ce petit coin de nature paradisiaque que vivait Kathy avec ses parents, propriétaires de la ferme et des terrains alentours.

En fin de matinée, alors que le soleil était quasiment à son zénith, assise en amazone sur son Ponyta, que sa famille lui avait offert deux ans auparavant lors de son dixième anniversaire, elle partit se balader en forêt. Elle aurait souhaité que son frère aîné l'accompagne, mais ce dernier avait décliné son invitation en précisant qu'il tenait à finir son livre, un pavé poussiéreux ennuyeux à souhait.

Avec grâce et fierté, elle tenait les rênes dans d'une petite main gantée, l'autre gardant sa cravache contre l'épaule du pokémon. Un pression de mollets contre le ventre du Ponyta suffit à le faire partir au trot. Elle atteignit une clairière au bout de quelques minutes, où elle mit pied à terre dans le but de cueillir des fleurs des champs pour les offrir à sa mère. Elles iraient magnifiquement bien dans le vase en cristal de la salle à manger.

Des roses sauvages poussaient un peu plus loin sur le sentier. Elle alla en couper quelques unes, car elle les trouvait splendides : rouges aux reflets noirs. Il était fort rare de croiser des spécimen d'une telle couleur. Cependant, une épine transperça son gant en dentelle blanche, qui fut bientôt tâché de sang. Elle suça la plaie comme on le lui avait appris afin d'éviter qu'elle ne s'infecte, et s'apprêtait à tourner les talons, ses fleurs sur le bras, lorsqu'elle entendit un bruit qui l'intrigua.

Un jeune Cerfrousse apparut entre deux buissons. Il était si mignon ! Kathy posa avec précaution son bouquet sur le sol puis avança dans sa direction, lentement, pour ne pas l'effrayer, la main tendue. Le pokémon prit peur malgré toutes ses précautions et recula de quelques pas. Elle fit une nouvelle tentative, mais il s'éloigna aussi vite que le lui permettait ses fragiles pattes longilignes.

La fillette siffla son Ponyta qui trottina dans sa direction. En toute hâte, elle jeta les fleurs dans la sacoche qu'elle avait accrochée à un quartier de sa selle avant de se hisser sur le dos de la créature avec l'aide d'une vieille souche couverte de mousse. Amusée, elle poursuivit le Cerfrousse à travers bois. Il l'entraîna de plus en plus profondément au coeur de la forêt, là où les arbres se faisaient plus anciens, mais aussi plus denses. La lumière avait moins de facilité à filtrer entre leurs branches. Finalement, Kathy perdit le pokémon de vue, mais ce ne fut pas la seule chose. Elle aurait été incapable de dire où elle se trouvait exactement.

- Oh, flûte ! couina-t-elle de sa petite voix aiguë. Moi qui avais promis à Maman d'être rentrée avant le déjeuner. Elle va être fâchée, maintenant. Ponyta, mon ami, dis-moi, sais-tu où se trouve la maison ?

Comme elle le craignait, sa monture hocha la tête en signe de dénégation. Honteuse, la fillette lui mit un léger coup de talon dans les flancs pour qu'il avance. Il resta au petit pas, ce qui lui permis d'observer les alentours dans l'espoir d'identifier un détail qui lui permettrait de se souvenir du chemin qu'ils venaient d'emprunter.

Soudain, son pokémon s'arrêta brutalement. Une lignée de buissons épineux faisait barrière devant eux. Kathy songea un instant à lancer une attaque Flammèche pour les réduire en cendre et poursuivre ainsi leur route, mais il n'avait pas plu depuis des jours et le bois autour d'eux était sec. Elle risquait de déclencher un feu de forêt qui mettrait en danger tous les pokémon qui vivaient dans cet endroit. En tout cas, ces buissons confirmaient le fait qu'elle était belle et bien perdue : jamais elle ne les avait vus auparavant.

Elle passa sa jambe par-dessus le cuir qui calait sa jambe en amazone et sauta sur le sol. Ses bottes épaisses amortirent un peu le choc, mais cela ne lui empêcha pas de se faire mal aux chevilles et au dos. Passant les rênes de sa monture par-dessus sa crinière incandescente, elle ouvrit la marche, Ponyta dans son sillage.

Kathy ramassa une branche d'apparence solide sur le sol, et s'en servit pour écarter les ronces qui leur barraient la route. Même si cela lui permit de leur frayer un chemin, elle ne s'en sortit pas sans égratignure, au contraire. Sa robe au velours bleu roi, ainsi que ses collants fins, avaient été déchirés par les épines acérées. Sa peau était également touchée, mais elle saignait peu. Les blessures étaient toutes superficielles.

Ce fut avec soulagement qu'elle passa la barricade qu'étaient les buissons. Elle aurait aimé se remettre en selle, mais les branches des arbres étaient très basses. Sur le dos de son Ponyta, elle aurait risqué de se cogner la tête. D'ailleurs, malgré toutes ses précautions pour les éviter, plusieurs morceaux de bois s'accrochèrent dans ses cheveux. Elle en arracha beaucoup en croyant de se libérer de la prise des arbres, et bientôt ses anglaises soignées et bouclées ne furent plus qu'un tas de noeuds crépus.

- Arceus tout-puissant, où sommes-nous ? supplia-t-elle, les yeux levés en direction du ciel qu'elle apercevait à peine entre les feuilles touffues. Si Vous m'entendez, aidez-nous, je Vous en conjure.

Elle sortit un chapelet de sa poche qu'elle égraina tout en prononçant à voix très basse une prière destinée à l'Alpha. Elle était très pieuse, et L'avait toujours respecté. Elle croyait sincèrement qu'Il la reconduirait sur le bon chemin.

Elle continua à errer un long moment au hasard, avant que l'agencement des lieux ne redeviennent favorable à sa montée en selle. Certaine de ne plus risquer d'être éborgnée ou griffée par des branches noueuses, elle se rassit sur le dos de son Ponyta. D'ailleurs, cet élément lui permit de constater que les arbres étaient différents. Plus jeunes. Elle ne devait plus être très loin de l'orée de la forêt.

Lançant son pokémon au galop, tenant les rênes à deux mains car elle avait perdu sa cravache depuis un bon moment, elle continua d'avancer en ligne droite. Arceus avait entendu sa prière, elle savait qu'Il était grand et pur. Jamais Il ne l'aurait laissé seule, perdue dans les bois alors qu'elle était si près de chez elle.

Bientôt, elle reconnut soulagée le vieux rocher couvert de mousse et de champignons sur lequel son frère et elle montaient parfois, puis l'arbre tordu qui avait sûrement dû être frappé par la foudre avant leur arrivée dans la région, car elle l'avait toujours connu ainsi. Poussant un soupir, Kathy sauta avec soulagement par-dessus un petit buisson avant de jaillir en pleine lumière, hors de la forêt.

Elle éclata de rire. Sa peur lui semblait soudain bien lointaine. Elle avait retrouvé son chemin, même si cela lui avait pris beaucoup de temps. Il avait simplement fallu qu'elle garde son calme et qu'elle évite de paniquer, au risque de se perdre davantage, ce qui n'avait pas été une chose facile.

Euphorique, elle dirigea ses rênes pour que Ponyta emprunte le pont qui la séparait des terres familiales. Jamais elle n'avait été aussi contente de revoir la grande roue à aube qui, grâce à la puissance du torrent, aidait le moulin à fonctionner lorsqu'il n'y avait pas de vent. Elle descendit allègrement de sa monture pour regarder son reflet dans l'eau agitée de la rivière.

Elle qui avait l'habitude de voir une belle enfant brune au teint de porcelaine et toujours impeccable, elle ne fut pas déçue : elle était encore plus laide que les épouvantails installés dans les champs par son père pour faire fuir les Cornèbre et les Roucool. Ses cheveux étaient emmêlés de feuillages et sa peau claire avait été encrassée par la poussière. Sa robe était en lambeaux, tout comme ses bras marqués par les griffures des ronces.

- Ils doivent déjà être inquiets, je n'ose même pas imaginer ce qu'ils vont penser lorsqu'ils vont me voir arriver dans un tel état.

Kathy plongea ses mains dans l'eau fraîche pour se nettoyer le visage, puis tenta de dompter ses cheveux à l'allure sauvageonne en les plaquant contre son crâne après en avoir ôté toutes les branchettes et les feuilles.

Elle conduisit ensuite son Ponyta à l'écurie où elle lui donna une auge entière de poffins, cuisinés par ses soins, qu'il avait amplement mérité, avant de rentrer chez elle. Sa maison, qui ressemblait plus à une grande chaumière, était le bâtiment qui se situait le plus à l'ouest, juste après l'étable et l'enclos où paissaient tranquillement les Wattouat et les Tauros en parfaite harmonie.

- Me voici ! s'écria-t-elle gaiement en poussant la porte d'entrée qui n'était pas fermée. Je suis désolée, je me suis égarée dans les bois en suivant un Cerfrousse et j'ai été obligée de traverser des ronces pour revenir jusqu'ici.

Elle n'eut aucune réponse. Peut-être ses parents, angoissés, étaient-ils partis à sa recherche ? Pourtant, elle trouvait étrange que l'un d'entre eux, ou même son frère, ne soit resté à la maison au cas-où elle rentrerait, ce qui d'ailleurs était le cas.

- Eh oh ? Vous m'entendez ? Il y a quelqu'un ?

Elle n'obtint aucune réponse. C'était elle qui commençait à être anxieuse désormais. L'atmosphère était plus angoissante encore que lorsqu'elle s'était crue perdue dans les bois. Ce n'était pas le genre de ses parents de disparaître de la sorte, et encore moins de son frère, un garçon d'intérieur diaboliquement intelligent qui préférait passer ses journées à lire ses livres ou à s'adonner à diverses expériences scientifiques.

- Si vous me faîtes une plaisanterie, elle n'est vraiment pas amusante. Dîtes-moi où vous êtes, maintenant, exigea l'enfant dont la voix était presque nouée par l'anxiété.

Elle pénétra dans la cuisine qui faisait également office de salle à manger. La table n'était pas dressée, le four était éteint et les marmites ne contenaient rien. Personne n'avait préparé le repas. Elle regarda l'horloge murale, suspendue au-dessus du plan de travail. Il était presque deux heures de l'après-midi. Elle avait longtemps vagabondé dans les bois, pourtant aucun repas n'avait été préparé dans cette pièce, alors que sa mère avait eu largement le temps de le faire depuis son départ. L'évier était sec, preuve que personne n'avait utilisé le robinet. Que se passait-il dans cette maison ?

Le coeur serré, Kathy se dirigea vers le salon, de l'autre côté de la maison. Elle avait un mauvais pressentiment, et ses doigts hésitèrent longuement avant de se poser sur la poignée en acier, qu'elle ne tourna pas immédiatement, comme si elle craignait ce qu'elle pourrait trouver de l'autre côté. Au mieux, il n'y aurait personne. Au pire, elle s'interdit d'y penser. C'était impossible. Il ne pouvait rien être arrivé à sa famille.

Enfin, sa petite paume délicate fit pression sur le métal et la porte s'ouvrit. En voyant le salon et le spectacle qui se dévoilait sous ses yeux, elle poussa un hurlement. Le regard bientôt obscurci par les larmes, elle dût se tenir au montant de bois pour ne pas s'évanouir. Pendant un instant, elle crût que son coeur allait cesser de battre, tandis que la terreur l'envahissait totalement.

Chapitre 2 : Abandoned

Abandoned - Alexander Rybak

Spoiler
Kathy releva le bas de sa robe et courut jusqu'à l'écurie, les traits défigurés par l'effroi. Elle regrettait déjà d'avoir dessellé son Ponyta et prit juste le temps de lui remettre son filet. Attrapant le tissu onéreux de son vêtements entre ses petites mains, elle en déchira les coutures avant de monter sur le poney de feu, à cru, alors qu'il se trouvait encore dans son box.

Ils sortirent du bâtiment au galop. Elle lui donna l'ordre de couper à travers champ, et ce fut en piétinant une partie des semences de son père que l'enfant s'éloigna de la scène qui lui avait fait un tel choc. D'un bref claquement de langue, elle encouragea sa monture à sauter par-dessus le grillage qui délimitait la propriété familiale. Elle dût se tenir fermement à l'encolure pour ne pas tomber, car elle n'avait pas trop l'habitude de monter à Ponyta sans selle.

Elle eut peur que le pokémon n'arrive pas à tenir la cadence jusqu'au village, à plusieurs miles de là, mais il était moins fragile que ne pouvait le laisser penser sa frêle apparence et son jeune âge. Il résista jusqu'à ce qu'elle lui demande de s'arrêter, enfin, devant le commissariat de police, où elle mit pied à terre, échevelée.

Les portes coulissèrent pour la laisser pénétrer à l'intérieur. Quatre pairs d'yeux la dévisagèrent : deux adjoints en uniforme aux nuances de bleu, qui sirotaient une tasse de café devant le distributeur, une secrétaire à lunettes, assise derrière l'accueil, et l'agent Jenny elle-même, qui sortait juste de son bureau.

Kathy s'avança, tremblante, les nerfs à vif. La policière se précipita vers elle au moment où, emportée par ses émotions, elle tourna de l'oeil. Elle la rattrapa avant qu'elle ne heurte le sol, puis ses collèges vinrent l'aider à l'allonger sur la banquette la plus proche, prenant bien soin de ne pas la cogner contre la table basse où étaient éparpillés quelques magasines.

- Oh ! s'écria l'agent Jenny au moment où elle voulut prendre son pouls. Regardez ses gants. Arceus tout-puissant, mais c'est du sang ! D'où vient donc cette fillette ? Margot, s'il vous plaît, allez vite chercher l'infirmière Joëlle, dites-lui qu'elle doit venir immédiatement ici. Cette pauvre petite va sûrement avoir besoin de soins. Et vous, allez faire des compresses d'eau fraîche. Prenez ce que vous voulez, serviettes, mouchoirs, mais dépêchez-vous !

Les adjoints se précipitèrent vers l'arrière du commissariat, tandis que la secrétaire sortait dans la rue. L'effervescence avait permis à Kathy de revenir progressivement à elle. Quand elle entrouvrit les yeux, après une minute qui avait semblé interminable à la femme qui lui avait porté secours, sa vision était troublée. Des pleurs remontèrent à la surface lorsque ce qu'elle avait vu plus tôt lui revint en mémoire.

- Bonjour, dit simplement la policière d'une voix très douce pour ne pas l'effrayer, et encore moins la brusquer alors qu'elle reprenait à peine conscience. Je m'appelle Jenny. Fais un geste si tu me comprends.

La fillette ne se sentait pas en état de faire le moindre mouvement, aussi se contenta-t-elle de cligner fermement des yeux, tandis qu'une larme roulait le long de sa joue jusqu'au creux de son oreille, puisqu'elle était allongée.

- Ne bouge pas, je reviens dans une seconde, d'accord ? Ne t'inquiète pas, et surtout ne t'agite pas.

La femme se leva pour atteindre le distributeur adossé au mur derrière elle. Elle inséra quelques piécettes dans la fente prévue à cet effet, puis une bouteille d'eau fraîche en tomba. Elle la déboucha avant d'aller en verser quelques gouttes dans la bouche de l'enfant. Ce ne fut qu'au moment où le liquide toucha ses lèvres que Kathy se rendit compte à quel point elle avait soif.

L'agent Jenny l'aida à se redresser car elle toussota plusieurs fois, ayant du mal à avaler en position allongée. Ses mains se refermèrent sur la bouteille et elle en but une longue gorgée qui lui fit le plus grand bien. Ce fut à cet instant que les adjoints revinrent dans la salle d'accueil, un linge blanc détrempé lacéré entre les mains.

- Elle va mieux, à ce que je vois, constata le plus grand des deux, en tendant tout de même le chiffon humide à sa supérieur.
- Je crois qu'elle est en état de choc. Messieurs, l'infirmière Joëlle va arriver d'un instant à l'autre pour ausculter cette enfant. Vous comprenez que la décence m'oblige à vous demander de patienter dans votre bureau pendant que la petite reçoit ses soins.
- Bien sûr, agent Jenny, affirma le second, plus trapu, en se mettant au garde-à-vous. Nous attendrons. Avertissez-nous quand vous en saurez davantage.

Kathy posa la bouteille d'eau vide sur la table basse, puis se recroquevilla, accolant ses cuisses contre son buste, avant de les encercler de ses bras. La policière acheta une autre boisson, plus sucrée, qu'elle lui donna. L'enfant s'en empara entre ses gants ensanglantées.

- Tu ne veux pas me dire ce qu'il t'est arrivé ?

Elle aurait voulu parler, mais sa gorge nouée l'empêcher d'émettre le moindre son. Elle hocha la tête en signe de dénégation. Comme son regard s'embuait à nouveau, la femme l'invita à prendre une gorgée de soda.

- Et ton nom, peux-tu me le donner ?
- Je... K-K-Kathy, bredouilla l'intéressée en tremblant nerveusement.
- Tu es très jeune, Kathy. Quel âge as-tu ? Onze ans ? Douze ?

Elle répondit par l'affirmative d'un petit couinement apeuré. L'agent Jenny aurait voulu faire quelque chose pour elle, mais cette enfant venait visiblement de subir un traumatisme psychologique, et l'infirmière serait mieux à même qu'elle de lui venir en aide. Elle se contenta de prendre ses petites mains entre les siennes pour ôter ses gants.

Son instinct de policière lui indiquait que le sang n'était pas à la fillette. Elle regarda ses paumes, avant de les comparer aux taches clairsemées sur la dentelle. Seule une égratignure au pouce pouvait correspondre avec le liquide répandu au niveau de l'index de la main droite. Les autres semblaient plus récentes, pourtant l'enfant n'avait aucune autre blessure.

- Que t'es-tu fait ? s'enquit l'agent Jenny en lui montrant la plaie au bout de son doigt.
- J-j-je... Ce-ce-c'est un rosier qui m-m-m'a piquée. J-j-je me suis p-p-perdue en f-f-forêt.
- C'est pour cela que tu es dans un tel état ?

Kathy acquiesça d'une signe de tête au moment où les portes coulissantes s'ouvrirent sur l'infirmière Joëlle qui arrivait enfin, escortée par la secrétaire. Sa trousse sous le bras, son stéthoscope autour du cou, elle accourut vers sa jeune patiente qui l'attendait.

- Que se passe-t-il ? demanda-t-elle tout bas à la policière avant de commencer son examen.
- Je ne sais pas, elle est arrivée ici avec une allure de sauvageonne et elle s'est presque aussitôt évanouie.
- A dos de Ponyta, je suppose. Margot et moi-même en avons vu un juste devant l'entrée de votre commissariat. Il avait un filet, preuve qu'il appartient à quelqu'un. Si vous voulez mon avis, vous feriez bien d'aller l'attacher avant qu'il ne s'échappe.

Tandis que l'agent Jenny s'exécutait, l'infirmière sortit son nécessaire de sa trousse, tout en priant Kathy d'ôter sa robe. Quand elle ne fut plus qu'en sous-vêtements, elle remarqua les marques d'éraflure sur ses bras.

- Que t'est-il arrivé pour que tu es toutes ces blessures ?
- J-j-je... R-r-rien. C-c-ce sont les buissons.

La femme comprit qu'elle n'arriverait à rien avec la fillette dans un tel état. Dans un verre d'eau qu'elle alla chercher au robinet, elle lui dilua un calmant. C'était un médicament pour adulte, aussi ne lui en donna-t-elle qu'une faible dose, nécessaire pour calmer ses nerfs qui semblaient à bout.

Il fit bientôt effet. L'infirmière, alors qu'elle appliquait un cataplasme d'Anti-Brûle sur les jambes frêles qui avaient souffert du contact avec la peau ardente du Ponyta, constata avec soulagement que les tremblements commençaient à s'atténuer.

- Tu n'aurais pas dû monter à cru, tu sais. Heureusement qu'il ne s'agissait pas d'un Galopa, car les dégâts auraient été plus importants. Il faut toujours une couche protectrice entre la robe de ces pokémon et ta peau. Un simple pantalon en tissu tout ce qu'il y a de plus banal aurait suffi.
- Je sais, murmura Kathy d'une voix plus reposée, probablement à cause du calmant, mais néanmoins toujours hésitante. Je n'avais pas le temps. Je... Je devais venir.
- Comment cela, pas le temps ? Ah, Jenny ! Vous revenez au bon moment, pourriez-vous s'il vous plaît me couper un morceau de bande stérilisée pendant que je désinfecte ces égratignures.
- Avez-vous vu ses gants, Joëlle ? s'enquit la policière, les sourcils froncés, tout en lui tendant ce qu'elle lui avait réclamé.
- Non, qu'ont-ils ? Oh !

L'infirmière ouvrit des yeux ronds et manqua de lâcher le coton alcoolisé avec lequel elle nettoyait les griffures que les ronces avaient infligées à Kathy. Elle avait suivi le regard de son interlocutrice jusqu'à l'objet en question.

- Par Arceus, tes blessures sont toutes superficielles. Comment cela se fait-il que tes gants soient couvertes de tout ce sang alors que tu n'as qu'une petite entaille au doigt ?
- Ce n'est pas le mien, articula lentement l'enfant dont l'esprit devenait de plus en plus confus suite au médicament dont elle n'avait pas l'habitude. C'est ma faute.
- Qu'est-ce qui est ta faute ? insista l'agent Jenny en venant s'agenouiller face à elle pour prendre ses mains entre les siennes.
- Je devais rentrer avant midi, or j'ai voulu suivre un Cerfrousse à cause duquel je me suis égarée. Je suis arrivée à la maison avec plus de deux heures de retard et là... là... Si seulement je ne m'étais pas perdue !
- Où habites-tu ?
- A environ trois miles après la sortie du village. Au milieu des champs, il y a une ferme qui appartient à mes parents.
- Je vais envoyer immédiatement mes adjoints sur place, mais il faut que tu me donnes plus de précision quant à ce que tu as découvert, afin qu'ils sachent quoi chercher.
- Il n'y a rien, affirma Kathy contre toute attente. Juste du sang, beaucoup de sang. Mais rien d'autre. Les murs du salon ont été éclaboussés, ainsi que les meubles. Si j'en ai par mes gants, c'est parce que je me suis appuyée sur le battant de la porte, qui lui aussi en était plein.
- Tu n'as rien à te reprocher. Au contraire, tu as été courageuse de venir jusqu'ici nous avertir. Quant à ce qui s'est passé dans la forêt, je crois qu'au contraire que cela t'a été bénéfique. Si tu étais rentrée à l'heure prévue, je doute que tu aies pu faire quoi que ce soit pour sauver ta famille et tu aurais disparu en même temps qu'eux. Là, grâce à ton intervention, nous avons une chance de les retrouver.
- Je doute qu'avec tout le sang que j'ai vu, il y ait la moindre chance qu'ils soient encore vivant au moment où nous parlons, affirma la fillette en pleurs avec un éclair de lucidité. Et maintenant, sans mon frère et mes parents, je suis toute seule.
- Jenny, allez sans tarder sur les lieux. Vos adjoints ne suffiront pas, vous êtes la plus qualifiée pour mener cette enquête. Ne vous tracassez pas pour la petite, je vais m'en occuper.
- S'il y a la moindre chance, le plus petit espoir, je te jure que je te ramènerai ta famille, Kathy. Mais surtout, ne quitte pas la surveillance de l'infirmière Joëlle pour l'instant. Je vous la confie, mon amie. Et les monstres qui ont fait cela finiront leur vie en prison, je peux vous l'assurer.

Le regard déterminé, la policière appela ses collègues tandis que Kathy se rhabillait, et ils quittèrent les lieux en toute hâte pour se rendre sur la scène de crime. L'enfant aurait aimé se bercer d'illusions : restait-il la plus infime lueur ? Se pouvaient-ils que ses parents soient encore vivants, ainsi que son frère, malgré tout ce sang ? Avait-elle le droit d'espérer, au risque d'être ensuite abattue par la réalité ?

Chapitre 3 : Walking on water

Walking on water - Yohanna

Spoiler
Cela faisait déjà un long moment que les agents de police étaient partis. Kathy était parvenue à se détendre et pensait désormais avec un peu plus de clairvoyance. Elle réfléchissait à la situation, tâchant de relier tous les évènements entre eux, même si cela était complexe.

- Infirmière Joëlle ! s'exclama le plus grand des adjoints en pénétrant dans le commissariat tel un courant d'air. Jenny m'envoie chercher l'enfant. Je dois lui poser davantage de questions au sujet de cette affaire, si vous la croyez en état de répondre, et si possible même la ramener sur les lieux du crime.
- Ce n'est pas à moi qu'il faut demander cela. Elle seule peut savoir si elle est en mesure de vous répondre. Kathy, te sens-tu capable d'aider la police ou veux-tu rester encore un peu tranquille ?
- Non, je dois les aider. Il y va de l'avenir de ma famille. J'accepte également de vous accompagner, à une condition : s'il vous plaît, ne me forcez pas à retourner dans le salon.
- Je te le promets. Nous avons fouillé toutes les pièces de la maison, et je me suis dit que tu aurais peut-être besoin de cela. Il me semble que c'est à toi, non ?

Il lui tendit une robe en dentelle jaune pastel qu'il avait dû prendre dans son armoire. Elle regarda la sienne, en lambeaux, et le remercia d'un signe de tête d'avoir eu cette intention. Il la conduisit, sous le regard bienveillant de l'infirmière Joëlle, dans le bureau de l'agent Jenny où elle put se changer à l'abri des regards.

Quand elle en ressortit une poignée de minutes plus tard, elle était en apparence présentable, à l'exception de ses cheveux qui n'étaient toujours pas coiffés. La soigneuse lui adressa quelques encouragements auxquels elle ne répondit pas, puis suivit le policier jusqu'à sa moto qui était garée devant le bâtiment.

Avec précautions, il l'aida à s'installer dans le sit-car où il lui boucla sa ceinture avant de lui donner un casque qu'elle attacha sous son menton. Fin prêts, ils partirent pour la ferme familiale, désormais devenue une scène de crime.

L'agent Jenny était venue les attendre à l'extrémité du grand pont qui surplombait la rivière, entre deux champs. Le chemin de terre qui suivait ce tracé menait directement à l'habitation. L'adjoint coupa le moteur tandis que la femme assistait Kathy, aux prises avec son harnachement.

- Tu es une fillette très courageuse, la complimenta-t-elle. Je vais te poser les questions nécessaires à l'enquête tout de suite, au cas-où ta présence ici devienne trop difficile pour toi, tu veux bien ?

L'enfant acquiesça brièvement et la policière posa une main sur l'épaule pour l'obliger à faire quelques pas. Elle garda le silence un moment, pour la laisser se préparer mentalement. Kathy observait les alentours : dire qu'elle avait quitté sa maison le matin même, alors que tout allait bien, et qu'après s'être égarée dans les bois, elle revenait affronter une situation de crise. Elle frissonna, songeant à la brutalité de l'évènement qui était tombée sans crier gare. Elle ne pouvait même pas se souvenir des dernières paroles qu'elle avait échangé avec chacun des membres de sa famille avant son départ.

- Tes parents avaient-ils des ennemis ? Des gens qui leur en auraient voulu pour une raison ou une autre ?
- Non, je ne crois pas. Nous ne connaissions pas beaucoup de monde, pour tout dire. Ils faisaient souvent du commerce avec les gens du village, et des échanges avec les fermes alentours, mais je n'ai pas souvenir que cela se soit un jour mal passé.
- Et ton frère, tu peux me parler de lui ? Quel âge a-t-il ?
- Il s'appelle Eric et il a quinze ans. C'est un véritable génie, mais il ne parle quasiment jamais. Il lit énormément, c'est pour cela qu'il connait autant de chose. Je ne lui connais aucun ami en dehors de son microscope.
- Bien, ta famille est donc plutôt d'un genre discret, pas de celle qui s'attire des ennuis. Hum... Voilà qui complique la chose. Et tu ne te rappelles pas d'un détail qui aurait attiré ton attention comme... Je ne sais pas, un évènement inhabituel, un comportement étrange ou des personnes inconnues ?
- Pas que je sache. Tout était normal, je crois.
- Et maintenant, est-ce que tu remarques quelque chose de changer, ici ? Un élément en plus ou en moins dans le décor, ou qui aurait bougé ?
- Rien de tout cela. Je ne vois pas ce que je pourrais ajouter d'autre, agent Jenny. Je vous ai dit tout ce que je croyais pouvoir vous être utile. Cela vous a-t-il aider ?
- D'une certaine manière, oui. Si tu veux, Yann va te ramener au Centre Pokémon, tu pourras rester là-bas aussi longtemps que tu le souhaites.
- Merci, mais pour l'instant, j'aimerais passer encore un peu de temps ici. Je pourrais peut-être encore vous servir.

La policière acquiesça d'un signe de tête avant de se diriger vers ses collègues. Kathy trouvait cela étrange qu'elle ne lui ait pas dit un mot sur la progression de l'enquête. Si elle cherchait à la préserver, elle avait tort. Certes, elle avait peur qu'on lui annonce le pire, mais elle ne voulait pas pour autant être ménagée. La vérité finirait bien par être découverte, elle aurait simplement voulu des précisions pour savoir à quoi s'en tenir. C'était tout de même sa famille qui s'était volatilisée en le laissant derrière qu'une mare sanguinolente.

Discrètement, elle s'approcha du petit groupe de policiers jusqu'à être suffisamment près pour entendre leur conversation. Ils parlaient tous à voix très basse, ce qui confirmait son idée qu'ils ne voulaient rien qu'elle découvre.

- A-t-on bouclé le périmètre ?
- Je l'ai fait sitôt après notre arrivée, pendant que vous preniez la scène de crime en photo. Entre nous, je n'avais encore jamais rien vu de tel auparavant. Je sais que c'est surtout les éclaboussures qui donnent cette impression, mais il y a quand même beaucoup de sang.
- J'en ai prélevé quelques échantillons que je ferais parvenir au laboratoire dès que nous serons rentrés.
- Et vous, agent Jenny, avez-vous appris quelque chose avec l'enfant ?
- Apparemment, ses parents étaient en bon terme avec tout le monde. D'après ce que j'ai compris, ils n'étaient pas du genre à sympathiser facilement, mais leurs relations avec leurs fréquentations étaient parfaitement correctes. Selon la fillette, il n'y avait personne susceptible de leur en vouloir.
- Ce n'est pas bon signe, tout cela. Une famille discrète, sans ennuis... Généralement, quand il y a enlèvement, c'est dans un but bien précis : vengeance, demande de rançon... Or, ils étaient commerçants, ils ne devaient pas gagner des millions. Cependant, si cela avait été l'oeuvre d'un tueur fou, pourquoi avoir fait disparaître les corps ? Dans les deux cas, cela ne colle pas.

Cinq paires d'yeux se tournèrent vers Kathy, qui avait cessé de faire comme si de rien était pour les fixer. Elle n'avait pas perdu un mot de la conversation, qui lui indiquait clairement qu'elle avait probablement très peu de chance de revoir sa famille.

- Vous ne les retrouvez jamais, n'est-ce pas ? interrogea-t-elle, les lèvres tremblotantes.

L'agent Jenny s'agenouilla pour être à sa hauteur et posa une main sur son épaule qu'elle pressa légèrement, en signe de soutien. Son regard plongé dans le sien, embué, elle lui affirma d'une voix douce :

- Le modus operandi ne ressemble à aucun autre. Il a de fortes chances que ta famille soit encore vivante à l'heure qu'il est. Nous n'avons pas trouvé de corps, ce qui est plutôt bon signe. Rien n'empêche de toujours croire à un enlèvement. Si tel est le cas, les ravisseurs devraient prendre contact avec nous d'ici la fin de la journée.
- Pourquoi des kidnappeurs enlèveraient-ils ma famille pour demander quelque chose en échange ? Nous ne possédons rien que quelqu'un puisse vouloir.
- Tu sais, dès fois, il y a des choses auxquelles on ne pense pas au premier abord : une peinture valant des millions que vous preniez pour une croûte, un objet rare que vous avez oublié au grenier, ou plein d'autres choses. Ecoute, je pense que tu ferais mieux d'aller au Centre Pokémon. Tu dois être épuisée par les évènements récents qui se succèdent à une telle vitesse. J'enverrai un Roucool te prévenir dès que j'aurai dû nouveau. Je te l'ai dit, nous retrouverons ta famille.
- J'espère que vous dites vrai. J'attendrai votre message avec impatience. Par contre, est-ce qu'avant de partir, je pourrais aller chercher la selle de mon Ponyta ? Je l'ai laissée à l'écurie.
- D'accord, mais fais-vite. Je vais dire à Yann de t'attendre devant le sit-car, tu le rejoindras directement.

Kathy approuva d'un signe de tête puis se hâta d'aller chercher ce dont elle avait besoin. L'adjoint, en la voyant marcher dans sa direction avec l'objet en cuir deux fois plus large qu'elle dans les bras, se dépêcha d'aller le lui prendre. Quand elle se fut assise dans sit-car, il déposa délicatement la selle sur ses genoux. Il allait démarrer lorsqu'une femme arriva par le chemin au milieu duquel Yann avait garé la moto.

Elle portait une tenue de plongée noire et moulante, avec une bouteille d'oxygène fixée dans son dos. Quatre Mustébouée et un Musteflot l'accompagnaient : ils se tenaient derrière elle, le dos droit. La nouvelle venue se mit au garde-à-vous devant le policier qui était en faction sur le pont afin de vérifier que personne ne viendrait interférer dans le bon déroulement de l'enquête. Rapidement, elle lui montra un badge que Kathy n'eut pas le temps d'entrevoir.

- Escouade aquatique, lieutenant. L'agent Jenny m'a demandée de venir aussi vite que possible. Je suis ici pour drainer la rivière avec mes pokémon à l'entraînement spécialisé afin de retrouver de potentiels cadavres.

Le visage de l'adjoint se figea alors qu'il s'apprêtait à enfiler son casque. La fillette leva les yeux vers lui, le regard sombre. Soudain, il se sentit terriblement gêné. Elle serra les dents, furieuse, le corps à nouveau parcouru de tremblements nerveux. Plusieurs nausées l'obligèrent à se pencher sur le bord du sit-car, car ce qu'elle venait d'entendre lui avait noué le ventre.

Pourquoi l'agent Jenny, ainsi que la police, s'échinaient-ils tous à lui mentir de la sorte ? Ce n'était pas sa famille vivante qu'ils recherchaient, mais bel et bien des corps. Pourquoi donc ne cessait-on pas de lui répéter que les choses allaient s'arranger, qu'elle n'avait pas de raison de s'inquiéter ?

Ils la prenaient tous pour une enfant, mais malgré son apparente fragilité lorsqu'elle était arrivée au commissariat, elle était beaucoup plus forte qu'ils ne semblaient le croire. Elle aurait voulu entendre la vérité, mais apparemment, eux n'y tenaient pas plus que cela. Elle était certaine qu'ils agissaient de la sorte pour son propre bien, mais être tenue à l'écart lui faisait plus de mal.

Cependant, Yann ne lui laissa pas le temps de poser la moindre question sur la situation. Il fit rugir le moteur de son véhicule et elle regarda la scène de crime s'éloigner derrière elle, en même temps que presque tous ses espoirs de retrouver ses proches sains et saufs. Désormais, il ne lui restait plus qu'à attendre, attendre que quelqu'un daigne lui dire la vérité, plutôt que de la prendre pour la fillette qu'elle n'était plus. Elle le comprenait seulement là : elle avait cessé d'être une enfant à l'instant même, fatal, où elle avait poussé la porte du salon.

Chapitre 4 : Après tout ça

Après tout ça - Frédéric Lerner

Spoiler
Les journées s'écoulèrent, les unes après les autres, interminables. Kathy pouvait à peine quitter sa chambre au Centre Pokémon, car des policiers la surveillaient constamment. Pour la protéger, disaient-ils, encore une fois. Les agresseurs en avaient peut-être aussi après la fillette et risquaient de venir s'en prendre à elle n'importe quand.

Cependant, l'intéressée elle-même n'y croyait guère. Tout ce qu'elle voulait, c'était revoir sa famille. Malheureusement, les espoirs qu'elle avait étaient passés de très minces à inexistants. Si ses parents et son frère étaient vivants, même rien que l'un d'entre eux, l'agent Jenny et ses collègues les auraient déjà retrouvés.

Elle avait cessé de relire les messages que la policière lui avait envoyé par Roucool afin d'y déceler la moindre raison de penser que les choses pouvaient s'arranger. Aucun élément nouveau ne se profilait à l'horizon de l'enquête. Ils n'avaient pas le moindre indice, pas le moindre suspect. Jenny avait interrogé les voisins qui traitaient avec la famille de Kathy, et ceux-ci avaient confirmé les dires de l'enfant : ses parents étaient des gens tranquilles, sympathiques et serviables, quoique peu bavards.

Un matin, quasiment deux semaines après le drame, alors que l'affaire était quasiment au point mort, la fillette fut réveillée par les premières lueurs de l'aube. L'infirmière Joëlle, au début du son service matinal, avait dû venir lui déposer son petit-déjeuner sans qu'elle ne l'entende, car un plateau appétissant se trouvait sur la table à roulettes.

Aussi délicieuses que la pile de crêpes au sirop d'érable et les tartines de pains avaient l'air de l'être, accompagnées par un grand verre de jus de fruits frais, Kathy n'avait pas faim. Elle descendit du lit, posant ses pieds nus sur le carrelage froid. Elle ignora ses pantoufles molletonnées qui gisaient un peu plus loin et se dirigea directement vers la fenêtre qu'elle entrouvrit.

Elle pouvait presque apercevoir la rue principale de là où elle était, toujours très animée, alors même qu'il était très tôt. Elle n'était pas sortie de cette chambre depuis des jours, dans laquelle la police ne cessait de passer pour lui poser de nouvelles questions qui tournaient toutes plus ou moins en rond ou simplement lui demander comment elle allait, comportement fort idiot étant donné qu'elle se retrouvait seule, perdue et désespérée.

Sur la pointe des pieds, elle ouvrit silencieusement la petite armoire murale d'où elle sortit une robe noire au col et aux manches de dentelles, qu'elle enfila à la place de son pyjama. Ses bottes couvertes de boue se trouvaient dans la petite salle de bain. Depuis son arrivée, elle devait les nettoyer, mais entre ses réflexions personnelles et les interruptions incessantes des agents, elle n'avait eu ni le temps ni l'envie de le faire.

Toujours sans bruit, elle ouvrit la porte du couloir. A l'exception de l'infirmière Joëlle qui devait effectuer sa première ronde, tout le monde semblait être endormi, y compris le policier charger d'assurer sa protection, profondément assoupi sur une chaise en métal inconfortable.

Kathy s'assura que la voie était libre avant de filer à toute allure le long du corridor jusqu'à la salle d'accueil. Elle se plaqua derrière le comptoir, fort soulagée que l'infirmière ne s'y trouve pas, puis, après avoir jeté un dernier coup d'oeil de chaque côté, se précipita hors du Centre Pokémon.

Elle rejoignit son Ponyta qu'ils avaient installé dans le jardinet, qui se situait juste derrière le bâtiment au toit rouge. Ce dernier dodelina de la tête en la voyant arriver, heureux de revoir sa maîtresse. Gantée, elle caressa son encolure flamboyante avant de se lancer à la recherche de sa selle. Elle était stockée dans un petit cagibi, dans l'angle que formait la barrière qui cernait le morceau de terrain. Elle la sangla sur le dos de son pokémon avant de s'y installer en amazone.

- Allons faire un tour, mon grand. J'ai besoin d'air, et ici, j'étouffe.

Un léger coup de talons dans les flancs du poney de feu suffit à le faire partir au petit trot. Elle ne savait pas vraiment où elle avait l'intention d'aller : elle voulait simplement fuir, quitter ce Centre Pokémon dans lequel elle était captive depuis déjà trop longtemps. Elle devait réfléchir, mais pour cela, il fallait avant tout qu'elle soit seule.

Ils descendirent la grand-rue jusqu'à la sortie de la ville, sous les regards des passants qui la dévisageaient. Elle fut surprise par ce comportement : à croire qu'ils n'avaient jamais vu personne à dos de Ponyta, qui était pourtant le moyen de transport le plus rapide lorsqu'on ne voulait pas marcher.

Elle erra un bon moment, sans but ni destination, avant de d'arrêter à proximité d'un ravin. Il était si profond que le bas était plongé dans l'obscurité. Kathy y jeta un caillou qui résonna au bout d'une demi-minute. Survivre à une chute pareille était inimaginable, pourtant, en dépit du risque, elle s'avança encore, comme fascinée.

Agenouillée à ras du précipice, elle resta sereine un instant, les yeux fermés, écoutant les bruits de la nature au tour d'elle, avant de s'apercevoir que tout ceci lui rappelait la ferme, sa famille. Jamais plus elle ne les reverrait, et elle savait qu'elle n'aurait pas non plus le courage suffisant pour rentrer chez elle après ce qu'il s'y était produit.

Ses yeux s'emplirent de larmes qu'elle ne put maîtriser. Elle revoyait son frère, à la nuit tombante, allongé devant la cheminée de sa chambre, ses lunettes sur le nez, un livre posé sur le tapis devant lui. Elle pensait à sa mère, tricotant dans l'un des fauteuils désormais ensanglanté du salon un pull ou une écharpe, en vue des rudes hivers qu'ils traversaient à la ferme. Son père, lui fumait la pipe, en somnolant, après une dure journée de labeur, le vieux Chaffreux couché sur ses genoux.

Elle n'avait pas souvenir d'avoir vu le pokémon lorsqu'elle était revenue de la forêt. Sans doute s'était-il enfui dans la panique, si panique il y avait eu, à moins qu'il n'ait été enlevé par les agresseurs, tout comme sa famille, ou au moins leur corps. Cependant, personne n'aurait été s'embêté d'une créature comme lui, âgé et paresseuse. La première explication restait donc la plus valable.

Kathy songeait également aux troupeaux. Les voisins venaient les nourrir régulièrement, selon l'agent Jenny, mais qu'adviendrait-il d'eux si personne ne revenait jamais à la ferme ? Il faudrait les vendre, et la fillette perdrait ainsi tout ce qui faisait la fierté de son père : ses Tauros, avec lesquels il avait remporté plusieurs concours de pokémon bovin, ses Ecremeuh, qui donnaient le meilleur lait de la région, et les Wattouat, dont la laine leur avait offert des vêtements si chauds.

Et après ? Etait-ce là la seule issue ? Tout ceci allait être dispersé aux quatre vents ? Et bientôt, il ne resterait plus rien de sa famille, que des souvenirs qu'elle avait peut-être rêvé, car certes, il y avait eu des bons moments passés avec eux, mais aussi d'autres, moins plaisants, cependant elle n'arrivait actuellement qu'à se rappeler des instants heureux.

Que lui restait-il, désormais ? L'espoir envolé, sa famille disparue, l'incapacité à retourner vivre dans la ferme où elle était née, où elle avait grandi, qu'allait-il advenir d'elle ? C'était la seule vie qu'elle avait jamais connu, et le sol sur lequel elle avait si longtemps marché venait de s'effondrer sous ses pieds. Elle n'avait plus rien, rien pour se raccrocher, personne pour la retenir.

Elle s'allongea sur la terre sèche, en Grahyena de fusil, en la frappant du poing au même rythme que coulaient ses pleurs. Tout avait perdu son sens, la vie elle-même n'avait plus de raison d'être vécue. Elle aurait voulu que ses parents soient là, ils l'auraient guidée sur la voie à suivre. Mais désormais, elle était seule, à jamais seule. Tout ce qu'elle aimait, tout ce qu'elle avait s'était enfui. Il ne restait rien, à part ses larmes qui semblaient ne plus pouvoir se tarir.

Elle aurait voulu entendre leur voix, leur parler. Qu'ils lui prodiguent une dernière fois amour et conseil, alors qu'elle en avait le plus besoin. Mais rien ne se produisit. Jamais plus elle ne les reverrait, elle devrait apprendre à vivre sans eux, sans personne. Elle était si jeune, elle ne connaissait rien. Elle n'était pas son frère qui avait tout lu dans les livres, bien que son savoir ne l'ait pas épargné non plus. Son avenir était flou, sombre. En avait-elle un, d'abord ?

Si seulement elle ne s'était pas égarée dans cette maudite forêt ! Elle serait rentrée à l'heure prévue. Elle aurait été avec les siens en ce fatal instant, qu'importe ce qui avait pu se passer d'ailleurs. Elle aurait mille fois mieux préférer subir le même sort qu'eux, aussi atroce qu'il pouvait l'être, à la ferme, plutôt que de se retrouver ici, vivante, mais seule, et profondément marquée par le traumatisme. Le remord la dévorait de l'intérieur : si sa famille était belle et bien morte, comme tout semblait le laisser croire, quelle était la raison de sa survie ? Pourquoi le hasard l'avait-il protégé d'un sort auquel tous auraient probablement dû être destiné ?

Elle ne devait sa vie qu'à la désobéissance. En effet, depuis qu'elle était enfant, elle avait promis, ainsi que son frère, de ne jamais s'éloigner de l'orée de la forêt, et encore moins du sentier. Elle ne méritait pas la chance qu'elle avait eu, elle ne l'avait même pas obtenue de manière honnête. Si elle avait écouté les recommandations de ses parents au lieu de n'en faire qu'à sa tête pour se lancer à la poursuite de ce Cerfrousse, elle serait avec eux, où qu'ils soient, à l'heure actuelle.

Pourtant, il n'était peut-être pas trop tard. Kathy se redressa, les yeux rougis et la peau de son visage irritée par les larmes. Elle posa son regard rendu trouble par les pleurs sur le ravin, juste devant elle. Sa famille n'était peut-être pas perdue, finalement. Elle n'avait qu'un pas, un tout petit pas à faire, minuscule, et elle pourrait les rejoindre. Ainsi, ils seraient de nouveau ensemble, comme si rien ne s'était passé. Elle arrêterait de souffrir. Une fois auprès d'eux, sa culpabilité s'envolerait. Sa mère lui pardonnerait sûrement d'avoir désobéi, si elle les retrouvait.

Elle se releva. Ses jambes étaient lourdes, comme si elles étaient faites de plomb et non de chair. Elle en souleva une, puis l'autre, mais cela lui demanda un effort considérable, en dépit du vide, à un mètre d'elle, qui l'appelait inexorablement. Elle pouvait le faire. Elle devait le faire. Et après ? Une fois qu'elle se serait écrasée au bas du précipice ?

Après, elle serait libre, enfin, de tout le poids qui l'oppresse. Elle le partagerait à nouveau avec ses parents, son frère, et son fardeau serait bien loin. Après, elle serait de retour auprès des siens, qu'elle n'aurait même jamais dû quitter. Pour cela, il n'y avait plus qu'une seule chose à faire.

Kathy fit encore un pas en avant, le dernier. Elle aurait juré entendre quelqu'un crier, dans son dos, mais il s'agissait probablement d'un effet de son imagination, ou le bruit du vent à ses oreilles. Elle n'entendrait bientôt plus rien. Ses pieds quittèrent le sol pour sentir le vide au-dessous d'eux, puis se fut la chute. Elle ferma les yeux, attendant que la mort vienne la prendre pour la ramener auprès des siens disparus.

Une violente douleur la prit cependant au poignet, puis un peu plus bas, sur son avant-bras. Le trépas ne pouvait pas être si douloureux. La fillette entrouvrit les paupières, pour se voir figée dans les airs, immobiles. Sa chute avait été stoppée. Elle leva les yeux vers le haut du ravin, pour voir une silhouette floue, celle-là même qui retenait son bras. Elle sentait les ongles qui s'enfonçaient dans sa chair, la brûlure de la peau de l'autre qui la serrait si fort que cela lui faisait mal.

N'avait-on pas compris ? Si elle avait sauté du haut de ce précipice, c'était bien parce qu'elle ne tenait pas à ce qu'on la sauve. La personne qui la tenait la tira cependant fermement vers le haut et, à contrecoeur, Kathy poussa l'à-pic avec ses pieds afin de remonter, pour ne pas entraîner celui ou celle qui avait cru la sauver de la chute.

Chapitre 5 : Stronger

Stronger - Kelly Clarkson

Spoiler
Kathy finit par revenir sur la terre ferme. Elle s'effondra dans les bras de la personne qui venait de la sauver, épuisée. C'était une femme, très belle, vêtue d'un manteau noir et d'habits de la même couleur. Elle avait de longs cheveux blonds retenus par un serre-tête à l'allure d'oreilles de Noctali. La fillette fut également surprise par son parfum, doux, vanillé, qui évoquait vaguement celui que sa mère portait.

- Pourrais-je savoir ce qu'il t'est venu à l'esprit ? demanda-t-elle en caressant le dos de l'enfant qui restait blottie contre elle.
- Je... Je ne sais pas trop. Je pensais... Je croyais que peut-être... Enfin, je voulais revoir ma famille.
- L'agent Jenny m'a expliqué ce qui s'est passé. Avec l'infirmière Joëlle, elles étaient mortes d'inquiétude, et elles avaient bien raison. Ecoute-moi, rien ne prouve que tes proches sont morts, alors te suicider simplement avec cette pensée injustifiée ne te mènerait nulle part, au contraire.
- S'ils étaient vivants, nous les aurions retrouvés.
- Ils sont peut-être simplement très bien cachés.

La femme se mit debout puis aida Kathy à en faire autant. Elle nettoya les vêtements de la fillette avant d'en faire de même avec les siens. Un sourire amicale, chaleureux, apparut sur son visage. Pour la première fois depuis le drame, l'enfant avait l'impression de se sentir en sécurité, entourée.

- Au fait, je ne t'ai même pas dit mon nom. Je suis Cynthia, la Championne de Sinnoh.
- Une Championne ? Qu'est-ce donc ?

Son interlocutrice la regarda, un peu étonnée. Jusqu'à présent, toutes les personnes qu'elle avait croisées, même les plus jeunes, savaient quel était son rôle dans la région. Jamais on ne lui avait posé une telle question, si bien qu'elle ne sut tout d'abord pas vraiment comment y répondre.

- Hum... Comment dire ? En fait, je fais partie du Conseil Quatre de Sinnoh. Du moins, j'en suis le Maître. Mes amis et moi-même sommes considérés comme l'élite des dresseurs pokémon, et notre rôle, en particulier le mien, est de nous assurer que l'ordre et la quiétude règnent dans la région. Aussi, comme j'étais de passage dans le coin, et que j'avais entendu parler de ton histoire, j'ai décidé de venir t'apporter mon soutien. Je peux te dire que maintenant, je suis encore plus heureuse de l'avoir fait, sans quoi tu serais au fond du ravin à l'instant où nous parlons.
- Qu'est-ce que cela aurait changé, de toute façon ? Je ne reverrais probablement jamais mes parents, ni mon frère, et ne peux plus retourner vivre dans notre ferme, car cela me serait insupportable. Je n'ai nulle part où aller, ni plus personne.
- Tu es au Centre Pokémon, non ? Et l'infirmière Joëlle est gentille avec toi, n'est-ce pas ?
- Je n'ai même pas le droit de sortir de ma chambre. Ils ont peur que les personnes qui s'en sont prises aux miens me retrouvent et me fassent subir le même sort.
- Ils s'inquiètent seulement pour toi. Tu sais, c'est le rôle de la police d'assurer la sécurité des citoyens.
- Mais pas la mienne ! Je n'ai pas peur. Ces meurtriers peuvent venir me chercher, qu'importe ! Au moins, j'aurais peut-être une chance de savoir ce qui est arrivé à ma famille, et surtout pourquoi, même si je dois en périr dans les minutes à suivre.

Kathy porta une main à ses yeux pour essuyer les larmes qui étaient venues y perler. Celle qui l'accompagnait sortit un mouchoir de l'une de ses poches et s'accroupit pour essuyer ses joues humides, avant de lui déposer le petit carré de lin blanc, sur lequel un C calligraphié était brodé, dans la main.

- Tu es une fillette très courageuse, murmura la Championne en prenant son visage entre ses mains pour balayer les pleurs restants du revers du pouce. Je crois simplement que tu es restée seule trop longtemps. L'agent Jenny et ses collègues ont fait leur travail, qui consiste à veiller qu'il ne t'arrive rien, et de manière irréprochable. L'ennui, c'est qu'ils n'ont pas pris en compte le fait que tu ne sois qu'une enfant, que le traumatisme et le drame hantent toujours. Tu ne dois surtout pas rester seule confinée dans une pièce. Il faut te donner la force de dépasser cette tragique situation, même si je sais que tu vas me dire que c'est impossible. Et puis, réfléchis une seconde, si tes parents et ton frère n'étaient pas morts, tu imagines le chagrin que cela leur causerait s'ils apprenaient que toi, tu l'es ?
- Mais s'ils ne le sont pas, pourquoi l'agent Jenny ne les retrouve-t-elle pas ? Elle est incapable de dire ce qui a pu se produire dans le salon, ni même pourquoi il y a autant de sang. L'enquête est quasiment à l'arrêt, il n'y a aucune nouvelle qui puisse encourager le moindre espoir. Elle n'a même pas découvert un infime indice qui laisserait penser que ma famille est en vie.
- Dans ce cas, c'est une raison supplémentaire pour que toi tu continues à l'être. Tu es encore une enfant, et ce genre de chose te mettrait en danger, mais pense, d'ici quelques années, que tu pourras pendre la relève de la police. Tu chercheras tes parents, ton frère, et tu démêleras le mystère qui entoure leur disparition. Tu as besoin d'un peu de temps, mais un jour, tu seras en mesure de le faire. Il faut seulement que tu patientes, et surtout que tu restes vivante. Quand le moment sera venu, je sais que tu résoudras cette énigme. Tu vois, il te reste encore quelque chose à faire, et un but à poursuivre.
- Vous en êtes vraiment certaine ?
- Absolument, répondit Cynthia en lui adressant un sourire sincère. Et maintenant, si je t'emmenais manger une glace, qu'en penses-tu ? J'ai cru comprendre que tu étais partie sans prendre de petit-déjeuner, tu dois être affamée.

Comme pour confirmer les propos de la femme, le ventre de Kathy se mit à gronder. Elle esquissa un rire, puis son visage redevint hermétique. Malgré toutes les paroles réconfortantes de sa sauveuse, elle n'avait toujours pas le coeur à l'allégresse. Tête basse, elle se dirigea vers son Ponyta sur lequel la Championne l'aida à monter.

Le pokémon avançait au petit pas pour ne pas perdre en route leur accompagnatrice, qui marchait à côté d'eux. La fillette la regarda plusieurs fois en catimini : ses yeux gris pétillants, son visage gracieux, sa douceur, l'arôme délicat de son parfum... Tout en elle lui inspirait confiance, et dans une moindre mesure, lui rappelait sa mère, bien que les deux femmes ne se ressemblaient absolument pas physiquement.

Bientôt, elles furent de retour au village, qui était cerné par la police. Cynthia alla les rassurer. Elle les pria de transmettre à l'agent Jenny le message que tout allait bien et que l'enfant était en sécurité avec elle. Elle les informa ensuite qu'elle la ramènerait le soir même au Centre Pokémon, où elle devrait alors s'entretenir avec leur supérieure.

- Quel parfum désires-tu ? s'enquit-elle après qu'elles aient repris leur route.
- Je vous demande pardon ?
- Ta glace, à quoi la veux-tu ?
- Oh, euh... Menthe-chocolat, s'il vous plait. C'était le parfum que Maman faisait le plus souvent lorsque j'étais petite, et mon préféré.
- D'accord, attends-moi là, je reviens dans une minute.

Kathy guida son Ponyta à l'aide de ses rênes sur le bas-côté du chemin en terre qui faisait office de grand-rue, afin de ne pas gêner la circulation pourtant quasiment inexistante, pendant que Cynthia rentrait dans une échoppe aux couleurs acidulées, mélange de jaune vif et rose bonbon.

Quand elle en ressortit, elle tenait deux cornets. Elle tendit le sien à la fillette avant d'entamer sa glace, sur laquelle s'empilait trois boules pistache, chocolat et citron. Avec un clin d'oeil, elle lui affirma qu'elle était très gourmande, avant de poser un doigt sur ses lèvres pour lui indiquer qu'il s'agissait là d'un secret.

La fillette savoura son cornet avec délice. Bien que cela n'avait pas d'équivalent avec la cuisine de sa mère, elle le trouva tout de même excellent. Elle lécha sa glace jusqu'à la dernière goutte, avant de dévorer le cône en quelques bouchées. Cynthia, quant à elle, avait déjà terminée la sienne, pourtant beaucoup plus grosse.

- Oulà ! Tu en as partout autour de la bouche. As-tu toujours le mouchoir que je t'ai donné tout à l'heure ?

Kathy sortit de sa poche l'objet qu'elle tendit à la Championne. Elle lui essuya délicatement les lèvres et les joues, qui laissèrent de fines traces vertes sur le tissu blanc. Avec son sourire qui ne la quittait pas, elle le lui rendit en lui affirmant qu'elle lui en faisait cadeau.

- Tu pourrais encore en avoir besoin à l'avenir. Et puis, si tu manges une autre glace, tu ne voudrais pas attirer les Dardargnan, tu ne crois pas ?
- Absolument pas. Je n'aime pas les pokémon insecte. A la ferme, l'été, il y en avait plein, et je me suis souvent faite piquer.
- Ne t'inquiète pas, il est plus rare d'en croiser en ville qu'à la campagne. Et maintenant, que dirais-tu d'aller faire quelques emplettes avec moi ?

La fillette acquiesça de bon coeur. Elle n'avait pas eu beaucoup l'occasion de parler avec des gens depuis qu'elle se trouvait au Centre Pokémon, et trouvait la compagnie de Cynthia très agréable. Surtout, avec elle, elle se sentait rassurée, plus qu'avec la police ou l'infirmière Joëlle. Peut-être parce qu'elle ne la traitait ni comme une enfant, ni comme une victime, mais plutôt en amie, ce dont elle lui était reconnaissante.

Elles se rendirent dans la plus grande boutique de la ville qui, à la vue de sa façade fissurée à la peinture écaillée, semblait ancienne ou mal entretenue. La femme pénétra à l'intérieur et Kathy la suivit après avoir attaché les rênes de Ponyta à un crochet qui servait à tenir les volets ouverts en cas de vent.

Le vendeur s'inclina respectueusement devant la Championne lorsqu'elle eut à peine fait un pas dans le modeste endroit. A l'en croire, c'était un véritable honneur pour lui que de la recevoir dans sa Boutique Pokémon. Elle le remercia, avant d'assurer qu'elle pouvait trouver seule ce dont elle avait besoin.

L'enfant la regarda acheter plusieurs sprays de teintes et de tailles différentes, sans doute tous destinés à une activité particulière. Suivant son regard interrogateur, son amie lui expliqua leurs fonctions :

- Celle-ci, tu vois, est une Potion qui sert à soigner un pokémon légèrement blessé. Celle-là sert pour les cas plus graves, et cette autre, là, est un Anti-para, qui aide à se libérer de la paralysie. Quant à la violette, il s'agit d'un Antidote, qui annihile les effets du poison.

La fillette acquiesça d'un signe de tête avant de s'intéresser de plus près à de petites sphères rondes, rouge et blanche, serties par une bande noire, pendant que Cynthia réglait ses achats. Lorsqu'elle revint vers elle, elle l'interrogea :

- J'avoue que je ne comprends pas pourquoi tu laisses ton Ponyta dehors au lieu de le faire rentrer dans sa pokéball. Ce serait beaucoup plus simple, non ?
- Sa pokéball ? articula lentement Kathy en levant les yeux vers elle. Qu'est-ce que c'est qu'une pokéball ?
- Je... Mais... Tu... C'est cela.

La Championne finit par capituler en lui désignant les sphères sur lesquelles elle était en train de faire rouler ses doigts. Elle décida de lui en acheter quelques-unes avant de lui expliquer quelle était leur fonction. Décidément, cette enfant ne connaissait quasiment rien en ce qui concernait les dresseurs pokémon. Comment cela était-il possible, à douze ans, d'être encore plongée dans une telle ignorance, alors que Kathy semblait au contraire très intelligente pour son âge ?

Chapitre 6 : Butterfly fly away

Butterfly fly away - Miley Cyrus

Spoiler
- Une pokéball, c'est une sorte de maison portative pour tes pokémon. Tu les combats, et une fois qu'ils sont faibles, tu les captures à l'intérieur.
- Comme les pièges à Rattata ?
- Hum... Oui, oui, en quelque sorte, approuva Cynthia, désemparée.

Elles étaient assises dans l'herbe, devant l'étang du parc municipal, où nageaient des Marill et flottaient des Nenupiot. La Championne de Sinnoh avait ôté ses bottines pour étendre ses pieds nus sur le sol. Appuyée sur un coude pour la soutenir, elle se tourna vers la fillette.

- Le mieux serait que je te fasse une démonstration.

Elle fouilla une seconde dans la poche intérieure de son manteau pour en sortir une sphère rouge et blanche qui s'agrandit entre ses doigts. Elle la lança devant elle et une Roserade en jaillit dans un éclair de lumière écarlate.

- Tu vois, c'est comme cela qu'une pokéball fonctionne. Il faut simplement se faire à l'idée du mécanisme, tu verras, ensuite, tout coule de source.

Kathy acquiesça distraitement en regardant le pokémon. Les fleurs à l'extrémité de ses bras évoquaient le bouquet qu'elle avait été cueillir dans la forêt avant que sa famille ne disparaisse. Elle s'en voulait tellement ! Cynthia dût voir son regard se troubler de larmes car elle passa un bras autour de son cou pour l'attirer vers elle. L'enfant se blottit contre sa protectrice au parfum apaisant.

- Je ne prétends pas savoir ce que tu ressens, je ne me le permettrais pas, mais j'imagine que cela doit être terriblement difficile pour toi.

Elle hocha la tête en essuyant ses pleurs avec le mouchoir que la Championne lui avait donné, tandis que celle-ci rappelait Roserade dans sa sphère métallique. Elles se mirent ensuite debout et la femme courut jusqu'à l'étang. Intriguée, Kathy la suivit pour voir pourquoi elle était partie si vite. Lorsqu'elle fut à sa hauteur, sa nouvelle amie s'accroupit pour l'asperger d'eau.

La fillette mit un peu de temps avant de réagir. Plongeant ses mains dans le liquide un peu vaseux, elle lui rendit la pareille, effrayant un Axoloto qui se tapissait là par la même occasion. Il leur fallut une poignée de minutes avant d'être totalement trempées. La magnifique chevelure de Cynthia frisottait à cause de l'humidité, alors que celle de la fillette était totalement défaite.

- Nous devrions rentrer au Centre Pokémon. Je ne voudrais pas que tu attrapes froid dans tes vêtements. Regarde, ils sont tout mouillés.

Kathy accepta la proposition un peu à contrecoeur. Elle ne tenait pas tant que cela à retourner dans sa chambre, prisonnière, mais elle n'osa pas non plus contredire la Championne qui avait été si bonne pour elle tout au long de la journée.

Elles se mirent donc en route. Cette fois-ci, la fillette ne monta pas son Ponyta, mais marcha à côté de lui, les rênes à la main, pour pouvoir avancer au même rythme que sa bienfaitrice. Le chemin fut court : elles n'avaient que deux rues à traverser avant d'arriver sur la place, puis descendre la grand-rue qui passait devant le Centre Pokémon.

L'infirmière Joëlle se précipita vers elles dès qu'elles eurent pénétré à l'intérieur. Cynthia la rassura, tout comme elle l'avait fait avec les policiers, avant que Kathy ne s'exclame qu'elle avait passé un excellente journée. Son visage arborant toujours l'air gracieux dont elle ne s'était pas départie une seconde, la dresseuse la reconduisit dans sa chambre.

- Je vais patienter dans le couloir en attendant que tu te changes, d'accord ? Tu viendras me prévenir lorsque tu auras terminé.

Kathy répondit par l'affirmative avant que la porte ne se referme sur son amie. Elle était en train de laisser tomber sa robe humide sur le sol lorsque son regard se posa sur la fenêtre. Le soleil était sur le point de se coucher à l'horizon. Elle n'avait pas vu le temps passer : était-il réellement possible qu'une journée entière se soit écoulée depuis que Cynthia l'avait sauvée de sa chute dans le ravin ?

- J'ai fini, informa la fillette en sortant dans le corridor.

La Championne la regarda, toujours autant étonnée par son style et ses manières. Vêtue d'un corsage blanc orné de dentelle et d'une jupe en velours, elle semblait venir tout droit d'une autre époque. Son maintien et sa diction n'étaient pas non plus ceux d'une enfant du vingt-et-unième siècle. C'était comme si elle avait été élevée à une autre époque, plusieurs décennies auparavant.

- Qu'y a-t-il ? s'enquit Kathy en remarquant son regard insistant.
- RIen, je... Euh... J'admirais ton haut. Il est vraiment ravissant.
- Merci beaucoup. Vous savez, c'est Maman qui me l'a cousu, il y a déjà quelques mois. Elle était vraiment très douée pour cela.
- Effectivement, c'est un travail d'orfèvre qu'elle a réalisé là. Et maintenant, si nous nous occupions de tes cheveux ?

Cynthia pénétra dans la chambre à la suite de la fillette, où elle la fit s'asseoir sur une chaise. Elle avait demandé une serviette à l'infirmière Joëlle, avec laquelle elle lui sécha en grande partie ses boucles brunes. Elle prit ensuite la brosse et le peigne posés sur l'unique étagère de la salle de bain, avant de la coiffer.

Les gestes de la dresseuse était doux, reposant. Plus d'une fois, les paupières de Kathy manquèrent de se fermer. Elle se sentait si bien avec cette nouvelle compagnie. Cette présence à ses côtés avait quelque chose de bénéfique. Elle allait beaucoup mieux depuis le matin même. Rien de mauvais ne pouvait plus lui arriver tant que la Championne de Sinnoh serait là.

Pour finir, cette dernière tressa sa chevelure brune qu'elle noua d'un ruban, avant de s'écarter pour la laisser s'admirer dans le miroir. Kathy était aux anges : cette coiffure lui allait à ravir, alors qu'elle n'avait plus réussi à attacher ses cheveux depuis que sa mère n'était plus là pour l'aider à le faire, raison pour laquelle ils s'emmêlaient sans cesse.

La porte s'ouvrit sur l'infirmière Joëlle qui apportait un plateau. Il s'agissait du dîner de la fillette, composé de pain de mie, d'un bol de bouillon, d'une tranche de fromage et de fromage blanc. Cynthia grimaça en voyant cela, ce qui la fit sourire.

- En fait, c'est plutôt bon, affirma l'enfant. Nous mangions souvent de la soupe, l'hiver, à la ferme. Cela nous réchauffait encore plus.
- Bon, dis-tu ? Et même meilleur que la glace ?
- Hum... Non.

Elles éclatèrent de rire tandis que Joëlle déposait le repas sur la petite table à roulette. Cette dernière leva ensuite la tête pour transmettre un message à la Championne, qui l'écouta attentivement :

- L'agent Jenny souhaiterait vous parler en privé, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Elle vous attend dans la salle d'attente, mais vous pouvez utiliser mon bureau si vous le souhaitez. Désirez-vous que je vous prépare quelque chose à manger pendant que vous vous entreteniez toutes les deux ?
- Je prendrais également un bouillon, s'il vous plait. Je mange très peu le soir, je m'en contenterai.

Elles quittèrent toutes les deux la pièce, laissant la fillette dîner seule après lui avoir souhaité un bon appétit. Elle aurait été curieuse de savoir ce que la policière pouvait bien dire à Cynthia. Elle avala sa soupe en quelques lampées pour ne pas qu'elle refroidisse, puis gagna le couloir sur pointe des pieds. Le bureau de l'infirmière Joëlle se trouvait à son extrémité.

Accolée à la porte, l'oreille contre le trou de la serrure, Kathy essaya d'entendre ce que les deux femmes se disaient. Au début, elles parlaient à voix basse, comme si elles ne tenaient pas à être entendues, puis le ton monta peu à peu. Désormais, Cynthia criait à l'intérieur, et la fillette put enfin comprendre le sujet de leur discorde.

- Malgré tout le respect que je vous dois, Cynthia, je connais mon métier et ce n'est pas à vous de me l'apprendre. Cette enfant doit être protégée par nos services. Elle est le seul témoin que nous ayons, et elle est peut-être en danger.
- Avec la description de la scène de crime que vous m'avez faite, je doute que les agresseurs de cette famille fasse dans la dentelle. S'ils avaient eu un bon motif pour s'en prendre à elle, ils l'auraient fait depuis longtemps, protection ou nom. Je ne suis pas certaine que vous preniez bien conscience de la situation, agent Jenny. C'est d'une petite fille de douze ans dont nous parlons, et je l'ai rattrapée au moment où elle se jetait du haut d'une falaise.
- Je comprends votre inquiétude, et je dois reconnaître que nous vous devons beaucoup pour votre acte héroïque de ce matin.
- Non, justement, vous ne comprenez rien. Vous ne pouvez pas garder indéfiniment cette enfant en captivité. L'enquête ne progresse pas. Elle me l'a dit et discuter avec vous ne fait que confirmer ses propos. Vous n'avez aucune idée de ce qui s'est réellement passé et n'en aurez probablement jamais. Mais en attendant, c'est cette fillette qui en souffre. Je ne serais pas toujours là pour lui sauver la vie la prochaine fois qu'elle en aura assez.
- Que voulez-vous que je fasse ? Elle n'a personne chez qui aller. Au moins, ici, elle a un toit et des gens qui s'occupent d'elle.
- Justement, est-ce qu'un seul d'entre vous a pris la peine de discuter avec elle ?
- Evidemment, ne serait-ce que pour les besoins de l'enquête.
- Très bien, alors il n'y a rien qui vous a choqué ? Dans son comportement, sa manière d'être, même jusqu'à son style vestimentaire qui saute pourtant aux yeux ? Elle ne sait pas ce qu'est une pokéball.
- Allons donc, Cynthia, je vous pensais plus sérieuse que cela. Vous n'allez tout de même pas me faire croire que...

Kathy en avait suffisamment entendu. Elle retourna dans sa chambre, où la Championne de Sinnoh ne tarda pas à venir la rejoindre, une fois sa discussion houleuse terminée. Elle leva dans sa direction un regard interrogateur.

- Qu'est-ce qui ne va pas chez moi ?
- J'étais certaine que tu viendrais écouter à la porte. Tout va bien, ne t'inquiète pas. Tu n'as rien à te reprocher. C'est juste que tes parents, puisque je suppose que ce sont eux qui t'ont éduquée, l'on fait à la mode du siècle dernier. C'est un peu étrange lorsqu'on ne s'y attend pas, mais c'est loin d'être une critique. Simplement, tu ne connais pas grand-chose à la vie actuelle, ce qui pourrait t'être préjudiciable puisque tu vas sans doute être obligée de rester seule un long moment. L'agent Jenny m'a promis de t'aider au mieux à te faire découvrir tout ce que tu ignores, comme moi lorsque je t'ai expliqué ce qu'était une pokéball, et son utilité.

Kathy acquiesça. Elle était en train de se préparer pour aller dormir. Ses dents étaient brossées et elle portait une chemise de nuit également en dentelle, au col montant et au jupon long. Elle laissa ses chaussons dans un angle de la pièce avant de se diriger vers son lit.

- Vous voudriez faire quelque chose pour moi ? demanda-t-elle d'une voix timide.
- Tout ce que tu voudras.
- Vous voulez bien réciter une prière avec moi ? J'en adresse une chaque soir à Arceus dans l'espoir qu'Il l'entende et qu'Il vienne en aide à ma famille, que ce soit dans ce monde ou dans l'autre.

Cynthia vint s'agenouiller à côté d'elle, au pied du lit, et ferma les paupières, les mains entrelacées contre sa poitrine, tandis que la fillette égrainait son chapelet. Une minute après, elles se relevèrent. L'enfant semblait un peu apaisée.

- Je dois partir demain matin très tôt, pour rejoindre le Conseil Quatre car ils ont besoin de moi. Mais veux-tu que je reste ici pour la nuit, même si je ne suis pas là à ton réveil ?
- Cela me ferait infiniment plaisir, Cynthia. Je ne sais comment vous remercier de tout ce que vous avez fait pour moi.

La Championne la mit au lit et tira les couvertures jusqu'à son menton, avant de la border. Kathy ne tarda pas à tomber dans les bras de Cresselia, un léger sourire aux lèvres, tandis que Cynthia somnolait dans le fauteuil à côté, sa main fermée sur celle de sa protégée.

Chapitre 7 : Breakaway

Breakaway - Kelly Clarkson

Spoiler
Lorsque que Kathy se réveilla, le soleil ne s'était pas levé depuis longtemps mais Cynthia était déjà partie. Elle sortit de sous les couvertures pour aller s'habiller, avant de prendre le petit-déjeuner que l'infirmière Joëlle avait apporté lorsqu'elle dormait encore.

A peine eut-elle fini de manger ses croissants que l'agent Jenny pénétra dans la pièce, après avoir toqué. Elle lui adressa un sourire auquel la fillette répondit poliment. Elle aurait tant voulu que la Championne de Sionnoh ne soit retournée au Conseil Quatre, plutôt que de devoir encore passer toutes ses journées avec les policiers.

- Je t'ai emmené quelques babioles pour que tu t'ennuies moins, affirma la femme en lui désignant le sac plastique qu'elle avait à la main. Tu vas voir, je suis certaine que cela va te plaire.

Elle poussa le plateau vide sur un coin de la petite table afin d'y déposer ses achats. Elle laissa à Kathy l'honneur de les déballer, ce qu'elle fit à contrecoeur. Contrairement à Cynthia qui avait vraiment paru sincère la veille, elle savait que l'agent Jenny ne se préoccupait de son bien être que suite à la dispute qui les avait opposées.

- Qu'est-ce donc ? s'enquit-elle en sortant une espèce de bracelet avec un morceau de plastique accroché sur le dessus.
- C'est une Pokémontre. Elle sert à indiquer la date et l'heure, mais elle a aussi plein d'autres fonctionnalités.
- Elle doit avoir un défaut, il n'y a rien de tout cela.
- C'est normal, elle est éteinte, soupira l'agent Jenny.

Elle appuya sur le bouton qui servait à mettre l'engin en marche et les informations s'affichèrent en gros chiffres sur l'écran. Kathy détailla la Pokémontre sous tous les angles, la tournant même à l'envers pour tenter d'en comprendre le mécanisme.

- Mais où sont les aiguilles ?
- De quoi veux-tu parler ?
- Des aiguilles pour le cadran. Comment voulez-vous lire l'heure s'il n'y a pas d'aiguilles ?

Le visage de la policière se figea de stupeur. Décidément, cette enfant ne savait vraiment rien. Comment cela était-il possible ? Tout portait à croire qu'elle avait été réellement élevée sans aucun contact avec la réalité du monde.

- Ce matin, Cynthia m'a fait remarqué un détail avant de partir. Nous avons vu que tu n'avais pas de dossier médical, tu sais, les papiers qui concernent ton état de santé, en quelque sorte.
- Oui, et alors ? questionna distraitement la fillette qui observait toujours l'objet qu'elle tenait entre ses mains.
- Cela signifierait que tu n'as jamais vu de médecin depuis que tu es venue au monde. Rassure-moi, ce n'est pas le cas ?
- Non. Non, je n'en ai jamais vu. Papa disait toujours que les médecins ne servaient à rien à part nous rendre encore plus malade. Nous avions de bons remèdes à la ferme, basés sur les plantes et sur les baies. Ils étaient très efficaces, nous n'avions besoin de rien d'autre pour nous soigner.

L'agent Jenny leva les yeux au ciel avant de lui expliquer comment fonctionner l'heure. Kathy fut un peu étonnée de la voir écrite en chiffres, mais elle s'y habitua rapidement. Ce fut plus la date qui l'étonna, elle qui n'avait plus la notion des jours depuis qu'elle était retenue presque captive au Centre Pokémon.

- Je t'ai également apporté une encyclopédie sur les pokémon. Tu verras, tu apprendras plein de choses à leur sujet en la lisant.
- Ce sont les Apitrini qui font leur nid dans le creux des arbres, pas les Dardargnan, rectifia la fillette en ouvrant une page au hasard. Et la période de reproduction des Ecremeuh se situe à l'automne, pas au printemps.

La policière la regarda sans comprendre. Elle connaissait des choses que bons nombre d'autres personnes ignoraient, pourtant il avait fallu lui expliquer le fonctionnement d'une horloge numérique. Elle semblait loin d'être idiote, mais son ignorance dans certains domaines frisaient l'impossible.

- Y a-t-il d'autres erreurs là-dedans ?
- Généralement, les Magicarpe évoluent lorsqu'ils se sentent menacés ou en danger. Ils disent que c'est lorsque le ruisseau dans lequel ils vivaient les conduit à la mer, mais c'est faux. C'est justement parce qu'ils ont peur en y arrivant, et qu'ils savent qu'ils ne survivront pas s'ils ne changent pas de forme. Et la laine des Wattouat pousse environ d'un centimètre par semaine, pas un et demi, sinon il faudrait les tondre quasiment tous les mois. Tout ce qui est écrit dans ce livre n'a aucun sens.

Jenny dut reconnaître que Cynthia avait raison : cette enfant avait des connaissances ancestrales. Ses connaissances étaient presque illimitées sur les pokémon avec lesquels elle avait grandi à la ferme, tandis qu'elle ne savait absolument rien du reste autour. Depuis combien de temps vivait-elle dans cette espèce de bulle couper du monde ?

- Je vais bientôt devoir retourner au poste. Je te laisse le mode d'emploi de la Pokémontre, tu auras tout le loisir d'apprendre à la faire fonctionner. Ah, et j'allais oublier. Cynthia m'a également demandé de te donner ceci, de sa part.

Elle lui tendit un Teddiursa en peluche, qui portait un petit sac à dos. A l'intérieur, il y avait les quatre pokéball qu'elle avait acheté la veille à la boutique. Kathy remercia l'agent Jenny, puis serra la créature de tissu dans ses bras sitôt qu'elle eut quitté la pièce. Ce cadeau venant de la Championne de Sinnoh avait beaucoup plus de valeur à ses yeux que le carré de plastique lumineux offert par la policière.

La fillette garda la peluche sur ses genoux tandis qu'elle feuilletait le mode d'emploi de la Pokémontre. Elle n'y comprenait rien. Quand elle en eut assez, après avoir vainement appuyé sur ce qu'ils appelaient le bouton pendant une longue minute, elle abandonna l'objet sur la table pour aller s'allonger sur son lit avec l'encyclopédie.

Bien que fortement erroné, le livre lui apprit de nombreuses choses. Il y avait des explications sur le fonctionnement des pokéball, celles-là même que Cynthia avait évoqué la veille, ainsi que des informations concernant des machines susceptibles d'insuffler à nouveau la vie à des pokémon fossiles.

A la fin, quelques pages avant la table des matières, une carte de Sinnoh avait été minutieusement dessinée. Kathy l'étudia, repérant bien vite le village quand lequel elle se trouvait, un peu à l'écart de la route reliant Littorella à Bonaugure. Elle s'aperçut que la région était immense, surtout pour elle qui n'avait jusqu'alors jamais été plus loin que la forêt encerclant la ferme de ses parents.
Elle se souvint alors de ce que lui avait dit la Championne peu après l'avoir sauvé de la chute. Un jour, ce serait à son tour de chercher sa famille. Cependant, elle n'y arriverait pas si elle ne savait rien du monde dans lequel elle devait les retrouver. Il fallait d'abord qu'elle apprenne, qu'elle découvre, et ensuite, seulement ensuite, elle serait en mesure de se lancer sur leurs traces, sans que son ignorance risque de lui porter préjudice dans sa tâche.

Sans perdre une seconde supplémentaire à réfléchir, Kathy déchira la carte de la région qu'elle glissa dans le sac en plastique laissé sur la table par l'agent Jenny, puis elle y ajouta les pokéball et le mouchoir brodé, puis son chapelet. Enfin, elle craqua une nouvelle page de l'encyclopédie, vierge sur laquelle elle écrivit une rapide missive :

A l'intention de Cynthia,

Je vous remercie une fois encore de tout ce que vous avez fait pour moi et espère un jour être en mesure de vous rendre la pareille. Vous aviez raison : il est encore trop tôt pour que je puisse souhaiter retrouver mes parents par moi-même, mais il est toutefois inutile que je reste ici. Je pars à l'aventure, sans même savoir où je vais, pour apprendre tout ce que je ne sais pas. Ne vous inquiétez pas pour moi, je suis certaine que tout se passera bien. J'ai vraiment besoin de cela si je veux pouvoir faire quelque chose à l'avenir. Je dois m'en aller, mais j'espère de tout mon coeur vous revoir lorsque je reviendrais.

Avec mon affection la plus sincère,

Kathy


La fillette posa délicatement la lettre entre les pattes du Teddiursa en peluche qu'elle regarda une dernière fois avec tendresse. Elle se dirigea ensuite dans la salle de bain, où elle prit sa trousse de toilette. Elle s'apprêtait à sortir pour aller la mettre dans le sac avec tout le reste, mais elle s'arrêta un instant pour regarder son reflet dans le miroir.

Elle avait énormément changé en un peu plus de deux semaines. L'expression de son visage s'était modifiée, ce qui la vieillissait. Elle semblait plus mature, plus adulte que ce tragique matin où elle avait quitté pour la dernière fois le domicile familial sous le regard bienveillant de ses parents. Et c'était le cas. Ses lèvres s'entrouvrirent pour souffler dans un murmure :

- Joyeux anniversaire, Kathy. Et adieu.

Elle éteignit la lumière du revers de la main, avant de lancer d'un geste déterminée sa trousse dans le sac qui contenait déjà ses quelques effets. Elle ne prit aucun de ses vêtements : elle n'en voulait plus. D'après ce que lui avait fait comprendre Cynthia, les gens ne portaient plus cela depuis déjà de nombreuses années. Or, elle tenait absolument à passer inaperçue. Il était temps pour elle de se mêler au monde, au vrai, et de découvrir la vie qu'elle n'avait jamais soupçonnée jusqu'à présent. Elle rattraperait les treize années passées dans l'ignorance, puis elle se lancerait à la recherche de sa famille, car elle doutait que d'ici là, la police ait découvert le moindre indice supplémentaire.

Son sac en partie dissimulé par les plis de sa robe, la fillette quitta sa chambre sans regret. Elle passa devant le comptoir où se tenait l'infirmière Joëlle, qui l'interrogea du regard. Sa mère lui avait répété depuis son plus jeune âge qu'il ne fallait pas mentir, mais elle avait également affirmé qu'elle serait toujours là lorsqu'elle aurait besoin d'elle, aussi Kathy songea qu'aucune de ces paroles n'étaient encore d'actualité. Désormais, elle devrait faire la part des choses, la différence entre le bien et le mal, entre le juste et l'injuste seule.

- Je viens de me souvenir d'un détail qui pourrait sûrement intéresser l'agent Jenny et peut-être même faire avance l'enquête. Je me rends de ce pas au commissariat pour le lui transmettre, affirma l'enfant qui s'étonna elle-même de cette capacité à inventer une histoire avec un tel naturel qu'elle ne s'en serait jamais crue capable.
- Tu en es certaine ? Ne préfèrerais-tu pas que je l'appelle pour qu'elle vienne ici sitôt qu'elle le pourra ?
- Infirmière Joëlle, cela se situe à deux pas d'ici, il ne va rien m'arriver ! Et puis, j'ai envie de prendre un peu l'air. Ce n'est pas à une éminence de la médecine telle que vous que je vais apprendre que c'est bon pour la santé.

Avec un sourire satisfait, Kathy quitta le Centre Pokémon avec la bénédiction de son administratrice et alla chercher son Ponyta dans le petit enclos.

Chapitre 8 : I'll always remember you

I'll always remember you - Miley Cyrus

Spoiler
Le coeur de Kathy fit un soubresaut dans sa poitrine lorsqu'elle arriva au petit galop au niveau des premiers champs. Les semences avaient séchées, à défaut d'avoir été arrosées. Les proches voisins, qui venaient au début, avaient cessé de prendre soin de la ferme, sans doute en songeant que c'était inutile, puisque personne n'y reviendrait de sitôt. Heureusement, les troupeaux avaient suffisamment de quoi paître dans les champs pour ne pas mourir de faim.

La fillette, après avoir conduit Ponyta dans son box à l'écurie, ouvrit la porte d'entrée dont elle avait conservé le double au Centre Pokémon, rapporté de la maison par l'agent Jenny. Elle ignora la porte close du salon, sur laquelle était scotchées de longues bandes jaunes et noires qui en interdisaient l'accès. Elle ne put cependant retenir un tressaillement lorsqu'elle passa devant.

Elle emprunta l'escalier qui menait au palier où se trouvaient les chambres. Elle pénétra dans la sienne. La pièce n'avait pas changé depuis la dernière nuit qu'elle avait passé à l'intérieur. Elle avait les mêmes murs beiges, les sempiternels rideaux à dentelle, et la photo de sa famille posée sur sa petite table de nuit en bois fabriquée par les soins de son père. Sa collection de poké-poupées trônaient fièrement sur le rocking-chair.

Elle n'avait pas oublié les craintes de la police : les agresseurs pouvaient se lancer à sa recherche, histoire d'éliminer le dernier écueil de la famille encore vivant, pour d'obscures raisons qu'eux seuls connaissaient. L'enfant n'avait donc qu'une solution pour laquelle opter si elle désirait se mettre à l'abri. Elle devait tourner le dos à son passé, au moins pour un temps, même si cela lui brisait le coeur. Cynthia avait raison. Elle devait rester en vie par tous les moyens si elle tenait un jour à retrouver ceux qui lui étaient chers ou, si c'était impossible, pour les venger.

Elle sortit toutes ses affaires de la pièces, des vêtements au couvre-lit en passant par les jouets, et descendit tout cela sur la terrasse cimentée à laquelle l'on accédait par la porte-fenêtre de la cuisine, car ils y déjeunaient souvent l'été, autrefois. Ses yeux se baignèrent de larmes lorsque, sur la pile, elle rajouta la photo familiale, avant d'ôter la robe qu'elle portait pour recouvrir le tout.

Elle se rendit ensuite dans la chambre de son frère, qui ressemblait plutôt à un laboratoire. Des tubes à essais remplis d'étranges substances, pour la plupart dangereuses ou inconnues, occupaient une grande partie des étagères et du bureau. Des livres jonchaient le sol, ouverts aux pages d'expériences qu'Eric avait dû tenter de reproduire ou d'améliorer. Veillant à ne marcher sur rien dans ce désordre organisé, elle s'approcha de l'armoire d'où elle sortit quelques vêtements.

Elle choisit les plus petits d'entre eux, qu'elle enfila. Son frère la dépassant d'une tête, elle dût malgré tout remonter les manches de la chemise blanche et retrousser le bas du pantalon en tissu. Elle se sentait étrangement mal à l'aise dans des affaires d'homme. Elle ne portait jamais rien d'autre que des robes ou des jupes, exception faite de quelques rares fois pour aller à Ponyta.

Elle s'empara ensuite d'un coupe-papier qu'Eric avait sans doute dû utiliser pour décoller les pages de l'encyclopédie posée à côté. En se regardant dans le reflet d'une fiole au liquide bleuté, elle défit la tresse que Cynthia lui avait soigneusement faite la veille et, prenant son épaisse chevelure noire dans sa main, la trancha d'un coup sec.

Après avoir récupéré toutes les photos qui la représentaient, et tout indice plus ou moins subtil de son existence, y compris les cheveux qu'elle venait de couper, elle retourna en bas. Elle déposa les derniers effets manquant sur le reste de la pile, avant d'aller chercher son pokémon, qui embrasa le tout d'une unique Flammèche. Pendant que les dernières traces de sa vie et de son passé partaient en fumée, elle se hissa sur le dos de sa monture. Elle avait troqué sa selle d'amazone pour une normale, plus confortable lors des longues distances, où elle pouvait passer une jambe de chaque côté.

Tandis que tout s'embrasait, réduisant en cendre les vestiges de son enfance, elle s'éloigna au trot en direction des enclos. Calée sur son étrier, elle se pencha sur le côté, la main tendue, et ouvrit à tour de rôle les verrous qui retenaient les Tauros en captivité, puis ceux des Wattouat. Les pokémon ne se firent pas prier pour s'enfuir. Elle les regarda s'éloigner vers l'horizon, piétinant au passage les champs à l'abandon, avant d'aller faire sortir les Ecremeuh de l'étable. Il ne lui resta plus que les Galopa de ses parents à sortir de l'écurie, puis elle put achever sa tâche en libérant les Etourmi de la volière.

Seule au milieu des terres familiales, elle jeta un regard autour d'elle. Le feu s'éteignait progressivement, puisqu'il manquait désormais de matière combustible, mais la fumée était montée suffisamment haut pour être repérable à des kilomètres à la ronde. A l'heure qu'il était, l'infirmière Joëlle avait dû remarquer sa longue absence et en avertir l'agent Jenny. La police n'allait pas tarder à arriver.

Elle vida le contenu de son sac plastique, qui avait été rejoint par quelques vêtements d'Eric, dans la sacoche en cuir de sa selle, beaucoup plus sûre et nettement plus solide. Pendant une minute entière, elle observa encore l'endroit, se demandant si elle avait la moindre chance de le revoir un jour.

Elle revoyait son père pêcher dans la rivière des Ecayon sauvages qu'ils mangeaient au dîner avec un beau potage. Plus loin, derrière la maison, elle devinait le solide fil à linge, sur lequel sa mère étendait ses lessives, qu'elle arrivait à conserver blanches par une technique connue d'elle seule. Enfin, aux pattes de son Ponyta s'étendait le petit potager de son frère, dans lequel il faisait pousser toutes sortes d'herbes et de baies indispensables pour ses expériences. Il était même parvenu à inventer un engrais qui faisait croître n'importe quel végétal quatre fois plus vite que la moyenne.

Et maintenant, ils n'étaient plus là. Il ne resterait à Kathy rien d'eux en dehors de ses souvenirs, qui finiraient par s'estomper ou s'altérer avec le temps et la distance. Elle n'avait plus de famille, plus de foyer. Elle partait dans l'inconnu seule, sans abri, pourtant elle n'éprouvait ni crainte ni regret. Elle savait que c'était là la seule chose qui lui restait à faire. Elle n'avait pas vraiment le choix. Elle ne pouvait ni compter sur la police, ni passer sa vie à se terrer dans un Centre Pokémon de peur qu'on la retrouve.

Personne ne la retrouverait : ce serait le contraire. Elle mettrait la main sur ceux qui avaient détruit sa vie et sa famille et le leur ferait payer. Elle savait que tout avait un prix, mais elle n'aurait pas peur de ce que cela lui coûterait. Elle pouvait même y laisser sa vie puisque de toute façon, désormais, elle n'avait plus rien à perdre. Elle ne risquait même pas de s'égarer elle-même, étant donné que c'était déjà le cas. Elle se sentait devenue une autre : non plus l'innocente, la douce et gentille Katharina Granet, mais une personne totalement différente, plus forte, plus dure, plus déterminée, et surtout beaucoup moins naïve.

Elle allait dorénavant se laisser guider par son instinct, et passer outre ses sentiments. Elle s'était désormais fixée un but, elle l'honorerait, quoi qu'il puisse arriver. Ici, sur les terres qui lui appartenaient désormais, elle en faisait le serment : elle rendrait justice à ses parents, à son frère disparus, et par-dessus tout, elle lèverait le voile sur le mystère entourant ce drame injustifié.

Soudain, un bruit de sirène se fit entendre, puis des gyrophares bleus apparurent au loin. Un vrombissement de moto déchira le silence paisible de la campagne. Perdue dans ses pensées, Kathy sursauta. L'agent Jenny arrivait, escorté par la police au grand complet. Elle distingua les véhicules à proximité du pont qui reliait le pont principal au chemin de terre qui menait au village.

Elle chercha un instant du regard un endroit par où s'enfuir, étant donné qu'ils bloquaient l'unique direction qu'elle connaissait. Derrière elle se trouvaient les prés, désormais vides. D'ailleurs, cela lui permit de gagner un peu de temps. Les Ecremeuh, toujours très lentes, se trouvaient pour la plupart au milieu du passage, ce qui ralentit considérablement la progression de la police.

La fillette réfléchissait à vive allure. Les enclos étaient mitoyens avec les champs des voisins, cependant, si elle s'enfuyait par là, l'un des fermiers la remarquerait forcément. Un Ponyta flamboyant au milieu de récoltes vertes ne passait pas inaperçu. Ils auraient tôt fait d'avertir ses poursuivants de la direction qu'elle avait prise.

Une fois encore, elle n'avait pas le choix. Si elle avait une chance d'échapper à l'agent Jenny et à ses collègues qui allaient bientôt lâcher les Caninos pour suivre sa trace à l'odeur, elle devait couper par la forêt. C'était le seul endroit où elle avait une chance, très mince, mais pas non plus inexistante, de les semer pour partir à la rencontre de son destin.

Cette idée ne l'enchantait guère. Les bois lui rappelaient désormais de mauvais souvenirs, et elle s'y était égarée. Rien ne lui garantissait qu'elle saurait retrouver son chemin avant que ce ne soit la police qui mette la main sur elle. Pourtant, elle devait essayer. C'était son unique espoir.

Monter à califourchon au lieu d'être en amazone lui offrait un autre avantage considérable : elle pouvait désormais demander à son Ponyta de galoper encore plus vite sans craindre de tomber. Elle le lança au maximum de sa puissance, sachant pourtant qu'il ne tiendrait pas longtemps à ce rythme là.

Comme elle s'y attendait, elle entendit bientôt des aboiements dans son sillage, suivis par des cris humains. Les Caninos étaient déjà sur sa piste, leurs maîtres sur leurs talons. Elle s'efforça de prendre les chemins les plus escarpés, sautant par-dessus les troncs d'arbres renversés ou passant au milieu d'arbustes recouverts de baies à l'odeur embaumante pour tenter d'effacer la sienne, mais rien n'y faisait. Les pokémon se rapprochaient de plus en plus, alors que Ponyta commençait à fatiguer. Elle devait ralentir l'allure, car elle ne voulait pas voir son compagnon s'effondrer d'épuisement.

Elle comprit que, si elle continuait d'avancer tout droit, elle ne leur échapperait pas, en plus de courir le risque de se perdre. Elle bifurqua donc sur un chemin parallèle et repartit à contre-sens. Les Caninos continueraient pendant un instant à chercher sa piste tout droit, tandis que la police penserait sans doute qu'ils avaient perdu sa trace plutôt que de songer qu'elle était repartie vers son point de départ.
Elle fut étonnée que cela fonctionne si facilement. Bientôt, les bruits de ses poursuivants s'atteignirent, signe qu'elle s'en éloignait de plus en plus. A un galop plus modéré, il lui fallu une dizaine de minutes pour regagner la ferme, mais elle avait désormais suffisamment d'avance pour permettre à son pokémon de souffler un peu.

Lorsqu'elle émergea à l'orée du bois, elle craignit un instant de voir d'autres policiers, ou peut-être l'agent Jenny elle-même, qui auraient patienté sur place, mais grâce à une chance inexplicable qui lui avait manqué ces derniers temps, l'endroit était désert. Ils avaient tous choisi de suivre sa trace dans la forêt.

Elle emprunta le petit pont puis se dirigea vers le second, plus grand, qui la ramènerait sur la route. Alors que la ferme s'apprêtait à disparaître définitivement de son champ de vision, elle se tourna une ultime fois dans sa direction, pour lui adresser un dernier signe, qui sonnait comme un adieu. Comme pour se convaincre elle-même, elle murmura dans un souffle, la voix gorgée de larmes :

- Je n'oublierai jamais, quoi qu'il arrive. Je me souviendrai toujours de vous.

Et elle mit un petit coup de talons dans les flancs de Ponyta pour qu'il suive le chemin, celui qu'ils traçaient en direction de l'inconnu.
« Modifié: 22 janvier 2013, 13:26 par Cyrlight »

Vilgrav-Klaus

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22 janvier 2013, 14:30
Dites, pourquoi on récupère toujours des fanfics de Pokebip? Celle ci est prometteuse, je ne dis pas, bien plus que ce qui tombe régulièrement, mais sérieusement, vous ne pourriez pas écrire des trucs que vous n'avez pas déjà répandus par brouettes sur d'autres forums? Et la saveur de l'exclusivité, alors?
Et en plus, tu ne nous à pas donné tous les chapitres... Ce serait cool que des auteurs comme toi, Tyra Rex et l'autre qui entretient une armée de fanfics commencent des trucs pour PT, vous avez du talent et on aimerait en profiter plus personnellement!

Plutôt que de faire une œuvre et de lui chercher un public, trouvez votre public et faites une œuvre pour lui.
« Modifié: 22 janvier 2013, 14:37 par Vilgrav-Klaus »

Cyrlight

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22 janvier 2013, 14:44
Je suis désolée, je ne pensais pas à mal. C'est simplement que j'ai découvert Pokébip en premier, et que depuis quelques temps, je me rends sur d'autres sites pokémon, du coup, c'est vrai que je reposte les mêmes fictions, mais c'était justement dans le but de ne pas en choisir un désormais en particulier :/

Vilgrav-Klaus

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22 janvier 2013, 15:00
Ouais, c'est sans doute le même motif pour les autres, mais il n'empêche que c'est quand même un peu dommage qu'on se contente de récupérer du vieux matériel... Par contre, tu es le bienvenu si tu nous prépares une fiction rien que pour nous, tu es agréable à lire, et on accroche. Après, je me plains, mais tout ce qui peut aider la maison d'édition à fonctionner est le bienvenu, alors ta participation est quand même mieux que rien. Mais comprends que si tu postes tes fics ici, c'est pour qu'elles soient lues par les gens d'ici, alors pense à faire honneur à ton public en lui proposant des choses inédites, ce serait sympa.
Et aussi, n'hésite pas à prendre racine sur le trash. Le trash, c'est le bien et le mal sans concession, le trash c'est la vie en plus petit. Ce n'est ni le monde des bisounours, ni celui de la publicité, ni de l'accessibilité. Le trash c'est le monde de l'extérieur qui t'attend quand tu sors de la caverne de Platon, en ce qui concerne Pokémon.
 (Mode extrémiste désactivé).

Damon

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22 janvier 2013, 15:51
Mine de rien sur Pokébip, les fanfictions sont mieux exposées, il a plus de lecteurs, plus de gens pour donner leur avis. La section Fanfic est plus élaborée, on y est corrigé et tout ça, et puis surtout, elles sont publiées sur le site. Je comprends les auteurs, personnellement j'ai essayé de publier ici, et le seul avis que j'ai eu, c'était celui d'un bipien, et encore, d'un accro à la fanfiction. Après ça, je me suis dit que ça serait pas mal de demander sur le forum de Bip, mais j'ai la flemme de lire les autres, et puis j'ai abandonné, c'était pas mon truc. x)
Et puis PTrash c'est particulier, c'est le moins Pokémon des forums Pokémon...

Cyrlight

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22 janvier 2013, 17:05
Chapitre 9 : Au seuil de mon avenir

Au seuil de mon avenir - Pocahontas

Spoiler
Kathy arrêta sa monture à une bifurcation, où ils en profitèrent pour reprendre haleine. Elle observa longuement les panneaux avant qu'ils n'aillent se dissimuler au sein d'un bosquet d'arbres, au cas où la police passerait par là. Elle en profita pour étudier sa carte, car elle était complètement perdue.

- Nous allons devoir faire un détour, affirma sa cavalière en suivant un tracé du doigt. Cette route mène tout droit à Littorella, or l'agent Jenny a déjà dû dépêcher bon nombre de ses collègues à notre recherche. Nous serions vite démasqués dans un si petit village. Le mieux pour nous serait de continuer par des chemins parallèles jusqu'à Féli-Cité. Il y aura beaucoup plus de monde là-bas, nous nous ferons moins remarquer.

Encouragé par un claquement de langue, Ponyta se remit à avancer. Ils ignoraient depuis combien de temps ils étaient partis. Une petite heure, sans doute, mais cela leur semblait être des siècles. La course dans la forêt les avait éreintés, et le soleil, de plus en plus haut dans le ciel, les avait assoiffés, alors que Kathy n'avait rien prévu ni pour boire, ni pour manger.

Heureusement pour eux, un petit ruisseau sinuait le long de la route principale. Ils y firent halte quelques minutes, le temps pour eux de se désaltérer. Le pokémon lapa directement l'eau fraîche et revigorante, tandis que la fillette mettait ses mains en coupe pour boire à grandes lampées.

Ils reprirent ensuite leur périple, sous le couvert des arbres. Plusieurs fois, ils entendirent des gyrophares qui les firent sursauter, s'attendant à voir surgir la police à n'importe quel instant pour mettre fin à leur aventure naissante. Kathy tremblait d'inquiétude à l'idée d'être arrêtée si près de son départ.

Comme ils ne progressaient pas vite, autant par prudence que par fatigue, sans parler du chemin impraticable sur lequel ils avançaient, ils atteignirent Féli-Cité en début de matinée. Les nouveaux venus attirèrent quelques regards des plus curieux, mais sans cela, comme l'enfant l'avait supposé, quasiment personne ne s'occupa d'eux.

De nombreux piétons marchaient avec leur pokémon à côté d'eux, contrairement au village où Kathy n'en avait pas vu un seul. Elle mit donc pied à terre pour se mêler à la foule. Cela fonctionna : nul ne semblait les remarquer. Elle décida de profiter de ce cours répit, offert par cette foule qui la rendait presque invisible au yeux de la police si cette dernière décider de la chercher ici, afin de réfléchir à son prochain itinéraire.

Ce ne fut qu'en passant devant un restaurant, d'où une délicieuse odeur s'échappait, qu'elle s'aperçut qu'elle était affamée. Cependant, elle n'avait pas un pokédollar sur elle pour acheter quoi que se soit, malgré les protestations répétées de son estomac. Elle n'avait pas songé à cela : comment allait-elle survivre sans argent, maintenant qu'elle était seule, perdue dans la vraie vie ?

Ponyta hennit avant de mettre un coup de museau devant lui, comme pour montrer une direction. Tirant sur les rênes que sa cavalière avait à la main pour l'inviter à le suivre, il l'entraîna sur quelques mètres jusqu'à une affiche aux couleurs vives, qui se voyait d'assez loin.

- Concours pokémon, ouvert à tous. Récompense : mille pokédollars pour le vainqueur. Tu es un génie, mon ami. Je vais m'inscrire à ce concours. Ce n'est pas grand-chose, mais cela nous permettra au moins de nous acheter de quoi nous alimenter pour les jours à venir. Regarde cela, les inscriptions ne sont possibles que jusqu'à quinze heures, ensuite le concours débutera presque immédiatement. Nous n'avons pas une seconde à perdre : en route !

Kathy se remit en selle afin de gagner du temps, et Ponyta se dirige vers le lieu du tournoi au petit trot, tout aussi impatient que sa propriétaire. Cette dernière ignorait comment cela pouvait se dérouler, ni ce qu'elle aurait à faire, et elle espérait que quelqu'un lui en expliquerait le fonctionnement.

Son inscription se passa sans encombre. Elle n'eut à fournir aucun document d'identité, car il ne s'agissait pas d'un concours officiel, mais d'un évènement propre à la ville de Féli-Cité. La réceptionniste lui demanda simplement son nom, unique information réellement nécessaire.

- Cassy, mentit la jeune fille en donnant le premier nom qui lui vint à l'esprit. Cassy Rilène, de... Unionpolis.

Elle se souvenait vaguement d'avoir lu ce nom sur la carte de la région, et ce fut le seul qui lui revint en mémoire à cet instant précis. La femme valida son inscription, avant de lui donner son numéro de passage.

- Vous pourriez m'expliquer comment fonctionne le concours, s'il vous plait ?
- Exactement de la même manière qu'à Unionpolis, même si les leur sont beaucoup plus réputés et prestigieux.

La fillette remarqua son erreur en ayant choisi cette ville à tout hasard, puisqu'elle était apparemment célèbre pour ce genre de tournoi. Elle s'était mise dans une situation délicate, et voyait mal comment s'en sortir. Elle devait absolument faire parler la réceptionniste sans pour autant être ignorante.

- Il n'y a absolument rien qui change ? Le fonctionnement est vraiment le même ?
- Oui, oui, tout ce déroule à l'identique. D'abord, il y a la prestation, toujours les douze candidats sélectionnés pour les matchs qui viennent ensuite et ce jusqu'à la finale. Enfin, vu qu'ici il s'agit d'un petit concours, il ne sera pas diffusé à la télévision, contrairement à ceux d'Unionpolis.
- Pardon ?
- Oui, certaines personnes se sentent moins à l'aise lorsqu'il y a des caméras partout autour d'elles et qu'elles savent que leur passage sera vu par des centaines de personnes dans tout Sinnoh.

Kathy -ou plutôt désormais Cassy- n'insista pas pour en apprendre davantage. Elle avait à peu près compris le principe de ce tournoi, même si elle devrait pour cela observer assidument les autres candidats avant de monter sur scène, sans avoir besoin de demander à la femme ce que pouvait bien être la télévision.

Elle était la septième concurrente à devoir se produire, ce qui lui laissa un peu de temps pour mieux comprendre ce qu'elle aurait à faire. Les autres participants exécutèrent à tour de rôle des figures artistiques à l'aide des attaques de leur pokémon. C'était à peine si elle connaissait celles de Ponyta, car elle ne les avait jamais utilisées. Comment allait-elle réussir à se qualifier pour les matchs ?

- Et maintenant, mesdames et messieurs, chers spectatrices et spectateurs, voici une candidate venue tout droit de la capital des concours : Unionpolis. Merci à vous de faire une ovation à Cassy Rilène !

L'intéressée mit une poignée de secondes à s'apercevoir que l'on parlait d'elle. Elle devait faire une entrée théâtrale, car en étudiant les prestations des autres, elle avait vu que cela plaisait aux juges qui donnaient une note plus conséquente. Elle regarda son Ponyta, qui portait toujours sa selle, et bondit sur son dos. Elle fila sur scène au petit galop au moment où le rideau s'ouvrait sur les coulisses pour lui permettre de passer.

La centaine de paires d'yeux qui la fixait la paralysa un instant. Et si quelqu'un la reconnaissait ? Si la police arrivait au milieu du concours pour la démasquer ? Puis elle se ressaisit : elle était à Féli-Cité. Personne ici n'avait entendu parler d'elle, du moins pour l'instant. Elle était vêtue comme un garçon et, désormais, elle avait les cheveux courts. Dans l'immédiat, elle ne courrait aucun risque.

Tandis que Ponyta s'arrêtait face au public, elle l'invita à courber sa patte avant dans une sorte de révérence équine. Elle-même passa les deux jambes du même côté de la selle, en amazone, avant de se laisser glisser gracieusement à terre, sous les applaudissements. Elle encouragea ensuite le pokémon à galoper en cercle autour d'elle. Lorsqu'il en eut terminé un complet, elle lui demanda de lancer une attaque Danse-Flamme, si ses souvenirs étaient bons.

Cinq anneaux enflammés apparurent autour d'elle, dans lesquels son compagnon bondit les uns après les autres, avec la légèreté d'un Pachirisu. Il revint ensuite à sa hauteur où il se cabra, avant de faire jaillir un magnifique Lance-Flamme en direction du plafond. Sous les sifflements de la foule enthousiaste, ils saluèrent, puis Cassy quitta la scène, debout sur un seul étrier, le bras autour de l'encolure de Ponyta.

Ce fut avec soulagement qu'elle regarda son visage apparaître dans la liste des douze qualifiés. Elle allait pouvoir passer aux matchs qui, à son grand dam, ne se révélèrent pas aussi aisés à réussir que sa performance précédente. Elle n'avait aucune expérience en combat, ce qui l'handicapa fortement. Heureusement, pour elle qui n'en avait à l'accoutumée jamais, elle put compter sur la chance du débutant, qui lui permit par elle ne savait quel miracle de se hisser en finale.

Pour la dernière fois, elle remonta sur scène afin d'y affronter son ultime adversaire. Elle tremblait légèrement, moins à cause du trac que de la pression qui pesait sur ses épaules. Elle avait besoin de cet argent pour survivre, elle ne devait pas perdre.

Le concurrent qui se trouvait face à elle possédait un Tiplouf, ce qui lui conférait déjà un avantage. Elle n'était pas experte, mais elle savait tout de même que le feu n'était pas très efficace face à l'eau. Il n'y avait pas besoin d'être un spécialiste pokémon pour connaître ce genre de détail.

Ponyta commença par une attaque Ecrasement, qui apeura son adversaire. Presque aussitôt, il enchaîna sur Flammèche. Le pokémon aquatique était brûlé, et les points de son dresseur chutèrent un peu. Cassy ne put s'empêcher de sourire légèrement devant l'écart qu'elle venait d'instaurer.

Cela ne dura cependant pas. Dès que Tiplouf eut recouvré ses esprits, il lança une attaque bulle d'eau sur le poney ardent, qui en souffrit énormément. Déstabilisé, il ne vit pas arriver Picpic, qui l'obligea à reculer. La barre de la fillette chuta à son tour, plus rapidement d'ailleurs, car les démonstrations de son rival étaient toutes d'une beauté époustouflante.

L'expérience de son adversaire eut raison de tous ses efforts pour effacer ses piètres connaissances. D'un Siphon, les partenaires envoyèrent Ponyta au tapis, qui tressaillit avant de s'effondrer, inconscient, tandis que les derniers points de Cassy s'envoler avec ses espoirs de victoire.

Le concurrent vint la féliciter et elle accepta de lui serrer la main dignement. Elle n'était pas mauvaise perdante, simplement dans une situation délicate qui la rendait furieuse d'avoir échoué. Cependant, tout cela ne se termina pas si mal. Contrairement à ce qu'elle avait pensé, elle obtint également une récompense pour sa deuxième place. Cinq cent pokédollars lui furent remis dans une petite bourse en cuir, ce qui lui permit de respirer à nouveau.

Après avoir été acheter suffisamment de nourriture pour une semaine, la fillette et son Ponyta prirent la direction de la sortie de la ville. Elle regarda Féli-Cité, théâtre de la première expérience de son aventure. Et si, avec de quoi s'alimenter dans la sacoche de sa selle, son avenir paraissait nettement moins obscur, il restait pour autant flou, alors qu'elle s'apprêtait une nouvelle fois à en franchir le seuil, sans que désormais aucun retour en arrière ne soit possible. Elle était dorénavant certaine qu'elle irait jusqu'au bout.

Chapitre 10 : Dans un autre monde

Dans un autre monde - Celine Dion

Spoiler
La nuit était sur le point de tomber lorsque Cassy arriva, épuisée, à Joliberge. Elle n'avait pas suffisamment d'argent pour se payer une chambre d'hôtel, mais elle ne tenait pas non plus à dormir dehors avec la police à sa recherche. Or, exténuée comme elle l'était, elle allait devoir rapidement trouver une solution.

Pour ménager Ponyta qui lui aussi commencer à crouler sous la fatigue, elle descendit de son dos pour marcher à côté de lui, les rênes à la main. Elle aurait voulu demander asile au Centre Pokémon, mais elle était certaine que toutes les infirmières Joëlle étaient désormais au courant de sa disparition. Celle qui travaillait dans cette ville ne tarderait pas à la démasquer.

Ses soupçons furent confirmés lorsqu'elle aperçut, en passant devant le bâtiment au toit rouge, une affiche sur lequel son portrait dessiné grossièrement était représenté, avec au-dessus, en caractère gras, le mot "DISPARUE". Elle tressaillit, puis se ressaisit. Elle avait coupé ses cheveux, et ses traits n'étaient pas vraiment reproduits convenablement sur ce portrait-robot. Dans la pénombre du soleil couchant, personne ne pourrait la reconnaître uniquement grâce à une image aussi peu réaliste.

La fillette regarda autour d'elle. Elle n'avait aucun endroit où allait, et commençait à paniquer, au fur et à mesure que l'épuisement la gagnait. Les nerfs à vif, elle chercha désespérément un endroit où passer la nuit, mais rien dans les environs n'attiraient sa confiance.

Une corne de brume la fit sursauter alors qu'elle était perdue dans ses pensées. Elle se retourna pour voir un bateau de croisière sur le point de quitter le port. Les marins étaient en train de remonter la passerelle, pendant que les Rattata abandonnaient le navire en descendant le long des cordages. D'après ce que Cassy avait lu dans des livres, ceci était un mauvais présage, mais pour elle, au contraire, il s'agissait d'un miracle.

C'était peut-être de la folie, mais c'était là sa seule et unique chance de se mettre une bonne fois pour toute hors de portée de la police. Sans perdre un instant, elle bondit sur sa selle . D'un coup de talons, elle obligea Ponyta à puiser dans ses dernières réserves d'énergie pour se lancer dans un galop rapide. Alors que plus rien ne rattachait désormais le bateau au quai et qu'il s'éloignait de plus en plus du bord, le pokémon courba les pattes pour sauter sur le pont. Le contrecoup éjecta l'enfant de son dos, qui roula derrière une pile de cordages.

Elle ne se releva pas tout de suite, heureusement pour elle. Deux matelots en uniforme arrivèrent, alertés par le bruit. Voyant la créature toute seule à la proue, ils l'attrapèrent par les rênes avant d'évoquer la cale dans laquelle ils allaient l'enfermer.

- Et s'il est à quelqu'un ?
- Son propriétaire viendra le réclamer. Et puis, s'il appartenait vraiment à un passager, tu crois qu'il aurait pris la peine de le seller pour qu'il fasse une promenade ? Moi, je dirais plutôt que nous avons un clandestin à bord.

Cassy se recroquevilla dans sa cachette. Elle jeta un rapide coup d'oeil impuissant vers les hommes qui emmenaient son unique compagnon d'infortune, ne pouvant rien faire pour lui venir en aide, du moins pour l'instant. Elle resta tapie un long moment au même endroit, attendant que l'obscurité de la nuit l'enveloppe complètement. Quand enfin, il fit assez sombre, elle se leva prudemment. Il n'y avait personne aux alentours qui risquaient de la surprendre.

La fatigue la fit chanceler lorsqu'elle commença à marcher. Si elle continuait ainsi, elle finirait par s'écrouler avant d'avoir trouvé une cachette convenable pour dormir un peu. Silencieusement, elle se lança à la recherche de la cale, en espérant que Ponyta allait bié et qu'il n'avait pas subi de mauvais traitements.

Elle descendit sur le pont inférieur, puis pénétra à l'intérieur du couloir qui menait aux cabines. La fillette entendit des rires, de cris, des discutions. Tous les passagers étaient bien trop occupés pour la remarquer, clandestine qui se faufilait sans bruit dans les entrailles du bateau.

Elle arriva enfin à destination, devant une lourde porte en métal. Elle était si lourde qu'elle eut du mal à l'ouvrir, mais heureusement, les gonds ne grincèrent pas. Sur la pointe des pieds, elle se glissa à l'intérieur. La cale était plongée dans la pénombre, et il n'était pas question pour elle d'allumer la lumière, au risque de se faire repérer. Elle appela son pokémon à dans un souffle, qui lui répondit en lançant une attaque Flammèche à hauteur de son museau pour qu'elle puisse le voir.

- Ne bouge pas, mon grand. Je viens te libérer.

Durant le bref instant où les flammes avaient brillé, elle avait entraperçu un anneau dans lequel les rênes de Ponyta avaient été accrochées afin qu'il ne s'échappe pas. Elle défit le noeud à tâtons dans l'obscurité et était presque parvenue à ses fins lorsque l'endroit s'illumina soudain.

Ouvrant de grands yeux, l'enfant se tourna en direction de l'interrupteur qui venait d'être activé par un jeune homme, plus âgé qu'elle, aux cheveux d'ébène et aux yeux sombres qui la fixaient sans sourciller. Il eut un sourire en coin, légèrement arrogant, comme s'il prenait un malin plaisir à l'effrayer. Vêtu de noir des pieds à la tête et portant une cape sur les épaules, il avait une élégante allure, qui allait de pair avec ses traits un peu prétentieux, mais non moins beaux.

Cassy passa sous l'encolure de Ponyta pour tenter de se dissimuler derrière lui, même si elle savait que c'était trop tard pour cela. Par-dessus son garrot, elle observa le nouveau venu, qui fit un pas dans sa direction. Elle trembla une seconde, avant de comprendre qu'elle ne devait surtout pas se montrer effrayée.

- Que me voulez-vous ? demanda-t-elle avec méfiance, alors qu'il était désormais à mi-chemin entre la porte et elle.
- Ce n'est pas prudent de rester seule ici, surtout pas pour une fille de ton âge. Tu ne sais donc pas qu'il y a un passager clandestin à bord de ce navire ? Ou peut-être... une clandestine, affirma l'autre avec un sourire entendu.
- Cela ne me dit pas ce que vous me voulez.
- Je t'ai vu passer devant ma cabine, à l'instant. J'avoue que tu m'as intrigué : une enfant qui monte sur un bateau dans la plus totale illégalité et qui prend des risques inconsidérés pour sauver son pokémon. Ce n'est pas quelque chose de commun.

Cassy s'était décalée du flanc de Ponyta pour faire face à son interlocuteur, qui semblait s'amuser tout particulièrement. Alors qu'à son tour, elle s'apprêtait à faire un pas dans sa direction pour lui montrer qu'elle n'avait pas peur de lui et effacer ce sourire arrogant de son visage, la porte s'ouvrit à la volée.

- Ah, ah ! On te tient ! s'exclama un marin en bondissant à l'intérieur. Eh ! Mais... Qu'est-ce que vous faîtes là, les mômes ?
- Comme ma soeur s'ennuyait, nous avions décidé de vous aider à attraper le passager clandestin que vous recherchez depuis ce matin. Nous avons vu un homme louche passer devant notre cabine et nous avons décidé de le suivre.
- Bien aimable de votre part, mais c'est pas un boulot pour des gosses dans vot' genre. Avec ce genre de fripouille, on peut jamais savoir à quoi s'en tenir. Soyez gentil, regagnez vot' cabine et laissez l'équipage s'occuper de ça.
- Excusez-nous, monsieur, nous ne voulions pas vous causer de tort. Tu as entendu, petite soeur ? Allez, viens.

Le jeune homme prit la main de Cassy dans la sienne et la tira à sa suite dans le couloir, après qu'elle ait jeté un regard d'excuse à Ponyta qu'elle n'avait pas pu libérer. Il la fit marcher d'un pas rapide jusqu'à une double porte qu'il poussa avec la pointe du pied. Elle conduisait au restaurant du bateau.

- J'imagine que tu dois avoir très faim, affirma l'inconnu en l'obligeant à s'asseoir à une table, avant de lui mettre un menu entre les mains.
- Un peu, mais je n'ai pas de quoi payer...
- Je t'en pris, tu es mon invitée. Garçon, s'il vous plaît ! Deux salades en entrée et une bouteille de limonade.
- Pourquoi faites-vous cela ? questionna la fillette en levant les yeux de la carte.
- Enfin ! Il est tout à fait normal que j'offre à dîner à ma petite soeur, il y va de ma responsabilité. Sois dit en passant, cela paraîtrait sûrement beaucoup plus crédible si tu cessais de me vouvoyer. D'ailleurs, je m'appelle Sven Niklausson.
- Cassy. Cassy Rilène.

Elle préféra user du même pseudonyme que lors du concours de l'après-midi, et se demanda si elle n'allait pas le conserver, un peu comme une nouvelle identité, ce qui allait parfaitement avec la nouvelle vie qu'elle s'apprêtait à mener.

- Et maintenant, veux-tu m'expliquer pourquoi une fille d'à peine quinze ans se trouve embarquée sur un bateau de croisière qui va tout droit à Kanto en tant que passagère clandestine ?
- J'ai treize ans aujourd'hui même, et si je suis ici, c'est parce que je devais absolument fuir Sinnoh, même si j'ignore tout de ce Kanto que vous... tu viens d'évoquer.
- Sérieusement ? Tu ne connais pas cette région ? Mais que t'a-t-on appris en géographie à l'école ? Et puis, pourquoi es-tu recherchée par la police ? Quel crime as-tu pu avoir commis à ton âge ?

Toutes ces questions commençaient à mettre Cassy sérieusement mal à l'aise. Elle ignorait comment répondre à tout cela, et craignait d'entraîner d'autres interrogations face auxquelles elle ne saurait masquer son ignorance des choses que tous considéraient comme banale, à l'instar de Cynthia.

- J'ai volé une statuette chez un marchand d'antiquité. Elle valait une petite fortune et j'avais besoin d'argent. Sauf que la police a fini par retrouver ma trace. Ils ont repris l'objet d'art, mais j'ai réussi à leur échapper in extremis.
- Etonnant, affirma Sven avant d'éclater de rire. Je dîne avec une hors-la-loi.

Le reste du repas se passa ensuite en silence. La fillette était affamée, et elle ne fut rassasiée qu'après le copieux dessert que son hôte lui fit servir. La fatigue s'était cependant atténuée, car s'asseoir à table pour y manger quelque chose de consistant lui avait fait le plus grand bien. Quelques minutes après qu'elle eut terminé, le serveur en livrée vint débarrasser, tandis que les musiciens, sur l'estrade qui leur était destinée, se mettait à jouer un air entraînant. Son ténébreux compagnon se mit debout après avoir ôté sa veste en cuir :

- Petite soeur, me feriez-vous l'insigne honneur de m'accorder cette danse ?
- J'imagine, cher frère, que je ne puis décemment pas vous la refuser, en symbole de ma reconnaissance pour le service que vous m'avez rendu. Je dois toutefois vous avertir que je n'ai jamais dansé de ma vie.
- Qu'importe, il faut une première à tout.

Il entraîna Cassy sur la piste, au milieu de plusieurs autres couples, où elle essaya de suivre la mesure, malgré le pantalon qui gênait ses mouvements, car elle n'en avait pas l'habitude. Sven posa une main sur ses hanches, à quelques centimètres de l'indécence, l'autre dans la sienne. Tête contre tête, il la fit virevolter au rythme de la musique.

- N'as-tu pas peur que quelqu'un découvre que je suis la clandestine ? Tu aurais des ennuis, toi aussi.
- J'en doute fort. Comme je me rends seul à Kanto afin d'aller étudier les espèces de pokémon qui s'y trouvent, mes parents m'ont loué pour le voyage la suite la plus luxueuse du bateau. Cela équivaut à débourser une petite fortune, ce qui n'est pas la première fois pour eux sur cette compagnie, aussi je doute que l'équipage se permette me dire quoi que ce soit, au risque de perdre d'excellents clients.

La danse s'interrompit, et le jeune homme s'inclina respectueusement devant sa cavalière. Il s'apprêtait à lui baiser la main avec galanterie, mais une violente secousse, semblant provenir du navire lui-même, les déstabilisa. Il rattrapa Cassy au moment où elle allait perdre l'équilibre, tandis qu'une sirène stridente retentissait à bord.

Chapitre 11 : Le chemin

Le chemin - La route d'Eldorado

Spoiler
- Que se passe-t-il ? s'enquit la fillette en se raccrochant au bras de Sven.
- Probablement quelque chose de mauvais. A mon avis, l'alarme n'est pas là pour nous souhaiter bonne nuit. Donne-moi la main, et surtout, ne la lâche pas. Nous allons essayer de voir ce qui se passe.

Docilement, Cassy le suivit hors du restaurant où les clients se bouchaient les oreilles à cause du bruit insupportable. Il l'entraîna le long du couloir, avant de monter les escaliers qui menaient sur le pont. La mer était agitée, il pleuvait. Ce n'était pas une tempête, mais pas loin.

- Tu crois que c'est à cause du mauvais temps ?
- J'ai déjà voyagé à bord de ce genre de bateau dans des conditions météorologiques plus houleuses, et ils ne sont pas du genre à paniquer tout le monde pour quelques vagues et un peu de crachin. Par ici.

Il s'engouffra dans la cabine du capitaine qui, étonnamment, n'était pas à son poste. Comme un marin passait devant la porte vitrée, Sven l'interpela, tandis que Cassy s'accrochait au mur, car les soubresauts violents du bateau la rendait malade.

- Excusez-moi, monsieur, mais pourriez-vous avoir l'amabilité de nous dire ce qu'il se passe ?
- C'est que, voyez-vous, nous avons reçu l'ordre de ne pas apeurer les passagers...
- Franchement, coupa la fillette, je suis déjà terrorisée, alors vous pouvez nous expliquer. Je ne pense pas que cela puisse être pire.
- Bien... D'accord. Nous venons de heurter un ban de Corayon qui a transpercé la coque. Il n'y en a normalement pas dans cette région, encore moi à cette période de l'année, mais toujours est-il que le bateau est sur le point de couler. Nous avons appelé des secours que l'agent Jenny de Joliberge doit nous envoyer le plus tôt possible, mais à l'allure où l'eau s'engouffre dans la cale, j'ai peur qu'ils n'arrivent pas à temps. Je suis désolé, mais je dois aller aider les autres à faire évacuer.
- Par Arceus, la cale ! Ponyta est encore attaché là-bas ! s'exclama Cassy en s'élançant sur le pont, avant d'être rattrapée par Sven.
- Eh, une minute, où crois-tu aller comme cela ?
- Le sauver, quelle question !
- Au risque de te noyer ?
- S'il le faut, oui, mais je ne l'abandonnerai pas. De toute façon, il n'est pas question que je monte à bord d'un canot de sauvetage en attendant que la police vienne me chercher et me renvoie d'où je viens.

La fillette se dégagea de l'étreinte de son interlocuteur qui la retenait par le coude, avant de dévaler les escaliers puis le corridor jusqu'à la cale. Le sol était légèrement oblique, signe que le bateau coulait par le fond. Des filets d'eau s'échappaient de chaque côté de la porte blindée. Cassy essaya de l'ouvrir, mais le mécanisme s'était bloqué, sans doute suite au choc.

- Ecarte-toi, ordonna une voix derrière elle.

Elle fit un pas de côté pour laisser Sven passer, suivi par un pokémon qu'elle avait déjà vu en photo dans un libre. Si sa mémoire était bonne, il s'agissait d'un Machoc. A l'aide d'un Poing-Karaté, il enfonça suffisamment la porte pour leur permettre de pénétrer à l'intérieur. Son dresseur le rappela dans la sphère rouge et blanche que Cynthia nommait "pokéball". Cassy s'engouffra à l'intérieur sans perdre une seconde.

- Pourquoi es-tu revenu ?
- Je ne veux pas être tenu pour responsable de la mort d'une enfant de treize ans, alors dépêche-toi de détacher ton Ponyta, avant qu'on ne file par l'arrière.
- Par l'arrière ?
- Je croyais que tu ne voulais pas tomber sur la police ? Le seul moyen de les éviter, c'est de fuir avant qu'elle n'arrive.

Il alluma la lumière d'un revers de la main. Elle oscillait dangereusement. Bientôt, ils se retrouveraient plongés dans l'obscurité. Cassy se précipita vers son pokémon qui semblait mal en point. Il détestait l'eau, alors qu'elle leur arrivait au niveau des genoux et l'affaiblissait grandement. Elle le libéra de l'anneau avant de se mettre. En passant près de Sven, elle lui tendit la main pour le tirer à son tour sur le dos du poney de feu.

- On dirait que tu as fait cela toute ta vie, commenta-t-il.
- Seulement depuis deux ans, mais fréquemment. Allez, Ponyta, sors-nous d'ici !

Le pokémon jaillit au galop dans le couloir, au milieu duquel les passagers commençaient à se précipiter afin de gagner le pont supérieur où les attendaient les canots de sauvetage. Ils arrivèrent à se frayer un chemin parmi la foule hystérique, à la différence près que eux se ruèrent à l'arrière du bateau. Un marin tenta de leur bloquer la route, mais Ponyta sauta par-dessus la barrière qu'il venait de condamner.

- Et maintenant, que fait-on ? s'enquit Cassy alors qu'ils étaient arrivés à l'extrémité du navire.
- D'abord, rappelle-le dans sa pokéball. Ensuite, nous devrons sauter. J'espère que tu sais nager.
- Il n'a pas de pokéball, c'est un pokémon sauvage, enfin d'une certaine manière.
- L'eau est dangereuse pour lui. S'il reste trop longtemps dedans, elle peut le tuer.
- Il nous faudra faire vite, dans ce cas. Il ne reste qu'à prier pour que nous ne soyons pas loin des côtes de Kanto.

La fillette mit un coup de talons dans les flancs de son poney de feu, tandis que Sven se cramponnait à sa taille au moment où il courbait les pattes pour bondir dans les flots. Le petit groupe se sépara. Ponyta parvint à rester à la surface, mais Cassy, qui avait appris à nager dans un ruisseau calme, fut surprise par la puissance des vagues qui l'entraînèrent dans les profondeurs. Heureusement, les rênes étaient restées enroulées autour de son poignet. Le cuir lui entailla la peau, que le sel brûla, mais lui permit au moins de reprendre son oxygène.

Elle chercha Sven des yeux, qui ne tarda pas à apparaître, accroché à un Têtarte. C'était la première fois qu'elle en voyait un en vrai, bien qu'elle ait croisé de nombreux Ptitard sur les bords de la rivière qui sinuait entre les champs, à la ferme.

Il l'attrapa par la main et lui permit de se cramponner au pokémon eau. Même si Ponyta était loin d'être dans son élément, son aide fut précieuse. De ses postérieurs musculeux, il fouettait les vagues pour les propulser vers l'avant. Ils avançaient vite, d'autant que le vent les poussait dans le bon sens d'après Sven, mais l'attente fut tout de même interminable. Il leur fallut patienter plusieurs longues dizaines de minutes avant de voir la terre se profiler à l'horizon.

Cependant, la fatigue avait eu raison de Cassy. Elle s'assoupissait par intermittence, et son compagnon fut plusieurs fois forcé de la tirer de l'eau afin d'éviter qu'elle ne se noie. Les vagues déposèrent délicatement les naufragés sur la plage de Parmanie. Sven se redressa, inquiet, car la fillette ne bougeait pas.

Il releva la manche de sa chemise pour prendre son pouls qui était très faible. Elle avait dû avaler beaucoup d'eau lors des derniers mètres. Le jeune homme se pencha pour lui étendre les bras le long du corps, avant le lui faire du bouche à bouche. Lorsque Cassy revint à elle, cela se transforma en un baiser violent et délicat à la fois.

- Merci de m'avoir sauvée, murmura-t-elle avant que ses paupières ne se ferment à nouveaux d'épuisement.
- De rien, répondit-il un peu surpris.

Quand la fillette se réveilla, le jour était sur le point de se lever. Sven avait dû la porter pendant qu'elle était endormie, car ils se trouvaient désormais à l'abri des regards derrière un promontoire de rochers. Elle se redressa sur un coude, cherchant son ami des yeux. Il était agenouillé dans le sable, et quelque chose était étendu devant lui. Il lui fallut une bonne minute pour réagir : il s'agissait de Ponyta.

- Que lui arrive-t-il ? s'exclama-t-elle en courant de leur direction avant de s'entraver dans ses propres pieds et de s'effondrer à leur hauteur. Il va s'en remettre ?

Elle regarda le poney de feu qui était allongée, fait rare et plutôt mauvais pour un pokémon équidé. Sven lui donnait des baies, qu'elle identifia pour la plupart, afin de lui redonner de l'énergie. Un spray de flacon comme ceux que Cynthia avait acheté en sa compagnie gisait sur le sable, à moitié vide.

- J'aurais été plus réservé cette nuit, mais il va s'en sortir. Je lui ai donné de quoi recouvrer des forces. Tant d'eau aurait pu lui être fatale, heureusement, il est de bonne constitution. Il a simplement besoin de repos.
- Merci beaucoup pour tout ce que tu as fait pour nous. Tu n'étais pas obligé, d'autant que tu as risqué ta vie...
- Eh, l'interrompit-il en lui mettant un doigt sur les lèvres. Ce qui est fait est fait. Pas la peine de me remercier éternellement.

En éloignant sa main, il ne put s'empêcher d'attarder un instant son regard sur sa bouche. Elle ne lui parla pas du baiser qu'ils avaient échangé quelques heures plus tôt. En avait-elle seulement eu conscience ? Ou l'avait-elle simplement oublié, harassée par la fatigue ? Cela valait de toute façon mieux pour eux deux. Elle était recherchée par la police et il n'avait pas du tout envie d'attirer l'attention sur lui, d'autant qu'il approchait de ses vingts ans, alors que la fillette n'en avait que treize. Cela lui entraînerait des ennuis si cette histoire s'ébruitait.

En fin de matinée, il n'avait toujours pas décidé de la formulation à utiliser pour l'informer qu'il était temps pour eux de continuer leur route chacun de leur côté, aussi fut-il surpris lorsqu'il la vit arriver, alors qu'il s'était assis à l'écart pour réfléchir, arborant des habits en tirant par les rênes son Ponyta sellé.

- Où vas-tu comme cela ?
- Tu m'as rendue un grand service, cette nuit, et je ne l'oublierai pas. J'espère qu'un jour, j'aurais l'occasion de te rendre la pareille. Mais pour le moment, j'ai quelque chose d'important à faire. Seule. Je suis obligée de partir, je regrette.
- Il n'y a pas de mal, affirma Sven qui n'en revenait toujours pas d'avoir eu l'herbe coupée sous le pied, alors que cela lui avait évité de réfléchir à un long discours pas forcément très cohérent. Attends, je vais te donner quelque chose.

Il ouvrit sa sacoche qu'il avait par miracle réussi à conserver en bandoulière pendant le naufrage, d'où il sortit une carte de la région Kanto plastifiée, sans quoi elle n'aurait pu résister à l'eau, et une cape en velours noir.

- Elle te tiendra chaud la nuit, puisque tu n'as quasiment aucune affaire avec toi. Et comme j'ai cru comprendre que tu connaissais très mal, voire pas du tout les lieux, je te laisse ceci pour que tu ne t'égards pas. Je te souhaite bonne chance dans la tâche que tu as à accomplir. J'espère que tu réussiras.
- Moi aussi, je l'espère de tout coeur, répéta Cassy, l'air mélancolique en pensant à sa famille dont l'absence se faisait plus douloureuse chaque nouveau jour qu'Arceus créait. Au revoir, Sven.

Avec un léger pincement au coeur, comme celui qu'elle avait ressenti après le départ de Cynthia, elle se mit en selle, puis s'éloigna. Elle avait une mission qu'elle devrait mener à bien, mais cela ne la concernait qu'elle. Elle devait en porter le poids seule, sans jamais rien en révéler à quiconque, au risque de mettre les autres en danger, comme elle-même avait toutes les raisons de l'être selon l'agent Jenny. Désormais, elle allait tracer sa route vers la vérité et vers son avenir sans personne : elle suivrait son propre chemin.

Chapitre 12 : La vie reprend

La vie reprend - Cleopatre

Spoiler
Cassy arriva, après trois jours de Ponyta, à la ville de Jadielle. Comme ses réserves de nourriture avaient été altérées par l'eau de mer, elle avait dû ramasser des baies, comme celle que Sven avait utilisé sur son pokémon, pour pouvoir s'alimenter. Cependant, en dehors des quelques-unes que ses parents cultivaient autrefois à la ferme, ces plantes lui étaient totalement inconnues, et elle dût se contenter de maigres pitances car elle ne voulait pas risquer de gouter à un fruit non comestible.

Elle n'avait plus d'argent, puisqu'elle avait déjà dépensé en grande partie ses gains du concours quand elle n'était encore qu'à Sinnoh, et se demandait bien comment elle allait passer inaperçu dans cette petite ville, où tous ses habitants se connaissaient probablement.

A dos de pokémon, elle en fit le tour. Alors qu'elle passait devant un vieux bâtiment vétuste, elle remarqua une affiche qui attira son attention. Elle se trouvait devant l'école de dresseurs pokémon de Jadielle. Intriguée, elle pénétra à l'intérieur, sans se douter un seul instant qu'elle arriverait directement dans une salle de classe.

Les pairs d'yeux d'une dizaine de bambins la dévisagèrent, tandis que leur institutrice regardait la nouvelle venue avec un mélange de colère et de surprise. Le silence s'installa à la place des quelques murmures survenus après l'entrée de Cassy, qui s'apprêtait à quitter les lieux, gênée, lorsque l'enseignante frappa dans ses mains en ordonnant à ses élèves de se rendre en récréation.

Lorsque les grincements des chaises en métal sur le parquet usé se furent tut, la quinquagénaire, vêtue d'une blouse bleu marine élimée, avança dans sa direction. La fillette déglutit, mal à l'aise.

- Je peux faire quelque chose pour toi ? s'enquit finalement l'institutrice d'une voix sèche, mais pas méchante pour autant.
- Je voudrais savoir si vous accepteriez de prendre une élève supplémentaire...

Cassy affichait un air timide sur le visage, avant de remuer lentement son pied sur le sol, en attendant la réponse qui ne vint pas. Elle patienta encore un instant, tête basse, puis se décida à relever les yeux vers son interlocutrice, dans un regard presque suppliant.

- Les enfants auxquels je dispense des cours sont ceux qui préparent un voyage initiatique. A voir ton âge, je me doute que tu as déjà dû faire le tien il y a même plusieurs années de cela.
- Non, madame. Je ne sais même pas ce qu'est un voyage initiatique. Mes parents sont fermiers et je les aide à la récolte depuis que j'ai huit ans. Je n'ai jamais eu le temps de faire autre chose, ni même de m'intéresser à ce que pouvait être la vie d'un dresseur. Je ne connais rien aux pokémon, en dehors de leur élevage, et il y a encore quelques jours à peine, je ne savais même pas ce qu'était une pokéball. Maintenant que ma famille a dis... décidé de me laisser partir à l'aventure, je désire combler mes lacunes, et je pense que votre école sera pour moi le meilleur moyen d'y parvenir.
- Hum... La rentrée scolaire a eu lieu il y a déjà plus d'une semaine.
- Je travaillerai dur pour rattraper ce que j'ai manqué, je vous le promets.
- Il n'y a pas que cela. Les enfants sont tous très jeunes, alors que toi, tu dois avoir au moins...
- Tout juste treize ans, madame.
- Etrange, tu me paraissais plus âgée. Toujours est-il que tu es quasiment une adolescente, alors que mes élèves sont pour la plupart deux fois plus jeunes.
- Je ne les dérangerai pas, madame. S'il le faut, je me tapirai dans un coin, vous verrez, ce sera comme si je n'existais même pas. Mais, s'il vous plaît, acceptez que je suive votre enseignement.

L'institutrice la jaugea du regard un long moment. Cassy se sentit penaude, car elle ne donnait pas bonne impression. La chemise blanche qu'elle portait était sale, ses yeux étaient cernés après les mauvaises nuits passées à la belle étoile, et ses bottes étaient couvertes de boue, résultat de son périple à travers Kanto.

- Tu devras m'appeler "maîtresse", comme les autres. Je préfère t'avertir que je suis intransigeante sur la discipline et les retards. Les cours commencent à huit heures le matin et se termine à seize heures, avec une pause d'une heure pour le déjeuner. Les devoirs doivent être rendus en temps voulu, sans quoi il y aura de sévères punitions : des centaines de lignes à côté ou un quart d'heure de piquet.
- Oh, merci infiniment mad... maîtresse !
- Maintenant, tu vas me remplir un feuillet d'inscription. Etant donné que tu as plus de dix ans, il ne sera pas nécessaire de le faire signer par tes parents. Je te demanderai simplement de me communiquer l'adresse de leur domicile, en cas de besoin.

Cassy acquiesça, feignant un sourire par-dessus sa grimace. La quinquagénaire sortit la paperasse du tiroir de son antique bureau, avant de lui indiquer un pupitre au fond de la classe qui serait désormais le sien. Elle lui remit un stylo, que la fillette eut du mal à utiliser. Elle passa une bonne minute à chercher du regard une bouteille d'encre, avant de comprendre qu'elle se trouvait déjà à l'intérieur de l'outil. "Quel mécanisme étrange" songea-t-elle avant de s'atteler à compléter le document.

Une fois encore, elle usa de son nouveau pseudonyme, qui commençait à lui venir à l'esprit plus facilement que son véritable nom. Elle précisa en-dessous qu'elle avait déjà un pokémon, mais qui n'avait jamais combattu. Elle ne considérait pas le concours comme un match à part entière, même si cela lui en avait donné une vague idée. Quand vint ensuite le nom et l'adresse de ses parents, elle décida de tricher une nouvelle fois, inventant une habitation près de Parmanie, première ville où elle était arrivée à Kanto.

Elle rendit ensuite le feuillet à l'institutrice qui parut satisfaite. Elle l'interrogea un instant sur son Ponyta, seul domaine où Cassy put répondre à toutes ses questions sans mentir, et au moment où elle crut enfin avoir réussi à se faire accepter sans lever moindre soupçon, la femme la tétanisa :

- J'oubliais... Comme tu vas te trouver à côtoyer des enfants en bas-âge pendant les mois à venir, il faudrait que tu te rendes au Centre Pokémon le plus rapidement possible afin de passer une visite médicale. D'ailleurs, puisque le cours avait déjà commencé aujourd'hui, pourquoi ne pas t'y rendre immédiatement ? Je vais te faire un billet que tu remettras à l'infirmière Joëlle de ma part, ainsi tu pourras commencer à te rendre en classe dès demain, qu'en penses-tu ? Je pourrais ainsi préparer les élèves à ton arrivée.
- C'est une excellente idée, maîtresse, affirma Cassy d'un ton faussement enjoué alors que la panique se lisait dans ses yeux. Vous avez raison, c'est ce que je vais faire.

L'institutrice griffonna un mot qu'elle signa, avant d'y déposer un rapide coup de tampon. La fillette admira un instant son écriture ronde et ses lettres galbées, comme celles utilisées dans les cahiers où elle avait appris à écrire étant petite. Elle tenta cependant d'étouffer les souvenirs qui remontaient sous forme de larmes dans ses yeux, avant de prendre congé.

La femme lui avait expliqué comment se rendre au Centre Pokémon. Elle avait décidé de s'y rendre à pied car son Ponyta était trop reconnaissable si jamais son avis de recherche avait atteint Kanto. Elle remonta donc la rue dans laquelle se trouvait l'école, puis bifurqua à sa gauche, avant de poursuivre sa route tout droit au carrefour. Le toit rouge du bâtiment s'offrit alors à ses yeux.

Cassy pénétra à l'intérieur, où elle ne remarqua rien de suspect. Son portrait-robot n'apparaissait nulle part, ce qui la soulagea. Personne ne fit attention à elle tandis qu'elle se dirigeait vers l'accueil, où se trouvait l'infirmière Joëlle. Celle-ci lui adressa un sourire chaleureux avant de lui demander ce qui l'emmenait ici. La fillette lui remit le billet de son enseignante.

- Une visite médicale ? Suis-moi, nous allons faire cela tout de suite.

La jeune femme s'élança dans le couloir, sa patiente sur ses talons. Cassy était un peu angoissée : à Sinnoh, ils avaient remarqué son absence de dossier médical, ce qui n'était apparemment pas normal. Comment allait-elle justifier cela auprès de l'infirmière sans soulever la moindre interrogation de sa part ?

- Voyons voir cela. Je vais commencer par prendre ta tension, tu veux bien tendre le bras, s'il te plait ? demanda l'infirmière Joëlle après qu'elles se soient installées dans son cabinet médical.

La fillette se laissa docilement ausculter. Elle était apparemment en bonne santé. Les choses se corsèrent cependant lorsque la professionnelle frappa du bout des doigts une sorte de piano aux petites touches entièrement noires devant ce que tous appelaient une télévision.

- Hum... C'est étrange. Peux-tu m'épeler ton nom ?
- Rilène. R-i-l-e accent grave-ne.
- Je ne comprends pas. Il n'y a rien te concernant dans l'ordinateur.

Un ordinateur ? Ainsi, cet écran carré et lumineux n'était plus une télévision ? Sans doute le mot était-il propre à la région, raison pour laquelle il se différenciait entre Sinnoh et Kanto. Le cerveau de Cassy se mit à réfléchir à toute allure, dans l'espoir de trouver encore un nouveau mensonge cohérent, qui pourrait satisfaire l'infirmière Joëlle.

- Mon oncle était médecin. Il s'occupait de la famille à la ferme, quand l'un d'entre nous était malade.
- Dans ce cas, pourrais-tu lui demander de m'envoyer ton dossier au plus vite, afin que je le complète ?
- Hélas, cela risque d'être difficile. Il a perdu la vie l'an passé dans un accident, à la montagne.
- Je suis désolée, pardonne ma question, je ne savais pas. L'absence de ton dossier n'est pas dramatique, j'ai simplement besoin que tu me dises si tu as eu tous tes vaccins lorsque tu étais plus jeune.
- Oui, fit Cassy en sachant parfaitement qu'aucune aiguille n'avait jamais touché sa peau.
- Parfait, dans ce cas, je vais pouvoir te créer moi-même un nouveau suivi médical. Voilà le bilan de ta visite, tout est en ordre. Tu pourras l'emmener demain matin à ton institutrice. Il te permettra également d'être admise à l'internat de l'école.

La fillette prit la feuille que l'infirmière lui tendait, puis la remercia avant de quitter le Centre Pokémon. Elle était ravie d'apprendre que l'établissement dans lequel elle commencerait d'étudier dès le lendemain permettait également de la loger. Il ne lui restait plus qu'une nuit à passer dehors, ensuite elle pourrait retrouver la chaleur réconfortante d'un lit dans lequel elle pourrait dormir.

Le coeur plus léger de savoir ce qu'il allait finalement advenir d'elle, Cassy retourna chercher Ponyta, qu'elle avait laissé devant l'école, les rênes accrochés à la palissade qui en fermer la cours. Dans quelques heures, elle serait assise avec les autres écoliers, et sa vie prendrait un nouveau tournant, qui lui apporterait confort et sécurité pour un temps, sans qu'elle n'ait à se demander de quoi les jours à venir seraient faits.

Agenouillée dans l'herbe, un peu à la sortie de Jadielle, et emmitouflée dans la cape que Sven lui avait donné, elle sortit son chapelet de la sacoche en cuir pour réciter une prière à l'adresse d'Arceus. Comme chaque soir, elle Lui parlait des siens, souhait qu'ils soient en sécurité auprès Lui, mais pour la première fois aussi, elle s'excusa, comprenant ce qu'elle faisait :

- Je regrette ces mensonges, mais je n'ai pas le choix, affirma-t-elle, le regard embué par la culpabilité. Si je disais la vérité, on me renverrait à Sinnoh sans que je n'ai eu le temps d'achever ce pour quoi je me suis enfuie. Dans Votre grande miséricorde, j'espère que Vous comprenez pourquoi j'agis de la sorte, et que Vous ne tiendrez pas compte de mes actes lorsque l'heure sera venue pour moi de Vous rejoindre, car je Vous suis fidèle, et ne peux m'empêcher de penser que si Vous avez tenu à ébranler ma volonté en m'obligeant à pêcher, je tiens à Vous affirmer, Seigneur Arceus, que je vous resterai loyale, mais que je m'efforcerai malgré tout de mener ma quête à bien, d'autant que j'ai toutes les raisons de penser que Vous avez choisi de me mettre à l'épreuve. Ce n'était pas le fruit du hasard si je me trouvais dans la forêt et non chez moi lorsque ma famille a été attaquée. Je mènerai cette quête à bien, pour avoir toutes les raisons d'être digne à Votre regard.

Elle savait que bien vite, elle rattraperait son retard. Elle travaillerait assidûment afin de combler son manque de connaissance sur le dressage des pokémon. Elle avait cru comprendre que la plupart des gens comptaient sur ces créatures pour les protéger, quand ils ne les utilisaient pas dans des matchs ou des compétitions. Pour elle, ils seraient un excellent instrument pour sa vengeance. Elle entraînerait de forts pokémon dès qu'elle s'en sentirait capable, et lorsqu'elle retrouverait les agresseurs de sa famille, elle n'hésiterait pas à déchaîner sur eux toute leur puissance.

Chapitre 13 : Talking to the moon

Talking to the moon - Bruno Mars

Spoiler
Comme elle dormait à la belle étoile, Cassy fut réveillée aux aurores. Cela l'arrangeait, cependant, car elle voulait paraître présentable pour sa première journée d'école, ce qui était loin d'être le cas après avoir passé quatre jours en pleine nature. Elle se leva donc, dérangeant au passage Ponyta, contre lequel elle s'était endormie afin d'avoir plus chaud, et se dirigea vers un ruisseau qui coulait à quelques pas de là.

Il ne semblait pas profond. Elle en profita donc pour prendre un bain après avoir ôté ses vêtements. Ne portant plus qu'une brassière et une culotte de dentelle, la fillette plongea dans l'eau qui, comme elle s'y attendait, arrivait à hauteur de sa taille. Elle était froide, mais revigorante. Cassy se frotta le visage, avant de s'accroupir pour être immergée jusqu'au cou. Cela lui fit le plus grand bien.

Une dizaine de minutes plus tard, elle sortit enfin du ruisseau. Elle se sentait beaucoup mieux maintenant qu'elle était propre. A défaut de peignoir ou de serviette de bain, elle se sécha avec l'un des habits qu'elle avait emporté, avant de changer de sous-vêtements à l'abri des regards puis de passer une tenue sèche.

Elle avait hâte d'assister à sa première leçon. A la ferme, elle avait appris à deviner l'heure par rapport à la position du soleil. Elle savait qu'elle ne serait pas en retard, loin de là, mais préféra tout de même partir sur le champ. En route, elle mangea les dernières baies restantes d'une main, tenant les rênes de l'autre, en guise de petit-déjeuner, afin de prendre des forces en vue de la journée qui l'attendait.

Elle fut l'une des premières à arriver à l'école. Comme la veille, elle attacha Ponyta à la palissade, mais pénétra cette fois dans la cour située sur le côté du bâtiment, plutôt que d'entrer directement dans la salle de classe. Bientôt, les élèves affluèrent par petit groupe, dévisageant avec leur curiosité infantile cette hurluberlue qu'ils avaient déjà eu l'occasion d'observer la veille.

Bientôt, l'institutrice vint faire carillonner une cloche en acier accrochée au mur, et tous de dirigèrent à rang par deux vers la porte qui menait à l'intérieur. Cassy suivit le mouvement, fermant ainsi la marche. En arrivant à la hauteur de la quinquagénaire, elle lui tendit le feuillet que l'infirmière Joëlle lui avait remis la veille. Elle la remercia d'un sourire tout en la priant de s'attarder devant le tableau pendant que les autres s'installaient à leur place habituelle en bavardant.

- Silence, je vous pris ! intima-t-elle avec autorité une fois qu'ils eurent sorti leurs affaires. Je vous présente votre nouvelle camarade, qui passera l'année scolaire parmi nous. Elle s'appelle Cassy Rilène, et je vous saurai gré de lui faire un accueil des plus chaleureux, même si elle est un peu plus âgée que vous.

Toute la classe en choeur salua la fillette qui répondit par un sourire gêné. En dehors du commissariat où elle avait été quelques fois interrogée devant plusieurs policiers, jamais elle ne s'était vraiment retrouvée au centre de l'attention. Elle avait l'impression d'être de retour au Concours Pokémon de Féli-Cité, où tous les regards avaient été braqués sur elle à chacune de ses prestations.

- Tu peux gagner ta place, Cassy, informa l'institutrice en lui tendant un cahier et un stylo. Je t'expliquerai durant la récréation le fonctionnement de la cantine et de l'internat.

Elle la remercia avant d'aller s'asseoir à son pupitre. Elle sentit dix paires d'yeux l'observer sans ciller tandis qu'elle s'installait, avant que tous ne reportent leur attention sur le tableau où la leçon commençait.

- Voyons voir si vous avez mémorisé ce que nous avons étudier hier, déclara la femme après avoir inscrit la date à la craie. Qui peut me rappeler le type de pokémon qui était au centre du cours ?
- Les insectes, madame, répondit un élève brun aux doigts tachés d'encre.
- Bien, maintenant, je voudrais que vous me citiez au moins le nom de trois pokémon insecte.

Aussitôt, Cassy leva la main, au grand étonnement de tous, y compris de l'institutrice, qui l'interrogea tout de même. Sans prendre le temps de réfléchir à la réponse qui lui vint instinctivement, dans un souffle, elle récita :

- Les Dardargnan, les Papillusion, les Scarabrute, les Insécateur, les Apitrini, les Muciole et les Lumivole, les...
- Fort bien, cela suffira pour l'instant. Dis-moi, sais-tu où l'on croise toutes ces espèces à l'état sauvage ?
- On les trouve généralement à la campagne. Les Papillusion et les Apitrini vivent souvent à proximité d'espaces fleuris, afin de pouvoir butiner. Les Muciole et les Lumivole ne s'éloignent jamais de l'eau, que ce soit d'un simple ruisseau ou d'un lac. Quant aux Dardargnan, Scarbrute et Insécateur, ils demeurent pour la plupart du temps dans les forêts, là où peu d'humains viennent les déranger.
- Excellent. Je crois que tu viens d'obtenir ta première bonne note, Cassy.

La fillette était fière, malgré le regard jaloux que lui lança le garçon du premier rang qui avait également répondu à une question. Apparemment, il était l'intelligent de la classe, et semblait voir en elle une rivale potentielle au titre de meilleur de la classe, bien que ce ne soit pas là l'intérêt de Cassy, même s'il l'ignorait.

La suite du cours se déroula bien. Elle notait avec application dans son cahier les informations données par l'institutrice sur les altérations de statut qu'elle avait inscrite au tableau. Alors qu'elle apprenait qu'un pokémon empoisonné perdait progressivement de l'énergie lors d'un combat, tandis qu'un qui serait paralysé aurait moins de chance de pouvoir attaquer, elle repensa aux fioles que Cynthia avait acheté à la Boutique Pokémon, pour pouvoir justement traiter ce genre de cas. Elle aurait tant aimé dire au revoir à la Championne avant de quitter Sinnoh. Désormais, elle ne la reverrait peut-être jamais.

L'annonce de la récréation créa une bousculade qui la tira de ses sombres pensées. La femme qui leur dispensait les cours s'avança vers son pupitre d'où elle se leva, par pure politesse.

- Tu as plus de connaissance que tu as bien voulu me le laisser entendre, je me trompe ?
- Non, maîtresse, mais les insectes sont un sujet que je connais bien. Il y en avait beaucoup autour de la ferme, donc je sais de nombreuses choses à leur sujet. Je les ai souvent observés, quand j'étais plus petite.

"Avec mon frère", allait-elle ajouté avant de ravaler la fin de sa phrase. Elle était Cassy Rilène, pour l'instant. Elle n'avait donc plus de frère, Eric n'existait désormais que dans ses souvenirs, jusqu'à nouvel ordre.

 - Je voulais te parler de la vie à l'école, en dehors des heures de cours. La cantine se trouve dans la pièce à côté. Evidemment, l'accès aux cuisines est interdit aux élèves, sauf pour le dîner qu'ils doivent à tour de rôle aider à préparer. Cela se fait par ordre alphabétique, mais je te préviendrais à l'avance la première fois que cela sera à toi de le faire, le temps que tu t'habitues au rythme. Quant à l'internat, le couvre-feu est de vingt-et-une heure les jours de semaine, et une demi-heure plus tard lorsqu'il n'y a pas école le lendemain. Gare à l'élève qui sera surpris hors de son lit ces horaires passés, sans quoi il sera de corvée de cuisine pendant une semaine. Les dortoirs se trouvent à l'étage, juste au-dessus de nos têtes. Celui des filles est à droite, celui des garçons à gauche. De la fin des cours à l'heure du souper, vous avez libre accès à la salle de classe afin de réviser vos leçons ou faire vos devoirs. Les élèves sont autorisés à quitter l'établissement les mercredis après-midi et les week-end. S'il y a un point que tu n'as pas compris, n'hésite pas à venir m'en parler, je te l'expliquerai à nouveau.

Une fois encore, Cassy remercia l'institutrice, puis les élèves revinrent dans la classe. La récréation venait de se terminer. Bien vite, l'heure du déjeuner arriva, ce qui lui donna l'occasion de découvrir la cantine, une grande pièce à l'apparence insalubre et aux murs défraîchis. Une longue table en bois en occupait le centre, flanquée de deux bancs aux pieds inégaux qui remuaient dès que quelqu'un s'asseyait dessus.

Le repas n'était pas très bon, car la purée était sèche et fade, mais après avoir passé quatre jours à se nourrir essentiellement de baies, Cassy n'allait pas faire la difficile. D'ailleurs, ce fut l'occasion pour elle de sympathiser avec les fillettes qui étaient assises de part et d'autre d'elle. La première, Léa, était une blondinette au visage poupin, âgée de neuf ans, tandis que la seconde, Tina, avait une tignasse indomptable d'un orange volcanique et une multitude de tâches de rousseur sur son nez retroussée et était un peu plus jeune.

Ce fut également toutes les trois qu'elles prirent le dîner, guère meilleur, en attendant l'heure d'aller se coucher. La journée avait été épuisante pour Cassy et, même si ses nouvelles connaissances étaient adorables, elles n'en étaient pas moins de véritables pipelettes qui ne cessèrent de parler de l'entrée au dessert. Le seul avantage à trouver à cela fut que la fillette n'eut pas à inventer de nouveaux mensonges, étant donné que ses deux camarades meublèrent en grande partie la conversation. Elle se contentait d'hocher la tête de temps à autre afin de faire croire qu'elle arrivait à suivre leur babillage parfois totalement incompréhensible.

Elles se rendirent ensuite ensemble dans le dortoir, où Léa et Tina lui montrèrent son lit, qui se trouvait à côté de la fenêtre. C'était le seul qui était libre, car personne n'en voulait. D'après ce que Cassy comprit, les garçons s'étaient amusés, dans le seul but de les terrifier, à leur raconter que Darkrai guettait les fillettes à travers les vitres pour leur infliger d'affreux cauchemars.

Cependant, elle ne put s'empêcher de tressaillir en entendant ce nom. Comme elle était très croyante, l'évocation du Malin la faisait toujours frémir. Elle se jura de réciter une prière supplémentaire lorsqu'elle sortirait son chapelet afin de le tenir éloigner de cet endroit, juste au cas-où.

Elle attendit que toutes les pensionnaires du dortoir se soient assoupies avant de commencer à psalmodier à voix très basse afin de ne pas les rêver. Elle regardait la fenêtre avec un peu moins d'appréhension, certaine désormais qu'elle ne verrait pas Darkrai surgir derrière la vitre au moment où elle s'y attendait le moins. La pleine lune illuminait le ciel, et selon les versets de la Pokible* qui lui était consacré, c'était par des nuits comme celle-ci qu'il était le plus affaibli. Elle n'avait donc rien à craindre de lui.

Elle remit ensuite son chapelet dans sa poche car, à défaut de vêtements de nuit, elle était obligée de conserver ses habits pour dormir. Assise sur le matelas raide et grumeleux, les genoux repliés contre sa poitrine, elle observait l'astre qui éclairait la nuit sombre. Il n'y avait pas la moindre chance que sa famille soit en train de le contempler à l'heure actuelle. Ils étaient tous bien loin, désormais, au royaume d'Arceus, quelque part dans les cieux. Dans un monde meilleur, certes, mais où elle n'était pas.

Son frère aurait apprécié cette école, lui qui était si intelligent. Il aurait fait étalage de toute sa science, réalisé publiquement ses nombreuses expériences et tant d'autres choses. Il aurait été dans son élément, à savoir celui de la connaissance. Si le matin même, Cassy avait étonné l'institutrice en lui parlant des pokémon insecte, elle aurait sans doute été stupéfaite devant l'encyclopédie vivante qu'était Eric. Mais désormais, personne ne saurait jamais à quel point il était un génie. Jamais nul ne connaitrait les siens.

Et ce fut en pleurant que la fillette s'allongea, sans quitter la lune des yeux, avec l'unique espoir que, là où elle se trouvait désormais, sa famille puisse assister à un spectacle aussi sublime que celui qu'elle voyait depuis la Terre.

Chapitre 14 : Wish you were here

Wish you were here - Avril Lavigne

Spoiler
Les semaines s'écoulèrent paisiblement à l'école des dresseurs de Jadielle. Cassy travaillait dur pour que l'institutrice n'ait pas à regretter son choix de l'avoir accepter parmi ses élèves, et cela parut fonctionner puisqu'elle obtint à chaque interrogation, écrite ou orale, d'excellentes notes.

Tout le monde attendait avec impatiente la première sortie scolaire qui devait avoir lieu à la fin du mois d'octobre, au cours de laquelle ils iraient observer les pokémon dans leur habitat naturel sur la route qui séparait la ville du Bourg-Palette. La fillette était aussi impatiente que ses condisciples : elle souhaitait retrouver la campagne, vestige de son enfance perdue.

Le matin de l'expédition, les élèves se levèrent encore plus tôt qu'à l'accoutumée afin d'avoir le temps de préparer leur sac pour la journée. Ils devaient également descendre en cuisine chercher leur pique-nique pour les emballer avec leurs affaires. L'institutrice n'avait pas encore annoncé les binômes, qu'elle dévoilerait lorsque tout le monde serait prêt et attendrait dans la cour.

Même si Cassy n'avait aucune animosité envers ses autres camarades, elle espérait se retrouver avec Léa ou Tina, car c'était avec elles deux qu'elle avait le plus d'affinité depuis son arrivée. Elle déchanta bien vite lorsque, après avoir rejoint les autres hors du bâtiment, les deux fillettes se retrouvèrent placées dans la même équipe, tandis qu'elle devait s'associer avec Emilien, le premier de la classe qui ne l'avait jamais vraiment portée dans son coeur.

Ils se placèrent néanmoins côte à côte pour faire plaisir à l'institutrice, tandis qu'ils quittaient l'école pour de bon. Cassy portait un petit sac en bandoulière, alors que son camarade croulait sur le poids d'un lourd sac à dos. Intriguée par son contenu, elle l'interrogea, s'attirant davantage ses foudres :

- Tu as emmené ton pupitre ou quoi ? Regarde, tu n'arrives même pas à porter tes affaires.
- Mêle-toi de ce qui te regarde. J'ai pris le nécessaire. Appareil photo, livres... Tout ce dont nous aurons besoin pour observer les pokémon qui nous entoure. En revanche, vu à quel point toi tu es chargée, je doute que cela t'intéresse vraiment.
- Je n'ai besoin que d'une seule chose, moi : mes yeux, répondit-elle simplement avant d'être fusillée du regard.

Ils marchèrent pendant une longue demi-heure avant d'arriver au coeur de la route 1 verdoyante. La faune et la flore étaient extrêmement développées en ces lieux, ce qui allait leur permettre d'enrichir grandement leurs connaissances. Après leur avoir ordonné de ne pas trop s'éloigner du point initial où ils venaient de faire halte, l'institutrice les autorisa à se disperser.

Cassy et Emilien cheminèrent un moment entre les arbres qui bordaient le chemin, jusqu'à apercevoir au même instant une Coxyclaque posée sur une branche. La fillette sortit son calepin avec un crayon à papier afin prendre des notes sur son comportement à l'état, tandis que son coéquipier la photographiait.

- Alors, tu as réfléchi au type que tu allais prendre pour l'exposer de la semaine prochaine ? s'enquit-elle afin de détendre l'atmosphère car il ne lui adressait toujours pas la parole.
- Qu'est-ce que ça peut te faire ? De toute façon, tout ce qui compte pour toi, c'est d'avoir la meilleure moyenne.
- Pas du tout. Franchement, cela n'a aucune importance. Et puis, je ne suis pas sûre que nous soyons vraiment comparables : j'ai quatre ans de plus que toi. J'ai donc moins de mal à apprendre et à me concentrer.
- Les pokémon eau, je pense, finit-il par révéler après un long silence. Et toi ?
- Probablement les dragons, ou les types feu. Ce sont les deux espèces les plus puissantes, elles me fascinent.

Emilien se contenta de hocher la tête avant qu'ils ne se remettent en route. Dans leur dos, la Coxyclaque prit son envol. Ils ne tardèrent pas à découvrir ensuite un essaim de Chrysacier. Cassy nota leur caractéristiques avant d'aider son partenaire à prendre leur dimension pour en établir la moyenne.

Ils étaient en train de ranger leur carnet dans leur sac, lorsqu'un bruit les obligea à se retourner. Ils virent une silhouette, qui semblait venir de la route, se découper entre les arbres. Bientôt, un homme d'âge mur aux cheveux grisonnant apparut devant eux, vêtu d'une blouse blanche immaculée. La fillette se contenta de l'observer, alors qu'Emilien restait bouche bée à côté d'elle.

- Regarde ! s'exclama-t-il en la secouant par le bras comme si elle n'avait rien remarqué. C'est le professeur Chen.
- Qui ?
- Quoi ? Tu ne le connais pas ? C'est un génie scientifique. Le plus grand spécialiste pokémon de la région Kanto, et probablement l'un des meilleurs au monde.
- C'est du moins ma réputation, affirma l'homme en se dirigeant vers eux. Ravi de faire votre connaissance, les enfants.
- Je suis Emilien, monsieur. Et voici ma camarade de classe, Cassy. Nous sommes ici pour étudier la vie sauvage des pokémon dans leur habitat naturel.
- Voilà qui sera sans doute très enrichissant pour vous. Mais dis-moi, ajouta-t-il en jetant un coup d'oeil à la fillette, tu n'es pas un peu trop grande pour te trouver dans une école de dresseurs ? Tu dois avoir largement l'âge de faire un voyage initiatique. Pourquoi ne t'ai-je jamais vu jusqu'à présent dans mon laboratoire ?
- Oulà, c'est une longue histoire. Jusqu'à il y a peu de temps, je devais aider mes parents à la maison, et je ne connaissais pas suffisamment les pokémon pour partir directement à l'aventure. J'ai donc réussi à convaincre l'institutrice de m'accepter, ce que je ne regrette pas, d'ailleurs. J'apprends probablement plus de choses à l'école.
- Hum... Puisque le hasard a voulu que je vous rencontre tous deux, pourquoi ne pas en profiter pour aller discuter avec votre classe au grand complet ? Je suis certain que vos camarades auront beaucoup de questions à me poser à propos des pokémon.

Les enfants acceptèrent et conduisirent le professeur Chen jusqu'à leur institutrice qui n'en revint pas. Elle le salua très chaleureusement, avec maints renforts de politesse exagérée, avant de rappeler tous ses élèves. Eux aussi restèrent ébahi en voyant l'homme qui se trouvait en compagnie de la quinquagénaire. Une fois encore, Cassy se rendit compte de son ignorance devant une éminence de la recherche, apparemment connu de tous, y compris les plus jeunes.

- Que faites-vous ici, professeur ? interrogea Tina après avoir levé la main.
- J'ai été rendre visite à un ami qui étudie de très près les oeufs de pokémon, afin qu'il me fasse part de ses dernières découvertes. Comme vous pouvez le constater, je ne reviens pas les mains vide.

Il souleva le rabat de sa sacoche en cuir épais pour en sortir une couveuse portative dans laquelle se trouvait l'objet d'étude en question. Il le souleva quasiment à hauteur de son visage pour que tous les enfants puissent le voir, lesquels ouvrirent des yeux ronds. Apparemment, il s'agissait là d'un phénomène rare pour eux, alors que Cassy avait déjà vu à plusieurs reprises des oeufs d'Etourmi dans des nids lors de ses promenades en forêt. Elle se tut cependant pour ne pas briser l'admiration des autres.

Alors que le professeur Chen remettait la précieuse découverte dans son sac, quelque chose sonna. C'était son PokéMatos, que la fillette avait déjà vu auparavant dans un livre sur les nouvelles technologies qu'elle s'était efforcée d'apprendre par coeur afin de faire la différence entre une télévision et un ordinateur. Elle avait donc désormais que ce petit appareil portatif servait entre autre à communiquer d'un endroit à un autre, de manière plus rapide et directe que les pokémon vol voyageurs.

Le chercheur décrocha avant de se retirer un peu à l'écart pour conserver de l'intimité dans sa conversation. Elle dura un bon moment, puis il finit par raccrocher. Il se revint vers le groupuscule d'élève qu'il avait laissé suspendu à ses lèvres, auprès duquel il s'excusa. Il devait partir, car une expérience qu'ils avaient débuté la veille dans son laboratoire était sur le point d'être mené à terme.

- Professeur Chen, je sais que vous êtes un homme très occupé, affirma l'institutrice en lui serrant une nouvelle fois la main en guise d'au revoir, mais si un jour vous passez par Jadielle, j'espère que vous trouverez le temps de faire une halte à l'école. C'est si constructif pour les enfants que d'avoir affaire à un homme tel que vous.
- Je ferais mon possible pour venir vous rendre une petite visite dans les semaines à venir. J'ai été heureux de vous rencontrer, vous tous. Au plaisir.

Il leur adressa un bref signe avant de reprendre sa route. La quinquagénaire frappa ensuite dans ses mains pour les encourager à se remettre au travail. Cassy s'installa dans l'herbe sur le bas-côté, face à un buisson dans lequel tentait vainement de se dissimuler un Chenipan. Elle en esquissa un rapide croquis avant la pause déjeuner où ils se retrouvèrent à nouveau tous ensemble. Elle fut heureuse de pouvoir s'installer avec Léa et Tina, car même si l'antipathie d'Emilien à son égard s'était atténué depuis qu'elle avait nié vouloir prendre son titre de premier de la classe, son air supérieur et prétentieux ne lui plaisait guère.

Ils reprirent ensuite l'observation au bout d'une heure. Le binôme était déjà certain d'avoir une excellente note grâce à toutes les remarques qu'ils avaient déjà faites sur les pokémon, mais cela ne les empêcha pas de poursuivre leur travail pour autant. En apercevant un Aspicot, Cassy eut une idée.

- Est-ce que par hasard, tu aurais un récipient longiligne sur toi ?
- Pourquoi ?
- Je vais te montrer quelque chose.

Emilien lui tendit sa bouteille d'eau vide, à défaut d'autre chose, qu'il avait terminé lors du repas. La fillette s'en empara avant de s'approcher à pas de velours du pokémon insecte. Quand il ne prêta pas du tout attention à elle, elle déposa rapidement le goulot sur le pic situé au sommet de son crâne, avant de le saisir rapidement par la queue pour le retourner. Un liquide violacé s'écoula au compte goûte le long des parois en plastique. Lorsqu'il y en eu un demi centimètre, Cassy relâcha la créature.

- Comment as-tu fait ça ? s'exclama le garçonnet, interloqué. C'est dangereux de toucher un Aspicot à mains nues à cause du poison qu'il sécrète.
- J'ai vu mon frè... père le faire des dizaines de fois à la ferme. Justement, le poison sort par l'espèce de corne qu'il a sur la tête. Cette méthode est infaillible pour en récolter. En plus, elle t'évite d'être contaminée.

La fillette jeta un regard emprunt de nostalgie à la bouteille qui contenait le liquide venimeux. Eric avait attrapé tant d'Aspicot de la sorte sous ses yeux, afin de remplir plusieurs fioles de leur poison qui lui était utile pour certaines de ses expériences, en raison de ses propriétés particulières qu'elle n'avait jamais pu retenir. Dire qu'elle lui avait tant de fois reproché de rester plongé dans ses recherches ! Si elle s'était davantage intéressée à ce qu'il faisait, elle aurait pu partager son savoir et son temps, deux choses qui lui manquaient désormais cruellement.

Elle repensa au professeur Chen. Son frère aurait pu être un grand scientifique, lui aussi. Au moins tout aussi brillant, si ce n'était même pas mieux. Il avait de l'intelligence à revendre, en plus de son talent, sa logique et sa méthode. A quinze ans seulement, il était un génie, en ayant tout appris dans les livres ou dans l'observation des pokémon qui l'entouraient, sans l'aide de personne.

Cependant, le sort en avait décidé autrement. Jamais Eric ne deviendrait chercheur ou professeur. Ses travaux ne seraient pas achevé, et nul ne saurait quels étaient ses objets d'étude, en dehors d'elle qui, le plus souvent, ne les comprenait pas tant ils étaient complexes. Un détail la frappa alors, sans quel ne s'y attende. Un indice, ou plutôt, au contraire, leur absence. Comment son frère, un tel génie, avait pu disparaître de la sorte en même temps que leurs parents sans laisser la moindre trace permettant de retrouver leurs agresseurs ?

Alors que la sortie touchait à sa fin, Cassy ne cessa de retourner cette question dans son esprit. S'il avait voulu, il aurait pu la mettre sur la voie. Néanmoins, elle n'était pas retournée sur la scène de crime depuis le jour où elle l'avait découverte. Peut-être avait-il laissé une indication qu'elle seule pouvait comprendre, car elle le connaissait bien, raison pour laquelle la police n'avait rien trouvé. Elle devrait retourner à Sinnoh. Pas encore, car elle ne s'en sentait pas prête, et qu'elle n'aurait pas la force de retourner dans le salon, mais un jour prochain, en espérant que l'endroit soit encore exactement dans le même état que lorsqu'elle l'avait laissé.

Chapitre 15 : Sensualité

Sensualité - Axelle Red

Spoiler
Le professeur Chen programma sa visite à l'école pour la deuxième moitié du mois de novembre, le jour où les élèves devaient passer à l'oral pour leur exposé sur les types pokémon. Cassy avait effectué de nombreuses recherches sur les dragons afin d'obtenir le maximum d'informations pour sa présentation. Son travail faisait environ une demi-douzaine de pages, et elle avait peur de s'attirer encore une fois les foudres d'Emilien lorsqu'il remarquerait qu'elle en avait trop fait.

L'institutrice, voulant que tout soit parfait pour la venue du scientifique, fit nettoyer le bâtiment de fond en comble. En plus du dîner à préparer, les enfants se virent ajouter de nouvelles corvées telles que laver le sol, dépoussiérer les meubles, astiquer les carreaux... Pendant la semaine précédent la visite de l'éminent chercheur, tout le monde mit la main à la patte.

La veille du grand jour, la quinquagénaire vint voir Cassy qui époussetait des livres en compagnie de Léa. Une fois un ouvrage terminé, elles le donnaient ensuite à Tina qui le rangeait dans l'unique bibliothèque que possédait l'école, et qui se trouvait dans la salle de cours. Toutes les trois levèrent la tête lorsqu'elle arriva.

- Quelque chose ne va pas, maîtresse ? s'enquirent-elles en choeur.
- Non, au contraire, vous faîtes un excellent travail. Continuez comme cela. Je dois simplement vous emprunter votre camarade un moment. Cassy, si tu veux bien venir avec moi. J'ai une autre tâche à te confier.

La fillette se mit debout, épousseta son pantalon noir devenu poussiéreux, puis la suivit à l'extérieur où elle la conduisit. Ponyta se trouvait toujours au même endroit, attaché à la barrière à l'intérieur de la cour, où il pouvait paître tranquillement, car les mauvaises herbes ne manquaient pas.

- Cela m'ennuie de te demander cela, mais la cuisinière s'est absentée et je ne peux pas laisser l'établissement sans surveillance. Or, j'ai cru comprendre que demain, nous aurons des invités supplémentaires. Comme tu es la seule à posséder un pokémon, et de surcroît que tu es la plus âgée, pourrais-tu te rendre au marché d'Argenta pour aller acheter un supplément de nourriture ?
- Bien sûr, pas de problème. Mais qu'entendez-vous par "des invités supplémentaires" ?
- Des journalistes. Ils veulent venir faire un article sur la visite du professeur Chen, et c'est une occasion inespérée pour nous de développer notre renommée, dans l'espoir peut-être d'obtenir des subventions dont nous aurions bien besoin.

Cassy se mordit la lèvre lorsque son cerveau termina de mettre toutes ces informations bout à bout. Les médias, ici, à Jadielle ? Dans son école ? Ce qu'elle croyait être une petite vie tranquille, à l'abri des regards de la police, se transforma instantanément en cauchemar.

- Vous voulez dire que nous allons passer à la... télévision ? interrogea-t-elle en butant sur le dernier mot, même si elle avait eu l'occasion d'apprendre à quoi cela servait au cours des dernières semaines.
- Oh non, quand même pas. Ils veulent simplement faire un petit article à notre sujet dans la gazette de la ville. Tout au plus y aura-t-il une photo de groupe.

Voilà qui la rassurait. Elle pourrait plus facilement échapper à cela, si toutefois elle trouvait une bonne excuse à inventer. Beaucoup moins inquiète, elle sella son Ponyta afin de se mettre en route, tandis que son institutrice lui notait sur une feuille la liste des courses qu'elle devrait se procurer. Après avoir reçu deux cents pokédollars pour régler les achats, Cassy put enfin partir.

Lors de ses premiers cours, les élèves avaient étudié la géographie de Kanto, si bien qu'elle savait désormais se repérer plus ou moins dans cette région qui lui était à l'origine inconnue. De toute façon, même si cela n'avait pas été le cas, elle conservait toujours précieusement la carte que Sven lui avait offert dans la sacoche de sa selle, en plus de la cape qu'elle avait revêtue pour se protéger du froid mordant de l'automne.

Pour rallier Argenta, elle devait traverser la Forêt de Jade, réputée pour son abondance de pokémon insecte. La fillette sourit en se demanda comment réagirait Tina si elle se trouvait en sa compagnie, car elle avait horreur de ce type-là. Cependant, elle n'en croisa que très peu. Sans doute étaient-ils effrayés par la robe flamboyante de Ponyta, face au feu duquel ils étaient naturellement désavantagés.

Elle avait bientôt atteint la sortie des bois, qui n'étaient pas sans lui rappeler mélancoliquement ceux qui bordaient son ancienne maison, sans aucune encombre. Néanmoins, à l'instant où elle en vit apparaître l'orée, une rire l'obligea à se retourner. Elle aurait juré qu'il venait de dans son dos, mais il n'y avait personne. Elle allait reprendre sa progression lorsqu'elle remarqua un homme, qui se tenait à quelques pas devant elle, au milieu du chemin.

- Jolie cape, affirma-t-il en souriant.
- Sven !

Rapidement, elle déchaussa ses étriers afin de pouvoir bondir à terre. Sitôt sur le plancher des Ecremeuh, elle se dirigea vers lui en courant, pour se jeter dans ses bras. Sans même réfléchir à ce qu'elle faisait, comme régie par son instinct, ses lèvres cherchèrent en hâte les siennes, et elle l'embrassa fougueusement, une main triturant ses cheveux noirs, l'autre autour de son cou.

- Ravi de voir que tu vas bien, déclara le jeune homme tandis qu'elle le relâchait, un peu gênée par son comportement qu'elle n'aurait su justifier, mais qui lui avait rosi les joues et accéléré les battements de son coeur.
- Que fais-tu ici, dans la Forêt de Jade ?
- J'étais de passage à Argenta. Je voulais visiter le musée : ils ont une impressionnante collection de fossiles, si tu voyais cela.

Cassy buvait ses paroles sans même chercher à les comprendre. Elle était fascinée par ce mystérieux personnage qui lui avait sauvé la vie, et qui provoquait en elle d'étranges tourbillons émotionnels. Elle le contemplait, un vague sourire sur les lèvres.

- Et toi, que fais-tu dans le coin ? La police est-elle toujours à tes trousses ?
- Je crois qu'ils ont finalement laisser tomber la chasse. Je ne suis pas de celles qui se laissent attraper facilement. Je me rendais également à Argenta pour aller faire une course au marché. Je n'ai presque plus de nourriture, mentit-elle en songeant que, pour la reprise de justice qu'elle était censée être, une école n'était pas l'endroit où passer le plus inaperçu.
- Tu es pressée ou tu as un peu de temps ?
- Je crois que je ferais bien de me remettre en route le plus tôt possible. J'espère que tes études sur les pokémon se passent bien. C'est bien pour cela que tu es venu dans la région, non ?
- On ne peut mieux. J'ai déjà découvert beaucoup d'informations que j'ignorais depuis que je suis à Kanto. Et toi ? L'importante chose que tu avais à faire ? Est-ce que tu as pu la mener à terme ?
- Je ne peux pas dire que j'ai progressé dans cette voie-là. En fait, pour le moment, je dirais même que je suis à l'arrêt complet vis-à-vis de ce but, mais qu'importe. Chaque chose en son temps. Je ferais ce qu'il faut lorsque l'heure sera venue.
- Dans ce cas, murmura Sven en rapprochant son visage du sien, permets-moi de te souhaiter bonne chance une fois encore.

Ses lèvres frôlèrent la mâchoire de la fillette qui la sentit trembloter. Avec un frisson, elle tourna légèrement la tête, dégageant ainsi son cou contre lequel le visage de son ami se blottit. Elle eut l'impression que son coeur allait lâcher prise d'une seconde à l'autre tant il battait à vive allure.

- Tu ne devais pas te remettre en route ? questionna-t-il d'une voix suave dans le creux de son oreille, tandis qu'il caressait sa joue du revers de la main.
- Il me semble...

Coupant court à ce bref instant de sensualité, Cassy tourna les talons pour remonter sur le dos de son Ponyta. Sven lui adressa un signe de la main, auquel elle répondit par un sourire éclatant alors qu'il s'éloignait dans la direction opposée.

Pendant un instant, elle ne put s'empêcher de se culpabiliser. Sa famille avait disparu et elle ne pensait qu'à se jeter dans les bras du premier venu. Elle songea à réciter une prière dans l'espoir d'effacer sa mauvaise conduite, mais elle savait que ce serait bien mal advenu de s'excuser auprès d'Arceus d'un acte qu'elle ne regrettait pas vraiment, d'autant plus qu'elle ne pouvait nier l'effet que Sven avait sur elle, ce qu'elle assimilait dans son esprit à un péché. Non, décidément, elle ne pouvait rien faire sous peine d'être disgraciée par le Seigneur.

Elle préféra mettre son comportement sur le dos de l'impulsivité, sur son jeune âge naïf et son désir de vouloir expérimenter des choses nouvelles et inconnues. En dehors de son frère et des enfants de sa classe, elle ne connaissait pas d'autres garçons. C'était sans doute la raison pour laquelle elle agissait de manière si peu religieuse en présence de Sven, oubliant tous les dogmes lorsqu'elle était en sa présence.

Mentalement, elle se jura de faire plus attention à son comportement au cas-où leurs chemins seraient un jour amenés à se recroiser, puis elle s'efforça de se concentrer sur ce qu'elle avait à faire : venger sa famille, certes, mais dans un futur beaucoup plus proche, se rendre au marché pour aller chercher les provisions notées sur sa liste de courses.

Cependant, malgré toutes ses belles paroles et ses efforts pour détourner incessamment son esprit de Sven, elle ne put s'empêcher à plusieurs reprises, tout en achetant ce dont elle avait besoin, d'effleurer ses lèvres du bout des doigts en songeant en celles du jeune homme, semblables à du velours, lorsqu'elles s'y étaient refermées. Plus d'une fois, elle frôla son cou à l'endroit où il avait enfoui son visage, ce qui lui procura toujours le même frisson.

Son image ne cessait d'apparaître devant ses yeux. Grand, ténébreux, toujours vêtu de noir de manière impeccable, il était d'une beauté peu commune, mais extrêmement renversante. Cassy secoua la tête pour tenter, en vain, d'en chasser toutes ses pensées impures qui étaient en train de l'envahir.

Juste avant de prendre la route en sens inverse pour repartir à Jadielle, en ouvrant la sacoche de sa selle pour y mettre les provisions, elle aperçut son chapelet dont elle ne se séparait jamais. En dépit de toutes ses élucubrations, elle décida de se confesser dans l'espoir qu'Arceus l'aiderait à s'entourer d'une carapace dans le but d'éloigner le péché qui semblait la guetter :

- Je Vous en prie, Seigneur, ne me laissez pas tomber dans les griffes de Darkrai. Je Vous promets de tout faire pour lutter contre ce désir qui me tente, afin de demeurer dans votre lumière, mais je Vous conjure de m'y aider. Guidez mon coeur dans le droit chemin, car il n'a désormais plus d'autre repère que la foi qui le lie à Vous. J'espère, Arceus, que Vous entendrez cette modeste prière.

Et ce fur l'estomac noué que Cassy fit accélérer Ponyta en direction de l'école, avec le mince espoir que les erreurs de jeunesse ne seraient pas comptabilisées après, dans la balance du jugement ultime, comme on le lui avait appris lorsqu'elle était encore en bas-âge, et qu'elle avait grandi avec cette certitude de devoir toujours rester dans le droit chemin pour pouvoir un jour prétendre à l'accès du royaume de l'Alpha.

Chapitre 16 : Je recherche

Je recherche - Mauss et Charlie

Spoiler
Le lendemain matin, tout était fin prêt pour accueillir le professeur Chen. L'institutrice avait bien insisté pour que tous ses élèves portent une tenue convenable, et tous, y compris les plus jeunes, avaient donc fait un effort vestimentaire pour faire bonne impression. Leur invité de marque devait arriver aux alentours de neuf heures, aussi, dix minutes avant le grand moment, ils s'alignèrent tous sous la grande banderole de bienvenue fabriquée exprès pour l'occasion, sur laquelle les enfants avaient tenté de dessiner grossièrement des pokémon en fonction de leurs capacités.

- Rappelez-vous que j'attends de votre part un comportement exemplaire. Le premier qui fera quoi que ce soit susceptible de mettre l'école et ses camarades dans l'embarras se verra de corvée de cuisine pendant une semaine. Me suis-je bien fait comprendre ?
- Oui, maîtresse, répondit le petit groupe en choeur.
- N'oubliez pas d'appeler le professeur Chen ainsi, ou à la limite, monsieur. Et surtout, ne le tutoyez pas, d'accord ? Levez toujours la main avant de prendre la parole, sauf si vous y êtes invités ou interrogés. Pas de bousculades, de cris ou d'enfantillages. Je veux que vous restiez calme tout au long de cette journée. C'est un grand honneur que nous fait le professeur alors qu'il est sûrement débordé. Ne gâchez pas cette chance, d'autant que les journalistes de la gazette locale seront là.

Quelqu'un frappa à la porte, interrompant la femme au milieu de ses recommandations. Ses joues rosirent tandis qu'elle se précipitait pour aller ouvrir, un air digne sur le visage. Les élèves se tinrent droit au centre de la pièce et, tandis que leur invité pénétrait à l'intérieur, ils s'écrièrent comme un seul homme :

- Bienvenue à l'école des dresseurs de Jadielle, professeur Chen !

Cependant, ce n'était pas le tant attendu scientifique qui se trouvait aux côtés de l'enseignante, mais un jeune garçon, qui devait avoir à peu près le même âge que Cassy, aux cheveux hérissés et des yeux rieurs couleur noisette. Des fossettes apparurent de part et d'autre de sa bouche lorsqu'il leur adressa un sourire. Devant le nouveau venu qu'ils avaient pris pour le professeur, quelques enfants ouvrirent des yeux ronds, tandis que les plus jeunes pouffaient de rire.

Seule Cassy ne laissa transparaître aucune expression. En voyant celui qui venait d'arriver, elle avait eu l'impression d'avoir sous les yeux une copie bien pâle de son frère. La blouse blanche qu'il portait était typique d'Eric, tout comme les traits, à la fois si gracieux mais pourtant un peu dédaigneux, caractéristique de ceux qui en savent plus que les autres et qui n'ont pas peur de le montrer.

Finalement, elle eut un pauvre sourire pour le garçon, au travers duquel elle croyait apercevoir son aîné. Il s'avança en direction du groupuscule, qu'il salua chaleureusement d'un signe de la main, avant de se présenter dans les formes, provoquant une déception non dissimulée parmi les élèves :

- Je suis Régis Chen, le petit-fils du professeur. Mon grand-père n'a pas pu venir, mais il m'a demandé de l'excuser auprès de vous tous et de prendre sa place pour aujourd'hui. J'espère que je me montrerai à la hauteur, car je suis loin d'avoir ses connaissances en pokémonologie, même si je l'assiste maintenant depuis déjà un bon moment.

Tout le monde resta silencieux. L'air dépité des enfants en disaient suffisamment long sans qu'ils n'aient besoin d'ouvrir la bouche. Le jeune scientifique parut s'en rendre compte car sa bouche se tordit en une grimace qui exprimait sa gêne. Finalement, après une longue minute au cours de laquelle personne ne bougea, il se tourna vers l'institutrice pour lui demander ce qu'elle avait prévu.

- Les élèves doivent présenter leur exposé à l'oral sur les types des pokémon.
- Dans ce cas, pourquoi ne pas commencer tout de suite ? Je pourrais ainsi compléter leurs travaux s'ils ont oublié de traiter un point important ou une information capitale.
- Vous avez entendu monsieur Chen, retournez à vos place. Je vais vous appeler par ordre alphabétique. Vous viendrez à tour de rôle au tableau pour nous faire partager vos recherches.

Les dix enfants s'assirent de concert, tandis que Régis prenait une chaise qu'il installa au fond de la classe, seul. Il n'était pas très loin de Cassy, qui ne put s'empêcher de lui jeter un regard qu'il ne surprit pas, avec un soupir de nostalgie. Ce fut Léa qui commença, exposant les principales caractéristiques du type plante, car elle adorait les fleurs. Les élèves l'applaudirent à la fin de sa présentation, et la fillette fit de même, bien qu'elle n'est en rien écouté ce que son amie venait de dire. Son esprit était ailleurs, comme souvent, ces derniers temps, tandis que l'absence de son frère en particulier devenait de par trop lourde à porter.

Elle prêta un plus vague intérêt au travail d'Emilien, qui avait fait quelque chose de sobre, concis, mais très complet. Elle espérait sincèrement qu'il obtiendrait une meilleure note qu'elle à ce devoir, pour que cesse enfin complètement leur pseudo-rivalité. Elle regarda les quelques informations qu'elle avait relevé sur son cahier depuis le début, soit la moitié des exposés. Il n'y en avait que très peu : elle n'avait quasiment rien suivi.

Ce fut ensuite à son tour de se rendre au tableau. La patronyme qu'elle s'était choisie commençait par un "R", et la plaçait donc à la fin de la liste. Elle passa donc en huitième position, ce qui n'était pas plus mal. Prenant ses feuilles dans sa main, elle traversa donc la salle entière, croisant le regard d'encouragement que Tina lui lança.

Elle se plaça face aux autres, en faisant son maximum pour se concentrer et ne pas détourner ses yeux de ses notes, sans quoi elle savait qu'elle ne pourrait s'empêcher de les poser à nouveau sur Régis, et l'image d'Eric menant ses expériences l'assaillirait encore une fois.

Elle commença donc par justifier son choix de sujet, le type dragon, avant d'en donner quelques exemples. Après de nombreuses heures passées à faire des recherches, elle avait beaucoup de noms d'espèces à l'esprit, aussi illustra-t-elle souvent ses propos en faisant référence à des pokémon. Elle évoqua même Peter, le dracologue Maître de la Ligue Indigo, dont elle avait découvert l'existence dans un livre.

- Excellent, Cassy, comme toujours, affirma l'institutrice lorsqu'elle eut achevé sa conclusion sur la puissance colossale des dragons. Les autres, avez-vous des questions à poser à votre camarade ?

Cependant, l'exposé de la fillette avait été si complet qu'aucun point n'avait besoin qu'elle s'y attarde dessus. Tout le monde avait parfaitement assimilé ce qu'elle avait dit, malgré les termes complexes qu'elle avait parfois pu employer.

Quand tout le monde fut passé à l'oral, les élèves eurent le droit de sortir en récréation. L'enseignante leur demanda d'être sage, à défaut de pouvoir les surveiller, car elle devait discuter avec Régis. Cassy profita de la pause pour aller voir Ponyta, qui se languissait dans un coin. Elle avait beau s'être rendue en sa compagnie à Argenta la veille, il avait besoin d'espace. C'était un jeune pokémon fougueux qui désirait se dégourdir les jambes, or au lieu de cela, il passait ses journées attaché dans une cour minuscule où il manquait cruellement de place. Elle avait songé à le libérer pour son propre bien, mais n'avait pu s'y résoudre puisqu'il lui avait été offert par ses parents.

- Il doit trouver le temps long.

Régis arriva à sa hauteur, les mains dans les poches de sa blouse. Elle répondit affirmativement d'un hochement de tête tout en flattant l'encolure du poney de feu. Ils restèrent silencieux un moment, personne ne souhaitant prononcer un mot. Cassy ne se sentait pas à son aise en sa présence.

- Tu es la fille qui aurait dû faire son voyage initiatique il y a déjà trois ans, non ?
- C'est exact, cependant je n'avais pas les connaissances adéquates.
- Je le sais. Mon grand-père m'a parlé de toi. Pourtant, tout à l'heure, tu m'as bluffé avec ton exposé.
- J'ai simplement fait beaucoup de recherches pour savoir de quoi je parlais, voila tout.
- Et cela ne te fait pas étrange à ton âge, d'être à l'école avec des enfants beaucoup plus jeunes que toi tandis que tous ceux de ta génération sont sur les routes dans l'espoir de devenir un jour un excellent dresseur ?
- Pourquoi me poses-tu toutes ces questions ? Si faire un voyage initiatique est si bien que cela, pourquoi n'es-tu pas encore en train de le poursuivre ?
- Eh, j'ai quinze ans et j'ai déjà affronté deux Ligues. Pour le moment, j'ai décidé de suspendre un peu mes activités de dresseur afin d'assister mon grand-père dans son laboratoire.

Quinze ans... L'âge d'Eric. Décidément, ce garçon avait tout en lui pour rappeler à la surface des souvenirs douloureux qui n'étaient plus. Cassy regarda son interlocuteur, gênée de lui en vouloir parce qu'il ressemblait à quelqu'un sans même en avoir conscience.

- Je suis désolée, je n'aurais pas dû te poser cette question. C'était malvenu de ma part. En ce qui le concerne, je ne suis pas certaine de toute façon d'être très intéressé par l'art du dressage. Je pense que c'est l'élevage qui fait d'un pokémon ce qu'il deviendra par la suite. Et puis, mes parents étaient fermiers, donc j'ai déjà quelques bases dans ce domaine là.
- Intéressante théorie. Peut-être l'ignores-tu, mais mon grand-père conserve les pokémon capturés par les dresseurs au cours de leur voyage.
- Et alors ?
- Il commence à en avoir tellement qu'il aimerait beaucoup avoir une âme charitable supplémentaire en mesure de l'aider à s'occuper d'eux. Cela t'intéresserait-il ?
- Pourquoi me demander cela à moi ?
- Tu ne t'ennuies pas, ici ? Je ne dis pas que tu n'apprends rien, mais tu n'avances pas au même rythme que les plus jeunes. Et puis, tu dois te sentir seul, non ?

A contrecoeur, Cassy finit par acquiescer. Effectivement, lors de la correction des exercices qu'elle avait déjà tout juste, ou la seconde explication d'une même leçon pour ce qui ne l'avait pas comprise, elle avait l'impression de perdre son temps. Et même si elle s'entendait très bien avec Léa et Tina, ainsi qu'avec tous ces autres camarades, Emilien également dans une moindre mesure, discuter parfois avec une personne de son âge lui manquait cruellement.

- Je ne peux pas non plus abandonner les cours. Il y a tant de choses que j'ai encore à apprendre, et que pour l'instant j'ignore. Je peux te confier un secret ? Cet été encore, je ne savais même pas ce qu'était une pokéball.
- Dans ce cas, tu découvriras tout cela sur le tas. A la vue de ce que tu as montré ce matin dans ton exposé, je crois pouvoir affirmer que tu as une capacité mener par toi-même des recherches que je qualifierais de "sur le tas".
- Et tu crois vraiment que ton grand-père accepterait que je travaille avec vous à son laboratoire ?
- Bien sûr. Il a vraiment besoin d'un nouvel employé, et il pourrait t'enseigner beaucoup de chose. Moi aussi, d'ailleurs, dans la limite de mes connaissances. Je suis certain que cela t'apporterais beaucoup plus que de rester à l'école ici. C'est bon pour les enfants, je ne le nie pas, mais je pense que tu es un peu trop âgée pour que ce genre d'études te soit véritablement bénéfique.
- Je... Je ne sais pas. C'est si soudain.

La proposition était tentante, mais elle n'était pas certaine de pouvoir l'accepter. Une fois inscrite à l'école elle savait qu'elle ne risquait plus rien après avoir brillamment franchi la barrière qu'était la visite médicale. Personne ne lui posait de question sur son passé, et les rares fois où cela arrivait, elle trouvait toujours le moyen d'éluder. Ici, elle était en sécurité, tranquille, et n'avait quasiment aucune justification à donner. Cela était un avantage considérable qu'elle ne pouvait négliger. Cela serait-il toujours le cas si elle choisissait d'approuver la proposition de Régis ?

- Ecoute, rien ne t'oblige à me répondre tout de suite. Prends la journée pour y réfléchir, d'accord ? Et même si d'ici là, tu ne t'es toujours pas décidée, tu pourras toujours me contacter au laboratoire au cours des jours suivants.

Cassy hocha la tête, promettant d'y réfléchir. Mais c'était surtout le pour et le contre qu'elle devait soupeser : que devait-elle choisir entre l'abri que lui offrait l'école sur la police et le monde extérieur, encore trop inconnu, ou le moyen d'atteindre plus rapidement son but en engrangeant davantage de connaissances ? De toute manière, elle avait la journée pour y songer, aussi, en compagnie du garçon qui évoquait tant son frère disparu, retourna-t-elle en cours.
« Modifié: 29 janvier 2013, 08:44 par Cyrlight »

Vilgrav-Klaus

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22 janvier 2013, 19:10
@ Damon. Ouais, mais les choses peuvent changer. C'est clairement vrai que la maison d'édition manque de vue sur Pokémon Trash, je suis le premier à le dire. Mais le fait que ceux qui savent et peuvent écrire des histoires ne nous ressortent que leurs fonds de tiroirs, ce n'est pas ça qui va faire bouger les choses.
je pense que la production originale peut tout à fait attirer du monde, même si ce ne sera que peu de monde au début. Il faut bien commencer quelque part. J'ai l'impression que la Maison d’Édition fait peur sur le Trash. C'est vraiment dommage. En plus, des projets très sympa comme les poképoèmes ont été faits dans d'autre sections, alors qu'elles auraient clairement dû passer par ici.

Par ailleurs, sur la Maison d’Édition, il ne s'agit pas uniquement des fanfics pokémon, mais de tout ce que les auteurs peuvent produire, fictions, essais, poésie, etc... On a eu des choses intéressantes de la part des uns et des autres. Ce qu'il manque peut-être, c'est une dynamique, et peut être un peu plus de modérateurs prêts à analyser la fic. On ne peut pas se contenter d'un avis tous les 36 du mois par l'unique lecteur qui veut bien réagir, même si il est néanmoins bien mieux que rien.

@ Cyrlight: merci quand même pour les deux derniers chapitres.

Cyrlight

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22 janvier 2013, 21:05
Evidemment, si tu appelles cela les fonds de tiroir, cela peut vexer les auteurs. Franchement, je ne pensais pas que je déclencherai une telle polémique. D'ailleurs, puisque tu sais que ces fics dont tu parles sont postées sur d'autres sites, c'est bien que tu vas y voir par toi-même. Or, peut-être que pour les membres de Pokémon Trash qui ne restent que sur celui-ci, ce sont des textes inédits. Quand au fait d'écrire autre chose que des fictions pokémon sur un site pokémon, c'est un peu étrange. Sans doute la raison pour laquelle de plus en plus de gens s'improvisent écrivain sans en avoir l'étoffe ni la carrure, à force de donner des chances à tout le monde, y compris aux moins méritants.

Vilgrav-Klaus

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22 janvier 2013, 22:01
Il ne s'agit pas de susciter une polémique. Le fait que je sache d'où viennent ses fiction est que je suis toujours surpris de voir des textes finis affluer et si peu commencer. Ce qui me pousse à faire une ou deux recherches pour voir d'où ils sont issus. Je suis assez chauvin de PT, et je n'ai pas lu une seule ligne de forum des autres sites, si l'on excepte la partie fanfic que j'ai lue sur PT qui se trouve aussi sur lesdits sites.
L'expression fond de tiroir ne se voulait pas péjorative, et je suis assez ennuyé que tu l'ais prise ainsi. Seulement, c'est vrai que ce n'est pas forcément agréable de voir que la section Fanfic ici n'est que l'antichambre de celle de Bip.
Quand aux autres genres que la Fanfic sur la Maison d’Édition, c'est bien pour faire honneur à son nom et à l'esprit du site. Sur Pokémon Trash, il n'est pas question que de pokémon, et n'importe quel membre qui y a passé un peu de temps voit de quoi je veux parler. Cette Maison d’Édition est ouverte, et doit le rester.
Quant à la qualité des productions, nous nous permettrons l'élitisme quand elles afflueront. Je ne pense pas avoir vu d'écrivain depuis longtemps pour le moment dans la Maison d’Édition, et ce n'est pas grave. Ce que l'on attend des auteurs, c'est qu'ils s'expriment à l'écrit, à leur manière, qu'ils nous racontent des histoires. La qualité est bien sûr un critère, mais il n'y a pas de barrière à l'entrée. Que celui qui est si certain de son style me jette la première pierre.
Le mérite est quelque chose que l'on remporte, on en est pas doté dès le départ. Les productions de peu d'intérêt sombrent, mais les efforts sont récompensés, dans la mesure du possible.

Cyrlight

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22 janvier 2013, 22:06
Et bien, maintenant, tu en auras vu une ;) J'étais romancière avant de devoir arrêter pour diverses raisons. C'est également pour cela que je tenais à publier mes fictions sur plusieurs sites, dans l'espoir peut-être de faire découvrir davantage mon style.

Tyranocif Rex

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22 janvier 2013, 22:10
Vilgrav, tu fais quoi des gens comme moi qui ont 1 seule et unique fic titanesque qu'ils travaillent depuis plus d'un an ? Si je ne poste rien d'autre, c'est peut-être aussi que je n'ai rien d'autre à proposer. Quand j'ai un projet, j'y vais à fond. Je ne suis pas un auteur boulimique, désolé  :(
« Modifié: 22 janvier 2013, 22:11 par Tyranocif Rex »

Vilgrav-Klaus

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22 janvier 2013, 22:44
@ Cyrlight: Comme quoi, les rumeurs disant qu'on ne peut jamais arrêter d'être romancier doivent avoir un fond de vérité. Seulement, je maintiens que si tu as un style à faire découvrir, ce sera d'autant plus intéressant, pas seulement pour toi mais aussi pour nous, si nous pouvons le voir se développer.
Si tu n'écris vraiment plus, je ne vois pas tellement quel est ton intérêt de publier ces textes, dans la mesure ou ton style ne sera que passé, ce qui doit être quelque chose d'un peu triste à penser.
Je pense que faire découvrir un style, comme tu dis, doit se faire comme on fait visiter une maison. La première chose à faire, c'est d'ouvrir la porte. Et l'une des meilleures manières de le faire ici et sans doute l'une des plus honnête, je pense que c'est en proposant quelque chose de neuf, que l'on a fait spécialement. Il ne s'agit pas de changer de style, justement, et c'est plus une question de forme que de fond. Mais cela a cependant son importance. Il y a d'innombrables manières d'écrire, et pour tous ses aspects, il n'est pas rare d'avoir de différentes manières d'écrire. C'est intéressant aussi pour soi même de s'essayer à autre chose.
Au fait, tu n'es venue que pour poster ces textes? Il ne faut pas hésiter à rester un peu, c'est beau de par chez nous!

@Tyra: La boulimie n'est pas forcément nécessaire. Seulement, c'est vrai que ce serait très agréable de voir un peu de nouveautés réelles de temps en temps. Par contre, si ta fanfic est vraiment ton projet absolu, alors mène-là à bien, elle sera quand même appréciée, et nous saurons patienter. Mais n'hésite pas à nous faire partager les autres à côtés qui pourraient te passer par la plume, et à penser à la Maison d’Édition pour tes projets ultérieurs.

De manière générale, je dois quand même rappeler ceci: ce sont les auteurs comme vous qui font vivre cette section. Quelle que soit votre participation, elle est bienvenue. Vos textes sont en plus bons, et ce sont des projets qui vous tiennent à cœur. Je comprends vos raisons de les poster, et je soutiens cette action dans son ensemble. Mais pensez que cela serait encore mieux, en tout cas pour le public, de voir la section voler de ses propres ailes, et non agoniser sous perfusion dans l'ignorance générale.

Cyrlight

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22 janvier 2013, 22:50
Je n'ai pas arrêté définitivement, simplement à la suite de travaux qui ont rendu impossible toute tentative de concentration, j'ai dû abandonner trois romans depuis huit mois, alors qu'ils touchaient à leur fin, et ne les achèverai probablement jamais. Cependant, j'écris actuellement un recueil de sonnets, et prépare un roman "franco-suédois" pour le jour où je me remettrai enfin à l'ouvrage.
« Modifié: 22 janvier 2013, 22:52 par Cyrlight »

Vilgrav-Klaus

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22 janvier 2013, 23:14
Si tu écris des sonnets, n'hésite pas à nous en proposer! Il y a un topic sur la poésie, un peu poussiéreux mais il existe, et un peu d'attention lui fera le plus grand bien.
Si tu as donc l'intention de continuer à écrire, ce qui ne me surprends pas trop, alors le travail sur ton style et les réactions doivent avoir un sens pour toi. On ne te demande pas de nous proposer un monument littéraire, là, tout de suite, en pressant un bouton. Au contraire. La Maison d’Édition a ceci d'intéressant qu'outre le fait qu'elle est ouverte à tous, elle repose sur des œuvres en gestation, des talents qui sont là, à venir ou décidément loin. Sur des inachevés, aussi. Mais il est évident que si ils naissent ici, ils seront d'autant plus savoureux pour le public d'ici, et l'attention sera plus grande. Il est fascinant de voir une œuvre qui se construit, aussi bien chez un auteur abouti dont les mécaniques bien huilées semblent rutilantes au fur et à mesure qu'il égrène sa prose, mais aussi pour les débutants motivés qui retravaillent et retouchent consciencieusement, faisant petit à petit de leurs grands coups de pinceau apparaître des motifs plus fins.

En écriture, il me paraît toujours un peu précipité de dire "jamais". Peut-être que ces romans te reparleront plus tard et que tu trouveras les conditions pour les continuer, peut-être pas, mais il est peut-être prématuré pour le savoir. Si tu es sûre que ce ne sera pas le cas, il y a de fortes chances pour que tu ne sois pas satisfaites par ce que tu as écrit, dans ce cas leur oubli n'est pas si grave.

Cyrlight

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30 janvier 2013, 08:49
Chapitre 17 : Invece no

Invece no - Laura Pausini

Spoiler
- C'est d'accord, finit par déclarer Cassy en pivotant sur son banc. Je veux bien venir travailler au laboratoire du professeur Chen. En revanche, je préfèrerais qu'on ne me pose pas trop de questions.
- C'est-à-dire ?
- A propos de ma vie privée, et de tout ce qu'il n'est pas nécessaire aux autres de savoir.
- Pas de problème, accepta simplement Régis, pensant sans doute qu'elle devait être timide et réservée. J'irais parler à ton institutrice, il te faudra obtenir sa bénédiction, mais cela ne devrait pas difficile.

Il lui adressa un sourire chaleureux qui, une fois encore, contracta son estomac en un spasme douloureux. Pourquoi ne pouvait-elle pas le voir pour qui il était vraiment au lieu d'avoir sans cesse l'image de son frère qui lui revenait à l'esprit ? Il n'était pas lui, bon sang. Désormais, Eric n'était plus, il faudrait qu'elle se fasse à ce concept plutôt que de continuer désespérément à attendre un signe rassurant.

Cassy continua à prendre des notes avec applications. Plusieurs fois, le jeune assistant se rendit au tableau pour leur expliquer un phénomène typique de la pokémonologie ou leur donner divers conseils sur le comportement à adopter en présence des créatures parmi lesquelles ils vivaient. La fillette préférait se concentrer sur son travail, quitte à s'y noyer, que de perdre une nouvelle fois la face en assimilant son passé à toute caractéristique qui pourrait y être semblable dans le présent.

Lorsqu'arriva la fin des cours, les élèves jetèrent en pêle-mêle leurs affaires dans leur cartable et se précipitèrent dehors, après avoir brièvement remercié Régis pour sa visite. Ce dernier leur avait adressé un clin d'oeil collectif, puis patienta à côté du pupitre de Cassy en attendant qu'elle ait bouclé son sac pour aller parler à l'enseignante.

La fillette avait peur de sa réaction. Elle avait tout fait pour être acceptée dans cette école, malgré les réticences et son âge trop élevé, et voilà qu'elle songeait déjà à partir après un trimestre à peine. Qu'allait-elle dire ? La réprimanderait-elle ? Ou lui interdirait-elle seulement de partir ?

Le garçon commença à lui exposer la situation, la proposition qu'il lui avait faite. Il s'attarda sur les avantages que cela avait, si elle venait travailler chez le professeur Chen. L'institutrice écouta patiemment, hochant parfois la tête pour montrer qu'elle suivait ses explications, contrairement à Cassy qui n'entendait même pas, inquiète de la réponse à venir. Elle s'en voulait d'avoir presque fait un caprice pour être acceptée en ces lieux alors qu'elle voulait désormais presque les quitter aussitôt.

- Ma foi, c'est peut-être vraiment ce qu'il y a de mieux, affirma la quinquagénaire. Tu es une très bonne élève, je te regretterai. Mais je pense que Régis a raison, tu finiras par te lasser ici. C'est ce que je craignais depuis le début, d'où mon hésitation à t'accepter parmi nous. Je savais à quel point ce serait difficile pour toi de patienter pour apprendre au même rythme que les autres quand tu étais beaucoup plus rapide. Heureusement, voilà qu'une autre initiative s'offre à toi.
- Alors vous êtes d'accord ? Je peux partir chez le professeur Chen ?
- Je n'y vois aucune objection. Tu seras sans doute plus à ta place là-bas, et probablement plus utile, aussi. Cependant, je te demanderai de ne pas quitter l'école avant vendredi soir. Tu n'as pas oublié que les examens de fin de trimestre vont se dérouler au cours des prochains jours ? Même si tu t'en vas ensuite, j'aimerais que tu les passes, afin de terminer au moins une période dans les formes.
- C'est une excellente idée, approuva Régis. Je ne travaille pas les week-end, aussi pourrais-je venir te chercher ici samedi matin. Comme tu ne dois pas savoir où se trouve le laboratoire de mon grand-père, je t'y conduirai. Cela te laissera également le temps de préparer tes affaires et d'avertir ta famille. Tes parents vont sans doute être très heureux pour toi.
- Oui... Fous de joie, même, répondit mollement la fillette, le regard vide.

Alors qu'ils étaient encore en train de discuter, les deux journalistes, qui les avaient rejoints à l'heure du déjeuner, pénétrèrent dans la salle de classe. Ils étaient sortis pour aller demander aux les élèves de se tenir prêts pour la photo de groupe. Comme ils n'en avaient pas parlé de la journée, Cassy avait espéré qu'ils se contenteraient simplement de quelques lignes, sans illustration, mais c'était sans compter sur sa malchance habituelle. Et désormais, il était trop tard pour inventer une excuse.

En proie à une véritable crise de panique doublée d'une joute mentale pour savoir qu'elle était la meilleure option qui s'offrait à elle -hormis prendre la fuite à vive allure ou se faire défigurer dans les secondes à venir-, elle suivit les autres hors de la salle de classe.

Les enfants étaient déjà alignés, les plus petits assis au premier rang, les autres debout derrière. La fillette prit place à côté de Lea, tentant vainement de dissimuler son visage. Régis, qui se tenait à sa gauche, paru s'en rendre compte, car il la repoussa doucement du bras pour la place en recul, où l'ombre de ses cheveux hérissés masquer en grande partie ses traits.

Elle ne prononça pas un mot, à la fois heureuse et surprise de voir que son unique clause était si facilement acceptée. Il ne lui demanda pas pourquoi elle cherchait tant à être à l'abri de l'objectif, se contentant simplement de l'en dissimuler. Elle finit par lui adresser un sourire reconnaissant, mais ne fut pas certaine qu'il le vit.

Le soir venu, après le repas, Cassy resta assise sur son lit. Dormant comme à son habitude avec ses vêtements, elle fut la première couchée, bien avant que les autres ne soient en pyjama. Elle n'avait pas sommeil, mais elle tenait à éluder les questions au sujet de la proposition de Régis. Elle-même cherchait à se convaincre qu'elle avait fait le bon choix : la rapidité, à défaut de la sécurité.

Le comportement du garçon l'avait cependant rassuré. Bien qu'elle devait sûrement l'intriguer, il semblait accepter qu'elle ne veuille pas en révéler trop long sur elle. Cette marque d'attention la touchait. Finalement, elle n'avait peut-être rien à craindre de son départ chez le professeur Chen, si du moins son petit-fils arrivait à le convaincre de ne pas chercher à en savoir trop.

Cassy était allongée sur le flanc, en chien de fusil, tournée du côté de la fenêtre, lorsqu'elle entendit des bruits de pas dans la pièce. Regardant d'un oeil par-dessus son épaule, elle vit ses fidèles amies, Léa et Tina, s'approcher de son lit pendant que les autres sombraient dans les bras de Cresselia.

- C'est vrai que tu t'en vas ? demanda la rousse d'une voix très basse afin qu'elles ne soient pas surprises hors de leur lit. Tu ne veux plus rester avec nous ?
- Mais non, ce n'est pas la question. Vous savez très bien que j'ai de l'affection à votre égard. C'est juste que, depuis le départ, je ne devrais pas être ici. Je suis trop âgée pour rester dans cette école. Chez le professeur Chen, je ferais la même chose, mais pour les adolescents, vous comprenez ?
- Mais pourquoi tu nous laisses ? se vexa Léa.
- Allons, allons, ce n'est pas la fin du monde. Jadielle n'est même pas à vingt minutes à pied du Bourg-Palette. A dos de Ponyta, cela doit faire moitié moins. Je reviendrais vous voir, ne vous tracassez pas. Vous n'aviez quand même pas cru que j'allais vous abandonner, non ?
- Bah... Si, un peu...
- Absolument pas. J'essayerai de passer aussi souvent que possible. Peut-être pas au début, car il faudra que je sois très assidue. J'ai beaucoup de choses à apprendre de vrais scientifiques, mais par la suite, je viendrais lorsque j'aurai un moment. Et vous aussi, les mercredi après-midi, si vous ne savez pas quoi faire, vous pourrez me rendre visite.
- Vraiment ?
- Si je vous le dis.

Elle vit le regard de ses camarades briller sous les rayons lunaires qui filtraient par la fenêtre. Tendrement, elle leur caressa les cheveux d'une main. Elles lui manqueraient sincèrement. Parfois, tout comme elle avait vu Eric en Régis, elle avait tendance à s'assimiler aux deux petites. La naïveté de la blondinette évoquait la sienne, bien qu'elle se soit envolée depuis son départ, tandis que Tina avait en elle la même joie de vivre, qui s'était également atténuée. Elle avait l'impression de se revoir, enfant, insouciante, temps qui lui semblait désormais bien loin alors que cette succession d'évènements désagréables était survenue à peine trois mois auparavant.

- Et qu'est-ce que tu vas faire, après ? Toi aussi tu partiras en voyage initiatique ? Dans ce cas, tu pourras peut-être le faire en même temps que moi, puisque j'aurais le droit d'aller chercher mon premier pokémon à la fin de l'année si j'obtiens mon diplôme, proposa Léa, fière de son idée.
- Cela m'aurait plu, mais je n'escompte pas devenir dresseuse. Eleveuse, plutôt. Et je pense que lorsque j'aurai acquis suffisamment d'expérience, je partirai en voyage à Sinnoh.

Une petite moue triste apparut sur les traits des fillettes. Cassy les rassura en leur promettant qu'elles resteraient en contact, sachant malgré tout que cela serait difficile, car si elle retournait dans sa région natale, ce serait pour se lancer sur les traces des assassins de sa famille, mission qui pourrait se révéler aussi dangereuse pour ceux qui l'entouraient que pour elle-même.

- Pourquoi à Sinnoh ? questionna Tina. Nous l'avons étudiée en géographie, et il n'y a rien dans cette région que Kanto ne possède pas. Tu pourrais rester ici. Ce n'est pas les pokémon rares qui manquent.
- De nos jours, avec le bateau, nous pouvons passer d'un endroit à un autre dans la même journée. Ce n'est pas si loin que vous semblez bien le croire. Et puis, pendant ce temps-là, Léa fera son voyage initiatique, toi, tu poursuivras tes études...
- Mais qu'y a-t-il là-bas pour que tu veuilles tant t'y rendre au lieu de rester ici ?

Elle se força à leur adresser un sourire crispé, qui fut douloureux pour chaque muscle de sa mâchoire. Connaissant bien le tempérament de ses amies, elles savaient qu'elles ne lâcheraient pas le morceau avant d'avoir soutiré la moindre information. Finalement, elle songea qu'elle serait peut-être tout aussi bien chez le professeur Chen, qui ne l'assénerait sans doute pas autant de questions, même si toutefois lui aurait probablement plus de difficulté à croire ses mensonges, avant de dire :

- Mes parents sont originaires de Sinnoh. Ils vivaient là-bas avant de venir s'installer près de Carmin-sur-Mer. J'aimerais découvrir cette région où ils ont passé une grande partie de leur vie. C'est important pour moi.

Et ils y auraient sans doute passé leur existence entière si d'autres gens sans scrupules n'avaient pas décidé de sceller leur sort par une mort atroce, sans laisser aucune trace de leur passage qui permettrait de les retrouver. Cassy se mordit la lèvre pour s'empêcher de pleurer, tandis que ses interlocutrices retournaient se coucher.

Raviver ses souvenirs avant d'aller dormir ne fut pas la meilleure chose. Elle ne parvint pas à fermer l'oeil de la nuit, recroquevillée en boule sur son matelas grumeleux, en songeant à son ancienne chambre, qu'elle avait saccagé avant son départ, au confort de son habitation, et à la chaleur du soleil se levant sur les champs verdoyants.

Elle n'aimait pas Jadielle, ville grisâtre de béton, où les bâtiments se situaient quasiment les uns sur les autres, où l'espace manquait cruellement. Elle regrettait la campagne, pure, délicate, innocente. Mais surtout, elle désespérait de l'absence des siens, douleur insoutenable, même si elle se demandait parfois pourquoi ses parents ne lui avaient pas parlé de toutes ces choses qu'elle ignorait.

Ils étaient partis, la laissant seule dans l'incertitude, dans l'inconnu. Son frère s'en serait sorti sans peine car il s'avait se tirer seul de situation délicate, mais elle, qui avait grandi dans un petit cocon douillet, cajolée et entourée de soins, elle se sentait seule, perdue, dans le monde froid et austère qui l'entourait désormais, et où elle errait à tâtons sans le moindre repère.

Chapitre 18 : Beautiful silence

Beautiful silence - Yohanna

Spoiler
Cassy passa ses examens sans encombre, avec la certitude d'obtenir une excellente note. Elle se figea une fois encore lorsque l'institutrice parla d'envoyer son bulletin du premier trimestre à ses parents sitôt le dernier devoir corriger, mais personne ne s'en aperçut. Elle avait communiqué une mauvaise adresse, sortie tout droit de son imagination, en espérant que les documents se perdraient plutôt que de revenir à leur expéditeur.

Comme il l'avait promis, le samedi qui suivit en début de matinée, Régis vint la chercher à l'école. Elle avait déjà préparé ses maigres effets et s'efforçait de coiffer ses cheveux courts relevés ce jour-là par d'innombrables épis afin de faire bonne impression devant le professeur Chen. A son habitude, elle arborait le même style de vêtements : une chemise ample et un pantalon trop grand qui avait appartenu à son frère. Elle avait cependant fini par s'habiter à ne plus porter de robe, ce qui ne lui manquait pas.

Elle descendit ensuite à la cantine où elle se contenta de prendre une pomme, l'estomac trop noué pour songer à avaler quoi que ce soit. Les adieux furent sobres. Elle embrassa les plus jeunes, pour la majorité le visage taché de lait chocolaté, avant de saluer les aînés. Tina et Léa ne purent s'empêcher de verser une larme, et même Emilien vint lui serrer la main, bien qu'un air soulagé se lisait sur ses traits : il n'aurait plus à travailler avec acharnement pour rester le premier de la classe, titre qu'il avait finalement conservé avec un dixième de points s'il se fiait à ses calculs.

Régis avait patienté dans la cour pour lui laisser le temps de dire au revoir à tout le monde. Après avoir remercié encore une fois son institutrice de l'avoir acceptée en ces lieux et exprimé son regret de partir si vite, elle le rejoignit. Il l'attendait à côté de Ponyta, qu'elle devait encore seller.

- Pourquoi ne le rentres-tu pas dans sa pokéball ? demanda le garçon tout en lui passant la sangle qui pendait sous son ventre pour lui faire gagner du temps.
- Il n'en a pas.
- Dans ce cas, capture-le. Cela t'éviterait tout ce travail à chaque fois.
- J'ai déjà essayé, une fois. Mais cela n'a pas fonctionné. La pokéball a chancelé avant de le libérer. Il est à moi depuis près de trois ans, mais il n'en reste pas moins un pokémon sauvage. Il ne veut pas être enfermé, car il a prit l'habitude de vivre en extérieur.
- Peu commun, mais pas impossible. J'ai déjà vu un cas similaire avec le Pikachu d'un ami. Lui non plus ne serait rentré pour rien au monde dans une pokéball.

Cassy vérifia une dernière fois le contenu de la sacoche qui bordait la selle afin d'être certaine de ne rien oublier. Comme toutes ses affaires se trouvaient à l'intérieur, ils purent se mettre en route. Pendant un long kilomètre, ils ne prononcèrent pas un mot. Le silence ne dérangeait pas la fillette, ce qui ne semblait pas être le cas de son compagnon. Lui paraissait être plutôt mal à l'aise.

Elle comprit alors que s'il ne parlait pas, c'était à cause de la condition qu'elle avait imposé à sa venue. Il préférait se taire afin d'éviter de poser une question qui pourrait la déranger sans s'en apercevoir, comme elle le lui avait demandé. Elle ne put d'empêcher de sourire devant une telle prévenance.

Ils marchaient côte à côte, toujours sans rien dire. Cassy tenait dans sa main serrée les rênes de Ponyta, qui semblait ravi de se dégourdir les pattes. A plusieurs reprises, ils firent une pause pour lui permettre de brouter un peu. L'herbe était si verte sur la route qui séparait Jadielle du Bourg-Palette qu'il ne pouvait s'en priver. Finalement, alors qu'ils attendaient que le pokémon ait terminé, Régis finit par briser la glace :

- Tu verras, tu seras très bien au laboratoire. Mon grand-père est quelqu'un de formidable. Tu apprendras vite tout ce que tu ne sais pas encore, beaucoup plus qu'à l'école. Et tu pourras voir différentes espèces de près. Nous devons en recenser environ deux cents. Toi qui te passionne pour l'élevage, tu verras, tu te sentiras vite à ton aise parmi nous. Je suis certain que tous les scientifiques t'auront préparé un accueil chaleureux.
- Ce serait vraiment sympathique de leur part, mais... Je ne suis pas certaine d'être à la hauteur. Et si jamais je vous décevais ? Ou si je ne parvenais pas à faire ce que le professeur Chen attend de moi ?
- Il n'y a aucune raison pour que ce soit le cas. Je t'aiderai au début, ensuite tu prendras le rythme toute seule. Il faut simplement être à l'écoute des pokémon et faire attention à leurs besoins. Comme ce Ponyta ne m'a pas l'air malheureux, je suis certain que tu n'auras aucun mal à t'en sortir.

Après quelques minutes de marche supplémentaires, ils finirent par atteindre le Bourg-Palette. C'était un minuscule village, beaucoup moins grand que Jadielle. Tout au plus pouvait-on y compter une dizaine d'habitations. Il n'y avait pas de Centre Pokémon et encore moins de commissariat, ce qui soulagea la fillette. Un seul bâtiment attirait le regard en ces lieux, plus large et plus haut que les autres, que Régis présenta comme le laboratoire de son grand-père.

Elle le suivit docilement à l'intérieur, où deux scientifiques en blouse blanche étudiaient minutieusement le contenu de divers tubes à essai sur un plan de travail, tandis qu'un troisième observait quelque chose dans un microscope, tout en prenant des notes à l'aveugle de la main droite.

Quand ils entendirent la porte coulissante se refermer derrière eux, ils levèrent la tête de leur tâche respective. Abandonnant ce qu'ils étaient en train de faire, ils se dirigèrent vers Cassy pour se présenter, bien qu'elle ne retint aucun de leur nom. Son compagnon de route avait dû faire passer le message car, en dehors d'interrogations polies pour savoir comment elle allait, ils ne demandèrent rien.

- Le professeur Chen vient de sortir, Régis, informa celui qui avait le microscope quelques instants auparavant. Il avait besoin de baies pour une expérience. A moins que ce ne soit pour un pokémon. Il est resté très vague, mais bon, tu sais comment il est. En tout cas, il ne sera pas de retour avant un bon moment.
- Ce n'est pas grave. Tu viens, Cassy ? Je vais en profiter pour te faire visiter les lieux. Commençons par conduire ton Ponyta au pré avec les autres.
- Avec plaisir.

Ils sortirent de l'établissement devant lequel elle avait demandé à son pokémon de l'attendre. Son nouvel ami lui indiqua un chemin de terre étroit qui passait derrière le laboratoire. Une grande palissade en bois entourait un vaste terrain qui devait mesurer plus d'un hectare. Ils arrivèrent à la hauteur d'un portail taillé dans le même matériau, que Régis ouvrit avec une petite clé en argent.

Cassy n'en crut pas ses yeux lorsqu'elle pénétra à l'intérieur de l'immense enclos. Plusieurs centaines de pokemon se trouvaient à l'intérieur, galopant gaiement ou jouant ensemble. Un troupeau de Tauros lui rappela ceux qu'elle avait libérés à la ferme. Des types insecte se tenaient à proximité des arbres, tandis que de temps à autre, des Poissirène sautaient à la surface du petit étang installé exprès pour les créatures aquatiques.

- C'est magnifique ! s'exclama-t-elle avec un sourire abasourdi en faisant un pas à l'intérieur.
- Oh, je crois que Ponyta a envie de rejoindre ses congénères.

En effet, le poney de feu se mit à tirer vivement sur ses rênes quand il vit passer à quelques mètres de lui un Galopa qui menait une petite troupe de sa sous-évolution. La fillette se hâta de desseller sa monture qui partit presque aussitôt trottiner dans leur sillage. Ils parurent bien l'accueillir, car quelques secondes plus tard, ils s'élançaient tous ensemble au même rythme.

- La plupart des pokémon ont un instinct grégaire, ils aiment la compagnie, même si elle n'est pas obligée d'être de leur espèce, informa Régis en regardant le troupeau s'éloigner.

Il se tourna ensuite vers elle et insista pour porter la lourde selle qu'elle tenait encore entre ses bras. Elle voulut refuser mais il la prit sans vraiment attendre son accord. Il proposa ensuite de lui montrer sa chambre, où elle pourrait l'entreposer. Curieuse de savoir où elle allait dormir, elle accepta sans rechigner.

Le vaste enclos donnait directement sur l'arrière du laboratoire, où une porte vitrée permettait de passer d'un endroit à l'autre sans avoir besoin de faire le tour par l'entrée principale. Elle était déjà ouverte, aussi pénétrèrent-ils à l'intérieur. Les scientifiques, qui s'étaient remis à l'ouvrage, ne leur prêtèrent cette fois aucune attention. Régis lui fit signe de la suivre dans des escaliers en colimaçon qui menait à l'étage.

- Là, ce sont les appartements de mon grand-père, lui apprit-il en désignant la première porte devant laquelle ils passèrent. A côté, c'est son bureau. Lorsqu'il se trouve à l'intérieur, personne n'a le droit de le déranger, pas même moi, sauf pour les cas d'urgence vraiment grave. La salle de bain commune se trouve tout au bout du couloir. Celle-là, c'est ma chambre. Et ici, ce sera la tienne. Bon, elle est un peu petite, mais avant, c'était là où nous entreposions tout le matériel devenu inutile.

Il l'invita à entrer. Certes, la pièce n'était pas aussi spacieuse que celle dans laquelle elle vivait à la ferme, mais cela lui convenait parfaitement. Après avoir passé près de trois mois dans le dortoir de l'école qu'elle avait partagé avec toutes les autres filles, elle ne serait pas mécontente de retrouver un peu d'intimité pour dormir.

Un lit en bois avait été installé au milieu de la pièce, recouvert d'une parure crème. A côté, une lampe trônait sur la table de nuit, apparemment l'unique source de lumière, excepté la petite fenêtre aux volets entrouverte, car il n'y avait pas d'ampoule au plafond. Une simple commode complétait le mobilier, bien qu'elle était certaine que ses affaires n'occuperaient même pas entièrement le premier tiroir.

- J'espère que cela te plaît, nous n'avons pas eu le temps de mieux l'aménager dans des délais aussi courts. J'ai choisi les draps, comme je ne savais pas ce que tu aimerais. Mais si la couleur te dérange, tu peux toujours les changer. Nous avons une buanderie en bas, tu auras l'embarras du choix.

Il s'apprêtait à sortir pour lui laisser le temps de déballer ses affaires et de prendre ses aises quand elle se tourna face à lui pour lui adresser un sourire réservé. Après un petit bredouillement, elle finit par révéler :

- Le jaune pastel. Le vert clair aussi. Je n'aime pas trop les couleurs vives, mais le beige me convient. C'est parfait.

Régis parut alors satisfait de l'aménagement de la chambre, mais n'insista pas davantage. Une fois encore, cela ne fit qu'augmenter l'estime que Cassy lui portait davantage à chaque instant, de voir qu'il respectait à ce point sa vie privée. Elle n'avait pas pensé que les choses pourraient être aussi simple. Cela n'était cependant pas pour la contrarier, au contraire.

Tandis qu'il patientait dans le couloir, après lui avoir rendu la selle de Ponyta qu'il avait conservé jusque là, elle la déposa sur son lit pour sortir ses affaires de la sacoche, qu'elle plia soigneusement pour les ranger dans la commode. Comme elle s'y attendait, le premier tiroir n'était plein qu'à moitié lorsqu'elle eut tout mis à l'intérieur.

Enfin, elle suspendit la cape de Sven au porte-manteau métallique qui avait été grossièrement vissé derrière la porte, avant de déposer avec soin ses cartes géographiques des régions Sinnoh et Kanto avec son chapelet dans la table de nuit. Quand cela fut fait, elle rejoignit Régis pour poursuivre sa visite.

Chapitre 19 : Slow down

Slow down - Yohanna

Spoiler
- De ce côté-ci du laboratoire, tu trouveras les autres pièces de vie : salon, salle à manger, cuisine, présenta le garçon lorsqu'ils furent revenus au rez-de-chaussée. Tu pourras venir ici dès que tu auras un moment. Quand à cette salle, comme tu l'as bien compris, c'est là où sont menés toutes les expériences scientifiques et les études sur les pokémon. Tu n'auras pas grand-chose à y faire, puisque ton rôle consiste à t'occuper de nos pensionnaires. Le garde-manger se situe juste derrière cette porte : il y a des poffins, des pokéblocs ainsi que d'autres sortes d'aliments, classée par type et par groupe. Tu auras probablement un peu de mal à t'y retrouver au début, mais une fois que tu auras compris, tu verras, c'est simple comme bonjour. Comme c'est ton premier jour, et que mon grand-père n'est toujours pas revenu, je vais t'aider pour la ration de midi.

Régis ouvrit le placard dans lequel étaient empilés quantité de boîtes métalliques et de tuperwares, tous pleins de nourriture. Des étiquettes étaient collées dessus, pour permettre d'identifier plus facilement à quels pokémon elle était destinée. Cassy songea qu'elle aurait sans doute à apprendre cela par coeur, ainsi que le nom de toutes les espèces présentes au laboratoire. Les bras chargés par le repas qu'elle s'apprêtait à aller servir, elle se dirigea vers la sortie, tandis que son ami refermait la porte derrière elle avant de prendre tout ce qu'elle n'avait pu porter.

- Par qui commence-t-on ?
- Les Ursaring, répondit-il du tac au tac. Il faut toujours les nourrir en premier, sinon ils deviennent vite furieux, et ce n'est pas le genre de créature qu'on aime beaucoup mettre en colère.

Pour reproduire leur habitat naturel, une sorte de grotte en pierre avait été aménagée dans un angle du pré. Deux pokémon en sortirent, suivi de quatre adorables Teddiursa. La fillette leur tendit leur ration, la main tremblante, mais Régis la rassura. Si elle ne faisait pas de mouvement brusque susceptible de les rendre méfiant, tout irait bien. Finalement, le plus grand des Ursaring tendit la patte pour attraper un poffin, qu'il avala tout rond, avant de grogner de satisfaction, puis les autres vinrent se servir à leur tour.

Ils se rendirent ensuite à l'étang, où Cassy dispersa une vingtaine de baie Algua à la surface pour que les pokémon aquatiques puissent venir les chercher. Un timide Ptitard s'avança dans sa direction, en sautillant sur la rive. Comme il s'arrêta à sa hauteur en la fixant de ses grands yeux ronds, elle lui tendit en souriant un aliment rien que pour lui, qu'il engloutit avec plaisir.

- Je vois que les pokémon semblent déjà t'apprécier. Je n'ai donc pas à regretter mon choix d'avoir écouté Régis pour t'engager.

Elle sursauta, manquant de lâcher la boîte encore à moitié pleine qu'elle avait à la main. Le professeur Chen se dirigeait vers eux d'un pas rapide. Son petit-fils lui adressa un grand signe alors qu'elle restait stoïque, ne sachant que faire. Elle décida finalement de le remercier pour lui avoir laissé sa chance.

- Pourquoi ne l'aurais-je pas fait ? répondit l'homme en riant. D'après ce que j'ai compris, les cours ne te servaient pas à grand-chose et moi j'avais désespérément besoin d'un éleveur pokémon. Je sais que tu es loin de connaître toutes les ficelles, mais tu verras qu'avec un peu de temps, tu seras vite une spécialiste. Au final, tout le monde semble y trouver son compte. Régis, tu lui as expliqué ce qu'il y a à savoir ?
- Je crois n'avoir rien oublié, grand-père. Tu devrais cependant prendre ma relève, tu en as sûrement plus à dire que moi.

Le garçon prit congé, cédant sa place au professeur qui termina le tour avec Cassy. Il lui dispensa d'importantes informations à propos des pokémon au fur et à mesure qu'elle les alimentait. Elle eut un peu peur lorsqu'une Empiflor voulut se refermer sur son bras, avant de s'apercevoir que c'était uniquement parce qu'elle marchait sur sa racine. Elle se sentit si sotte qu'elle manqua d'en éclater de rire.

- Sur quoi travaillez-vous en ce moment ? interrogea-t-elle alors qu'elle donnait du pain sec aux Roucool venus picorer. Enfin, si ce n'est pas secret, bien sûr.
- Pas du tout. Te souviens-tu, lorsque nous nous sommes rencontrés dans la forêt, de l'oeuf que j'avais avec moi ? Il a éclos il y a peu de temps pour devenir un Mime Jr. Avec lui, j'étudie la théorie de l'évolution.

Cassy avait entendu parler de ce phénomène à l'école, même si son étude n'était prévue que pour le troisième trimestre. Apparemment, certaines espèces de pokémon se transformaient d'un coup, allant parfois même jusqu'à changer totalement de forme, voire de type. Elle voulut en savoir plus.

- Pour l'instant, cela n'a pas permis beaucoup de déduction, hélas. La seule hypothèse que je pourrais avancer pour l'instant serait celle d'une croissance accélérée.
- Que voulez-vous dire ?
- Je pense que cela fonctionne comme les êtres humains. Quand savent-ils exactement qu'ils passent de l'enfance à l'adolescence, puis de l'adolescence à l'âge adulte ? C'est instinctif, et si le corps se transforme progressivement, l'esprit, lui, est parfois plus rapide. A mon avis, c'est la même chose chez les pokémon. Leur changement de forme ne serait dû qu'à un passage à un stade plus mature. Cela se confirmerait en particulier chez ceux qui ont besoin d'apprendre une attaque pour évoluer, comme une sorte de rituelle pour rentrer dans l'âge adulte. Ils ont besoin d'engranger un certain nombre d'expérience avant de pouvoir se transformer. D'une certaine manière, c'est exactement comme nous. Un enfant qui aurait traversé de dures épreuves deviendra plus vite adulte que celui qui aurait été longtemps choyé.

"A qui le dites-vous..." songea amèrement la fillette en se forçant à sourire avant d'approuver ce qu'il venait de dire d'un signe de tête.

- Je dirais que votre raisonnement se tient, professeur, et j'espère que vous parviendrez à le démontrer. Si je peux vous aider en quoi que ce soit, n'hésitez pas. Je vous rapporterai tout ce que j'observe en lien avec votre étude, dans l'espoir que cela puisse contribuer à la faire avancer.
- Décidément, Cassy, c'est une perle rare que Régis m'a trouvé en te faisant venir ici. Je te remercie de ton assiduité, mais je crois qu'il serait temps de cesser de parler travail et d'aller déjeuner. Tu dois avoir faim, ne serait-ce qu'après le trajet que tu as fait depuis Jadielle pour venir jusqu'ici. Après tout, il n'y a pas que les pokémon qui ont le droit de manger.

Il lui adressa un sourire auquel elle répondit par la même politesse, avant qu'ils ne retournent à l'intérieur. L'endroit était finalement plus agréable que tout ce qu'elle aurait pu imaginer. Il lui fallut peu de temps pour cesser de regretter l'école. Au cours des jours qui suivirent, elle en apprit plus sur les créatures qui l'entouraient qu'après trois mois de travail acharné à l'école pour combler son retard.

Un matin, alors qu'elle portait une fois encore la nourriture au pokémon, elle s'aperçut en ouvrant la porte vitrée qu'il pleuvait des cordes. Chargée, il n'était pas question pour elle de remonter dans sa chambre -devant la porte de laquelle elle avait mystérieusement trouvé une parure de lit jaune à son réveil- pour aller chercher la cape de Sven.

Rentrant la tête dans les épaules, elle s'élança au dehors, où la pluie glacée la trempa jusqu'aux os. Elle se hâta d'aller nourrir les Ursaring qui ne prirent même pas la peine de sortir de la grotte afin de ne pas être mouillés, avant de se diriger vers l'abri en toile expressément monté pour que les type feu puisse s'y abriter. Ponyta se trouvait parmi eux et, comme à chaque fois, elle parvint en cachette à lui donner un poffin. Enfin presque.

- Tu sais que ce n'est pas bien de faire du favoritisme ? s'enquit une vois derrière elle en riant aux éclats.

La silhouette de Régis se découpait au travers du rideau de pluie qui avait aplati ses cheveux sempiternellement hérissés. La surprise passée, Cassy sourit à son tour, tandis qu'il prenait les boîtes restantes qu'elle avait encore dans les mains.

- Qu'est-ce que tu fais là ? demanda-t-elle alors qu'ils dirigeaient vers l'étang pour nourrir les Poissirène.
- Je suis venu t'aider. Habillée comme tu l'es, par ce temps, tu vas attraper un rhume si tu ne te dépêche pas. Tu as vu ta tête ? Tes cheveux frises !
- Et les tiens ? Ils sont plats comme une crêpe.
- Redis un peu cela pour voir ?

La garçon se pencha au-dessus de la surface de l'eau dans laquelle il plongea sa main pour l'éclabousser, chose inutile puisqu'elle était déjà intégralement trempée. A son tour, elle l'arrosa sans scrupule, mais finit par glisser sur l'herbe boueuse, pour se retrouver précipiter dans l'étang. Régis éclata d'un rire moqueur, avant d'ôter son manteau noir et de plonger à son tour pour continuer leur bataille aquatique.

Ce furent lessivés mais hystériques qu'ils regagnèrent le laboratoire une fois que tous les pokémon eurent reçu leur ration respective. Heureusement pour eux, personne ne s'y trouvait lorsqu'ils pénétrèrent à l'intérieur, dégoulinant d'eau et de boue sur le carrelage d'un blanc immaculé. Tous les scientifiques étaient sur le terrain, comme chaque mercredi.

- Je suis épuisée, avoua Cassy en ôtant ses bottes pour les glisser sous le radiateur afin d'en faire sécher le cuir. Je ne sais pas comment les Poissirène peuvent vivre constamment dans un étang.

A nouveau, cela provoqua leur hilarité, tandis que Régis posait également son manteau sur l'appareil chauffant, après l'avoir en grande partie essoré à l'extérieur car le tissu avait été imbibé par la pluie. Ils montèrent se changer en hâte dans leur chambre, avant de revenir nettoyer le sol qu'ils avaient sali en rentrant. Cassy passait le balai pendant que son ami absorbait l'eau à l'aide d'une serpillère.

Tandis qu'elle allait remettre tout cela à sa place dans un coin de la buanderie, quelqu'un frappa à la porte. Elle fut soulagée de voir qu'ils avaient tout fini de nettoyer à temps, alors que le garçon allait ouvrir. Elle n'entendit pas la conversation qui fut brève, mais il ne tarda pas à la rejoindre dans la petite pièce où elle se trouvait encore.

- C'était ton institutrice, elle souhaitait te parler...
- Pourquoi ne lui as-tu pas dit de patienter ? Tu aurais pu m'appeler.
- ... de ton bulletin scolaire qu'un Roucool a emmené à l'adresse qui tu lui avais donnée et qui est revenu sans avoir pu le livrer. Apparemment, après qu'elle ait mené une petite enquête, l'endroit où tu prétends vivre n'existerait pas.
- Et... qu'est-ce que tu as répondu ?
- Que le mercredi était ton jour de congé, que tu dormais encore et que tes parents allaient venir te rendre visite dans l'après-midi, raison pour laquelle elle m'a laissé le courrier qu'ils n'ont pas eu l'occasion de recevoir.

Il quitta la buanderie sans rien ajouter après lui avoir tendu son bulletin, où l'encre avait bavé par endroit à cause de la pluie. Le regard brillant, Cassy eut un sourire tout en murmurant "Merci" au garçon qui était déjà trop loin pour l'entendre.

Dire qu'elle avait eu peur de tout ce qui pouvait l'attendre au laboratoire, alors qu'elle pouvait finalement compter sur un ami sincère qui acceptait le mystère l'entourant, et décidait même de la couvrir alors qu'il avait désormais la preuve qu'elle avait quelque chose à cacher.

Cela faisait plus de deux semaines qu'elle vivait en sa compagnie, sans qu'il ne lui ait posé la moindre question sur sa vie privée, son passé ou sa famille. Elle aurait voulu lui témoigner sa reconnaissance autant qu'elle l'aurait souhaité, mais cela indiquait faire des révélations qu'il ne devrait pas entendre.

Ils gardèrent donc le silence, tous les deux, lorsqu'ils regardèrent la télévision dans le salon durant une bonne partie de l'après-midi. Il ne lui demanda rien, comme toujours, et elle n'orienta pas la conversation sur le service qu'il lui avait rendu un peu plus tôt. Afin de lui exprimer sa gratitude, elle se contenta de poser sa tête sur son épaule, ce à quoi il répondit en déposant sa main dans la sienne.

Elle songea un instant à sa promesse, celle qui consistait à se venger des agresseurs. Elle avait toujours l'intention de la tenir, mais cela serait difficile dans l'immédiat. Même si elle avait comblé une grande partie de ses lacunes, elle ne souhaitait pas quitter le laboratoire pour l'instant. Elle y était trop bien. Elle adorait le Bourg-Palette, et la compagnie de Régis lui était très agréable. Depuis qu'elle avait quitté sa ferme à Sinnoh, c'était la première fois qu'elle se sentait à nouveau à sa place quelque part.

Elle décida de prendre son temps. Après tout, qu'est-ce que quelques mois de plus changeraient ? Elle pouvait rester encore un peu en ces lieux, sans pour autant renoncer à son projet. Elle allait simplement ralentir le rythme et en profiter tant qu'elle le pouvait, afin de vivre un peu le bonheur qu'elle avait longtemps cru perdu.

Chapitre 20 : Il faut partir

Il faut partir - Cleopatre

Spoiler
Les mois s'écoulèrent, paisibles, sans qu'aucun autre évènement ne vienne troubler la vie de Cassy au laboratoire. Devenus totalement inséparables, elle ne passait pas une journée sans Régis, qui lui apprenait autant de choses autant qu'il l'amusait. Elle assista à la capture de nombreux pokémon en sa compagnie, puis à leur entraînement.

Un soir, alors qu'elle rangeait son chapelet dans le tiroir de sa table de nuit après sa prière, son regard se posa sur le bulletin qu'elle conservait là. Le garçon ne l'avait toujours pas interrogée depuis tout ce temps à ce sujet, et ne le ferait probablement jamais. Il avait continué de la protéger des sujets épineux, sans forcément soupçonner ce qu'elle dissimulait, afin que son secret ne risque jamais d'être percé à jour.

Comme elle n'arriva pas à dormir, elle se leva sur la pointe des pieds et sortit dans le couloir. Il n'y avait pas un bruit pour troubler le silence profond de la maisonnée assoupie. Doucement, elle se dirigea vers la porte de la chambre voisine, où elle toqua contre le battant. Elle n'obtint aucune réponse, aussi réitéra-t-elle son geste, avec la crainte de réveiller le professeur Chen qui la surprendrait debout à cette heure de la nuit.

Finalement, Régis vint lui ouvrir, à moitié endormi, et l'invita à entrer. Il arrangea ses oreillers avant de se glisser sous la couverture qu'il venait de quitter tandis que la fillette s'asseyait en tailleur à l'extrémité de son lit. Il ne prononça pas un mot, attendant patiemment qu'elle se décide à lui expliquer pourquoi elle était venue dans sa chambre à une heure pareille, mais elle se contentait de fixer le plafond.

- Tu as fait un cauchemar ? finit-il par demander en étouffant un bâillement derrière sa main.
- Pas vraiment.
- Ecoute, Cassy, je veux bien...
- Kathy, interrompit-elle. En fait, mon vrai prénom, c'est Kathy. Et je ne suis pas originaire de Carmin-sur-Mer, mais de la région Sinnoh. Si le Roucool n'a pas trouvé mes parents, c'est parce que je suis orpheline. C'est la raison pour laquelle je suis arrivée jusqu'ici : j'étais toute seule et je ne savais pas quoi faire, alors je me suis enfuie.
- Si ce n'est que cela, pourquoi te caches-tu ? Je veux dire, il y a des tas d'autres enfants qui n'ont pas de famille, et ce n'est pas la fin du monde. Il n'y a pas à en avoir honte.
- Ce n'est pas le problème. J'ai disparu sans prévenir personne, et je suis recherchée par la police de Kanto qui souhaite absolument me retrouver, car ce sont eux qui se sont occupés de moi après la mort de mes parents, sauf qu'ils m'ont quasiment privée de liberté et que je n'y retournerai pour rien au monde, du moins pour l'instant, car cela arrivera forcément un jour. Je ne peux pas fuir indéfiniment mes responsabilités.

Régis se rallongea puis ferma les yeux un instant. La fillette aurait cru qu'il s'était rendormi s'il n'avait pas demandé dans un souffle :

- Pourquoi me dis-tu cela à moi ? Et pourquoi maintenant ?
- Parce que tu es le seul à avoir réellement respecté mon silence pendant tout ce temps. Et aussi, même si je ne saurais pas l'expliquer, je sens que je peux avoir aveuglément confiance en toi.

Elle se coucha à côté de lui et sentit son bras entourer ses épaules. Régis plongea son menton dans ses cheveux pour déposer un baiser dans sur son crâne. Alors qu'elle était sur le point de s'endormir, il lui murmura affectueusement :

- Tu n'as pas à t'inquiéter. Tu n'es plus seule, maintenant.

Le lendemain matin, comme chaque mercredi, ils se levèrent de bonne heure pour exécuter leurs tâches respectives au plus vite afin de pouvoir passer plus de temps à s'amuser, en l'absence des scientifiques. Ce jour-là, Régis devait compléter les fichiers informatiques de son grand-père, tandis que Cassy s'occupait de vacciner les pokémon qui en avait besoin.

Une fois leur travail terminé, ils se retrouvèrent dans le pré où elle l'attendait, son Ponyta sellé à côté d'elle. Avec un sourire, elle déclara qu'elle avait décidé de lui apprendre à faire de l'équitation. Le visage du garçon témoigna une réelle surprise qui se transforma bien vite en une grimace : il était de ceux qui aimaient garder les pieds sur terre. Pour gagner du temps, il proposa :

- Et si tu me faisais une petite démonstration avant que j'essaie de grimper là-dessus ? Je pourrais voir ta technique.
- Régis Chen, tu es un peureux, se moqua-t-elle avant de se hisser sur le dos de sa monture.

D'un petit coup de talons, elle le fit partir au trot, puis lui enjoigna de prendre le galop. Lorsque l'allure lui convint, elle ôta ses étriers, ne restant en selle que grâce à son équilibre presque parfait. Elle rallongea ensuite ses rênes, avant de les déposer complètement sur l'encolure. Puis, avec l'élan de ses bras, elle se propulsa debout sur son Ponyta, qui continuait d'avancer. C'était tout ce dont elle se souvenait de la voltige qu'elle faisait étant plus jeune.

- Bravo ! applaudit son ami. Mais sincèrement, tu me vois faire une chose pareille ? Je n'arriverais même pas à tenir assis sur une Ecremeuh à l'arrêt.
- Il faut toujours que tu exagères. Regarde, ce n'est pas si compliqué.

Toujours redressée, elle tendit les bras au-dessus de sa tête, puis perpendiculairement à son corps, prête à sauter à terre. Cependant, au moment où elle allait le faire, son pokémon fut entouré d'une lumière éblouissante qui lui fit perdre tous ses moyens. Son fidèle compagnon se transforma sous elle en Galopa, plus grand et plus rapide. Ce changement la déstabilisa : elle se retrouva projetée à terre sans avoir pu anticiper sa réception. La chute lui arracha un cri.

- Cassy ! Cassy, tu vas bien ?
- Pas trop, non, gémit-elle en se tenant la cheville. Je crois que je me suis faite une entorse. Quelle idiote ! Je n'aurais pas dû prendre de risque aussi inutile.
- Allons, ce n'est pas ta faute. Tu t'en sortais très bien, tu ne pouvais pas imaginer que Ponyta allait évoluer à ce moment précis. Tu peux te lever ?
- Si tu m'aides, cela doit être faisable.

Régis la soutint par le bras jusqu'à l'intérieur du laboratoire, où il l'installa sur un tabouret. Elle ôta ses bottes pendant qu'il se hâta d'aller chercher des glaçons pour les appliquer sur son articulation endolorie. La douleur commençait à s'atténuer et l'événement aurait pu passer inaperçu si le professeur n'était pas rentré au moment précis où Régis bandait sa cheville.

- Que se passe-t-il ? demanda-t-il aussitôt. Tu t'es blessée ?
- Ce n'est rien, rien du tout, rassura-t-elle en grimaçant car elle ressentit un élancement dès qu'elle voulut bouger le pied. Je suis tombée de ma selle parce que Ponyta a évolué au moment où je m'y attendais le moins.
- Tu ne peux pas rester comme cela. Je vais t'emmener au Centre Pokémon de Jadielle.
- Non !

Les deux jeunes gens s'étaient exclamés en choeur, arrachant un regard de méfiance à leur interlocuteur. Il continua d'insister, affirmant qu'il ne laisserait pas Cassy faire quoi que ce soit tant qu'elle n'aurait pas vu un médecin.

- Très bien, grommela-t-elle à contrecoeur en comprenant qu'il ne céderait pas. Régis peut m'emmener voir l'infirmière Joëlle.
- Pas question, tu es sous ma responsabilité. Je vais t'y conduire personnellement.
- Mais grand-père, tu dois être débordé, alors que je peux très bien...
- Il n'en est pas question. Regarde, je vous laisse seuls une demi-journée et nous voyons le résultat. Heureusement que j'avais oublié ma mallette. Qu'auriez-vous fait si je n'étais pas revenu ?

Cassy songea qu'ils s'en seraient beaucoup mieux sortis sans lui, surtout lorsqu'il l'installa à l'avant de la petite camionnette qu'il utilisait pour transporter des pokémon d'un endroit à un autre. Le coeur lourd d'appréhension, elle se laissa emmener au Centre Pokémon, craignant d'éveiller une nouvelle fois les soupçons de son personnel. Pendant un instant, elle alla jusqu'à regretter de ne pas être repartie pour Sinnoh alors qu'elle en avait encore l'occasion, ce qu'elle serait forcée de faire en catastrophe si quelqu'un émettait le moindre soupçon.

L'infirmière Joëlle était cependant la même que le jour de sa visite médicale, ce qui joua en sa faveur. Comme elle se souvenait de ce qu'elle lui avait révélé à propos de son oncle, bien que ce soit entièrement faux, cela évita à la fillette de se resservir de ce mensonge pour quelqu'un d'autre. Elle se contenta de lui faire passer un scanner, qui indiqua contre toute attente que la cheville ne souffrait pas d'une simple foulure, mais d'une entorse plus grave, qui nécessiterait l'immobilisation de son pied durant plusieurs jours, ainsi que l'utilisation de béquilles.

Heureusement pour Cassy, ce fut la seule mauvaise nouvelle. Elles n'abordèrent aucun autre sujet que celui de sa blessure et des médicaments nécessaire à sa guérison, avant qu'elle ne reparte au Bourg-Palette avec le professeur Chen, qui ne cessait de répéter qu'il avait eu raison de la conduire au Centre Pokémon. La fillette, de son côté, se demandait si elle ne commençait pas à devenir paranoïaque, certaine que son secret soit découvert à tour bout de champ par n'importe qui, alors que jusqu'à présent, cela n'avait pas été le cas.

Une fois de retour, Régis l'interrogea pour savoir comment cela s'était passé toit en l'aidant à regagner sa chambre. Elle le rassura d'un sourire, puis il la laissa seule après lui avoir porter un coussin sur lequel elle pourrait poser son membre douloureux. L'ennui la gagna bien vite, et elle finit par s'assoupir, n'ayant rien d'autre à faire.

Ce fut la sonnerie du visiophonne qui la tira de son sommeil. Elle entrouvrit un oeil, un peu en colère d'avoir été réveillée alors qu'elle dormait si bien, et rabattit son oreiller sur sa tête en attendant que la conversation à l'étage inférieur se termine. Lorsque la personne qui avait prit l'appel raccrocha enfin, Cassy se tourna sur le côté dans l'espoir de somnoler encore un peu, mais elle fut bien vite interrompue par des coups frappés à sa porte.

- C'est ouvert, lança-t-elle d'un ton grognon.

Régis pénétra dans la pièce. Son visage était figé, ses traits tendus, comme s'il venait d'apprendre quelque chose de grave. Elle l'interrogea du regard, en vain, car il ne semblait pas décidé à parler. Il la jaugea un long moment, avant de croiser les bras sur son torse, comme s'il attendait qu'elle dise quelque chose la première.

- Vas-tu finir par me dire ce qu'il y a ?
- Et toi ? A quoi servaient tes petites révélations d'hier soir ? A moins que ce n'ait été encore que des mensonges.
- Mais qu'est-ce que tu racontes ? Tu ne te rends pas compte de l'effort que cela m'a demandé de venir te dévoiler tout cela.
- Dans ce cas, était-il vraiment nécessaire de me mentir sur ton âge ? Cela faisait également parti de ta double identité ?

Cassy le regarda sans comprendre, comme s'il était devenu fou, avant de se défendre :

- Enfin, qu'est-ce que c'est que cette histoire ? S'il y a bien une chose sur laquelle j'ai dit la vérité, c'est mon âge. A quoi cela aurait-il servi de m'en inventer un autre ?
- C'est ce que j'attends que tu m'expliques. Tu as de la chance que ce soit moi qui ait pris l'appel et non mon grand-père. C'était l'infirmière Joëlle qui voulait l'avertir qu'elle avait examiné tes radios de plus près, car quelque chose l'avait intriguée. On peut aisément devenir l'âge d'une personne en fonction de son ossature. La tienne est celle d'une jeune fille de quinze ans, et pas d'une fillette de treize.
- C'est impossible, souffla l'intéressée en hochant la tête.
- Tu ne vas quand même pas remettre en doute la parole d'une personne agréée par le corps médical ?
- Je dis juste que ce n'est pas possible pour la simple et bonne raison que c'est mon frère qui devrait avoir quinze ans, et qu'il est plus vieux que moi !

Chapitre 21 : Listen to your heart

Listen to your heart - D.H.T.

Spoiler
- Qui es-tu vraiment ? demanda Régis en hochant la tête. Et comment dois-je t'appeler d'ailleurs ? Cassy ? Kathy ?
- Désormais, c'est et cela restera Cassy. Bon, ferme la porte derrière toi.

Il s'exécuta puis vint s'asseoir sur le lit où elle s'était redressée. Il attendit, mais elle avait dû mal à trouver ses mots. Elle avait peur qu'il ne lui pardonne pas ses mensonges, et qu'il la regarde différemment lorsqu'il connaîtrait sa véritable histoire qu'elle avait tant cherché à dissimuler.

- Ce que je vais te dire là, il ne faudra jamais que tu en parles à quiconque, d'autant que le simple fait d'être au courant pourrait t'attirer des ennuis si cela s'ébruitait, voire pire encore. L'été dernier, à Sinnoh, je me suis perdue dans les bois, du coup je ne suis pas rentrée chez moi à l'heure prévue. C'est cela qui m'a sauvé la vie. Lorsque je suis arrivée, mes parents et mon frère avaient disparu, et il ne restait d'eux que du sang partout dans le salon. J'ai aussitôt été prévenir l'agent Jenny qui a commencé les recherches, en vain. Ils n'ont trouvé ni indice ni corps, rien. J'étais tellement désespérée que j'ai songé à me suicider, si Cynthia n'était pas intervenue à ce moment-là. La police souhaitait que je reste jour et nuit enfermée dans le Centre Pokémon pour être en sécurité au cas-où ceux qui avaient agressé les miens décideraient de s'en prendre à moi, sauf que je voyais l'enquête stagnait et je voulais faire quelque chose pour la faire avancer, ce que personne ne permettait. Je me suis également rendue compte de mes lacunes : des objets qui étaient communs pour tout le monde, tels que les pokéball ou les télévisions, je n'en avais jamais entendu parler. Je me suis donc enfuie dans l'espoir de retrouver moi-même les criminels qui ont assassiné ma famille.

Le garçon la fixa, une expression indéchiffrable sur le visage. Il finit par se lever pour faire les cents pas dans la petite chambre, où son amie le suivit des yeux. Enfin, il se décida à parler :

- Cela n'explique toujours pas ton âge...
- Je te jure que je n'ai pas menti. Evidemment, il est un peu difficile de le prouver, étant donné que je n'ai ni papiers, ni dossier médical. A Sinnoh, ils ont dit que je pourrais tout aussi bien ne pas exister.
- Comment cela se fait-il, à ton avis ?
- Je n'en sais rien, Arceus sait pourtant combien j'y ai réfléchi au cours de ses derniers mois. J'ai même fini par penser que nos parents nous avaient élevés en quelque sorte hors du monde.

Régis porta sa main à son menton pour tenter de démêler la situation qu'il avait déjà du mal à comprendre. Après un long moment durant lequel ils restèrent tous deux silencieux, il suggéra :

- Tu ne crois pas que tes parents auraient simplement pu se cacher ?
- Tu veux dire... de quelqu'un ?

Il répondit par un haussement d'épaules. Soudain, elle s'en voulut de ne pas y avoir songé plus tôt. C'était évident ! Elle avait affirmé à l'agent Jenny que sa famille n'avait pas d'ennemis, mais également qu'ils ne côtoyaient pas beaucoup de monde. Elle ne se souvenait pas avoir jamais entendu son père ou sa mère évoquer leur passé. Se pourrait-il que déjà bien avant sa naissance, ils auraient eu quelqu'un à fuir, qui les aurait finalement retrouver malgré tout le mal qu'ils se seraient donnés pour se cacher ?

- Cela expliquerait pas mal de choses, en effet. Voilà la raison pour laquelle nous ne possédions ni ordinateur, ni télévision, ni rien qui pouvait nous relier au monde extérieur. Il nous dissimuler quelque chose à Eric et à moi. Quant à mon âge, ils ont sans doute dû falsifier tout ce qui pouvait l'être afin que celui ou ceux à qui ils cherchaient à échapper ne les retrouve jamais. Si l'on suit cette logique, mon frère aurait donc dû avoir dix-sept ans, et non pas quinze. Mais pourquoi ?

Cassy s'effondra en pleurs sur son oreiller, presque hystérique. Régis vint s'accroupir à côté du lit pour tenter de la réconforter. Il entoura ses épaules de ses bras et posa sa tête contre la sienne. Le corps de la jeune fille était parcouru de tremblements nerveux tandis qu'elle jetait toutes ses forces dans ses larmes.

Elle ne sut combien de temps ils restèrent ainsi, elle larmoyante, lui un soutien moral et psychologique dans une telle situation. Même lorsque ses pleurs se tarirent enfin, au bout de ce qui sembla être une éternité, elle était toujours agitée par des soubresauts. Elle avait l'impression que ses nerfs étaient à deux doigts de lâcher pour de bon.

- Allez, viens avec moi. Tu as besoin d'un remontant. Je vais te faire un café très fort, sinon tu vas t'écrouler. Il faut que tu te calmes.

Le garçon attrapa ses béquilles, adossées à la table de nuit, et les lui tendit. Elle n'en tint cependant pas compte, se mettant debout sans aucun soutien. Elle boitilla légèrement jusqu'à la porte, mais sans plus de difficulté. Elle arrivait même à poser le pied par terre, à condition de ne pas trop rester en appui dessus.

- Si mon grand-père te voyait... Une chance qu'il soit reparti sur le terrain avec ses employés.
- S'il ne m'avait pas emmenée au Centre Pokémon, tout irait très bien et je n'aurais pas cet espèce d'attelle qui m'empêche presque de bouger.
- C'est le but, en même temps, soupira son ami en la prenant par le bras pour l'aider à descendre les marches de l'escalier, dans lequel elle manqua de glisser s'il ne l'avait pas retenue. Et puis, en même temps, grâce à ces radios, tu as découvert un élément important pour ton enquête, non ? Tu sais maintenant comment orienter tes recherches.

Cassy acquiesça d'un signe de tête en s'installant à la table de la cuisine, tandis qu'il mettait de l'eau à bouillir dans une casserole, avant de sortir le café et le sucre qu'il déposa devant elle. Elle le remercia d'un sourire avant de se servir. Cela lui fit le plus grand bien. Le liquide brûlant l'apaisa, calmant ses tremblements qui la faisaient encore sursauter par instant.

- Régis... Dis-moi ce que tu penses. Je veux dire vraiment, maintenant que tu sais tout cela à mon sujet.
- Que mon grand-père est toujours persuadé que je lui ai ramené une jeune élève travailleuse qui prend grand soin de ses pokémon alors qu'il s'agit juste d'une orpheline traumatisée poursuivie par la police de Kanto et peut-être même un tueur en série. Mais sinon, je te rassure, je le vis très bien.
- S'il te plaît, ne te moque pas. La situation est bien assez délicate comme cela. On peut dire que j'ai presque eu autant de révélations que toi aujourd'hui, et je ne suis pas certaine d'avoir été prête à les entendre.
- Je suis sérieux, qu'est-ce que tu crois ? Franchement, depuis le début, j'avais compris que tu cachais quelque chose de gros. Bon, je ne m'attendais sûrement pas à aussi gros non plus, mais évidemment, cela faisait longtemps que je soupçonnais que tu avais un secret. C'est vrai, quand on y réfléchit bien. Lorsqu'une fille de treize ans qui en parait quinze et qui se révèle les avoir te demande de ne jamais lui poser la moindre question, c'est forcément qu'il y a une histoire sombre derrière tout cela.
- Je n'avais pas le choix ! Et même encore, je regrette de te l'avoir dit. Maintenant, par ma faute, tu es peut-être en danger. Je ne supporterais pas qu'il t'arrive malheur, surtout pas à cause de moi. C'est pour cela que personne ne doit jamais être au courant, pas même ton grand-père. Si l'agent Jenny a raison, et qu'ils sont vraiment sur ma piste... Brr, je n'ose même pas y penser.

Régis la serra dans ses bras et la berça doucement pour la rassurer tandis qu'elle posait son visage sur son épaule. Les larmes qu'elle avait pensé avoir épuisé remontèrent aussitôt à la commissure de ses yeux. Elle savait ce qui l'attendait, désormais, alors qu'elle était si bien au Bourg-Palette, où le laboratoire était en quelque sorte devenu son nouveau foyer.

- Tu sais ce que cela signifie, n'est-ce pas ? interrogea-t-elle d'une voix chevrotante.
- Je crois, même si j'espère me tromper. Tu vas partir ?
- Il le faut. Je dois absolument retourner chez moi tirer toute cette affaire au clair. Il faut que tu saches que mon frère était un génie, quasiment tout aussi brillant que le professeur Chen, et depuis un long moment déjà, j'ai la conviction qu'il m'a laissé un indice, quelque part dans la ferme où nous avons grandi. Il était cependant trop malin pour le laisser aux mains de n'importe qui, ce qui expliquerait que la police ne l'ait pas trouvé. Et puis, je ne peux pas rester ici indéfiniment. Tu avais raison tout à l'heure, en disait que j'avais eu de la chance que ce soit toi qui décroche le téléphone. Cependant, l'infirmière Joëlle risque de ne pas en rester là et de chercher la réponse à cela. Or, il ne faut justement pas que quiconque enquête à mon sujet, car il n'y a rien, autant sous le nom de Kathy que celui de Cassy. Tu ne pourras pas me couvrir éternellement, et ton grand-père finira par comprendre que quelque chose ne va pas, que ce soit avec une histoire futile comme celle du bulletin ou plus grave. Je préfère partir avant d'avoir une explication à donner. Quant à toi, si quelqu'un t'interroge un jour à mon sujet, il vaut mieux que tu fasses celui qui n'est au courant de rien.
- Tu peux compter sur moi, affirma-t-il avec assurance. Mais je n'ai pas envie que tu quittes déjà le Bourg-Palette.
- Si tu savais à quel point moi non plus. Ici, j'ai eu l'impression de renaître. C'était comme si... Comme si je retrouvais à nouveau une maison et une famille, parmi laquelle j'avais ma place.
- Tu seras toujours la bienvenue ici. J'attendrais impatiemment ton retour chaque jour. Et si je peux t'aider en quoi que ce soit, j'espère que tu n'hésiteras pas à me demander mon assistance. Où iras-tu lorsque tu seras à Sinnoh ?
- Je retournerai chez moi. Mais avant, je pense que je passerai d'abord chez une personne qui a dû s'inquiéter après mon départ, et qui a sans doute bien malmené la police à qu'elle avait mise en garde pour ce genre de chose n'arrive pas.
- Quand...
- Le plus tôt possible.

Elle étouffa un dernier sanglot, puis remonta dans sa chambre. Elle y resta de longues heures, à planifier ce qu'elle aurait à faire sitôt de retour dans sa région natale. Lorsque Régis vint la chercher pour le dîner, elle n'avait pas faim. Tout cela lui avait coupé l'appétit. Une fois encore, il lui épargna bien des questions en allant dire au professeur Chen qu'elle s'était endormie.

C'était cependant loin d'être le cas. Elle savait qu'elle avait promis à son ami d'attendre que sa cheville soit totalement remise pour quitter le laboratoire, mais elle avait pris suffisamment de risque en s'attardant au Bourg-Palette. Désormais, elle ne pouvait plus en courir davantage.

Lorsqu'elle fut certaine que toute la maisonnée sommeillait profondément, elle prépara ses affaires. Elle jeta ses vêtements en pêle-mêle dans sa sacoche, ainsi que tout ce dont elle pourrait avoir besoin au cours de son nouveau périple. Quand sa chambre ne contint plus rien, elle descendit au rez-de-chaussé, non sans avoir effleuré la porte de Régis du bout des doigts une dernière fois avec une bouffée de tristesse. Elle prit dans le garde-manger de quoi se nourrir au cours des prochains jours, ainsi que quelques aliments pokémon et des baies, destinés à son Galopa fraîchement évolué.

Il était désormais temps pour elle de partir, de quitter cette endroit qui l'avait accueilli à bras ouverts et lui avait offert tout ce qu'elle croyait avoir perdu. Elle aurait aimé rester, mais le moment était venu pour elle de cesser d'écouter son coeur pour suivre sa raison. Dans un ultime au revoir, murmuré avec une larme, elle franchit le seuil du laboratoire, pour se retrouver une fois encore seule au dehors.

Chapitre 22 : I learned from you

I learned from you - Miley et Billy Ray Cyrus

Spoiler
Cassy prit le ferry pour retourner à Sinnoh, mais cette fois en toute légalité. Rémunérée chaque mois par le professeur Chen pour son travail, elle avait désormais largement les moyens de se payer un billet. Elle monta à bord du bateau à Carmin-sur-Mer en fin de matinée. Elle avait presque failli le manquer, car sa cheville l'empêcher de galoper et le trajet avec donc était très long.

Le voyage devait durer plusieurs heures. Elle s'installa à la proue du navire où elle attacha les rênes de Galopa à un crochet. Elle avait de la chance : son équipement équestre avait eu moins de peine à s'adapter à la nouvelle carrure de son pokémon que ce à quoi elle s'était attendue.

Vers le milieu de l'après-midi, la pluie se mit à tomber, obligeant Cassy à rentrer à l'intérieur. Elle patienta à proximité du distributeur de nourriture, car elle n'avait rien avalé depuis la veille, lors du déjeuner, faute de temps et d'envie. Elle était affamée. Alors qu'elle dévorait sa troisième barre de céréales qui lui apporterait l'énergie dont elle aurait besoin pour la suite de son aventure, les hauts-parleurs de part et d'autre de la salle se mirent à grésiller.

Elle n'avait pas oublié sa première expérience à bord d'un bateau, qui s'était soldée par un naufrage, et dont elle conservait le souvenir désagréable. Elle appréhenda le message à venir pendant une fraction de seconde, avant d'être soulagée : le commandant de bord ne s'adressait à eux que pour les avertir qu'ils arriveraient à Rivamar dans une trentaine de minutes.

Après avoir longtemps étudié sa carte de la région, Cassy avait choisi de se rendre dans ce port-là plutôt qu'à celui de Joliberges, car elle se saurait plus près de la Ligue de Sinnoh, où résidait le Conseil Quatre et sa Championne, Cynthia. Elle avait prévu d'aller lui donner de ses nouvelles, pour ne pas la laisser dans l'ignorance totale à propos de ce qu'il lui était arrivé depuis qu'elle avait quitté le Centre Pokémon.

Le soleil commençait à se coucher lorsqu'elle débarqua enfin. Juste avant de quitter le ferry, elle demanda à un marin la route à emprunter pour se rendre là où elle désirait aller. Il la renseigna, puis précisa :

- Mais vous savez, ma p'tite, si vous avez l'intention de défier l'Conseil, y vous faut les huit badges de la région.
- Merci pour l'information, mais non. Je dois juste passer voir une amie.

La jeune fille sauta sur le quai où Galopa l'attendait déjà. Elle se mit en selle, forcée de monter du côté droit à cause de sa cheville endolorie, puis lança sa monture au petit trot dans la direction que le matelot venait de lui donner. Une bonne heure de route lui fut encore nécessaire pour atteindre son objectif, temps qui aurait sans doute été diminué de moitié si elle avait été en pleine possession de ses moyens.

Une fois sur place, elle se dirigea vers le village, qui bordait l'Arène de la Ligue. L'endroit était quasiment désert, et elle ignorait comment elle pourrait trouver Cynthia dans un lieu dont elle ignorait tout. Elle croisa finalement une silhouette dont elle distinguait mal le visage dans la pénombre de la nuit tombante.

Mettant pied à terre, elle se rapprocha de l'inconnu qu'elle identifia dès qu'elle fut moins loin. Elle l'avait déjà vu en photo dans un livre à l'école des dresseurs de Jadielle, lorsqu'ils avaient étudié l'Elite des Quatre respective à chaque région. Elle s'était d'ailleurs toujours forcée à taire sa rencontre avec la Championne de Sinnoh, car cela ne serait pas passé inaperçu. Elle avait de la chance : l'homme qui se trouvait devant elle n'était autre que Lucio, le spécialiste du type psy. Il devait forcément savoir où elle pourrait rencontrer sa bienfaitrice.

- Tu cherchez Cynthia ? C'est dommage, tu l'as manquée de peu. Elle est partie un peu après midi, pour retourner à Célestia. Qu'est-ce que tu lui voulais ?
- Je désirais seulement lui parler.
- Tu veux que je lui transmette un message lorsqu'elle sera revenue ?
- Non. Merci, mais c'est bien trop personnel. Je vous souhaite une bonne soirée.

Le dresseur la salua, avant de prendre congé. L'obscurité se faisait de plus en plus dense autour d'elle, ce qui ne l'empêcha pas de sortir sa carte pour tenter d'y distinguer quelque chose. A grand peine, elle parvint à localiser la ville que Lucio venait d'évoquer. Ce n'était pas à côté et la fatigue commençait à se faire sentir. Elle n'avait pas dormi depuis la nuit précédente, bien qu'elle ait somnolé un moment à bord du ferry, mais pas suffisamment pour lui rendre des forces.

Elle décida cependant de se mettre en route, malgré la distance qui la séparait de Célestia. Elle savait que cela lui prendrait encore plusieurs longues heures avant de l'atteindre, mais elle n'avait pas non plus très envie de passer la nuit seule, dehors, alors que toutes les agent Jenny de Sinnoh étaient à sa recherche,  ce qui du moins était le cas avant son départ.

L'aube commençait à poindre lorsqu'elle ouvrit les yeux. Elle mit un moment à se souvenir de l'endroit où elle se trouvait. Elle ne se rappelait de rien. Galopa était allongé sur le sol, alors qu'elle était toujours en selle, le visage posé sur son encolure. Elle regarda les alentours. Apparemment, elle était dans une grotte, dont l'entrée était en grande partie dissimuler par de la végétation.

- C'est toi qui m'a conduit ici ? Je me suis endormie sur ton dos ? s'enquit la fillette, ce à quoi son pokémon répondit à l'affirmative. Eh bien, je te dois une fière chandelle. Merci beaucoup.

Elle descendit de son dos pour sortir des baies de sa sacoche, dont elle lui donna une plus grosse ration qu'à l'accoutumée, car lui aussi avait besoin de se régénérer après avoir tant marché. Il les dévora toute sans demander son reste, pendant que sa maîtresse ouvrait une boite de conserve dans laquelle elle picora.

Rassasiés, ils reprirent leur chemin. Comme Cassy s'était endormie, elle avait peur de ne pas se repérer, mais Galopa, lui s'en souvenait et la ramena sur la route où elle put à nouveau suivre le tracé indiqué par sa carte. Ils n'étaient plus très loin, à quelques kilomètres tout au plus.

Quand enfin ils arrivèrent aux abords de Célestia, la première chose que vit la jeune fille fut une vieille dame occupée à entretenir des baies dans un petit potager. Elle s'avança dans sa direction puis arrêta sa monture à sa hauteur. La femme leva la tête, une main en visière pour ne pas être éblouie.

- Je peux t'aider, ma petite ?
- Oui, s'il vous plaît. Hier soir, je me suis rendue à la Ligue de Sinnoh pour y rencontrer Cynthia, mais Lucio m'a dit qu'elle se trouvait ici. Pourriez-vous avoir l'amabilité de m'indiquer où je pourrais la voir ?
- Non.

Cassy resta stupéfaite d'une réponse aussi franche que directe, à laquelle elle ne s'attendait toutefois pas. D'une voix timide car son interlocutrice venait de la mettre mal à l'aise, elle lui demanda pourquoi.

- Je suis sa grand-mère, le professeur Carolina. Ma petite-fille vient ici lorsqu'elle désire fuir les responsabilités de l'Elite des Quatre et de son titre de Championne de Sinnoh. J'espère que tu comprendras donc qu'il n'est pas question que je laisse l'une de ses fans venir la déranger dans son village natal uniquement pour lui demander un autographe ou je ne sais quoi.
- Vous croyez sincèrement que j'aurais fait tout ce chemin pour si peu ? s'étonna la jeune fille devant une telle réaction. Ce n'est pas pour cela que je suis venue. Mais tant pis, je n'insisterai pas. Je voudrais cependant vous demandez de lui remettre quelque chose de ma part. Je pense qu'elle comprendra.

Cassy avança sa jambe devant le quartier de sa selle pour pouvoir soulever le rabat de sa sacoche, de laquelle elle tira le mouchoir brodé de Cynthia dont elle ne s'était jamais séparée jusqu'à présent. Elle espérait qu'en le retrouvant, la Championne ferait le lien avec elle, et que cela la rassurerait de la savoir de retour.

- Où as-tu eu cela ? C'est le mouchoir que je lui ai fabriqué lorsqu'elle était petite. Elle y tenait comme à la prunelle de ses yeux.

La jeune fille fut touchée de voir que Cynthia lui avait donné un objet aussi précieux pour elle, ce qui ne fit qu'augmenter la valeur qu'elle conférait au présent.

- Elle me l'a donné il y a presque huit mois, désormais. Lorsque vous le lui rendrez, s'il vois plaît, dites-lui que je la remercie une fois encore.
- Une minute ! s'écria le professeur Carolina alors qu'elle commençait tirer sur ses rênes pour faire demi-tour. Vu sous cet angle... Ma petite-fille est partie ce matin dans la grotte étudier les inscriptions antiques gravées sur les murs. Si tu le désires toujours, tu peux peut-être attendre son retour chez moi.
- Vraiment ?
- Cynthia n'aurait pas été offrir son mouchoir à n'importe qui, et comme je ne pense pas que tu puisses l'avoir volé, cela prouve qu'effectivement, tu la connais, et que tu n'es pas l'une de ses nombreuses fan contrairement à ce que je croyais. Pardonne mon jugement hâtif.
- Il n'y pas de mal, rassura Cassy en mettant pied à terre en douceur pour ne pas se faire mal à son articulation. Oh, laissez-moi vous aider.

Elle attrapa le lourd panier de baies que la vieille dame avait rempli à ras-bord et le déposa sur le dos de Galopa, tout en le calant d'une main pour qu'il ne bascule pas. Elle suivit ensuite son hôte jusqu'à sa maison, une petite chaumière accueillante dotée d'une minuscule pièce de vie, dans laquelle demeurer à plusieurs relevait presque du domaine de l'impossible.

- Tu sais, ma petite-fille, elle n'est pas comme les autres. Beaucoup de monde la croit prétentieuse et froide, mais en fait, c'est juste une apparence. Certains disent cela uniquement parce qu'elle est la Championne de Sinnoh. Des racontars, tout cela ! C'est quelqu'un de très bien, ma Cynthia, et je crois qu'il n'existe personne d'aussi gentille qu'elle dans toute la région.
- Vous avez raison. Elle est vraiment incroyable, et pourvue d'une patience à toute épreuve. C'est la délicatesse même. Je lui dois beaucoup. D'ailleurs, sans elle, je ne serais sûrement pas là où j'en suis aujourd'hui. Elle m'a appris immensément de chose en trop peu de temps, et je crois qu'elle m'a montrée la voie à suivre, celle que j'ai emprunté aujourd'hui.

Le professeur Carolina lui adressa un sourire tout en déposant une bouilloire sur le feu, qui ne tarda pas à siffler. Une minute plus tard, Cassy refermait ses mains sur une tasse de thé brûlante, mais délicieuse. Son hôte s'installa en face d'elle sur la table, où elle commença à trier ses baies.

Le silence s'installa durant un moment et la jeune fille fut forcée de remarquer qu'elle y prenait de plus en plus de goût. Elle préférait largement cela à de longues conversations inutiles, voire même à des discussions tout court. Il ne fut brisé que lorsque la porte en bois s'ouvrit avec douceur vers l'intérieur, dans l'encadrement de laquelle se tenait une grande femme magnifique, avec une cascade de cheveux blonds et un manteau noir.

- Kathy ? murmura Cynthia dans un souffle, comme si elle n'en croyait pas ses yeux.
- Ravie de vous revoir enfin.

Elle se leva d'un bond du tabouret branlant sur lequel elle était assise pour aller se jeter dans les bras de sa bienfaitrice qui la serra contre elle dans une étreinte rassurante et réconfortante, avec toujours cette délicate senteur à l'arôme de vanille.

Chapitre 23 : Ensemble

Ensemble - Subdigitals

Spoiler
- J'avais tellement peur qu'il te soit arrivé quelque chose. Je m'en serais sans doute sentie responsable pour le restant de mes jours ! murmura la Championne en l'étreignant si fort qu'elle manqua de lui en briser les côtes. Mais bon sang, où étais-tu ? Cela fait huit mois que tu as disparu. La police t'a cherchée nuit et jour pendant plusieurs semaines, en vain. Tout le monde craignait que les agresseurs de tes parents t'aient retrouvée.
- Ce serait plutôt le contraire, puisque j'ai décidé de me lancer à leur poursuite. J'étais à Kanto depuis tout ce temps : je savais que je devais fuir la région si je ne voulais pas que l'agent Jenny et ses collègues ne me rattrapent avant que je ne sois parvenue à élucider le mystère entourant le drame qui a frappé ma famille.
- Et qu'as-tu fait, là-bas ?
- J'ai comblé mes lacunes. Désormais, je sais même à quel point vous êtes une personnalité importante à Sinnoh, la gardienne des lieux en quelque sorte, ce qui n'est pas peu dire. J'ai appris tout ce que j'ignorais encore à l'école, puis j'ai travaillé un moment pour le professeur Chen. Cependant, j'en suis partie car les choses commençaient à devenir ardues. J'ai pris une fausse identité et réponds désormais au pseudonyme de Cassy Rilène, mais je risquais fort d'être prochainement percée à jour. Cela m'a toutefois permis d'obtenir une révélation capitale pour l'enquête.
- Quelle est-elle ?
- Lorsque l'agent Jenny a pris ma déposition, elle m'a demandé s'il y avait quelqu'un susceptible d'en vouloir à mes parents, or c'était impossible étant donné que nous vivions quasiment coupés de tout. C'est justement là que j'ai compris, avec l'aide de Régis Chen. Je me suis foulée la cheville en tombant de Galopa, et les radios passées au Centre Pokémon ont révélé que je n'avais non pas treize ans, mais quinze. Nous en sommes donc venus à penser que ma famille aurait pu se cacher de quelque chose qui serait bien antérieur à ma naissance, raison pour laquelle je ne m'en doutais pas.

Cynthia posa une main sous son menton pour réfléchir tout en prenant sa tasse de thé de l'autre, qu'elle sirota perdue dans ses réflexions. Finalement, elle sourit, affirmant que le raisonnement se tenait.

- Je suppose que si tu es revenue, c'est pour aller chercher des indices chez toi, n'est-ce pas ? Cela peut s'avérer risquer de te rendre seule à la ferme. Il arrive parfois à la police d'y patrouiller, au cas-où les agresseurs ou même toi y referait surface. Je crois que cela serait plus prudent si je venais avec toi. Tu chercherais ce que tu as à voir pendant que je monterai la garde à l'extérieur.
- Vous feriez cela ? Alors que vous devriez plutôt me dire que c'est trop dangereux, comme l'agent Jenny, que je ferais mieux de rester en dehors de cela et de laisser faire la police car c'est son métier ?
- Je vois depuis ton départ le dossier qui n'avance pas, aucun nouvel indice n'a été découvert et tout le monde tourne en rond. J'ai suivi d'un oeil attentif la progression de l'affaire, qui est restée au point mort. Donc non, je ne vais pas te dire d'attendre les bras croisés que les agresseurs viennent se livrer d'eux-mêmes au commissariat, alors que tu es probablement la mieux placée pour tenter de démêler ce qu'il s'est produit ce jour-là à ton domicile, et surtout pourquoi.

Cassy lui adressa un regard reconnaissant auquel elle répondit en lui tapotant le dessus de la main avec affection. Elle était heureuse de pouvoir compter sur une personne telle que Cynthia pour l'épauler dans sa quête. Cette dernière termina de vider d'un trait le contenu de sa tasse, puis elle se leva. Il n'y avait pas une minute à perdre si elles voulaient atteindre la ferme le plus tôt possible.

La jeune fille chevauchait son Galopa lancé à pleine vitesse, tandis que son amie volait à ses côtés sur le dos de son Togekiss dressé à la perfection. Elles étaient loin du village, mais un raccourci taillé à même la roche du Mont Couronné leur fit gagner un temps fou. Elles furent à plusieurs reprises attaquées par des Nosferapti qui n'avaient pas l'habitude d'être dérangé par des visiteurs, mais à chaque fois la Championne les repoussa avec l'aide de ses pokémon.

Ce passage à l'intérieur de la montagne leur permit de rallier Charbourg en moins d'une heure, alors que la contourner leur en aurait au moins pris le double. Cassy était certaine qu'elle se serait égarée, seule dans ce labyrinthe de galeries, si Cynthia ne s'était pas trouvée avec elle. Elle semblait connaître à la perfection chaque tunnel du Mont Couronné, ce qui rendit sa protégée admirative.

- C'est parce que je viens souvent ici, finit-elle par affirmer après que la jeune fille lui ait demandé comment elle faisait pour se repérer. Il existe au sommet un lieu ancestral que l'on nomme communément les Colonnes Lances. Il est emprunt d'histoires sur la mythologie des pokémon. Selon beaucoup, ce serait là-haut qu'Arceus aurait créé le monde avec ses disciples.
- Dialga et Palkia, le Temps et l'Espace. Je l'ai lu dans la Pokible.
- Evidemment, si tu ne t'en tiens qu'au côté religieux de l'événement, cela peut être résumé ainsi, mais c'est également le rêve de tout bon scientifique qui se respecte de souhaiter percer un jour le mystère des origines du monde.
- Je préfère m'en tenir à la version officieuse plutôt qu'officielle, avoua Cassy. Une théorie trouve toujours à être réfutée, alors que la foi est indéracinable.

Cynthia lui adressa un regard pétillant tandis qu'elles cheminaient désormais en direction de Littorella, d'où elles pourraient emprunter la petite route sinueuse qui conduit à la ferme de la famille Granet, à condition d'éviter le village où la jeune fille serait susceptible d'être reconnue, malgré le changement physique qui s'était opéré depuis huit mois.

Enfin, elles arrivèrent à leur but : la maison natale de Cassy se dessinait à l'horizon, cernée par les prés vides et les champs à l'abandon. Des mauvaises herbes avaient même commencé à pousser entre les pierres du pont principal. La Championne envoya Togekiss, Roserade et Spiritomb patrouiller aux alentours pour les prévenir au cas-où la police arriverait à l'improviste.

La jeune fille pénétra à l'intérieur, alors que son amie l'attendait dehors, gardant l'entrée et son Galopa. Après une longue hésitation devant la porte du salon, sachant pertinemment ce qu'il recelait, elle finit par se convaincre de l'ouvrir en se rappelant qu'elle n'avait sûrement pas fait tout ce chemin pour renoncer sitôt de retour.

Elle tourna la poignée qui claqua sous sa main avant de pousser le battant. Tandis que la pièce se dévoilait progressivement à ses yeux, elle fut victime d'un étourdissement. Pendant un instant, elle crut même qu'elle allait s'évanouir. Comme la toute première fois, elle se raccrocha au mur, recouvert de ce même sang qui avait séché.

Des traces de mains écarlates peignaient les murs, une flaque ensanglantée imbibait le plancher au centre du salon, à la place du tapis qui avait été déplacé, probablement lors cause d'une lutte désespérée. Elle s'avança lentement, observant minutieusement chaque détail. Elle retourna tous les coussins du canapé, qui avaient été éclaboussés eux aussi, en vain. Malgré tous les espoirs qu'elle avait placé en l'intelligence de son frère, il n'y avait là aucun indice susceptible de l'aider.

La seconde étape fut pour elle le bureau de son père, dans lequel elle espérait découvrir des informations à son propre sujet. Elle retourna chaque tiroir, certaine d'en voir tomber à chaque fois un certificat de naissance ou autre chose qui lui en apprendrait plus à son sujet, mais tous ses efforts ne menèrent à rien. Elle s'apprêtait à baisser les bras lorsque son regard se posa sur une enveloppe épaisse au papier jauni.

Comme elle avait été ouverte à l'aide d'un couteau, le sceau de cire turquoise qui représentait un G magistral n'avait pas été brisé. Cassy vint se placer sous le lustre pour tenter de décoder l'adresse inscrite sur le dessus, mais cela lui fut impossible. Le temps avait presque complètement effacé l'encre.

Dépitée et doutant de ne jamais découvrir quelque chose d'utile qui la mettrait sur la voie des assassins, elle monta sans grand espoir à l'étage pour y fouiller la chambre de son frère. La stupeur l'assaillit sitôt qu'elle en poussa la porte. A défaut d'être aussi effrayant que le spectacle offert par le salon, l'intérieur de la pièce n'en était pas moins étonnant.

- Cynthia ! s'écria-t-elle en ouvrant la fenêtre à guillotine. Cynthia, venez vite !

Elle entendit des bruits de pas précipités au rez-de-chaussé, puis la jeune femme la rejoignit enfin, ouvrant des yeux ronds en voyant l'état des lieux. Une main sur les lèvres, elle observa les tubes à essai qui avaient été fracassés sur le sol, les livres déchirés sortis de la bibliothèque pour être violemment jetés par terre et les instruments de travail d'Eric qui s'étaient tordus en heurtant le sol lorsque la table sur laquelle ils se trouvaient avait été renversée sans ménagement.

- Nom d'Arceus ! Que s'est-il passé ici ?
- Je suppose que ce n'est pas l'oeuvre de la police, constata Cassy avec un regard blasé. Lorsque je suis venue ici, avant de partir pour Kanto, cette chambre était encore telle que mon frère l'avait laissée. Quelqu'un est rentré ici, et il devait chercher quelque chose.
- Les agresseurs... murmura Cynthia en lui posant une main sur l'épaule. Mais que voulaient-ils voler spécialement dans cette pièce ?
- Les travaux d'Eric. Je sais que cela semble difficile à croire pour un garçon de quatorze ans alors... Enfin, disons seize si lui aussi avait deux ans de plus que ce qui était prétendu, mais il était réellement intelligent. C'était un génie comme on en fait peu. Il savait des choses que personne ne pouvait imaginer et avait déjà réalisé de nombreuses expériences pour la grande majorité aboutie.
- Il aurait découvert quelque chose d'important... ou de grave. A moins que cela n'ait simplement fait l'objet de convoitise.
- Mais comment les agresseurs ou n'importe quelle autre personne qui se soit introduite ici aurait pu être au courant ? Mon frère ne parlait à quiconque de ses recherches, pas même à moi, sauf vraiment quand elles étaient sans importance, comme le super engrais qu'il a inventé pour accélérer la croissance des baies.
- Quoi qu'ils cherchaient, vu ce désordre, ils l'ont forcément trouvé.
- Pas sûr... Attendez une seconde.

Cassy se mit à genoux sur le sol rendu crasseux par le contenu des fioles qui s'étaient éparpillées et balaya les débris du revers de la main, se coupant accidentellement la paume sur un morceau de verre. Tout en suçotant son doigt, elle compta les lattes de plancher en partant du mur. Arrivée à la sixième, elle avança à quatre pattes sur un mètre, avant de la frapper du point. Elle se souleva légèrement, enclenchant un mécanisme secret qui ouvrit une cavité dans la plinthe.

- C'était ici qu'Eric dissimulait les bonbons qu'il me dérobait quand nous étions enfants. Je l'ai vu faire à plusieurs reprises lorsque je l'observais pour les récupérer ensuite. Il a fabriqué cela tout seul.
- Effectivement, il devait être doué d'une brillante ingéniosité.

La jeune fille étendit son bras et l'enfonça dans le trou qui ne faisait qu'une vingtaine de centimètres de large, et moitié moins de haut. Après une fraction de secondes passée à tâtonner, elle en tira une liasse de feuilles enroulées sur elles-mêmes et retenues à l'aide d'un élastique. Elle leur jeta un vague coup d'oeil avant de les tendre à Cynthia qui l'interrogea du regard.

- Nous sommes sur la bonne piste, déclara Cassy dont les yeux s'illuminèrent d'une lueur ferme.
- Pourquoi ? Qu'as-tu découvert ?
- Ces notes sont cryptées. Eric n'aimait pas que quiconque, et surtout pas moi, mette son nez dans ses expériences, mais jamais il n'aurait été jusqu'à coder le résultat de ses recherches. C'est la première fois que je vois cela et j'ignore comment le déchiffrer. Une chose est cependant certaine : cela prendra le temps qu'il faudra, mais je parviendrais à comprendre ce qu'étudiait mon frère. Je parie que cela va nous conduire à une révélation, ou au moins à quelque chose de gros. De très gros.

Chapitre 24 : You are not alone

You are not alone - Michael Jackson

Spoiler
La Championne de Sinnoh se rendit au commissariat où l'enquête avait été ouverte pour demander à l'agent Jenny de lui remettre un copie du dossier, pendant que Cassy l'attendait dissimulée au sein d'un bosquet d'arbres. La policière rechigna tout d'abord à lui faire part des documents concernant l'affaire Granet, mais elle céda finalement lorsque Cynthia lui rappela une fois encore à quel point ils n'avançaient guère.

Les informations en main, elle rejoignit sa protégée avec laquelle elle décida de concert de retourner à Célestia afin d'y être un minimum à l'abri des regards. Elles furent de retour en début de soirée chez le professeur Carolina, qui leur servit un rapide souper avant d'aller se coucher. Lorsqu'elles se retrouvèrent seules, elles étendirent les notes d'Eric sur la petite table en bois, à la lueur chancelante d'une bougie, pour essayer d'en saisir le sens.

Les caractères n'étaient pas du Zarbi, car la dresseuse savait le lire, et promit d'ailleurs à la jeune fille de le lui apprendre un jour, ni aucun autre alphabet répertorié jusqu'à présent, du moins selon un vieux livre qui appartenait à la grand-mère. Après s'être échinées à tenter plusieurs combinaisons de lettres au hasard en fonction des caractères qu'elles avaient sous les yeux pendant plusieurs heures, elles finirent par abandonner. La lumière tremblante leur fatiguait les yeux sur la petite écriture en pattes de mouche parfois à peine lisible, et elles étaient éreintées par le voyage aller-retour qu'elles avaient effectué durant la journée.

Ce fut donc épuisées qu'elles allèrent se coucher, Cynthia léguant généreusement son lit à son amie avant de s'installer un matelas de fortune sur le sol. Le découragement les avait gagné et, même si Cassy était déçue de ne pas avoir pu avancer dans la découverte du secret qui entourait ces lignes, elle savait qu'insister n'aurait servi à rien. Elles avaient toutes deux besoin de dormir pour avoir l'esprit affuté, le regard vif.

Le lendemain, dès les premières lueurs de l'aube, elles se remirent au travail, après une nuit très courte où chacune avait eu un sommeil agité, troublé par les événements récents. Elles essayèrent à nouveau divers codes, en vain, noircissant totalement une deuxième feuille de leurs tentatives ratées, afin de ne pas les réutiliser à l'avenir, ce qui ne serait qu'une pure perte de temps.

- C'est inutile, finit par abandonner Cynthia en repoussant son crayon dont la mine lui avait sali les mains. Tu l'as dit toi-même : ton frère est un génie. Je ne me sens pas suffisamment intelligente pour comprendre le fonctionnement de son cryptage. C'est d'ailleurs pour cela qu'il l'a choisi, à mon avis. Il a dû créer une sorte de codage inviolable, en plus de sa cachette invisible.
- C'est sûre qu'il y a sans doute des millions de possibilités, mais je ne baisserai pas les bras. La réponse est peut-être là, entre mes mains, sans que je sois capable de la lire. Je comprends que vous préfériez rester en dehors de cela. Quant à moi, je n'ai pas le choix : je dois forcément comprendre ce qui signifie ces notes pour avoir une chance d'élucider le reste autour. Eric n'est pas de ceux qui prenne des précautions inutiles. Et puis, il s'agit de ma famille. Je dois savoir.
- Je n'ai pas dit que j'avais l'intention de laisser tomber. Tu ne crois quand même pas que je vais te laisser te débrouiller toute seule, non ? Tu ne m'as pas laissé le temps de terminer. A mon humble avis, puisque ton frère avait un sens technique étonnamment développé, je pense qu'il nous faudrait quelqu'un qui ait tendance à réfléchir comme lui : un scientifique ou un intellectuel.
- C'est une idée brillante ! s'exclama Cassy en retrouvant soudain un peu d'espoir. Je ne peux pas demander au professeur Chen, étant donné que nous ignorons tout du contenu de ces documents et qu'il vaut mieux qu'il l'ignore. En revanche, Régis est au courant de mon secret. Je suis quasiment certaine qu'il acceptera de nous aider. Il y a toutefois un problème. Au risque de les perdre, il est absolument impensable de lui envoyer les recherches de mon frère par Roucool voyageur. Je ne vois cependant pas comment le contacter autrement. Je ne peux pas rentrer dans un Centre Pokémon pour l'appeler par visiophone : ici, je risquerais d'être démasquée par l'infirmière Joëlle avant d'avoir eu le temps de composer son numéro.
- Alors donne-le moi, suggéra Cynthia.
- Quoi donc ?
- Le numéro du laboratoire du professeur Chen. Je contacte Régis et je lui explique ce que nous venons de découvrir. Les gens ici me connaissent bien, personne ne me posera de questions. Dès lors que je lui aurais fait part de la situation, s'il veut bien nous venir en aide, nous aviserons.
- Dans ce cas, allez-y tout de suite, ne perdons pas une minute. Tenez, je vous marque tout cela sur ce papier, ne le perdez pas. Pendant ce temps, je vais me plonger davantage dans le dossier de la police, afin de voir à quel point leur dur labeur à peine à payer.

Cynthia lui pressa le poignet dans une tentative réconfortante, ce qui n'eut guère d'effet. Elle laissa les feuillets d'Eric sur la table, puis quitta la maisonnette de sa grand-mère pour rallier le Centre Pokémon de Célestia. Cassy resta seule, le résultat de l'enquête entre les mains pour le parcourir du regard.

Evidemment, le drainage de la rivière n'avait rien donné. De toute façon, même si des corps y avaient été jetés, lorsque l'équipe de plongée était arrivée, le courant les aurait déjà emmenés au large. Les tests ADN ne s'étaient pas révélés plus concluants : le sang prélevé sur les murs était impossible à identifier, car les archives médicales ne contenaient aucune référence sur les parents de la jeune fille, tout comme pour son propre cas. Ils étaient simplement inconnus de tous les services tels qu'ils soient, un peu comme si aucun d'entre eux n'avait jamais existé, du moins légalement.

L'unique élément nouveau qu'avançait ce dossier était qu'apparemment seules deux personnes distinctes auraient été agressées dans la pièce selon les analyses effectuées. Ce chiffre pouvait cependant être faussé car le sang sur les murs étaient mélangés, et rien ne prouvait qu'un troisième sang ne pouvait pas se trouver mêlé aux autres, d'autant que chez les membres d'une même famille, l'ADN pouvait être très proche. Cela n'était donc qu'une hypothèse, loin d'être fiable.

Lorsque la Championne de Sinnoh revint enfin du Centre Pokémon, Cassy s'était replongée avec acharnement sur l'écriture cryptée. Ce fut avec un soulagement non dissimulé qu'elle apprit que Régis avait accepté sans la moindre hésitation de les assister dans leur tâche.

- Il m'a aussi demandé de tes nouvelles. Il était fou d'inquiétude, tu sais. Il m'a dit que tu étais partie en pleine nuit, sans même un au revoir. Enfin, j'imagine que c'est une habitude chez toi, de disparaître sans laisser de trace. J'ai au moins eu la chance que tu m'adresses une lettre avant de partir. Je savais ainsi qu'il ne t'était rien arrivé de grave. Toujours est-il qu'il a assuré à son grand-père que si tu les avais quittés de la sorte, c'était parce que ta famille avait des ennuis et que tu l'avais averti juste avant ton départ si soudain. Je crois que l'on ne peut espérer ami plus dévoué.
- C'est vrai, j'ai beaucoup de chance de l'avoir rencontré. A mon avis, mon secret aurait été ébranlé bien plus tôt s'il n'avait pas été là. C'est vraiment une personne exceptionnelle, et mon seul regret est d'être partie de la sorte, même si c'était la meilleure chose à faire pour faciliter la situation.
- Tu vas justement avoir l'occasion d'y retourner. Le professeur Chen est d'accord pour te reprendre comme employée sitôt que tu reviendras, et Régis n'a pas l'intention de décoder des notes appartenant à ton frère et ayant une telle importance dans ton enquête sans que tu sois à ses côtés pour lui donner un coup de main.
- Mais... Et si jamais quelqu'un découvre qui je suis réellement ?
- Hum... Cassy Rilène, c'est bien cela ? Mon ami Lucio, de l'Elite des Quatre, connait des personnes qui sont par beaucoup de monde considérées comme peu fréquentables, mais qui ont une habilité hors-norme pour ce qui est d'agir hors du cadre de la loi. Laisse-moi une semaine, deux tout au plus, et tu auras une nouvelle identité de manière officielle.
- Cynthia... N'est-ce pas vous qui êtes censée représenter un modèle pour les bonnes gens de Sinnoh, plutôt que de vous laisser inciter par une jeune fille de mon âge à enfreindre les règles ?
- La principale morale que je tends à enseigner aux autres est de toujours faire preuve d'intégrité, de loyauté et de compassion envers ses amis, car il faut toujours pouvoir compter sur eux autant qu'ils peuvent s'appuyer sur nous. Et aujourd'hui, il n'est pas question que je laisse dans le besoin une amie, qui s'est retrouvée de surcroit toute seule et accablée par la malchance, alors que je suis en mesure de lui venir en aide.
- Je... Merci, Cynthia. Je n'oublierai jamais tout ce que vous faîtes pour moi.
- Tu l'as dit toi-même, je suis la Championne de cette région. Il n'est pas question que je laisse un crime en ces lieux, surtout aussi barbare que celui-ci, rester non élucidé. C'est également mon devoir de protéger ceux qui vivent ici, hors je le ferais bien mal si des assassins conservaient leur liberté parce que je n'aurais rien fait pour tenter de les arrêter. Et je sais que cela, je n'y parviendrais pas sans toi. Nous devons travailler en équipe, toi pour ta famille, et moi pour tous les autres.

Elle lui tendit une main franche que Cassy s'empressa de serrer, scellant ainsi le début d'une longue amitié indéfectible et sincère entre elles, ainsi qu'un pacte déterminé. Rien ne les détournerait de leur objectif commun, désormais. La jeune fille sentit un poids qu'elle portait depuis déjà un très long moment s'alléger soudainement. Elle n'était pas seule : Cynthia serait toujours là pour l'épauler, et Régis aussi, elle le savait.

Emportant avec elles des vivres pour le déjeuner, elles partirent peu avant midi. La Championne avait décidé d'accompagner son amie jusqu'à Rivamar, d'où elle-même pourrait rejoindre la Ligue de Sinnoh. Sa véritable place se trouvait là-bas, et elle serait en mesure d'y rencontrer Lucio en toute intimité, afin de mener à bien son projet. Maintenant qu'elle connaissait le numéro de visiophone du professeur Chen, elle promit à Cassy de la contacter sitôt qu'elle aurait ses faux papiers, ainsi que tout ce qui s'en suivait.

Elle insista également pour payer son billet de ferry car, contrairement à la jeune fille, elle n'était pas limitée par l'argent. Cela la mit mal à l'aise, mais elle oublia bien vite sa gêne lorsque la femme revint avec, en plus de son ticket, deux énormes glaces dont l'une était au parfum menthe-chocolat.

- En souvenir du jour de notre rencontre, sourit Cynthia en lui tendant son cornet, même si on ne peut pas dire qu'elle se soit produite dans les meilleures conditions. Tu as bien changé depuis ce jour où je t'ai empêchée de te jeter du haut de cette falaise. J'imagine aujourd'hui que tu prends conscience que j'ai finalement eu raison de te sauver la vie.
- Sans doute, mais je ne le reconnaitrais qu'une fois la mort de ma famille vengée, puisque c'est l'argument que vous avez avancer pour que je ne réitère pas mon action.
- Je sais que tu ne le referas pas. Jamais. Je te revois encore, insouciante, dans ta robe de dentelle... J'avoue que tu m'avais surprise au départ, puis je me suis aperçue qu'étonnamment, ton style si particulier se mariait fort bien avec ta personnalité. Il est si loin ce temps-là. Je t'ai sous les yeux, désormais, et je te sens plus forte. Je sais que tu ne commettras pas l'erreur à nouveau de vouloir t'ôter la vie. Tu vois aujourd'hui le monde qui t'entoure : il est vaste et te tend les bras. Tu t'y es probablement sentie perdue, au début, car tu t'es retrouvée seule dans l'inconnu total pour toi qui n'était quasiment jamais sortie de ta ferme. Je suis certaine que maintenant, il te fait moins peur, n'est-ce pas ?
- Vous avez raison. J'ai l'impression qu'il se profile de plus en plus autour de moi, avec chaque jour un nouveau détail qui n'était pas là la veille. Il est immense, mais je ne m'y égare plus. Je le découvre sans cesse, pourtant il ne m'est plus étranger. Je me sens plus grande, à moins que ce ne soit moi qui le trouve plus petit.
- Je vais te faire une promesse, Kathy. Ou Cassy, c'est comme tu préfères. Tant que je serais là, tu ne te retrouveras jamais plus seule au monde. Si un jour quelque chose ne va pas, ou que tu as l'impression d'être à nouveau perdue, viens me voir. Je t'attendrais. Désormais, tu m'as moi. Et à Kanto, je sais que tu as Régis. Je partage ton avis : nous pouvons lui faire confiance. Qu'importe ce que tu éprouves, où que tu sois, tu n'es pas seule. Il y aura toujours quelqu'un pour guider ton chemin, que ce soit lui, moi, ou un autre. Prends simplement le temps de respirer avant d'être désespérée. Le chemin apparaîtra de lui-même à tes yeux.

Dans une ultime étreinte, la jeune fille remercia encore une fois sa bienfaitrice, avant de monter à bord du bateau qui accostait, et qui la ramènerait à Kanto où elle le savait, comme Cynthia venait de le lui faire comprendre, Régis l'attendrait. Elle n'était pas seule : elle avait deux amis. Ils étaient les seules choses qu'elle possédait, mais également les plus précieuses de toutes.
« Modifié: 06 février 2013, 17:24 par Cyrlight »

Cyrlight

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07 février 2013, 18:30
Chapitre 25 : Bienvenue

Bienvenue - Subdigitals

Spoiler
Le ferry voyagea de nuit et Cassy en profita pour se reposer. Assoupie, elle ne vit pas le temps passer : lorsqu'elle se réveilla, elle était déjà de retour à Kanto. Ils venaient d'accoster à Cramois'île, au large des côtes du Bourg-Palette. Elle était en train de réfléchir au moyen le plus rapide pour regagner le village quand une voix l'interpella.

Cherchant du regard la personne qui pouvait bien la connaître, elle finit par repérer Régis dans la foule qui lui adressait de grands gestes de la main pour qu'elle l'aperçoive. Elle se précipita dans sa direction sans demander son reste. Une fois à sa hauteur, elle l'embrassa sur chaque joue avec enthousiasme, gracieuse.

- Cynthia ne m'avait pas dit que tu devais m'attendre au port.
- C'est parce que je n'étais pas encore certain de pouvoir me libérer. Tu manques beaucoup à mon grand-père. Depuis ton départ, il est débordé. Il ne cesse de répéter que tu faisais un excellent travail avec les pokémon.
- Tu vas me flatter. Où allons-nous ?
- Eh bien, j'avais pensé à lui emprunter son Dracolosse pour rejoindre le village plus vite, mais j'ai dû mal à me faire à l'idée que Galopa n'a pas de pokéball. Nous allons donc devoir prendre une navette, heureusement que j'ai un passe.

Cassy tira les rênes de son pokémon pour le faire avancer dans son sillage tandis qu'elle-même suivait le jeune scientifique. Elle lui raconta les événements récents, ainsi que leur dernière découverte pour laquelle elle avait été obligée de solliciter son assistance. Il semblait vraiment heureux de contribuer au décodage des notes cryptées d'Eric.

- Cela me changera un peu de tous les travaux répétitifs que je fais au laboratoire, même si je devrais me charger de cette tâche sur mon temps libre, et il faut avouer qu'en ce moment, personne n'en a vraiment beaucoup. Enfin, ton retour devrait alléger un peu mon emploi du temps, heureusement.

Ils grimpèrent à bord de la navette, qui semblait pouvoir contenir la capacité d'une trentaine de personnes, soit presque dix fois moins que le ferry. Cependant, grâce à son passe, Régis put être privilégié sur tout le monde et ils obtinrent des places pour le premier trajet. Le manque d'espace contraignit cependant Galopa à rejoindre la cale, ce qui lui rappela autant de mauvais souvenir qu'à sa maîtresse.

Le trajet se passa toutefois sans encombre et, en arrivant au petit port qui se trouvait au sud du Bourg-Palette, Cassy put aller chercher sa monture qui s'impatientait, malgré la courte durée du voyage, qui n'avait pas excéder le quart d'heure. Tout en cheminant en direction du laboratoire, ils abordèrent des conversations triviales, au cours desquelles le garçon lui apprit qu'il avait obtenu un nouveau pokémon.

- L'un des oeufs dont s'occupait mon grand-père a éclos et c'est un Magby qui en est sorti. J'ignore pourquoi, mais il s'est presque aussitôt attaché à moi. Tu aurais dû voir cela. C'était incroyable... et un peu douloureux, aussi.

Il lui montra son bras, où une brûlure qui s'étendait du coude au poignet commençait à peine à cicatriser.

- Le pauvre petit a attrapé un rhume. Comme il contrôle mal ses attaques, à chaque éternuement, il utilise Flammèche. Heureusement, mon grand-père avait de l'Antibrûle sur lui, sans quoi cela aurait pu être bien plus grave, et surtout mettre plus de temps à guérir. Maintenant, je manipule Magby avec précaution, jamais sans gants en caoutchouc tant qu'il n'ira pas mieux. Il n'est plus question que je prenne des risques inutiles.

Le laboratoire était désormais en vue. Ils accélérèrent le pas pour y arriver plus vite. La jeune fille songea qu'elle n'avait même pas encore remercié Régis pour l'ingéniosité dont il avait fait preuve afin de justifier son départ. Il répondit par un geste indiquant que cela n'était rien, avant qu'ils ne franchissent la porte coulissante.

- Cassy ! Arceus soit-loué ! s'exclama le professeur Chen en se précipitant dans sa direction, une montagne de paperasse dans les bras dont il en tomba la moitié. Quelle joie de te revoir ! J'espère que tes problèmes familiaux se sont arrangés car, même si je sais qu'il est égoïste de dire cela, nous avons grand besoin de ton aide ici. Le travail s'amoncèle et nous manquions cruellement d'une cinquième personne pour nous aider.
- Tout va bien, dans ce cas. Je suis de retour pour de bon. D'ailleurs, je vais de ce pas aller nourrir les pokémon.
- Parfait, j'aime cette réactivité. Régis, peux-tu m'aider ? Je vais avoir besoin d'un assistant pour relever les informations que je découvrirais en étudiant ce prélèvement de gène sur un pokémon en évolution.

Sans lui laisser le temps de répondre, il posa les papiers qu'il tenait encore, les cheveux ébouriffés par l'énergie qu'il mettait à l'ouvrage, pour prendre un bloc-note sur sa paillasse qu'il mit dans les mains du garçon en même temps qu'un stylo. En souriant devant tant de hâte, Cassy se dirigea vers le garde-manger pour mener à bien la tâche qui lui était assignée.

Les Ursaring furent comme toujours les premiers servis, tandis que les Teddiursa faisaient une fête à leur éleveuse de prédilection. Elle ne comprit pas un tel comportement, alors qu'elle était partie depuis à peine trois jours, mais fut toutefois enchantée de voir à quel point les créatures étaient attachées à elle.

Elle avait quasiment terminé la tournée de toutes les écuelles lorsqu'un pokémon rougeâtre se dirigea vers elle en se dandinant un peu à la manière d'un Canarticho. Elle le regarda s'avancer, avant de l'identifier, car elle avait un peu du mal à reconnaître les espèces qu'elle n'avait vu jusqu'alors qu'en photo. Il s'agissait du Magby dont Régis lui avait parlé quelques minutes auparavant.

Il était désormais trop près pour qu'elle ait l'occasion de faire quoi que ce soit. De toute façon, elle n'en avait plus le temps. Il ouvrit sa petit gueule pour éternuer, de laquelle s'échappa une attaque Flammèche, comme son ami l'en avait pourtant mise en garde. La douleur qu'elle ressentit à la main où il l'avait atteinte fut si vive qu'elle lui arracha un cri sonore. Elle se précipita dans le bassin des Poissirène en tenant son membre endolori dans l'espoir de faire cesser le feu, tandis que l'un des scientifique qui assistait le professeur accourait vers elle.

- Toi aussi, tu t'es faite avoir, constata-t-il simplement lorsqu'elle dénia enfin sortir la main de l'eau. Magby est un bon petit pokémon, il ne faut pas lui en vouloir. C'était un accident. Régis a dû te le dire : il a éclos avant-hier, dans la nuit. Le pauvre a encore du mal à se contrôler. Je suis certain qu'il s'en veut terriblement.
- Ce n'est pas grave, je sais qu'il ne l'a pas fait exprès. C'est juste que cela fait terriblement mal. Je crois que je n'ai jamais ressenti une douleur physique aussi forte, même encore au moment où je vous parle.
- Ne bouge pas, je vais t'appliquer un peu d'Antibrûle. C'est ce qu'il y a de mieux à faire en de pareil circonstance. Maintenant, si tu veux bien me suivre à l'intérieur, je vais panser ta plaie avec un cataplasme à base de baies Fraive.

Il la raccompagna jusqu'à l'intérieur où il sortit une trousse à pharmacie de l'un des nombreux placards du laboratoire. Elle s'assit sur un tabouret où Régis la surveilla d'un oeil compatissant tout en continuant d'annoter toutes les remarques de son grand-père, puis l'homme revint pour lui bander la main. Elle se sentit déjà beaucoup mieux : le soin avait les propriétés pour calmer le feu qui semblait la dévorer de l'intérieur.

- Merci beaucoup, j'ai l'impression d'avoir moins mal. Je ne comprends cependant pas pourquoi vous n'avez pas tenté de soigner Magby alors qu'il peut se révéler aussi dangereux pour tout le monde.
- Nous lui avons donné plusieurs remèdes, mais il faut leur laisser le temps de faire effet. Nous devrions voir une amélioration d'ici demain ou après-demain, tout au plus.
- C'est que vous n'avez pas essayé les bons traitements, sans quoi il serait déjà guéri depuis longtemps, soupira Cassy. Venez avec moi, je vais vous montrer. Et ouvrez bien les yeux car cela pourra vous être utile à l'avenir.
- Mais... Attends ! Où vas-tu ?

La jeune fille ne répondit pas et le scientifique qui l'avait soignée fut forcée de la suivre pour comprendre où elle voulait en venir. Elle marcha durant plusieurs mètres, à pas très lents, tout en scrutant le sol. Parfois, elle se baissait, cueillait une herbe ou une fleur, sous le regard ébahi de l'homme.

- Ce jardin est regorge d'une flore exceptionnelle, due à la grande diversité des pokémon qui s'y trouvent. C'est un véritable paradis pour quiconque s'y connait un minimum en plantes. Il y en a tant de variétés différentes ! Celle-ci suffiront cependant pour ce que je vais en faire.

Ils retournèrent ensuite à l'intérieur. L'employé la suivait, docile, tel un fidèle Caninos, et lui obéit au doigt et à l'oeil, toujours sans rien, lorsqu'elle lui demanda un mortier et un pilon, ainsi qu'une paire de gants élastique, ce qui amusa Régis. Dans le récipient, elle déposa les herbes qu'elle venait de ramasser pour le broyer ensemble jusqu'à obtenir une bouillie épaisse. Quand elle fut satisfaite de sa consistance, elle ouvrit la porte vitrée pour appeler Magby, qui accourut presque aussitôt.

- Tu vas être un gentil pokémon, d'accord ? Tu as besoin d'avaler cela pour guérir. Je sais que le goût n'est pas très bon, mais tu ne tarderas pas à te sentir mieux.

Après avoir passé les gants par simple précaution, elle déposa le mixage à l'apparence peu ragoutante dans sa paume, pour la glisser dans la gueule entrouverte du bébé. Il grimaça en couinant, déglutit à grand peine, mais finit par avaler. Il fallut une bonne dizaine de minutes à tout le monde pour se rendre compte que ses éternuements s'étaient interrompus.

- Incroyable ! souffla le professeur Chen qui leva enfin la tête de son microscope, comme Régis s'approchait pour voir son pokémon. Comment as-tu fait pour qu'il aille mieux si rapidement ?
- Ma mère ét... est une adepte de la médecine douce. Depuis que que je suis toute petite, elle m'a appris les propriétés des plantes dont elle se servait pour nous soigner. C'est d'elle que je tiens ces connaissances, qui se révèlent toujours très utiles. Quand vous aurez un moment, je me ferais une joie de vous enseigner les bases de la phytothérapie.

Cassy sourit devant le regard admiratif de son entourage. Elle ignorait tant de choses lorsqu'elle avait quitté la ferme que cela l'avait lourdement handicapée. Cependant, elle s'apercevait désormais qu'elle en connaissait également beaucoup que les autres n'imaginaient même pas. Elle était fière d'avoir développé ce genre d'intelligence qui faisait d'elle une jeune fille débrouillarde, capable d'improviser dans n'importe quelle situation. Tout ce qu'elle savait à propos de la nature et de l'élevage se révélait utile, en fin de compte.

- Je dois dire que tu m'as épatée, affirma Régis en passant à côté d'elle. Franchement, merci d'avoir aidé mon Magby, et désolé qu'il t'ai brûlée.
- Ne t'inquiète pas, c'est déjà oublié. Et puis, toi aussi, tu me rends service, non ? s'enquit-elle en sortant de sa poche les feuilles codées qu'elle avait soigneusement plié. Il serait peut-être tant de nous y mettre, tu ne crois pas ?

Comme le professeur Chen et ses assistants n'avaient plus besoin d'eux, ils purent aller s'installer dans la salle à manger pour profiter de l'espace que leur offrait la grande table afin d'étaler tout ce dont ils pourraient avoir besoin, brouillons, crayons, livres.... Ils étaient désormais fin prêts pour se mettre à l'ouvrage.

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