[Roman] Une simple destinée

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ChibiShiroiRyu

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03 janvier 2012, 14:57
Autant prévenir que guérir, c'est le roman que j'écris depuis déjà 3-4 ans. Donc, j'ai décidé de vous mettre le premier tome même s'il est lisible sur mon blog.
Breeeeeef, voilà !

Chapitre 1
Première Partie : Dur dur d'être un héros

Chapitre 1 : Départ

« Tery, debout ! Il est l’heure de te lever ! Il est déjà plus de midi ! Ne me force pas à venir te chercher, c’est bien compris ? » cria une voix de l’autre côté de la porte.

« Non, je ne veux pas, maman ! On est dimanche ! J’ai besoin de dormir moi ! » répondit un jeune homme en marmonnant de telle sorte que la voix féminine put l’entendre.

« Tery, je me répète une fois, deux fois… mais après… Tu sais ce qui t’attends … »

« J’ai dit que je ne voulais pas ! Ne m’embête pas avec ça ! » reprit-il sèchement.

Il grommela quelques paroles intelligibles en enfouissant sa tête sous le coussin. Un pas, puis un second et il savait qu’elle montait les escaliers. Rapidement, il se cacha sous la couverture alors que la porte s’ouvrit à la volée pour laisser apparaître une femme à forte ossature. Elle posa ses deux mains sur un bord du lit, le soulevant comme si ce n’était qu’un vulgaire bout de bois. Sa tête fut la première à quitter le lit pour venir se percuter avec violence sur le sol. Légèrement secoué, le jeune homme aux cheveux bruns passa une main sur son front en gémissant de douleur. Quelle brute ! La femme dit avec un peu d’énervement :

« Quand je te demande de te lever, je veux que tu te lèves, d’accord Tery ?! »

« C’est bon, c’est bon ! J’ai compris, Maman ! J’ai compris ! T’étais pas obligé de faire ça ! Ça fait mal hein ?! Et puis … » dit-il avant de s’arrêter aussitôt en observant le regard de cette femme. Oups … Il valait mieux se taire.

Dire qu’il n’avait pas peur d’elle serait mentir. La femme d’une quarantaine d’années était assez enveloppée, un tablier blanc par-dessus une robe de paysanne verte. Celle-ci allait de pair avec ses yeux mais le plus inquiétant était quand même le fait qu’elle avait soulevé le lit avec facilité. Des petites veines brunes étaient présentes sur ses deux mains avant qu’elle ne repose le lit. Dès qu’elle eut terminé, elle lui tourna le dos, lui signalant :

« Tu devrais te mettre un bas sur toi avant que tu n’attrapes un rhume. Je te laisse dix minutes pour descendre et tu n’as pas intérêt à te recoucher sinon… »

« C’est bon ! Je ne le ferais pas ! » coupa t-il aussitôt, ne voulant surtout pas énerver sa mère une nouvelle fois. Il n’était pas stupide pour commettre cette erreur.

Avec un léger tremblement dans la voix, il se releva en culotte noire alors que sa mère s’éloignait en claquant la porte de la chambre. Il poussa un grognement, passant une main dans ses cheveux bruns en regardant son lit défait. Vraiment, quel monstre ! Elle ne savait pas se retenir ou quoi ?! Un soudain bâillement et sa main se mit devant sa bouche. Il se dirigea vers son lit, fouinant à l’intérieur pour y trouver un pantalon de tissu noir qu’il enfila ainsi qu’un haut en toile brune quelques secondes après. Tout ce qu’il avait de plus basique, n’est-ce pas ? Il n’avait besoin de rien de plus.

« Je vous jure… Dimanche et je n’ai même pas le droit de roupiller un peu. »  bougonna-t-il alors qu’il observait son lit. Bon … Ca ne servait à rien de continuer à le regarder.

Il s’approcha de sa fenêtre, tirant sur les rideaux avant d’être aveuglé par les rayons du soleil. Il cria légèrement sous le déchaînement de lumière, sa main droite ramenant les rideaux à leur position initiale. Vraiment… Le soleil apparaissait de plus en plus tôt ! M’enfin, c’était de la mauvaise foi aussi. Il ronchonna dans son coin, quittant sa chambre pour se diriger vers la salle de bain. Ce n’était pas le grand luxe mais qu’importe, cela lui convenait amplement. Il passa de l’eau sur son visage, s’observant dans le miroir. Des yeux verts, un visage juvénile et assez finement dessiné, il n’était pas forcément un vilain garçon physiquement.

« Bon… Je dois me dépêcher sinon elle va encore me crier dessus. »

Il se donna deux petites claques sur les joues, se coiffant à la va-vite tout en se donnant une allure néanmoins assez propre. Il quitta la salle de bains, faisant une quinzaine de pas pour pénétrer dans une petite pièce où se trouvait sa mère. La cuisine était toute simple et n’avait rien de bien spécial mais il fallait reconnaître que la femme d’une quarantaine d’années s’occupait plutôt bien de sa demeure et que les couverts étaient de bonne facture. Il vint s’asseoir, passant ses mains sur son visage en marmonnant :

« Maman… C’est trop tôt… Il n’est que midi. »

« Tu ne vas pas faire la tête ? Manges ça, il te faut des forces pour aujourd’hui. »

« Aujourd’hui ?! Ah ! Où elle se trouve ? »

Il se releva, comme légèrement excité par cet évènement. Il quitta la cuisine pour revenir après deux minutes avec une sphère de cristal dans sa main droite. Celle-ci était remplie de fumée blanche et noire. La femme soupira tout en posant une assiette sur la table :

« Tu ne crois pas que tu as passé l’âge de jouer avec ça ? »

« Boule mystique, dis moi si j’aurais de la chance aujourd’hui ? »

Il se mit à secouer la sphère de cristal avec entrain, la fumée noire se mélangeant à la blanche pour former un mot. Tery eut un sourire qui en disait long, alors qu’il déposa la sphère sur la table. Il se mit à manger, avalant quelques morceaux avant de dire :

« Bon et bien… Je n’aurais pas de chance aujourd’hui selon elle. »

« Ne pense pas comme ça ! Aujourd’hui, c’est le grand jour ! »

« Je peux enfin quitter la maison, c’est super ! » repliqua t-il avec entrain.

« Mais non, espèce d’idiot ! Aujourd’hui, le tournoi aura lieu ! Vous serez environ une douzaine pour ce mois-ci. » répondit la femme tout en récupérant son assiette.

« Tiens… Je pensais que c’était aussi mon anniversaire. »

« Bon anniversaire mon fils. Ca doit te gratter non ? » demanda t-elle, attendrie.

Il termina son assiette, haussant les épaules d’un air désintéressé. Bien sûr que ça le grattait mais qu’est-ce que cela faisait ? C’était le lot quotidien de tout nouvel adulte dans ce monde. Enfin, c’était comme cela qu’il le voyait. Il n’y avait pas de quoi s’alarmer. Il se leva de sa chaise, se dirigeant vers la sortie de la cuisine en prenant la parole :

« Je vais aller me balader maman ! »

« Tu devrais plutôt t’entraîner, Tery ! Les autres sont préoccupés par cet évènement depuis des années mais toi… Tu manies quelle arme ? » le questionna-t-elle.

« Aucune maman, aucune. » répondit-il avec lenteur, haussant les épaules.

« Et ton élément ? Tu as une idée ? Même si il est rare que cela prenne autant de temps. »

« Pas du tout, maman, pas du tout. Je ne le savais pas avant, je ne le saurai pas après. »

« Mais alors qu’est-ce que tu vas faire pendant ce tournoi ? »

« Pffff !  Je verrais ! Je m’en vais maintenant ! Merci bien ! »

Il pouffa pour dire qu’il n’en avait aucune idée. Tout ça, c’était à peine s’il y portait un quelconque intérêt. Elle le regarda quitter la cuisine en soupirant : Qu’est-ce qu’elle allait pouvoir faire du jeune homme ? Tery était retourné dans sa chambre, enfilant une veste noire avec un grand sourire : C’était l’heure !

Finalement, il partit de la modeste demeure dans laquelle habitait sa famille. Les mains dans les poches, il observa le village dans lequel il habitait. Rien de bien énorme, tout semblait si commun… Il salua quelques personnes qu’il connaissait, s’approchant de la sortie du village. A chaque coin se trouvait un garde. L’un devait avoir la trentaine bien avancée, l’autre la cinquantaine mais ce fut le plus jeune qui s’adressa à lui :

« On peut savoir où tu comptes aller Tery ? »

« Me balader un peu sur le chemin. Un petit besoin de réfléchir. »

« Dans quelques heures, le tournoi mensuel va commencer. Tu devrais te préparer plutôt et t’entraîner. C’est vrai quoi… » reprit le même soldat d’une trentaine d’années.

« Vous savez que moi et les entraînements… »

« HAHAHA ! Laisse lui un peu de détente. Ca ne lui fera pas de mal de s’aérer l’esprit avant le tournoi, certains se calment de cette façon. Tu peux y aller, Tery. »

Le plus vieux des deux soldats laissa passer le jeune homme aux cheveux bruns, celui-ci le remerciant d’un hochement de la tête et d’un grand sourire. Les mains dans les poches comme avant, il se dit que tout allait lui manquer mais c’était sa vie. Et sa vie était telle qu’il ne voulait pas s’embêter avec tout ça. L’entraînement, les éléments, les tournois, très peu pour lui. Il se retourna, son sourire restant sur ses lèvres en observant le village :

« Désolé maman et les autres mais cette vie n’est pas pour moi. Me battre comme un chiffonnier même si ce n’est que pour une journée, ce n’est pas mon style. Je crois que je vais me trouver un petit coin tranquille et vivre là-bas jusqu’à la fin de mes jours. Héhéhé. »

C’était bien beau d’avoir des ambitions lorsqu’on était jeune. Il savait ce qu’il allait devenir : Un ermite ! Mais pour cela il devait s’éloigner du chemin et du village le plus vite possible. Il ne voulait pas qu’une personne des villages voisins le trouve non plus. Avec une petite bourse d’argent dans ses poches, rien sur son dos, sa nouvelle vie d’adulte ne faisait que débuter mais il était motivé, très motivé !

Faim… Faim… Faim… Il avait faim, si faim ! Dire que ça ne faisait qu’une heure qu’il marchait. Il aurait dû prendre un petit encas pour le chemin mais sur le coup de l’émotion, il n’y avait pas pensé. Il savait juste qu’il était seul dans les environs, personne n’osait y habiter donc… Il n’y avait qu’un endroit ! Il se dirigea vers la forêt avoisinante, quittant la route qu’il avait prit à la base pour son voyage.

Grimper aux arbres tel un animal et y manger les fruits qui s’y trouvaient, c’était pas une mauvaise idée quand il y réfléchissait ! Qu’importe si les fruits étaient comestibles ou non, il se désintéressa de tout ceci. Il escalada avec agilité le premier arbre qu’il trouva. Heureusement qu’il était quand même doué pour ça sinon, sa survie allait en prendre un sérieux coup. L’arbre était un pommier et il prit quelques fruits avant de se mettre à les manger. Assis le dos contre l’arbre et sur une branche, il se dit à lui-même :

« Et bien voilà ce que j'appelle la vraie vie. Heureusement que je suis tombé sur un arbre avec des fruits comestibles sinon je ne sais pas ce que je serais devenu. Mais bon, je ne vais pas pouvoir rester là plus longtemps...AHHHH! »

Un objet venait d’être envoyé en sa direction. Il eut juste le temps de se pencher sur sa branche mais tomba sous le geste. Il se rattrapa à une main à la branche, se disant qu’il était sauvé. Les petits cris qui se trouvaient au-dessous de lui n’auguraient pourtant rien de bon. Il baissa le regard vers la créature qui lui avait lancé la pierre d’après le constat qu’il avait établi. Surpris, il lui dit :

« Un Gnomold ? Qu’est-ce que tu fais ici toi ? Oh merde… »

En y réfléchissant, c’était tout à fait normal de rencontrer un tel monstre dans la forêt.  C’était un lieu qu’il valait mieux éviter de fréquenter. Dedans se trouvait des créatures assez faibles mais pourtant mortelles pour des personnes non équipées … Un peu comme lui à l’heure actuelle. Le monstre portait une sorte de bonnet de nuit rouge, mesurait un mètre de hauteur et avait une bosse dans le dos. Vêtu d'un pagne rudimentaire, il avait un gourdin de plus de cinquante centimètres dans sa main droite et surtout sa tête était hideuse. Une créature facile et simple à battre même pour un débutant en combat mais ce n'était pas son cas! Et dire qu'il n'allait pas tenir plus longtemps vu le peu de force dans ses mains.

« Héhéhé ! Mon repas vient de tomber de son nid ! C’est l’heure de se mettre à table ! »

« T’approches pas de moi sale bête ! Cache toi le visage avec ton bonnet, tu me donnes envie de vomir en te regardant ! »

Sans même lui laisser le temps de répliquer, il se mit à courir à toute allure pour échapper au Gnomold. C’était chose aisée quand on voyait les petites pattes de la créature mais à part ça… Où aller ? Il ne connaissait pas cette forêt mais à l’écoute des cris du Gnomold, il ne se privait pas pour prendre le maximum de distance. C’était aussi simple que ça : S’il s’arrêtait, il était un homme mort. Retournant la tête pour voir où en était la créature par rapport à lui, il ne vit pas la racine saillante par rapport au sol. Il trébucha, se cognant la tête contre une pierre. Il venait de sombrer dans l’inconscience alors qu’un filet de sang s’écoulait de son front. Le Gnomold s’approcha de lui, un sourire carnassier aux lèvres, sa voix triomphante :

« Héhéhé ! Te voilà enfin devant moi, petite proie ! Tu me facilites la tâche en plus ! »

« Il ne s’est pas battu une seule fois ? C’est… bizarre. » murmura une voix autour du gnomold, celui-ci s’exclamant avec appréhension :

« Qui… Qui est là ?! MONTRE-TOI ! QUE JE T’ECRASE ! »

Le Gnomold tourna sur lui-même, certain d’avoir entendu une voix mais rien… Rien du tout. Une flèche vint se planter dans l’arbre qui était responsable de la perte de conscience de Tery. La créature regarda d’où provenait la flèche : Il y avait un ennemi, elle en était sûre ! Récupérant une pierre au sol, il envoya celle-ci dans les airs avant de pousser un cri strident. La voix murmura d’une voix calme et lente :

« Ca ne servira à rien d’appeler tes congénères maintenant. Tout a été décidé dès l’instant où tu as voulu t’en prendre à cet humain. Eloignes toi de lui. »

« JAMAIS ! Je n’ai pas à recevoir d’ordres de la part d’un hum… »

Une flèche alla se loger directement dans le crâne du Gnomold, le tuant sur le coup. Son corps s’enflamma subitement puis plus rien. Le corps calciné de la créature tomba au sol. Quelques secondes s’écoulèrent et finalement, une ombre atterrit devant Tery. Elle portait une longue cape brune et une capuche de même couleur. Son corps était entièrement recouvert par ces vêtements, ne laissant rien entrevoir de sa personne. Elle s’approche de Tery, le regardant avant de se parler à elle-même :

« Il n’a pas d’armes ? C’est insensé de se rendre dans un endroit comme celui-ci sans avoir de quoi se protéger. Il ne sait peut-être pas se battre alors… pourquoi est-il ici ? Bon, je ne vais pas l’abandonner puisque je viens de le sauver ! Aller, accroche toi ! »

Elle rigola légèrement avant de soulever le corps du jeune homme avec facilité. Il était aussi léger qu’un fétu de paille. Elle devait trouver un petit coin tranquille et le cadavre du Gnomold s’éloignait peu à peu dans l’horizon. Ah… Ce que la vie pouvait être belle et si paisible ! Elle sifflota un petit air connu d’elle-même tout en marchant.

Une vingtaine de minutes plus tard, Tery était couché dans l’herbe, un petit feu étant allumé. De l’autre côté des flammes, la personne encapuchonnée semblait préparer à manger, ayant sorti du pain, quelque fruits et de quoi boire. Les yeux du jeune homme s’ouvrirent, celui-ci ne se relevant pas tout en demandant :

« Snif… Snif… Ca sent bon ! C’est l’heure du repas ? »

« Tiens… Déjà réveillé ? Ne bouge pas trop s’il te plaît. Ta blessure n’était peut-être pas aussi profonde que je le pensais mais tu restes atteint. »

« Hein ? Qui… Qui êtes vous ? Vous êtes du village de Leskar ? » bafouilla le jeune homme en se redressant finalement, inquiet par l’étrange personne en face de lui. Il poussa un petit gémissement de douleur sous le mouvement, se rappelant par là ce qui s’était passé.

« Je connais ce village mais non, je ne viens pas de ce dernier. Mange donc un peu avant de te reposer pendant quelques heures. De toute façon, les Gnomolds ne nous feront rien, ils ne peuvent pas traverser ce bouclier. »

« Pfff… Je n’avais pas besoin d’aide de toute façon. Je veux vivre seul. »

« Alors tu n’as pas faim ? Tant mieux, cela en fera plus pour moi ! »

Même si il n’avait plus cette blessure au front, il restait quand même encore convalescent. Son ventre se mit à gronder de faim et il baissa ses yeux verts, honteux de se montrer comme ça. Sans un mot, l’ombre encapuchonnée de brun fut debout devant lui, déposant un morceau de pain et un verre d’eau. Il prit le morceau de pain, croquant à l’intérieur avant de pousser un léger cri :

« Mais… comment ?! C’est si … bon … »

« Tu ne savais pas qu’il était possible de garder le pain tendre comme ça ? Pourtant, avec des sorts très basiques, c’est très simple. Pareil pour l’eau. Oh, la majorité crée une eau non-consommable mais dans mon cas, c’est possible. J’espère que tu peux la boire. »

« Je m’en fiche des sorts, j’en ai rien à faire mais … merci, c’est quand même très bon. » marmonna le jeune homme. « Sinon, tu peux prendre ce qui est dans ma bourse. Ce n’est pas grand-chose mais bon … »

Il amorça un geste vers l’une de ses poches pour extirper la petite bourse de cuir mais l’ombre lui signala que ça ne servait à rien. Elle ne l’avait pas sauvé pour obtenir une récompense. Il n’arrivait pas à voir correctement son interlocuteur mais il eut un léger soupir d’apaisement. Au moins, il était en sécurité avec cette personne. Elle ne semblait pas hostile à première vue et elle avait tué le Gnomold. D’ailleurs, la personne encapuchonnée reprit :

« Couche-toi maintenant. Mon petit sort de guérison t’a soigné mais n’a pas retiré la fatigue dans ton corps. Tu es normalement fatigué, j’en suis sûr. Tu me raconteras ton histoire demain, d’accord ? Quand tu seras en meilleure forme. »

« Ce n’est pas de refus. Bonne nuit. » conclut le jeune homme aux cheveux bruns, peu soucieux du reste du monde autour de lui.

« Et bien ? Tu ne t’inquiètes même pas un petit peu ? » demanda son sauveur.

« Et où est-ce que je dois m’inquiéter ? »

Il s’était redressé, cherchant à savoir où voulait en venir son interlocuteur. Celui-ci rangea correctement le reste de la nourriture avant de reprendre :

« Et bien, nous ne nous connaissons pas, n’est-ce pas ? »

« Je m’appelle Tery et comme vous vous en doutez, je viens du village de Leskar. »

« Je vois, je vois … Mais tu me dis cela alors que je suis peut-être un tueur ? » reprit la personne encapuchonnée, le jeune homme haussant simplement les épaules.

« Je ne suis pas plus inquiet que ça. Personnellement, j’aurai dû mourir face au Gnomold il y a quelques heures. Enfin … Si, j’ai un peu peur de mourir pendant que je dors … Mais je pense que je m’y habituerai. Donc … Merci beaucoup pour le sauvetage, la nourriture et la boisson, sans vous, je serai mort à l’heure où je vous parle. Bonne nuit ! »

Il se coucha finalement dans l’herbe et malgré la dureté du sol comparée à celle de son matelas, il s’endormit rapidement, en moins de cinq minutes. Il ne vit pas le sourire de l’être sous sa cape brune, celui-ci semblant l’étudier longuement du regard. Ah … C’était donc lui … qu’il devait chercher ? Du moins, qu’il devait trouver ? Enfin … Maintenant, c’était fait. C’était donc … ce dénommé Tery, néophyte dans l’art du combat et de la magie, qu’il allait devoir prendre sous son aile ?

« C’est plutôt … intéressant quand on y réfléchit bien. » murmura d’une voix calme l’être avant de se rapprocher de Tery. Sa cape brune se souleva légèrement, laissant paraître une dague tout ce qu’il y avait de plus basique. Il souleva la dague avant de la déposer à une vingtaine de centimètres du jeune homme.

Façonner cette personne comme il le désirait … Etait-ce simplement possible ? Il se posait cette question en étudiant le jeune homme si rapidement endormi. Il avait tout à apprendre ! Depuis le début, les bases même ! Ça n’allait pas être … facile. Pourtant, c’était un jeune homme, n’est-ce pas ? Comment était-ce possible alors de ne rien savoir ? Les explications n’allaient pas tarder à se faire entendre mais pour l’heure …

« Tu m’as fait une impression assez … spéciale, il faut le reconnaître. » dit l’ombre avec un peu d’amusement dans sa voix.

Mais c’était ce genre d’impression qui lui permettait de donner un premier avis positif sur les personnes qui l’entouraient ! Le fixant de ses yeux bleus, l’être camouflé dans une cape brune recula son visage avant de se redresser. Bon … Ce n’était pas tout ça mais pour la nuit, il valait mieux s’éloigner !

« Dors bien, n’est-ce pas ? Tu auras besoin de toutes tes forces dès demain ! »

Avec lenteur puis en commençant à courir peu à peu, l’ombre s’éloigna du jeune homme, le laissant seul en pleine nuit. Oh … Avec le feu à côté de lui, il ne devrait pas avoir trop froid, n’est-ce pas ? Mais ce n’était pas le plus important. Si il avait peur de se faire attaquer durant la nuit, il ne serait pas si loin que ça de lui.

Logé contre un arbre, la personne encapuchonnée sortit son arc, le gardant auprès de lui avant que ses deux yeux bleus ne se ferment. Pour l’heure, il était temps de se reposer lui aussi. Ensuite, dès demain, ils iraient se mettre en route car ils avaient beaucoup de moments à passer dorénavant, tous les deux ! Oh que oui !

Chapitre 2
Chapitre 2 : Premier combat
Le réveil se déroula sans aucun problème. Ses yeux verts s'ouvrirent pour regarder où il était : Une magnifique forêt autour de lui, une ombre encapuchonnée faisait tourner un lapin au-dessus d’un feu créé par magie. Ah...Bien sûr, il n'était plus chez lui et il poussa un petit rire amusé avant de se relever : C'est vrai ! Il était enfin libre et il n'avait plus à se poser de questions sur son avenir ! En entendant le rire, la personne encapuchonnée se tourna vers lui, lui demandant d’une voix neutre :

« Je vois que tu es en pleine forme. Cela fait plaisir à voir. Tu prendras un peu de lapin? »

« Heu...Non désolé, pas au réveil. Mais j'ai une petite question : Normalement, cette forêt réunit pas mal de monstres mais je n'ai eu aucun problème et vous non plus. Vous avez même réussi à chasser ! » s’écria le jeune homme avec entrain.

« Tu ne m'as donc pas écouté? Enfin bon, tu n'étais pas en bon état hier. Prends donc ce morceau de pain et cette eau. Ils sont aussi frais que ceux d'hier. Je vais donc t'expliquer quelques principes si tu le désires. »

L'ombre encapuchonnée se releva avant de se mettre à marcher en rond autour de Tery qui la regarda faire en écoutant d'une oreille distraite. Il dévora avec appétit le mini-repas, se disant que cela n'allait pas le remettre d'aplomb mais au moins lui remplir l'estomac pour les prochaines heures. Il était toujours aussi insouciant par rapport à cette histoire. L’être prit la parole avec lenteur, comme pour chercher à s’exprimer correctement :

« Alors … Par quoi je peux commencer ? Et bien … Disons que c’est de la magie, n’est-ce pas ? Je suis capable de créer une zone telle que les odeurs qui émanent de nos corps sont transportées par le vent ailleurs. Ainsi, les créatures et autres monstres qui tenteraient de venir vers nous seront alors attirés ailleurs et nous serons en sécurité. Est-ce que cela te convient ? Ou non ? J’ai essayé de faire simple. »

« Et c’est tout ce qu’il y a à savoir ? » demanda le jeune homme sans réellement s’intéresser à ce qui venait de se dire. La personne encapuchonnée haussa les épaules, répondant :

« Et c’est tout. Rien de bien spécial, n’est-ce pas ? »

« Alors, ça me suffit amplement ! Je n’ai pas besoin d’en savoir plus !

Il finit son morceau de pain, passant un doigt sur ses lèvres pour retirer une miette. Il remarqua enfin la dague qui était posée à quelques centimètres de lui tandis que l'ombre lui tournait le dos. Il se releva en tenant l'objet entre les mains, l'observant sous toutes les coutures : Une dague tout ce qu'il y avait de plus normale mais dont la lame brillait, signe qu'elle était de bonne qualité. A part ça, rien de bien spécial. Il s’adressa à la personne :

« Hey, vous avez fait tomber votre arme. »

« Ceci est ton arme maintenant... C’est Tery, ton nom, n’est-ce pas ? »

« C’est bien ça et le vô... Mais attendez un peu ! Je ne veux pas de votre dague ! Je n'ai pas besoin de cet objet ! »

Il jeta l'objet au sol d'un geste rageur avant de croiser les bras : Il avait quitté son village car il ne voulait pas utiliser d'armes ou de magie justement ! Et cette personne, bien qu'elle lui ait sauvé la vie, tentait maintenant de lui donner une arme ?! L'ombre encapuchonnée se retourna, un petit sourire aux lèvres :

« Et pourquoi tu n'aurais pas besoin de cette chose? Quitter la forêt sans arme sera très difficile. Peut-être devrais-je t'abandonner en ce lieu et voir comment tu te débrouillerais sans moi ? Qu’est-ce que tu en penses ? Ce n’est pas une bonne idée ?

« Ah ! Mais c'est du chantage ça ! Je ne marche pas ! » s’écria t-il, croisant les bras.

« Soit, alors adieu. » termina de dire la personne recouverte par sa cape brune.

Alors qu'il n'y eut aucun cri autour de lui, ce fut le cas après une dizaine de secondes. Il se redressa, se retournant pour voir son sauveur. Profitant de sa confusion, l'ombre encapuchonnée s'était enfuit sans lui laisser le temps de parler. Il se sentait mal, très mal et il reprit la dague, celle-ci se mettant à trembler en même temps que sa main droite. Une branche qui se brisait, un souffle dans son dos alors qu'il s'avançait à travers les arbres et voilà que tout ses sens étaient déjà en éveil. Il n'avait pas peur, il n'était pas de ce genre mais cette ombre, était-ce un ennemi ou un ami ? Il ne savait pas mais quel enfoiré de l'avoir abandonné ici. Il releva subitement son regard : Il n'avait pas rêvé ! Il en était sûr ! Quelque chose ou quelqu'un se trouvait dans les arbres ! Ou alors, était-ce tout simplement son imagination ? A gauche, aucun danger. A droite, il en était de même. Derrière lui, il n'y avait aucune présence alors il lui suffisait de toujours avan...

« BOUH ! » s’écria subitement une voix en face de lui.

« AHHHHHHHH ! » hurla t-il aussitôt, apeuré par ce qu’il venait de voir.

La dague fut jetée en l'air tandis qu'il tomba sur les fesses en voyant l'ombre encapuchonnée à cinq mètres de lui. Même de là, il n'arriva pas à voir les détails de la personne qui se tenait devant lui. Cette foutue ombre avait la tête à l'envers et sa tenue ne tombait pas malgré la gravité. Encore de la magie ? Il tenta de reprendre ses esprits, marmonnant :

« Non mais t'es complètement dingue ! C’est quoi ça ?! »

« Tu ferais mieux de te taire si tu ne veux pas avoir de problèmes. Récupères la dague et suis-moi. Je vais nous emmener ailleurs. Ça sera bien mieux que de rester ici. »

« Non. » répliqua le jeune homme sèchement, visiblement en colère.

« Qu'est-ce que tu as dit ? Tu peux répéter pour voir ? J’ai cru mal entendre. »

L'ombre encapuchonnée atterrit sur le sol avec un petit rire. Cela avait été assez drôle de voir la réaction du jeune homme lorsqu'elle était apparue devant lui. Mais maintenant, il valait mieux qu’il arrête de refuser sinon, tout allait très mal se finir. Tery restait assis sur le sol, les bras croisés au niveau de son torse. Les yeux plissés, il reprit :

« Je n'ai pas d'ordres à recevoir de ta part. Je ne te connais pas, tu ne me connais pas. C'est tout ! Merci pour ce que tu as fait mais c’est bon, maintenant, on n’a plus rien à voir ! »

« Tu ne me laisses pas le choix. Et dire que tu as le même âge que moi, je n'arrive pas à croire que j'ai affaire à un gamin mais bon, nous sommes tous de grands enfants n'est-ce pas? Accroche-toi, ça va faire mal ! »

Une aura brune entoura légèrement le corps de l'ombre encapuchonnée avant que des morceaux de terre ne se mettent à sortir du sol. Il se releva, inquiet par ce qu'il voyait : Qu'est-ce qu'elle comptait faire ?! Il n'eut pas le temps de réagir que le poing recouvert d'une protection de pierre vint le frapper au ventre. Il pouffa sous le coup avant de s'évanouir aussitôt. Il n'avait pas de force physique ni de magie, il n'était qu'une simple chenille sous forme humaine. L'ombre encapuchonnée poussa un profond soupir avant de murmurer :

« Ce n'est pas possible d'être aussi borné que ça. Néanmoins, tu vas devoir m'accompagner puisque j'ai besoin d'un compagnon. Et dire que je débute moi-même par rapport au monde extérieur, je n'arrive pas à croire qu'il y ait tant de différences. »

Elle le réceptionna avant qu'il ne tombe en arrière. Ce n'était pas une chose très difficile d'après les dires de celui qui l’avait envoyé, il valait mieux être plus prudent. Il avait parlé de trouver une personne dans la forêt avoisinant le village de Leskar qui serait là pour l'épauler. L'Oracle ne se trompait jamais dans ses prédictions mais quand même, pourquoi l'avoir envoyé là-bas? L'ombre sourit tandis qu'elle soulevait Tery sans ménagement.

« Mais c'est quoi ce BORDEL ! » s’écria le jeune homme en rouvrant les yeux, regardant où il se trouvait. C’était quoi cet endroit ? Des colonnes de marbre brisées en plusieurs morceaux sur le sol herbeux, des murs à moitié détruits mais aussi des cadavres de gnomolds un peu partout … Il se trouvait où ? Il entendit la voix de l’être encapuchonné, s’adressant à lui d’une voix énervée comme à son habitude :

« Ah? Tu es enfin réveillé ? Il était temps ! Tu as encore dormi tout le trajet. »

« Mais pourquoi je suis ligoté ? Et pourquoi on est dans un temple super louche et surtout POURQUOI il y a des gnomolds morts autour de MOI ? »

« Car nous sommes dans le temple où se trouve le médaillon que je devais récupérer. Est-ce que tu as d'autres questions ou est-ce qu’on peut y aller ? » demanda la personne dont il ne savait guère si elle était une amie ou une ennemie.

L'ombre encapuchonnée avança tranquillement dans le temple en ruines autour d'eux. Il y avait plusieurs tas de gravats qui jouxtaient l'endroit où ils se trouvaient. Des cris d'animaux en colère se firent entendre … mais était-ce réellement des animaux ? Tery était attaché et ligoté par une corde qui se tenait toute seule dans les airs comme animée par une main invisible tandis que l'ombre lui tournait le dos comme à son habitude. De nombreuses flèches partaient du corps de l'ombre sans qu'il ne puisse voir l'arme : Etait-ce un archer ? Elle se tourna vers lui avant de reprendre la parole :

« Est-ce que tu es décidé à m'aider ? J'ai besoin d'un allié pour prendre le médaillon qui est gardé par un chef de clan mineur de Gnomolds. Ils seront beaucoup trop nombreux pour moi seul alors autant me donner un coup de main. Après ça, je te libère et tu pourras faire ta vie comme tu le désires. C’est un bon marché n’est-ce pas ? »

« Je ne sais pas utiliser d'armes ! » répondit-il avec véhémence.

« Et la magie ? » demanda t-elle aussitôt, semblant n’en avoir que faire des cris du jeune homme, se rapprochant de lui. Il était temps qu’il parle.

« C'est pareil ! Je ne sais rien faire car je ne veux rien faire en rapport avec ces foutus trucs ! C’est bon ? Tu peux me libérer maintenant ? »

« Où est ton tatouage ? » questionna une nouvelle fois la personne encapuchonnée.

« Tu crois que je vais te le dire ! Je ne suis peut-être pas doué au combat mais je sais bien qu'il ne faut jamais révéler l'emplacement de son tatouage car c'est là que se focalise notre point vital et principal ! »

«Tu n'es pas aussi bête que tu en as l'air hihi. » termina t-elle de dire.

L'ombre encapuchonnée rigola avant que deux créatures au bonnet rouge ne fassent leur apparition dans son dos. Sans plus attendre, elle se retourna à nouveau, faisant apparaître deux pieux de glace au bout de ses paumes. Quelques secondes plus tard, les pieux s’étaient plantés dans les corps des Gnomolds qui tombèrent en arrière, morts sur le coup.

« Mais tu n'as pas besoin de moi vu comment tu te débrouilles ! Libères moi au lieu ! »

« Puisque c'est ton choix. » marmonna l’autre personne avec lenteur.

La corde qui le ligotait tomba au sol avant de disparaître. Encore un tour de magie. L'ombre ne savait que se battre comme ça ou quoi ? Il se frotta les bras, les observant longuement. Il allait garder ces marques pendant quelques heures mais au moins, il était libre.

« Bon, je te laisse et je ne te remercie pas pour ce que tu viens de me faire ! »

Il s'éloigna avant que des grognements ne se fassent entendre dans son dos ainsi que des cris humains. Ce n'était pas des cris de détresse mais plutôt de guerre. Maintenant qu'il y réfléchissait, même avec le son de sa voix, il ne savait pas si c'était une femme ou un homme qui l'avait sauvé. De toute façon, au final, il s'en fichait pas mal. L'ombre n'avait pas besoin de lui et il avait décidé de ne pas se mêler de ça !

Quelques minutes plus tard, il était de retour tandis que la cape de la personne était légèrement trouée, signe que des projectiles avaient été envoyés sans réussite envers elle.

« On se rapproche. Tu as donc décidé de venir me rejoindre ? » demanda la personne encapuchonnée en se tournant vers lui.

« Non ! Mais j'ai une question : Tu peux m'indiquer la sortie ? » dit-il avec lenteur.

Quelques secondes où le temps s'était arrêté : Il ne blaguait pas. Il ne connaissait pas la sortie de ces foutues ruines. En fait, c'était pire que ça : Il ne savait même pas où il était ! Puis un puissant rire cristallin sortit de l'ombre encapuchonnée qui tentait de se contrôler, bafouillant dans ses paroles comme à la recherche de son souffle :

« Tu es vraiment un cas Tery ! Restes près de moi et ne t'éloignes pas. Je m'occupe du médaillon et ensuite, on sortira des ruines tout les deux. Ca te convient comme marché ? »

« Est-ce que j'ai vraiment le choix ? Je devrais me battre ? »

«Non et c'est à toi de voir mais c'est dommage de ne rien savoir faire de ses deux mains. Tu es comme un bébé qui apprend à marcher. Tu es sûr de ne pas vouloir ma dague ? » questionna t-elle en lui tendant une nouvelle fois l’arme de courte taille.

« Je t'ai déjà répondu à ce sujet : Je ne veux pas me battre! Et je ne sais pas me battre ! Et je ne sais pas utiliser de magie ! Et je ne sais pas de quel élément je suis ! » dit-il avec appréhension, un peu énervé comme à son habitude depuis qu’il était avec cette personne.

« Au moins, on a un point en commun : Je ne sais pas de quel élément je suis non plus. C'est pourquoi j'utilise tous les éléments ! Dès que nous sommes sortis de là, on prendra un peu de temps pour t'apprendra les bases. Voilà tout ! »

« Mais TU ME GONFLES! Je t'ai dit que... » commença t-il à parler avant d’être coupé.

« Tu ne voulais pas te battre mais pas ne pas apprendre les sorts élémentaires. » termina t-elle de dire sur un ton amusé par la situation.

Il allait ouvrir la bouche mais il préféra se taire pour éviter de proférer des insultes. Cette ombre...  Elle arrivait à l'énerver trop facilement et ce n'était pas bon. Il n'aimait pas être pris pour un imbécile mais elle avait réussi là où peu de gens y arrivaient : le mettre en colère pour des futilités. Il maugréa avant de se mettre à suivre la personne qui continuait de tracer son chemin à travers les ruines comme si elle savait où se rendre. Pourtant, subitement de derrière une ruine imposante, un gnomold se jeta sur elle, une masse à la main. Un coup vint la frapper au niveau du crâne, l'envoyant contre une ruine tandis que la dague tombait au sol à plus de trois mètres de l'ombre.

« Erk erk erk. T'étais venu pour prendre ça n'est-ce pas ? »

Ah ! Il ne l'avait pas remarqué! L'homme aux yeux émeraude se cacha derrière une ruine, jetant un oeil à la créature qui venait de frapper l'ombre. La créature avait un bonnet bleu sur son crâne qui était dégarni, deux pics sortant de son dos, une masse en fer dans la main droite ainsi qu'une rondache dans main gauche. Il était possible de voir un petit médaillon qui brillait d'une lueur brune autour de son cou, une pierre de même couleur incrusté à l'intérieur. Du Gnomold, il en avait l'apparence sauf qu'il mesurait bien un mètre vingt-cinq de hauteur et semblait avoir plus de muscles et d'intelligence que ces congénères.

« Trop d'humains sont venus pour lui erk erk erk. Je sais pas ce que tu es mais tu vas les rejoindre ! » s’écria le monstre en s’approchant du corps qui semblait inanimé.

L'ombre encapuchonné ne bougeait plus : Etait-elle évanouie ? Si c'était le cas, il ne pouvait plus rien pour elle et il valait mieux s'enfuir mais bon... Ce n'était pas vraiment son genre non plus de s'enfuir, du moins pas quand il avait une dette de cette importance. Mais pourquoi devait-il se battre ? Ce n’était vraiment pas son truc ! Il s'approcha en catimini vers la dague qui était tombée au loin du chef de clan Gnomold et de l'ombre. Il devait la serrer, la tenir bien en main et s'approchait de la créature. Il commença à courir à toute allure vers le gnomold. Un seul coup dans la tête et c’en était terminé ! C’était comme ça !

« CREVE SALE BÊTE ! » hurla t-il de toutes ses forces, le gnomold se retournant :

« Nierk ? Un autre humain ! Erk erk erk. Ca va être chouette. Deux fois plus de nourriture ! »

La lame de la dague vint frapper la masse du Gnomold qui s'était retourné pour être en face de Tery. Dieu qu'il était laid, surtout quand il se mit à sourire avec ses nombreuses dents en moins. La masse se leva en même temps que la dague, la tête du Gnomold venant se loger dans le ventre du jeune homme aux cheveux bruns qui fut envoyé au loin. Il roula pendant quelques secondes avant de gémir de douleur : Voilà pourquoi il ne voulait pas combattre ! Il n'aimait pas souffrir, il n'aimait pas du tout ! Pourquoi s'était-il permis de croire qu'il pouvait faire quelque chose contre un chef de clan Gnomold même mineur? Ces monstres même si faibles étaient bien plus doués au combat que lui. Mais il ne pouvait pas abandonner l'ombre, c'était un principe simple comme le monde ! Si quelqu'un t'avait sauvé la vie, tu devais sauver la sienne ! Il se releva, il n'avait pas si mal que ça, il était encore capable de se battre. Tenant la dague à la main d'une manière qui montrait son absence d'utilisation habituelle dans cette arme, il se positionna pour faire face au Gnomold.

« T'as l'air de tenir un peu mieux les coups que l'autre erk erk erk! Ranges ton arme, tu vas te couper ! » s’égosilla le gnomold avec amusement.

« Parles pour toi tête de Glumarx ! » répondit aussitôt Tery.

Il avait fait mouche : Le visage du chef de clan Gnomold prit peu à peu une teinte rouge, signe qu'il allait exploser de colère avant de proliférer des insultes à tout va. Tery ferma ses yeux avant de les ouvrir aussitôt : Se concentrer et ne pas écouter les insultes, seulement se préoccuper de la créature qui allait courir à toute allure vers lui. Ses deux jambes tremblaient, signe de son anxiété. Ca s'annonçait mal, très mal. Mais … Il n’avait pas vraiment le choix hein ? Il n’avait jamais combattu de toute son existence ! Alors pourquoi est-ce qu’il devait le faire maintenant ?

« Je vais te faire regretter le jour où tu as proféré ces paroles, sale humain ! »

« Parle toujours, tu ne m’intéresses pas ! Laisse-moi tranquille et dégage de là plutôt ou sinon, je risque de te faire mal ! C’est compris ?! »

Lui faire du mal ? Il n’arrivait même pas à s’enfuir ! Si ce gnomold savait qu’il n’arrivait pas à se battre, non, qu’il ne s’était jamais battu, c’était fini pour lui. La seule chose qu’il pouvait faire, c’était passer le temps pour que l’ombre se réveille et en termine avec le gnomold. Car lui de son côté …

« NE T’AVISE MÊME PAS DE T’ENFUIR SALE HUMAIN ! »

« Tu crois vraiment que je vais t’écouter ou quoi ?! » répliqua-t-il aussitôt, faisant quelques pas en arrière. Ça ne servait à rien de se battre. Rien du tout ! Il n’arriverait pas à battre le gnomold s’il restait là. Il valait mieux courir dès maintenant ! Il se retourna avant de bondir en avant, voulant mettre le plus de distance entre lui et le gnomold. Celui-ci ne tarda pas à réagir, courant à son tour pour venir le rattraper.

« Arrête un peu de bouger que je t’assomme et te lapide morceau par morceau ! »

Hors de question ! Il n’allait pas se laisser faire de la sorte ! Il devait se cacher derrière une ruine ! Mettre le plus de distance avec le gnomold avant qu’il ne l’attrape ! C’était plus facile à dire qu’à faire, il n’était pas adepte des courses d’endurance ou des sprints !

Ah … Ah … Ah … Il devait se reposer. Adossé contre un mur à moitié détruit, il reprenait son souffle, serrant avec force la dague. Pourquoi est-ce qu’il faisait tout ça ? Pourquoi ? Si cette personne encapuchonnée lui avait sauvé la vie, c’était bien pour qu’il continue à vivre non ? Alors chercher le combat avec ce chef gnomold, ce n’était pas du tout une bonne idée.

« Où es-tu petit petit petit ? Montre toi donc … »

Gloups … Le Gnomold se rapprochait peu à peu de lui. Ce n’était pas bon, pas bon du tout. Il ne devait pas stresser … Ce n’était pas bon. Il devait garder son calme et … ne pas faire de bêtises. Il entendait les bruits de pas qui avançaient au fur et à mesure des secondes qui s’écoulaient. Gloups … Il devait réagir … Réagir et vite ou sinon, il …

« AH ! TE VOILA ! Hein ? Comment ça ? » dit le Gnomold, bondissant sur le côté, sa masse à la main avec un sourire de vainqueur. Sourire qui disparut lorsque le jeune homme n’était pas présent devant ses yeux. Il était sûr pourtant … de l’avoir senti ici. Il reprit : « Nierf … Pas normal ça … Pas normal du tout même … Si t’es pas de ce côté … Ca veut dire … QUE TU ES DE L’AUTRE ! »

Mais encore une fois, rien du tout. Pourtant, il en était sûr ! Il entendait des bruits de pas ! Il était là ! Il voulait s’amuser à changer de côté tandis qu’il passait de l’autre ? Il n’était pas comme ça ! On ne se moquait pas de lui ! D’un geste rageur, il frappa de sa lourde masse dans le mur, celui-ci s’écroulant en morceaux. La destruction du mur laissa paraître le jeune homme, surpris par un tel geste.

« Alors ? On essayait de se cacher hein ? Fini de s’amuser ! Je vais t’apprendre à m’insulter de Glumarx, saleté d’humain ! »

« Je ne fa … Je ne fais que dire la vérité à ton sujet ! » reprit le jeune homme, tremblant en tenant sa dague à la main.

Bon … Se calmer et se concentrer … Son petit jeu était terminé. Ça n’avait pas duré cinq minutes mais visiblement, cela avait suffi à énerver le gnomold. Bon … Qu’est-ce qu’il devait faire ? Quand est-ce que l’autre personne allait se réveiller ?! Il n’allait pas l’attendre trop longtemps non plus hein ! Il était mal barré … Il n’allait quand même pas devoir … se battre hein ? NON ! Ce n’était pas possible !

« C’est pas dans mes cordes ça ! »

« A qui est-ce que t’es en train de parler, l’humain ? » demanda le gnomold. « Enfin, je m’en fous … Maintenant que tu n’as plus d’endroit ou te cacher, c’est foutu pour toi ! »

Il le savait bien que c’était foutu ! Il n’était pas bête non plus mais … mais … Ah … Il devait garder son calme … Ca ne servait à rien de s’apeurer. Mais il était dans de beaux draps !

chapitre 3
Chapitre 3 : Un médaillon bien spécial

« Alors ? Alors ? On a décidé d’arrêter de courir ? Héhéhé … T’as bien fait … T’inquiète pas … Je ne te ferai pas mal … enfin pas trop ! »

Oui mais … Il n’était pas convaincu du tout. Vu l’épaisseur du monstre et son obésité … Est-ce qu’il pouvait essayer de courir à nouveau ? Ainsi, il pourrait alors l’épuiser plus que nécessaire et ça permettrait de retourner chercher la personne encapuchonnée, de la récupérer et ensuite de s’enfuir avec. Oui … C’était une excellente idée ! Il allait faire ça !

« Ne t’avise même pas de recommencer … » grogna le gnomold, comprenant ce qu’il tentait de faire. Le jeune homme sprinta en arrière. Il avait aussi une seconde idée … Jouer sur l’aspect psychologique … Car si il se rappelait vers où il se dirigeait. Peut-être que là … Il aurait alors une chance de s’en sortir. Ou alors, si il arrivait à mettre de la distance avec le gnomold, ça serait encore mieux mais là … Il ne fallait pas rêver.

Combien de temps allait-il garder cette allure ? Le monstre était-il vraiment aussi endurant que ça ? Cela faisait déjà bien une dizaine de minutes qu'il courait à travers les ruines, passant à côté des nombreux cadavres des congénères du gnomold qui le poursuivait. Visiblement, il voulait jouer sur la découverte de la mort des membres de sa tribu. Un cri de colère arriva dans son dos tandis qu’il se retournait pour voir le gnomold furieux :

« Ah mais c'est TOI le SALOPARD qui a fait ça ! Je vais t'étriper ! Ou alors c'est ton ami ? Je m'en fous, je vais vous tuer tous les deux ! Ah non, je vais faire mieux ! Je vais aller m'occuper de ton ami évanoui au loin. »

« Ce n'est PAS mon ami ! »  répliqua le jeune homme en colère.

« Alors tu vois aucun problème à ce que j'aille le tuer maintenant ? » annonça le gnomold, souriant de toutes ses dents ou du moins de celles qui lui restaient.

Les deux personnes s'étaient arrêtées de courir. Tery reprit son souffle en se retournant : Voilà que le Gnomold se tenait là, heureux et fier de son idée. Puisque cet humain ne faisait que s'enfuir, autant aller s'occuper de celui qui était inconscient par ses soins. L'homme aux cheveux bruns poussa à son tour un cri de colère avant de courir vers le Gnomold qui semblait surpris par sa réaction : Il allait enfin combattre ?!

Il ne pouvait pas l'abandonner ! Il ne pouvait pas laisser l'ombre toute seule ! Mais quand est-ce qu'elle allait se réveiller ? Il ne savait pas combien de temps durait une inconscience ! Il devait néanmoins tenir le plus longtemps possible mais avec ces nombreuses courses, il était déjà fatigué. Ne pas montrer qu'il était épuisé et tenter le tout pour le tout en attaquant. La lame de sa dague percuta la masse de fer du Gnomold avec toute la force qu'il avait avant qu'il ne se mette à donner des coups au hasard et dans le vide.

Cet humain ne savait pas se battre ? Vu la façon dont il frappait avec la dague, il se posait des questions qui disparaissaient aussi vite qu'elles étaient venues. Il n'avait pas à s'en faire si son adversaire était aussi pathétique que ça mais méfiance, rien n'était sûr. Il positionna sa rondache pour parer l'un des coups de la dague. La lame de celle-ci pénétra le bois du bouclier circulaire. Voilà ce qu'il appelait se battre : Défendre et contre-attaquer aussitôt ! Sa masse vint se loger une nouvelle fois dans le ventre de l'humain, celui-ci tombant à genoux, poussant un râle de douleur.

Mal ! Ca faisait sacrément mal ! Il tint avec difficultés la dague dans sa main droite, sa main gauche posée sur son ventre. Heureusement qu'il n’avait pas grandement mangé sinon il était bon pour recracher son repas. Il observa de ses yeux verts la créature qui poussait des petits ricanements : Elle était contente de son résultat cette garce ! Il fallait lui rendre la monnaie de sa pièce avant qu'il ne soit trop tard. Alors que la masse de fer allait venir le frapper à la tête pour l'envoyer dans le royaume des morts ou au minimum de l’inconscience, il s'avança subitement, dague en avant. La lame de l'arme pénétra à travers la peau épaisse du Gnomold, celui-ci lâchant sa masse par surprise.

Cet homme ?! CET HOMME ?! Il avait profité du fait qu'il pensait qu'il était aussi faible pour attendre le bon moment pour planter sa dague en lui ?! SALOPARD!  C'était vraiment d'une bassesse sans normes et il allait lui faire payer ! Dès l'instant où Tery retira la lame de sa dague, plus apeuré qu'heureux par la situation, la rondache le frappa à la tête avec colère.

« SALETE ! Fini de rire et de plaisanter ! Tu m'as bien eut sur ce coup stupide humain ! Je ne pensais pas que tu étais capable de te battre mais puisque tu viens de me blesser... »

Il ne finit pas sa phrase, de la bave coulant de ses lèvres tandis que Tery était à nouveau à terre. Combien de temps cela allait-il durer ? L'homme aux yeux verts ne savait pas mais il n'allait plus tenir très longtemps. Il avait senti sa lame s'étant bien logée dans le corps du Gnomold alors pourquoi celui-ci ne ressentait-il pas la douleur? Etaient-ils si différents l'un de l'autre ? Sauver l'ombre encapuchonnée, c'était une bonne chose, il était un peu fier de son acte mais LUI, qui allait le sauver ? Il se releva avec une légère difficulté dans le geste. Le Gnomold avait une légère blessure au niveau du torse gauche. Une entaille dont s'écoulait du sang à cause de son attaque. Il avait réussi à faire ça avec cette dague ? Il n'était peut-être pas si mauvais et se repositionna correctement avec un petit sourire : Peut-être qu'il pouvait tuer ce gnomold ? Cela serait le premier pas de son existence en tant qu'adulte et peut-être que son tatouage allai t... Mais qu'est-ce qu'il se racontait ?

« Ah ! Mais... Mais... »  balbutia le jeune homme sans comprendre.

Ses pieds tremblèrent soudainement avant qu'il ne s'écroule au sol. Ses jambes ne répondaient plus ! Ce n'était pas normal ! Maintenant qu'il y réfléchissait, il n'avait que des petites blessures causées par la masse de fer du Gnomold mais... Il regarda d'un air apeuré la créature qui arrivait vers lui, celle-ci se mettant à ricaner :

« Erk erk erk ! T’as enfin compris ? Je n'ai pas cherché à te tuer avec mes coups ! Je voulais simplement te frapper à certains endroits de ton corps pour t'empêcher de trop bouger. Tu es tombé dans mon piège petit humain. Ton misérable coup n'est rien comparé à ce que je vais te faire subir héhéhé ! »

Le Gnomold s'avança vers lui tandis que le jeune homme reculait en se traînant avec ses deux mains : De la peur, il était passé à la terreur. Qu'est-ce qu'il s'était mis à penser il y a quelques secondes ? Qu'il allait pouvoir battre un Gnomold tout seul ?!C'était complètement stupide ! Il ne pouvait pas battre un chef Gnomold aussi facilement ! Et voilà qu'il allait mourir une journée après son anniversaire ! Ce n’était vraiment pas de chance. Mais pourquoi n'était-il pas resté dans son village ? POURQUOI ? Il sera sa dague dans sa main droite, donnant des coups dans le vide pour empêcher le chef Gnomold de s'approcher de lui. Il ne voulait pas mourir ! Il ne voulait absolument pas mourir aujourd’hui ! Il était trop jeune pour ça ! Il avait encore toute sa vie devant lui !

« Lâches donc cette arme, elle te sera inutile là où tu vas. » dit le gnomold, frappant dans sa main avec sa masse pour bien lui montrer ce qui l’attendait.

Fini de rigoler, il pouvait tout donner maintenant! Il avait récupéré sa masse de fer et venait fracasser la main droite de Tery. Plusieurs craquements sinistres, la dague vola en éclats tandis que les doigts de l'homme aux cheveux bruns étaient maintenant brisés, celui-ci roulant sur le sol en criant de douleur. Sans arme, sans défense, sans magie, il n'était rien, rien du tout. Pourquoi ne savait-il pas utiliser la magie? Pourquoi avait-il évité de suivre les cours pendant toutes ces années ? Il le regrettait presque ! Il sanglota, chose normale quand on savait qu'on allait mourir dans quelques instants.

« Et puis zut héhéhé ! Attends un peu, ça sera encore plus drôle ! Tu voulais sauver l'autre humain n'est-ce pas ? Ne bouges pas d'ici ! »  s’écria le gnomold.

Il sauta sur le ventre de Tery qui gémit de douleur avant que la masse de fer ne s'abatte sur ses deux genoux et sa main gauche encore indemnes. Non, ce n'était pas comme avec le dernier coup qu'il avait donné, c'était différent. Il ne sentait plus rien, plus rien du tout, comme si les nerfs de ses muscles ne répondaient plus. Qu'est-ce qu'il venait de faire ? Le chef de clan mineur Gnomold s'éloignait en ricanant. Tery ne pouvait plus bouger depuis ces coups et vu l'humeur sadique du Gnomold, il n'allait pas se gêner pour le faire souffrir psychologiquement. ZUT ZUT ZUT ! Il devait se débattre et bouger ! ALLEZ ! Que son corps lui réponde ! Il pouvait lever la tête … mais pas le reste … Il était … paralysé ?

Pourquoi ? Pourquoi le Gnomold l’avait-il abandonné ? Qu'est-ce qu'il avait en tête ?! Il avait parlé de l'ombre encapuchonnée mais c'était quoi son idée ? Il ne pouvait plus bouger, seulement se tenir sur son épaule droite puisque le reste de son corps ne répondait plus. Son épaule droite … Ah … Ah … Quelques minutes après, le Gnomold revenait en traînant le corps inanimé de l'ombre encapuchonnée dans sa main gauche. Sa rondache était attachée à son dos tandis qu’il présentait l’être dans sa cape brune à Tery, lui disant :

« C'est pour ça que tu as osé te battre contre moi héhéhé ! Ou alors le médaillon t'intéressait aussi ? Mais personne n'aura ce médaillon ! PERSONNE ! Vous êtes trop faibles pour ça ! »

« Mais je m'en fous du médaillon, je voulais simplement rendre service à cette personne ! De toute façon, puisqu'on est entre nous, t'as vraiment une sale trogne ! Tu as déjà pensé à te laver un jour ? Non, je ne crois pas ! Je suis sûr que tu ne sais même pas ce que c’est l’eau ! » répondit aussitôt le jeune homme, encore enclin à riposter verbalement.

« Tu as toujours une grande gueule pour quelqu'un au sol et qui ne peut plus bouger ! De toute façon, je vais te régler ton compte avant celui de l'autre puisque tu désires tant mourir. »

C'était bien l'unique chose qu'il pouvait encore faire pour donner un peu de répit à la vie de cette ombre. Mais qu'est-ce qu'elle avait voulu faire ?! Il ne comprenait pas les raisons de sa présence ici, il ne savait pas à quoi servait ce médaillon et il s'en fichait pas mal. Il allait rembourser bien trop tôt sa dette de envie envers l’ombre encapuchonnée. Vie qui allait bientôt disparaître à cette allure. La créature se rapprocha de lui tandis qu'il mettait sa main droite cassée devant son visage, un rictus de douleur peint sur ses lèvres.

« Je pense qu'il est temps de mettre un terme à ça. Fini la mascarade. »

L'ombre encapuchonnée se releva sans aucun souci tandis que Tery l'observait avec étonnement. La cape ne se releva que très peu avant que cinq flèches viennent se planter dans le dos du Gnomold qui poussa un hurlement de colère. Il se retourna, furieux. Elle n'était donc pas évanouie depuis tout ce temps ? Qu’est-ce que ça voulait dire ?

« Vous êtes tous plus fourbes les uns que les autres ! » s’écria le gnomold.

« Je dirais simplement que c'est une tactique comme une autre. Tery, fermes les yeux et tente de t'éloigner, ça va faire mal bientôt. » dit la personne recouverte par la cape brune.

« MAIS JE NE PEUX PAS BOUGER !  »  s’écria le jeune homme.

« Hein? Oh oh... Ca, par contre, ce n’était pas prévu. ATTENTION ! »

L'ombre encapuchonnée poussa un petit cri tandis que les cinq flèches plantées dans le dos du Gnomold se mettaient à s'illuminer de cinq couleur différentes : Rouge, vert, bleu, brun et jaune. La créature gémit de douleur avant de crier comme une damnée. L’ombre courut en direction de Tery pour se retrouver à sa hauteur. AH ! Il arrivait enfin à voir son visage : Un visage entièrement caché par un masque blanc avec un sourire dessus. Seuls deux yeux saphir étaient visibles, deux yeux exprimant l'inquiétude de la situation. Une main gantée de rouge l'empoigna subitement avant de le soulever tandis que le chef de clan Gnomold semblait être pris de soubresauts, son corps gonflant sur de nombreuses parties.

Quelques secondes plus tard, ils étaient déjà éloignés à une dizaine de mètres avant qu'une explosion ne se fasse entendre dans les ruines. Lorsqu’ils jetèrent un regard vers l’origine de l’explosion, ils purent constatés l’ampleur des dégâts. Le corps du Gnomold n'était plus que résidus de chair et de morceaux tombés au sol. L'ombre encapuchonnée déposa Tery sur le sol avant de se diriger vers là où se trouvait les restes du Gnomold. Elle se pencha légèrement pour récupérer le médaillon pour lequel elle était venue avant de retourner auprès de Tery. Elle n'était plus qu'à quelques mètres de lui avant que son pied droit ne s’empêtre dans sa cape, la faisant tomber au sol. Le médaillon quitta sa main, atterrissant non-loin du jeune homme qui était stupéfait. Cette ombre, c'était quoi exactement ? Le masque blanc était tombé et rapidement la main droite vint le récupérer pour le positionner à nouveau sur son visage. Il reprit avec entrain :

« Ah ! Cela m'apprendra à être trop excité par cette nouvelle. On a réussi Tery ! On a récupéré le médaillon de Tarka. Enfin une bonne nouvelle ! C’est le premier d’une longue série ! »

« Tu portes un masque car tu es un bouffon ? Du moins, vu tes gestes et tes réactions, je me demande si ce n'est pas le cas. » annonça le jeune homme aux cheveux bruns, n’arrivant toujours pas à bouger à cause de la paralysie.

« Ce n'est pas très gentil de ta part ! Surtout envers la personne qui t’a sauvé la vie. »

L'ombre encapuchonnée poussa un léger rire avant de se rapprocher de lui, récupérant le médaillon. Elle se mit à genoux devant lui, le jeune homme étant couché sur le sol. Rien à faire … Son corps ne lui répondait pas, sauf les doigts de sa main droite … Sauf qu’ils partaient dans tous les sens. Lentement, elle sortit ses deux mains gantées de rouge pour prendre celle aux os brisés de Tery. Elle appuya sur chacun des doigts comme pour les étudier, le jeune homme commençant à hurler :

« AIE ! OUILLE ! MERDEEEEEEEE ! Mais arrêtes, ça fait mal ! MAIS TU M'ECOUTES ?!  ASSEZ ! Qu’est-ce que je t’ai fait ? »

« Ce que tu peux être douillet quand tu le veux, tu es vraiment un enfant mais bon...Merci sinon. »  répondit la personne masquée de blanc, recommençant à triturer ses doigts.

« Hein? AIEEEEEE ! De quoi ? S'IL TE PLAÎT ! Ah … ah … C’est ... fini … »

Elle retirait enfin ses deux mains gantées avant de faire apparaître une petite sphère blanche autour de sa main droite. Une sphère qui recouvra intégralement la main cassée de Tery, ses doigts se remettant en place, les petites blessures disparaissant les unes après les autres. Lentement, il bougeait l'index de sa main droite puis le reste de ses doigts : Parfait ! Il pouvait tous les bouger ! OUILLE ! Ca faisait quand même un peu mal !

« Et bien, tu es venu m'aider alors que j'étais évanoui à cause du Gnomold. En plus, tu as utilisé une arme pour me sauver, tu t'es même battu ! Et dire que tu disais que tu ne pouvais pas te battre, tu vois bien que c'est possible ! »  reprit la personne masquée de blanc, le sourire du masque semblant définir son émotion du moment.

« Ne me prends pas la tête, j'ai compris ton manège ! »

« Quel manège ? Je ne vois pas de quoi tu veux parler. Fais attention à ne pas trop bouger quand même. Ce n’est pas parce que j’ai réparé tes doigts que tu es complètement soigné. On a quand même eut de la chance, ce n’était pas si grave que cela hein ? »

« Tu n'étais pas inconscient, tu pouvais facilement le tuer quand tu le voulais et tu m'as laissé faire le boulot à ta place ! » s’énerva t-il, ne semblant pas s’être intéressé à ce que la personne en face de lui venait de dire à son sujet.

« En fait...Comment dire : Tu vois, dans la vie, il y a des hauts et des bas. Toi, tu étais en bas et je devais te remonter des abysses dans lesquels tu t'enfonçais. Alors j'ai imaginé ce petit stratagème pour voir si tu étais capable et tu vois que c'est le cas ! »

« C'est ce que je disais : Tu t'es foutu de ma gueule ! Et arrête de raconter n’importe quoi avec tes belles paroles ! Ça ne marche pas comme ça ! »

L'ombre encapuchonnée rigola à nouveau d'un rire cristallin en voyant la moue boudeuse du jeune homme. Tery était de plus en plus exaspéré par sa présence. Elle l'utilisait à sa guise et il n'aimait pas ça : il n'était pas son jouet ! Le sourire sur son masque devait être dessiné pour montrer que la personne qui le portait était souvent d'humeur joyeuse.

« Par contre... »  commença à dire l’être au masque blanc, le jeune homme le coupant :

« Quoi encore ? Je ne veux plus rien à voir avec toi ! C’est bon ! Laisse-moi tranquille ! »

« Non mais laisses moi parler Tery ! Je disais que pour la paralysie de ton bras gauche et de tes deux pieds, je n'y peux rien. Il va te falloir attendre quelques heures avant de pouvoir marcher correctement. Je vais donc te quitter. Adieu ! »

L'ombre encapuchonnée se releva, le médaillon avec la pierre brune dans sa main droite. Tery ouvrit la bouche pour lui crier dessus, lui rappelant qu'il ne savait pas où il était et qu'il ne voulait pas être seul dans cet endroit. L'ombre encapuchonnée l'avait foutu dans cette galère, c'était à elle de l'en sortir ! L'ombre éclata à nouveau de rire. Elle se dirigea vers lui avant de soulever le jeune homme avec facilité. Celui-ci lui dit en marmonnant :

« Non mais tu sais que tu ressembles à ma mère ? »

« Je dois le prendre comment ? »  demanda t-elle en rigolant encore une fois.

« Comme une insulte ! T'as la force d’un monstre ! »

L'ombre pouffa de rire avant de déposer le jeune homme contre les ruines d'un mur. Sans plus attendre, elle se mit à côté de lui. Quelques secondes plus tard, elle sortit de quoi boire sous la forme d’une gourde, pour porter le conteneur à sa bouche. Le liquide s'infiltra à travers le masque blanc puis finalement, elle tendit la cruche en direction de Tery.

« On va se reposer un peu, il n'y a pas à s'inquiéter pour les Gnomolds. Ils sont tous morts donc fermes tes yeux et laisses toi bercer par le chant mélodieux des oiseaux. »

« Le chant mélodieux des oiseaux? Mais t'entends des trucs bi... »

Il s'arrêtait de parler, remarquant que l'ombre encapuchonnée n'avait pas tord sur ce coup. Maintenant qu'ils étaient tranquilles et que le clan avait été totalement détruit, la nature allait reprendre ses droits dans les ruines. Enfin bon … C’était quoi cette histoire ?

« Je ne te connais même pas ! Je ne sais pas qui tu es et je n’ai clairement pas envie de le savoir ! Dès que je peux bouger, je m’en vais d’ici et je compte … »

Il comptait quoi faire ? Il avait pensé à l’idée de retourner à son village mais rien que le fait d’y réfléchir était une aberration ! Il allait se faire insulter voir même sacrément en baver par rapport à sa mère. Non … C’était mieux de ne pas y penser.

« Et bien, on aura tout le temps de se connaître, n’est-ce pas ? Tu n’es pas pressé que je sache, n’est-ce pas ? » dit la personne masquée de blanc tandis que Tery bougeait son unique main valide pour commencer à boire un peu.

« Je ne suis pas pressé et je ne sais même pas ce que tu racontes, je tiens à te le dire ! » annonça le jeune homme après avoir bu, tendant la gourde à la personne à côté de lui. Celle-ci la récupérant, la fermant avant de la remettre dans son sac.

« Et bien … Dorénavant, nos deux existences sont liées ! C’est le destin qui fait que tu as été mis sur ma route … ou non ! Qu’est-ce que tu en penses ? »

« Que tu es tout simplement dingue …  Je crois que même avec une seule main, je vais plutôt m’éloigner de toi car ce n’est pas bon pour ma santé mentale. »

Aussitôt dit, aussitôt fait. Il se traînait avec difficulté sur le sol, utilisant toute la force de son bras pour avancer. Cela avait plus un aspect comique et pitoyable qu’autre chose. Elle poussa un profond soupir amusée, se remettant debout. Elle posa ses deux mains sur ses épaules,  gardant son éternel sourire figé par le masque.

« Et si tu arrêtais tes bêtises ? Tu n’es pas en état de te mouvoir. »

« Je ne compte pas arrêter mes soi-disant bêtises ! » dit-il avec énervement, se laissant néanmoins faire par la personne masquée.

Pfff … Où est-ce qu’ils allaient maintenant ? Et zut … Elle le ramenait à nouveau contre le mur en ruines. Il poussa un grognement, fermant les yeux en marmonnant quelques paroles incompréhensibles. Ça ne lui plaisait pas … Pas du tout même … Il n’aimait pas cette histoire, pas le moins du monde même !

« Dès que je peux bouger à nouveau, je te préviens, je me barre de mon côté, c’est bien compris ? Car je ne compte pas rester avec toi. »

« Tu ne veux pas plutôt en parler un autre moment ? Du genre, dans quelques heures ? Car là … J’ai envie de me reposer un tout petit peu. »

« Avec tout ce sang autour de nous ? Et cette odeur affreuse ? Désolé, je n’ai pas du tout sommeil personnellement ! Ça ne me donne même pas envie de rester ici ! »

« Tu racontes n’importe quoi. Il n’y a pas d’odeur et de traces de sang ici. »

… … … Pfff … Il savait qu’elle avait raison mais bon … Ca ne lui plaisait pas du tout. Non …. Il n’aimait pas cet endroit. Pfff … Qu’est-ce que ça voulait dire ? Pour une première journée comme ermite, ou plutôt une seconde … Enfin, il ne savait pas l’heure exacte mais … Elle s’était passée très différemment de celle à laquelle il s’était attendu. Il avait espéré quelque chose de bien plus calme.

« D’ailleurs, au passage, je sais même pas comment tu t’a… »

Une petite forme vint se poser contre son épaule. Qu’est-ce que … La tête de cette personne ? Il entendit son léger souffle se faire entendre alors qu’il était plus que surpris. Elle avait réussi à s’endormir aussi vite ? Cette personne ? Ce type ? Comment est-ce qu’il avait fait ça ? Il aurait bien aimé le savoir.

« Ouais … Enfin bon … Il ne faudrait quand même pas exagérer non plus. Je ne suis pas un reposoir hein ? On se sert pas de mes épaules comme d’un … »

Oh et puis zut. Pour l’heure voir celles qui allaient suivre, il pouvait bien se taire un peu aussi hein ? Gardant les yeux fermés, il marmonna :

« De toute façon … Dès demain, je règle cette histoire. »

Car il était hors de question qu’il reste avec une telle personne. Il ne voulait surtout pas … que sa vie soit problématique. Mais là … Il allait tout simplement dormir un peu.

Chapitre 4
Chapitre 4 : S'équiper correctement
Ce n'était pas si mal de dormir après un combat. Il ronfla légèrement, le souffle court, signe qu'il était apaisé. Il aimait bien ces petits moments où il savait que rien n'allait le déranger pendant sa sieste. Sauf peut-être cette chose à laquelle il ne s’était pas attendu. La tête de l'ombre encapuchonnée tomba sur ses genoux : Visiblement, la personne avait le sommeil agité mais quand même...

« Tu me dis si je te dérange quand tu dors ? Car bon, s’installer sur moi … »

Il murmurait cela l'ombre encapuchonnée, se disant qu'elle ne devait sûrement pas l'entendre vue la façon dont elle dormait. Mais pourquoi une telle personne existait en ce monde ? Il tenta de fermer ses yeux verts mais n'y arrivait pas : Il devait voir ce qu'il y avait sous cette capuche mais comment l'ombre allait-elle prendre son geste ? Le souvenir du corps du chef de clan Gnomold qui explosait revint aussitôt dans sa mémoire. Sa main se retira de la capuche avant qu’il ne soupire un long moment. Les yeux fermés à nouveau, il chercha à retrouver le sommeil disparu tandis qu’un sourire se dessina sur le visage sous le masque. Il n'avait pas fait de bêtises, ce n'était pas un si mauvais bougre.

L'Oracle avait été formel : Dans cette forêt, il y allait avoir un jeune homme complètement perdu et inapte au combat. C'était à elle, l'ombre encapuchonnée, de devoir s'occuper de lui et de le rendre capable de très grandes prouesses. Néanmoins, l'Oracle n'avait pas réussi à voir plus loin dans l'avenir et cela l'avait inquiété. Son tatouage … Sur son corps … Elle n’avait pas oublié qu’il était présent mais c’était la première fois … qu’elle voyageait aussi loin. Quant au jeune homme, elle allait se charger de lui. Dès demain, ils allaient se rendre dans une ville et prendre un équipement décent pour Tery. L'une de ses mains gantées de rouge se posa sur la bourse qu'elle avait. Oui, tout était prêt pour demain mais lui, comment allait-il le prendre ? Enfin … Il verrait cela en temps et en heure. Pour le moment, il allait dormir surtout que Tery lui servait ses jambes comme reposoir.

Le lendemain matin, l'ombre encapuchonnée bougea sa tête de gauche à droite sur les genoux de Tery comme si elle avait du mal à se réveiller. Le duo avait dormi plus d'une demi-journée et le soleil se levait à peine dans le ciel.

« Tu comptes dormir pendant combien de temps sur mes genoux ? Je ne suis pas un oreiller que je sache ! »  annonça le jeune homme, grognant un peu en voyant la personne qui gesticulait sur lui. C’est bon quoi ! Il avait assez donné !

« Hein que quoi ? AH ! Désolé, désolé ! Mais pour une fois que ce n'était pas un morceau de bois ! J’ai pris l’habitude, moi ! » s’écria la personne masquée.

L'ombre encapuchonné se releva aussitôt d'un air gêné. Drôle de réaction. Tery le regarda d'un air interrogateur avant de faire de même. Il remarqua que ses jambes n’étaient plus paralysées et qu'il était prêt à enfin quitter cette personne un peu trop bizarre à son goût.

« Tu veux bien m'indiquer la sortie de ces ruines ? J'aimerais pouvoir m'en aller et vivre dans mon coin, seul et isolé du monde. Si ça ne te dérange pas trop bien entendu.

« Comment ? Tu ne peux pas rester seul après ce que tu as fait hier ! » répondit l’être encapuchonné avec surprise comme si Tery venait de proférer une aberration. Celui-ci ne tarda pas à répliquer aussitôt avec ironie :

« Tu veux dire : Me casser la figure, me faire casser les doigts de la main droite et être paralysé sur une majeure partie du corps ? Donc, tu me conseilles le suicide, c'est cela ? »

« Ne dis pas n'importe quoi et accompagne moi ! On va aller en ville ! »

« NON ! Je ne viendrai pas ! T’es bouché ou quoi ? » s’égosilla le jeune homme.

L'ombre encapuchonnée avait pris sa main tout en commençant à courir alors qu'il retirait aussitôt celle-ci. Non, cette fois-ci, il n'allait pas se laisser manipuler encore une fois ! Il grogna légèrement avant de croiser les bras devant lui :

« Je ne t'accompagnerais pas cette fois-ci ! Je veux simplement partir ! Je t'ai répété que je ne voulais pas combattre et te suivre ! C’est pourtant bien clair non ? Alors, qu’est-ce que tu ne me comprends pas dans mes paroles ? Je sais pourtant m’exprimer, je crois !

« S'il te plaît ! Accompagnes moi en ville et je te livrerais un secret ! Qu'en penses-tu ? »  dit la personne encapuchonnée avec entrain, le jeune homme semblant dubitatif :

« Quel genre de secrets ? C'est encore quelque chose de foireux je suis sûr ! »

« Je ne rigole pas ! Je te dirais pourquoi j'ai besoin de ce médaillon. Je te promets que c'est très important mais tu devras te taire après et de ne JAMAIS le répéter ! »

Pour la première fois depuis qu'il l'avait rencontré, l'ombre encapuchonnée s’était adressé à lui avec une voix sérieuse. S'étant tournée vers lui, elle le regarda à travers son masque blanc. Elle attendit pendant plusieurs secondes qu'il prenne la parole. Il ne sut pas quoi répondre avant de murmurer :

« Je veux bien te suivre mais dis moi ton nom au moins ! J'ai l'impression d'être un domestique qui ne connait pas le nom de son maître et ça m'énerve ! »

« Alors, je vais t'appeler Rufus si tu préfères et tu peux m'appeler « Sa Seigneurie ». Qu'en penses-tu ? » le questionna-t-il avec amusement.

« Toi... Toi... TOI... TOI... TOI ! Je te laisse cinq secondes avant de te faire la peau ! »

Elle avait réussi à détourner la conversation à nouveau et l'ombre encapuchonnée éclata de rire avant de se mettre à courir à toute allure, poursuivie par le jeune homme. Celui-ci avait brandit son poing droit dans les airs, cherchant à la rattraper pour lui faire payer ce qu’elle venait de dire. Elle allait voir s’il lui mettait la main dessus !

Après une course qui dura plus de trente minutes, l'ombre encapuchonnée s'arrêta pour se tourner vers Tery. Le jeune homme était exténué et à bout de souffle, arrivant près de l’ombre. Vraiment, il n'était pas endurant pour un sou et poursuivre cette personne l'avait épuisé. Il s'arrêta, une main sur le coeur. Il reprit sa respiration en marmonnant :

« Tu pourrais éviter de courir comme ça ? J'ai plus mes vingt ans ! »

« Tu en as à peine dix-huit et j'ai le même nombre. C'est ça quand on ne fait pas d'exercices quotidiens hein ? » répondit l’ombre, amusée par les paroles de Tery.

« Quoi ? ! Mais m... Oh et puis zut ! Dis tout ce que tu veux, ça ne m'atteint pas. »

Il fit un petit geste de la main, continuant de reprendre son souffle. Il n'avait pas envie de s'amuser et c'était normal : L'ombre encapuchonnée avait réussi à le faire courir à nouveau. Celle-ci s'approcha de lui en rigolant comme à son habitude. Ainsi, il était trop fatigué pour la poursuivre ? A quelques centimètres de lui, un sourire se dessina sur les lèvres de Tery.

« Dommage. Tu as joué et tu as perdu. » murmura-t-il avec lenteur.

« Ah bon et pourquoi ? » demanda t-elle, souriant à son tour.

Rapidement, la main droite de Tery se posa sur la cape de l'ombre encapuchonnée : Puisqu'elle voulait s'amuser à ça, alors lui aussi ! Il était temps de voir qui se cachait sous cette cape ! Il tira subitement sur la cape au même moment où celle-ci le recouvrit au niveau du visage, la voix derrière le masque blanc lui répondit :

« Ce n'est pas bien Tery, pas bien du tout ! Tu ne devrais pas faire ce genre de choses ! Je suis désolé mais il est temps pour toi de dormir encore quelques heures ! »

« Ah non ! Arrête ça ! Ne fais pas ça ! NON ! NON ! »  s’écria t-il, tentant de se mouvoir et de retirer la cape, la personne masquée l’en empêchant.

« Tu es sûr ? Vraiment sûr ? Je peux retirer cette cape mais tu devras fermer les yeux pour toujours. Enfin …  Tu ne pourras plus jamais voir tant que je serais là. »

« Mais pourquoi tu ne veux pas que je te vois ! Tu es difforme ? Tu as un troisième bras ? Une bosse dans le dos ? Un œil dans chaque paume ? »

« Ahhhhh...Tery, Tery, Tery, depuis le temps que l'on se connait, tu devrais savoir qu'il vaut mieux ne pas poser trop de questions. Bonne nuit ! On se revoit dans quelques heures ! »

« Depuis quoi... »  commença t-il à parler avant de se stopper net.

Deux coups de poing vinrent le frapper dans le ventre alors que la cape avait recouvert la globalité de son corps pour l’aveugler. Il tomba en avant, inconscient comme à son habitude tandis que l'ombre remit la cape autour d'elle poussa un léger soupir :

« Tu devrais arrêter d'être aussi embêtant hihi. Cela te causera trop de problèmes dans l'avenir. Allons bon, je suis sûr que tu profites de moi de cette façon ! Si tu es qui je pense, alors j’ai une idée sur l’endroit où se trouve ton tatouage. »

Sans un autre mot, l'ombre souleva le corps inanimé de Tery avant de se mettre en route. Plus une minute à perdre ! Il était temps de l'emmener dans une ville pour lui prendre un équipement décent avec l'argent que l'Oracle lui avait donné !

« Hey, enfin réveillé mon gars ? T'as fait un sacré somme ! »  murmura une voix masculine.

Il ouvrit ses deux yeux verts avant de se redresser. Il était couché dans un lit de bonne qualité et un homme de forte stature avec une moustache et une barbe noire se tenait devant lui.

« Je peux savoir où je suis ? Ou c'est trop demandé ? »  dit-il, se redressant dans le lit.

« Aucun problèmes mon petit, tu es dans une auberge. Tu as été emmené par un drôle de type assez bizarre, toujours en train de rire, avec un masque blanc. »

« C'est le cinglé ! Il est où ? »  s’écria le jeune homme, prêt à se lever.

« Ohla ! Calmes toi ! Sans lui, tu serais sûrement en train de dormir sur le sol du trottoir à l'heure où je te parle. Ce n'est peut-être pas l'auberge la plus chère de la ville mais elle a une certaine qualité et c’est pas tout le monde qui peut y dormir. Tu devrais remercier cette personne ! Elle m'a dit que tu devais attendre ici et ne pas commettre de bêtises. »

« Mais je ne suis pas un gamin ! Bon, c'est décidé, je me barre ! »  reprit Tery, s’apprêtant à quitter son lit. Il en avait déjà assez, rien qu’à regarder cet homme.

« Ohla mon gaillard ! Je ne crois pas que tu vas pouvoir bouger ! »

L'homme posa ses mains sur les épaules de Tery pour le coucher sur le lit et l'immobiliser. Tery tenta de se débattre tout en le regardant. Il n'avait pas le temps de se redresser que déjà la porte se referma avec l'aubergiste. Un bruit de clé qui tournait et le voilà enfermé. De l’autre côté de la porte, l’aubergiste vint lui dire :

« Désolé mais on m'a payé quelques pièces d'or pour éviter que tu partes. Il parait que tu es plutôt important mais ça, c'est pas mon problème. On me paye, j'exécute. Reste tranquille et je t'emmènerais ton repas dans quelques heures. »

« Bien sûr, compte dessus et bois de l'eau fraîche. Je me tire ! J'aime pas être enfermé ! »

Il avait prononcé cela alors que l'aubergiste était déjà parti depuis quelques minutes. Il se releva avant de regarder la chambre autour de lui. Il siffla d'admiration : Ce n'était pas n'importe quoi ! Le lit était pour deux personnes, les meubles à l'intérieur de la pièce semblaient de bonne qualité et il y avait même un miroir et une bassine pour se raser le matin. Aucune poussière ou débris dans cet endroit, combien de pièces avait donné l'ombre encapuchonnée pour une telle chambre ? Il retira son haut en soupirant, il devait se laver un peu avant de s'enfuir. Trop d'évènements ces derniers jours et il n'aimait pas sentir l'odeur de la transpiration sur son corps. Une bassine remplie d'eau chaude était posée dans un coin de la chambre et il se déshabilla rapidement avant d'y plonger. Il prit la louche à côté de la bassine avant de la mettre dans l'eau. Il s'arrosa plusieurs fois le visage et les cheveux avec la louche en soupirant d'aise : Voilà quelque chose de chaud et de bon. Il ne manquait plus que ce soit de la soupe et il était au paradis. De la soupe... Dans sa bassine, il ferma les yeux, toute envie de partir disparaissant à ce moment précis. Il se redressa subitement en entendant la clé qui tournait dans la serrure.

« Qui est là ? «  s’écria t-il, se redressant dans la bassine, ayant pourtant une idée de la personne qui tentait de pénétrer à l’intérieur de la chambre.

« Devines donc ? Sa Seigneurie ! »  répondit une voix enjouée alors que la porte s’apprêtait à s’ouvrir. Il hurla de toutes ses forces :

« NE RENTRES PAS ! Je te l’interdis, c’est bien compris ! »

« Et pourquoi ça ? C’est quand même une chambre pour nou … »

« CAR JE ME LAVE ! C’est pourtant pas compliqué à comprendre ! »

Un bruit de métal qui tomba et voilà que l'ombre encapuchonnée semblait choquée par ce qu'elle venait d'entendre. Maintenant, il n’y avait plus aucune action envers la porte. Tandis qu’il prit les quelques serviettes déposées sur une chaise pour s'essuyer, l'ombre encapuchonnée lui annonça d’une voix un peu troublée :

« Signales moi quand c'est bon. J'ai été faire quelques emplettes et je veux te les montrer. »

« Mais arrêtes de me coller ! Je devrais te remercier pour ce que tu fais pour moi mais je ne te connais pas, tu ne me connais pas. Tu sais que tu es lourd comme type ? »

« Mais je fais ça car l'Oracle me l'a dit. »  reprit la personne masquée de blanc, la phrase étant dictée comme un automatisme depuis des années.

« L'Oracle ? C'est qui ce type ? Oh et toute façon, je m'en fiche. Dès que j'ai fini de me laver, je me tire de là ! J’en ai ma claque de toute cette histoire ! »

« Mais tu ne peux pas ! Je...Je fais comment moi sans toi ? »

« Tu te débrouilles, c'est tout ! Puis bon, fais pas semblant de pleurer ou je ne sais quoi … Ce n’est pas comme si tu avais réellement besoin de moi ! » termina t-il de dire, énervé.

Pendant toute la durée de la conversation, il avait fini de se sécher et s'était approché du miroir. Il plissa légèrement les yeux avant de poser une main au niveau de son plexus solaire, gémissant de douleur avant qu'une lettre entièrement noire apparaisse dessus : La lettre E était représentée sur son plexus solaire. Pfff, de toute façon, elle n'allait jamais changer de forme alors pourquoi s'inquiéter. Le fait qu'elle soit noire annonçait qu'il n'avait pas encore déterminé son élément et de toute façon, il s'en fichait. Il remit une chemise propre déposée sur le bureau, il se tourna vers la porte pour parler :

« Où sommes-nous ? Car je ne crois pas connaître cet endroit. Où est-ce que tu m’as encore embarqué ? Et comment tu as fait ça pour ne pas changer ? »

« Dans la capitale Midès. Tu connais, n’est-ce pas ? »

« QUOI  ?  C’est juste impossible ! Tu racontes n’importe quoi ! » hurla t-il.

Midès se trouvait à des centaines de kilomètres de son village natal ! Enfin, c’est ce qu’il avait appris … ou du moins cru entendre dans son village. Comment s'était-il déplacé aussi rapidement ? L'ombre encapuchonnée... Encore elle ! Toujours elle ! Marre, marre, marre, marre, marre ! Remettant le dernier habit qui lui restait, il grogna :

« C'est bon ! Je suis prêt ! Tu peux ouvrir la porte ! »

« D'accord, tu vas voir, j'ai acheté pas mal d'armes, on va voir avec quoi tu te débrouilles ! Je suis vraiment pressée de savoir quelle arme sera ta spécialité. »

« Ou PAS ! Désolé mais c’est terminé notre petite aventure à deux ! »

Alors que la porte s'ouvrit peu à peu, il donna un violent coup de pied dans celle-ci. L'ombre encapuchonnée vola contre le mur, à moitié sonnée tandis qu'il se mit à courir à toute allure. Descendant les escaliers à la volée, il quitta l'auberge devant le regard ahuri des quelques personnes se trouvant à l'intérieur. LIBRE ! Il était LIBRE ! ENFIN LIBRE ! Plus d'ombre démoniaque, plus de manipulation ! Plus rien de tout ça ! Il prit une grande bouffée d'air après une course de plusieurs minutes dans la ville avant de rire. Les personnes l'observaient avant de s'éloigner de lui : Un fou, voilà ce qu'il devait être à leurs yeux.

« Bon ! Je ne sais pas ce que je vais faire mais au moins, j'en suis débarrassé. »

« T'as l'air sacrément joyeux. Je pourrais savoir pourquoi ? »  lui dit une voix, le forçant à s’arrêter pour regarder qui s’adressait à lui.

Un garçon de son âge se trouvait devant lui, un air interrogateur sur le regard. Tery l'observa avec un sourire aux lèvres : Si seulement il comprenait à quoi il venait d'échapper ! Il lui répondit avec entrain :

« Disons que je viens de m'enfuir d'un paquet d'ennuis marchant sur deux jambes et camouflé ! Mais bon … Tu ne peux pas savoir comme ça fait du bien. »

« Hahahaha ! T'as l'air bien marrant toi ! Aller, suis moi, je vais te payer un coup ! »

Trop joyeux pour questionner son nouvel ami, Tery le suivit sans réticence, ne remarquant pas qu'il l'emmenait dans une ruelle sombre. Quelques secondes plus tard, il se retrouva nez dans une flaque d'un liquide à la couleur brune et au goût des plus douteux.

« Et bien, je vois que tu nous as ramené un nouveau pigeon ! On lui fait quoi à lui ? La totale ? Peut-être que si il a quelques pièces, on pourra éviter de l'éborgner ou de le tuer. »  annonça une seconde voix qu’il ne reconnut pas.

Il redressa légèrement la tête : le jeune homme qui avait été si amical au départ montrait maintenant un sourire mauvais, une dague à la main. Trois autres personnes de son âge l'entouraient alors qu'il semblait comprendre où il était tombé : dans un traquenard. Pourquoi était-il si facile à berner ? Il préférait encore l'ombre encapuchonnée à tout ça !

Il tenta de se relever mais un coup de pied le coupa dans son geste, le faisant voler un mur. AIE … AIE ! Ça faisait mal ça ! AIE ! Où est-ce qu’il était ? Ah oui … Dans une ruelle … Il regarda à gauche et à droite, cherchant à crier pour avertir diverses personnes mais une main se posa sur la bouche. La main le poussa violemment contre le mur, le jeune homme qui s’était adressé à lui auparavant reprenant :

« C’est un petit conseil si tu tiens à la vie, il vaudrait mieux que tu ne l’ouvres pas trop. »

« Qu’est-ce … Qu’est-ce que vous allez me faire ? » arriva-t-il à dire malgré la main posée en majeure partie sur sa bouche. Il avait parfaitement compris le message mais … mais … Dans quel pétrin s’était-il fourré encore une fois ? Il ne pouvait pas mener … une vie tranquille ? C’était si compliqué que ça ou quoi ? A croire que oui … Et bon … Il n’y avait aucune chance que l’Ombre vienne le sauver. Il s’était enfuit … alors qu’elle avait voulu l’épauler depuis le début. Quel idiot … Mais quel idiot ! Mais quel idiot !

« Ce que l’on va te faire dépend tout simplement de ce que tu as sur toi, ce n’est pourtant pas si compliqué que cela quand tu y réfléchis bien, n’est-ce pas ? »

« Mais je n’ai rien sur moi ! Ce n’est pas si difficile à comprendre pourtant ! Sinon, je ne serai pas dans cet endroit pourri ! » s’écria t-il avec un peu de peur dans la voix.

« C’est pas vraiment l’impression que tu me donnes avec ton air joyeux comme si le fiston avait reçu une jolie somme de ses parents. Tu crois vraiment qu’on va te croire alors que t’as été dans l’une des meilleures auberges de la ville ? »

Ca ne servait à rien de parler avec eux. A rien du tout ! Il allait tout simplement en baver … et avoir super mal … Sans même avoir pu souffler un petit peu … Depuis qu’il avait quitté la demeure familiale, il ne lui arrivait que des ennuis !

« Vous pouvez … Vous pouvez me faire tout ce que vous voulez. » bafouilla le jeune homme aux yeux verts, baissant la tête en signe d’abandon. Ca ne servait à rien … Il ne pouvait pas se battre contre eux, ils étaient trop nombreux, plus musclés, bref … Non … C’était complètement inutile … d’espérer s’en sortir.

Ailleurs, dans l’auberge, le corps recouvert par la cape s’était immobilisé. Son sac tombé à côté de lui, la personne semblait comme évanouie. Pourtant, quelques petits mouvements se firent voir, jusqu’à ce que la personne ne murmure avec lenteur :

« Oracle ? Pourquoi cela se passe-t-il comme ça ? Est-il vraiment celui qui doit m'accompagner ? Est-ce que j'ai fais quelque chose de mal ? »

L'ombre encapuchonnée se releva, regardant son sac rempli d'armes et de livres ouvert sur le sol. Sans d'autres mots, elle remit les objets dans le sac avant de le refermer : Qu'importe ce qu'il disait, elle était là pour lui apprendre tout ce qu'il fallait. Mais pour ça, il fallait déjà le retrouver ! Un petit sanglot se fit entendre de la part de la personne masquée de blanc.

« J’espère … J’espère qu’il ne lui est rien arrivé de mal. » dit l’Ombre avec un petit trémolo dans la voix. Malgré le fait que le jeune homme l’ait envoyée dans le décor, elle ne semblait pas lui en vouloir plus que cela. Elle avait parfaitement remarqué que Tery ne se sentait pas à sa place ici ! C’était pour cela … C’était … pour ça qu’elle voulait l’aider.

Mais lui … Il ne semblait pas comprendre tout ce qu’il voulait faire pour lui. C’était pourtant très simple ! Il voulait devenir son professeur ! Tout lui expliquer, du début à la fin ! Rien d’autre ! Rien du tout … d’autre … Ah … Bon … Bon …

Ce n’était pas le moment d’être triste … même si ça lui faisait mal en un sens. Il était temps d’aller le retrouver et de tout lui dire, de parler avec lui. L’être masqué quitta la chambre puis l’auberge, partant à la recherche de Tery.
« Modifié: 18 janvier 2012, 10:50 par Trailokiavijaya »

ChibiShiroiRyu

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03 janvier 2012, 15:03
(Obligé car sinon, ça n'accepte pas que je le mette. On dirait que 21 pages Word est une bonne limite)

Chapitre 5
Chapitre 5 : Un but inavoué

« Bon, bon, bon, alors qu'est-ce que tu as comme trucs de valeur ? Tenez-le pendant que je lui fais les poches. »  annonça l’homme qui dirigeait la petite troupe.

Tery se retrouva soulevé par deux des trois hommes qui étaient au service de la personne qui au départ s’était montré si amicale. Une inspection minutieuse qui dura quelques secondes et l'un des hommes hocha la tête d'un air navré :

« Rien de rien, il est fauché comme le blé. On en fait quoi ? On le jette ? On s'amuse avec lui ? On peut le torturer pour le punir d'être aussi pauvre. »  

« Je ne sais pas, on va lui demander son avis : Alors, dis moi mon gaillard, tu veux qu'on te fasse quoi ? On te casse les membres les uns après les autres ? Je te lacère le corps avec ma dague ? Je t'éborgne ou te rends aveugle ? »  reprit le jeune homme au regard si menaçant depuis qu’il avait décidé de montrer son véritable visage.

Il ne répondit pas, trop apeuré par la situation qui se déroulait devant ses yeux. Ses jambes comme ses mains tremblaient tandis qu'il gardait la bouche fermée. Ses dents claquèrent pendant plusieurs secondes et intérieurement, il espérait la venue de l'ombre encapuchonnée : Encore elle. Il était des plus inutiles et surtout, il ne savait rien faire sans elle ! Il fermait les yeux pour se concentrer et ne plus voir les hommes devant lui.

« Tu ne réponds pas et tu oses fermer les yeux ? »  dit l’un des hommes avec énervement.

Un poing s'enfonça dans son ventre et il ouvrit les yeux en râlant de douleur. Une petite pensée amusante était arrivée dans sa tête : Le coup était bien moins puissant que celui de l'ombre encapuchonnée et il se disait qu'un entraînement avec elle pouvait le rendre imperméable à ces coups. Visiblement, il cachait difficilement ses sentiments puisqu'un coup de poing arriva à son visage. Quelques gouttes de sang tombèrent de ses lèvres tandis qu’on le forçait à relever sa tête, l’homme qui lui avait administré le coup lui disant :

« Cela t'amuse de te prendre des coups ? T'es encore plus stupide que j'y pensais ! Bon les gars, vous savez ce qu'on va faire ? Simplement se servir de lui comme d'un sac dans lequel on va frapper jusqu'à ce qu'il ne ressente plus rien. Je commence ! »  

Ce qui s'était passé après ces paroles ? Il ne s'en rappelait plus : Seules les douleurs au visage et sur la totalité de son corps étaient encore là mais il ne s'était pas enfui. Il avait même arrêté de trembler quand il avait pensé à l'ombre encapuchonnée. Il s'était dit que peut-être, il aurait dut rester avec elle mais au final, qu'est-ce que cela changeait maintenant ? Une voix d'homme résonna à ses oreilles alors qu'il fut envoyé au sol :

« Hey ! Revenez ici saleté de brigands ! Kalan, soigne cet homme avant qu'il ne soit trop tard ! On ne sait pas dans quel état il est mais ce n’est pas l’heure de réfléchir à ça ! »

« Aucun problème Ceryl ! Fais attention à toi pendant que tu les poursuis ! »  

C'était quoi ça ? L'ombre encapuchonnée était arrivée à temps ? Ses blessures se refermèrent les unes après les autres alors qu'il sortait de la demi-inconscience dans laquelle son corps l'avait emmené. Il ouvrit ses deux yeux verts avant de se relever faiblement tandis qu'un homme portant une robe blanche et noire se tenait devant lui pour vérifier son état. La première chose qu'il remarqua était l'emblème de dragon de bronze qu'il avait au niveau de la poitrine droite. L’homme devait avoir une quarantaine d’années et semblait serein en voyant qu’il allait beaucoup mieux. Il lui demanda :

« Vous allez bien jeune homme ? Ne vous inquiétez pas, vous êtes en sécurité. Je viens de vous soigner. Rien de cassé ? »  

« Mer... Merci mais, je... Comment... Et ces hommes ? Où est-ce qu’ils sont ? »  

« Mon compagnon d'armes est en train de les poursuivre. On ne dirait pas mais il est de grade C, ils n'ont aucune chance. Ils ne pourront pas quitter la ville de toute façon. »  

Il était maintenant debout et remarqua enfin sa tenue déplorable. Et dire que l'ombre encapuchonnée avait payé l'aubergiste pour lui donner des vêtements propres, voilà ce qu'il en faisait. Il se mordit légèrement la lèvre inférieure de colère envers lui-même : Il était temps d'arrêter les conneries ! Ca ne menait à jamais rien de bon !

« Vous semblez aller bien mieux. Faites donc attention la prochaine fois et éviter de vous rendre dans les ruelles sombres ! »  annonça l’homme dans sa robe blanche et noire.

« Ah ! Mais attendez avant de partir ! Je dois remercier qui ? »  

« Vous n’avez pas besoin de nous remercier. Nous ne sommes que la milice de cette ville. C’est notre devoir quotidien. Nous travaillons pour l’armée de la capitale Midès bien que nous ne sommes pas directement reliés à Shunter. »  

L'homme à la robe noire et blanche partit aussitôt après ces dernières paroles tandis que Tery restait immobile après ce qu’il venait d’attendre. Stupide … C’était particulièrement stupide hein ? Pas après tout ce qui s’était passé … mais avec ça … Cet évènement … Il avait envie d’essayer. Il avait vraiment envie d’essayer ! Il voulait rentrer dans l’armée de Shunter ou alors dans une milice ! Mais … Il y avait un gros problème. Il ne connaissait aucune arme et il ne savait pas se battre. Sortant de la ruelle sombre dans laquelle il avait été emmené de force, il réfléchissait à la situation avant d'entendre un cri :

« TERYYYYYY ! TERYYYYYYY ! »  

« L'ombre ? »  dit-il avec un peu d’étonnement avant de la voir.

C'était sa façon à lui de la nommer maintenant puisqu'il ne connaissait pas le nom ni le physique de la personne qui se cachait sous la cape. Celle-ci arriva à sa hauteur, légèrement essoufflée avec un sac sur le dos. Elle reprit une respiration calme tandis qu'il se demandait ce qu'elle allait dire. Maintenant qu'il s'en rappelait, il n'avait pas hésité à la frapper. Il posa ses mains sur son ventre pour se protéger, inquiet par la réaction de l'ombre.

« Tery ? Mais qu'est-ce qui t'es arrivé ? Et ta tenue ? Et ton corps ! Quelqu'un a utilisé une magie de soin ! »  dit la personne masquée, s’approchant de lui pour vérifier qu’il allait bien.

« Tu n'es pas en colère ? »  balbutia Tery, surpris par cette réaction.

Mais c'était quoi cette personne ? Il l'avait frappé, il n'avait pas hésité à lui crier dessus et à dire ce qu'il pensait d'elle mais là... Cela dépassait son imagination. Il poussa un long soupir avant de se retourner pour se mettre à marcher. Un début de dialogue et il en avait déjà marre. Comment l'ombre arrivait-elle à lui prendre la tête ? Il ne savait pas et il s'en fichait. Une petite idée lui traversa la tête, une idée qu'il se retira aussi vite qu'elle était venue.

« Non, je ne suis pas en colère. Tu as le droit de m'en vouloir mais quand même, tu fais mal. Tu n'as aucune délicatesse ! »  reprit la personne encapuchonnée, marchant à côté de lui.

« Je crois que tu inverses les rôles ! C'est toi qui devrais m'en vouloir ! Oh et puis zut, tu me fatigues. Maintenant que tu es là, je me dis que je préfère être tout seul. Tu ne veux pas me lâcher un ... Attends quelques secondes. »  

« Qu'est-ce qu'il y a ? »  demanda l’Ombre, s’arrêtant à côté de lui.

Il s'était stoppé devant une série d'affiches : Des demandes de mercenaires, du travail pour les sans-le-sou et...Voilà ! Une affiche de propagande pour rentrer dans l'armée royale de Shunter. Alors, c’était quoi les conditions ? Dominer son élément, c'était sans lui. Savoir utiliser une arme et se battre avec elle, second point négatif. Être de grade D minimum, c'était terminé. Il baissa la tête de dépit. Il était inutile.

« Tu m'as l'air bizarre Tery. Tu ne vas pas bien ? »  

La main gantée de rouge se posa sur son front et il recula instinctivement. Qu'est-ce lui prenait à l'Ombre ? Il avait e un petit moment où il s'était imaginé être dans l'armée royale de Midès mais maintenant... A y réfléchir, peut-être qu'il pouvait faire ça. Oui ! C'était une bonne méthode ! Puisque l'ombre voulait l'aider, alors elle allait l'aider !

« J'ai une bonne nouvelle l'ombre ! Je veux bien que tu m'entraînes ! »  

« SUPER ! Il était temps que tu acceptes ! On commence dès maintenant ? Ah non ! D'abord, on va retourner à l'auberge et tu vas te laver à nouveau ! »  

« Tout ce que tu veux mais on commencera quand ? Je suis pressé ! »  

« Dès que tu te seras lavé, je ne veux pas entraîner quelqu'un qui a traîné dans les ordures ! »  

Parfait ! L'ombre ne se posait pas de questions au sujet de son soudain dévouement. Si seulement, elle savait ce qu'il faisait en ce moment. Une petite pointe de remords traversa son cœur en y réfléchissant : Ce n'était pas sympathique de sa part mais bon... A la base, c'était elle qui avait décidé de vouloir l'entraîner et de le suivre partout ! Il savait qu'elle ne pouvait pas l'accompagner dans l'armée royale. De toute façon, elle n'était pas obligée d'être au courant de toute cette histoire.

« Tu as terminé de te laver ? Il se fait tard tu sais ! »  dit l’Ombre de l’autre côté de la porte.

« Ca ne fait rien ! On va s'entraîner en-dehors de la ville ! »  

Il termina de s'arroser, prenant une nouvelle chemise blanche pour la mettre sur son corps. Il espérait qu'il n'avait pas à se salir une nouvelle fois pour l'entraînement. Ayant terminé de s'habiller correctement, il sortit de la chambre tandis que l'ombre encapuchonnée l'attendait dans le couloir, un sourire dessiné sur ses lèvres mais caché par son masque blanc.

« Est-ce qu'un jour, tu décideras de le retirer ce foutu masque ? »  

« Je ne peux pas malheureusement. L'Oracle me l'a interdit comme le fait de me montrer, c'est pourquoi j'ai cette cape. Tu pourras toujours essayer de la retirer mais un sort magique très puissant recouvre mon image et il est impossible de voir qui je suis. »  

« Alors pourquoi tu portes cette cape si tu as de quoi rendre ton image « malléable » ? »  

« Car j'aime bien porter cette cape ! Cela me donne un air mystérieux, tu ne trouves pas ? »  

« Tu es... bizarre. J’ai l’impression que tu me mens depuis le début. »  

Elle haussa simplement les épaules, émettant un petit rire amusé alors qu’elle moi demandait ensuite de le suivre. L'aubergiste remarqua les deux personnes et prit la parole en les hélant :

« Hey ! Si vous comptez vous balader cette nuit, je vous préviens : Je ferme les portes à minuit. Une minute plus tard et vous irez dormir dans l'écurie ! »  

« Ne vous inquiétez pas pour ça messire ! Nous reviendrons à temps ! »  répondit l’ombre avec entrain avant qu’ils ne quittent l’auberge tous les deux.

Ils se dirigèrent vers la sortie de la petite ville où ils se trouvaient, les gardes les prévenant de rentrer avant minuit s’ils ne voulaient pas finir la soirée dehors. Lorsqu’ils furent assez éloignés ce qui les conduit à se rendre à un arbre solitaire, la personne masquée reprit :

« Tu ne peux pas savoir comme ça me fait tant plaisir de savoir que tu veux bien apprendre le maniement des armes et de la magie ! Bien entendu, tu ne deviendras pas un archimage ou un maître d'armes aussi rapidement mais au moins, tu pourras te défendre. Je serais fier de moi après ça ! Donc bon … Par où commencer ? »

« D'avoir permis à un imbécile ne sachant pas tenir une dague de pouvoir se battre ? »  

« Ne me fais pas dire ce que je n'ai pas dit ! Euh non... En fait si. Et zut, tu m'embrouilles ! Rapproches toi, je vais te montrer les différentes armes. »  

Il haussa les épaules avant de se diriger vers l'arbre et l'ombre encapuchonnée. Elle ouvrit le sac avant de laisser tomber son contenu sur le sol. Deux dagues, deux épées courtes, deux épées longues, une hache, un marteau, un marteau qui se tenait à deux mains, deux katars, deux griffes, une hache double et de nombreux livres avec différentes couvertures.

« Mais tu as dévalisé une armurerie ou quoi ? »  s’écria t-il avec étonnement.

« Hihi ! Tu n'as pas à t'en faire pour ça ! L'Oracle m'a annoncé que je pouvais dépenser tout l'argent que je voulais pour me permettre de réussir ma mission et j'ai décidé que j'allais te payer un équipement convenable ! C’est tout ! Rien de si étonnant quand même ! »

« Tu es trop altruiste et ça te perdra. Qui te dit que je ne fais pas cet entraînement uniquement pour moi-même et non pas pour t'aider dans le futur ? J'ai peut-être autre chose en tête non ? »  

« Car je sais que tu n'es pas comme ça, voilà tout. »  conclut-elle nonchalamment.

Il se donna une claque sur le front, évitant de montrer ensuite l'air dépité sur son visage. Comment cette ombre pouvait-elle être aussi puissante et pourtant aussi naïve ? Le remord revint rapidement au moment où elle se pencha pour prendre une arme et la lui montrer.

« On va faire un test avec toutes les armes pour voir avec laquelle tu te débrouilles le mieux, d'accord ? J'ai pris les petites armes en double au cas où. »  

« Si je ne sais pas manier une arme, je ne risque pas d'être ambidextre avec l'une d'entre elles mais bon, si c'est ce que tu veux. Je vais prendre la dague comme première arme. »  

« L'arme avec laquelle tu m'as sauvé du chef Gnomold. »  

Elle éclata de rire avant de prendre l'autre dague dans sa main droite gantée de rouge. Elle se positionna devant lui en souriant avant de lui faire une remarque :

« Je ne sais pas utiliser cette arme aussi ! Nous allons donc nous entraîner tous les deux. »  

« Ce n'est pas conseillé. On va se blesser à cette allure. Mieux vaut arrêter avant même de commencer. »  répondit le jeune homme aux cheveux bruns.

« AH NON ! Tu as décidé de t'entraîner alors on ne va pas abandonner maintenant ! Restes tranquille deux minutes, je vais faire un petit sort pour nous aider. »  

L'ombre encapuchonnée plaça sa main sur la lame de sa dague, une petite aura bleue apparaissant au bout de ses doigts. Le gant rouge caressa la lame de la dague pour la recouvrir d'une couche bleutée. L'ombre prit ensuite l'arme de Tery pour lui faire subir la même chose avant de pousser un petit rire. Elle donna subitement un coup de dague au niveau du visage de Tery qui se protégea instinctivement en criant :

« Mais tu es dingue ? Je ne suis pas prêt ! Tu veux me tuer ou quoi ? »

« Regardes au lieu ! Tu n'as pas même pas une égratignure ! J'ai posé une aura liquide autour de la lame. Elles glisseront sur nos corps à chaque fois que l'on se touchera. »  

« Pas... mal du tout. J'aime bien. »  avoua t-il finalement en récupérant l’objet.

« Je ne rêve pas ou tu viens de me faire un compliment ? Tu es en train de changer Tery ! »  

Hein ? Qu'est-ce qu'elle voulait dire par là ? Il ne changeait pas de comportement car il lui faisait un compliment ! L'ombre encapuchonnée s’imaginait de ces choses, c'était obligé. Il tenta une première attaque au niveau de la hanche de son adversaire, celui-ci mettant sa dague pour se protéger du coup.

« Ne t'énerves pas aussi rapidement d'accord ? Nous avons plusieurs armes à tester ! Si tu sens que tu n'y arriveras pas avec celle-ci, prends en une autre mais il me faudra faire un sort avant ! »   annonça la personne masquée de blanc, un sourire ravageur aux lèvres.

« Attends un peu avant de dire ça ! Je n'ai pas encore fini ! »  

Il amorça une nouvelle attaque au niveau du visage mais encore une fois, la dague de l'ombre encapuchonnée para le coup comme si de rien n'était. Elle ne savait pas utiliser cette arme ? Mais elle se foutait de lui ! Voilà qu'il donnait des coups dans le vide avec l’unique intention d'arriver à la toucher, mais elle poussait des petits rires amusés. Après un quart d'heure de lutte inutile, il tomba à genoux, reprenant son souffle.

« Tu es trop prévisible Tery. On peut lire en toi comme dans un livre ouvert. Tu ne fais que les mêmes gestes mais surtout, ils sont beaucoup trop lents et visibles. »  

« Merci de tes remarques, je le sais bien ! Tu crois que je fais ça pour m'amuser ? Et puis zut, j'en ai déjà marre ! »  cria t-il avec colère. ASSEZ ! Il en avait assez !

Il jeta sa dague avant de s'apprêter à partir mais la main droite gantée de rouge se posa sur son bras. Il fut tiré vers l’ombre, semblant choqué. C'était imperceptible mais il avait une drôle de sensation à ce moment-là. La personne au masque blanc s’égosilla :

« Tu ne vas pas abandonner maintenant ! Tu dois continuer à t'entraîner ! Arrêtons d'utiliser la dague et passons aux autres armes. Il y en a tellement d’autres ! »

« D'accord, d'accord mais lâches moi s'il te plaît. Je ne suis pas un gamin que je sache ! »  

« Tu promets de ne pas abandonner ? Allez … Tu me fais une promesse hein ? »

« Je le promets mais maintenant lâches moi. »  dit-il avec énervement, cherchant à repousser cette personne parfois un peu trop collante à son goût.

L'ombre encapuchonnée rigola faiblement avant de lâcher le bras de Tery. Elle déposa sa dague à côté de l'autre au sol avant de prendre une épée courte. Quelques secondes plus tard, elle tendit l'épée courte recouverte d'une protection bleue à Tery. Son sourire à travers le masque s'était agrandi depuis qu'elle lui avait pris son bras.

Pff.. .Il soupira légèrement avant de récupérer l'épée courte qu'elle lui tendait. Des fois, il ne pouvait pas comprendre cette personne et ça l'énervait. Néanmoins, il éprouva une légère honte en voyant toute l'ardeur qu'elle mettait à vouloir l'aider. Il avait envie un petit moment de lui dire la vérité au sujet de cet entraînement.

Il y avait de quoi être content et l'ombre encapuchonnée l'exprima à plusieurs reprises tandis qu'il continuait l'entraînement malgré la fatigue. Contrairement à elle, il n'avait pas l'expérience de ces dures journées où il fallait passer plus de dix à quinze heures avec une arme ou des livres pour savoir l'utiliser. Mais ce n'était pas pour autant qu'elle allait lui faire subir la même chose qu'elle ! Ah non ! Il s’approcha d’un marteau de taille imposante et aussi d’un poids visiblement considérable, posant ses deux mains sur le manche.

« Bon, je vais tester le marteau à deux mainnnnnnnns ! »  

*Pouf* Il venait de s'écraser au sol, surpris par le poids de l'arme. L'ombre encapuchonnée éclata de rire avant de s'approcher de lui pour voir si tout allait bien. Le pauvre, c'était un peu de sa faute. Elle savait bien qu'il ne pouvait pas porter ce maul ou cette hache à deux mains mais bon... Elle retira avec une faible difficulté l'arme posée sur Tery avant de l'aider à se relever. Il avait sur ses deux mains deux griffes, les dernières armes utilisées pour l'entraînement. Elle demanda après quelques secondes :

« Je suis désolé, c'est de ma faute. Je crois qu'on en a assez fait pour aujourd'hui. Alors le bilan de cette soirée, tu penses maîtriser quelle arme à peu près ? »  

« L'épée courte, le katar et les griffes. Les autres, ça ne me plaît pas vraiment.

« Il y a un problème avec les griffes : Elles sont tellement légères mais aussi tellement aiguisées que des fois … »  

« Que des fois....AHHHHHH ! JE SAIGNE ! »   hurla t-il avec violence.

Il avait eu une soudaine envie de se gratter la joue droite, son épiderme lui ayant demandé cette petite chose. Et voilà qu'il se retrouvait avec trois longues entailles ensanglantées sur la joue droite. L'ombre encapuchonnée poussa un petit cri avant de s'approcher de lui, faisant jaillir une aura blanche autour de son gant droit. Elle caressa la joue de Tery pour faire disparaître l'infime blessure avant de terminer sa phrase :

« On oublie que l'on porte ces griffes. Fais attention la prochaine fois, d'accord ? »  

Elle tapota délicatement sa joue avant de se retourner pour regarder le ciel étoilé et seulement éclairé par la lune. Trop tard, il était déjà trop tard et elle le savait. Tery s'était mis assis contre un arbre. Exténué, il était exténué mais il se sentait fier de son travail. Dire qu'il y a à peine deux voir trois jours, jamais il ne se serait douté qu'il allait mettre autant d'ardeur dans un travail physique. SURTOUT pour apprendre l'art du combat avec une arme. Pfff ! Pourtant, au fond de lui, il ne pouvait pas réellement apprécier tout ça. Hum … Il ferma ses yeux émeraude tandis que l'ombre encapuchonnée retira son masque pour laisser voir ses yeux saphir ainsi que la globalité de son visage. Elle était de dos, se parlant à elle-même :

« Ne jamais se montrer à visage découvert, garder le secret de sa mission et découvrir l'autre moitié. Oracle, je pense l'avoir trouvée mais serais-je capable de le faire devenir comme vous le voulez ? Son envie soudaine de se battre et apprendre le combat, elle cache quelque chose mais quoi ? Je ne devrais pas me poser ces questions mais pour une fois... J’aimerai vraiment que l’on me laisse … décider … par moi-même. »  

Le masque revint sur son visage alors que l'ombre encapuchonnée s'approcha de Tery. Il dormait déjà paisiblement, exténué par l'entraînement qu'ils avaient fait. Celui-ci avait duré bien plus longtemps qu’il ne l’aurait pensé. Elle se positionna à côté de lui, la cape recouvrant le corps du jeune homme pour qu'il n'attrape pas froid. Cela n'était que le début de ce qu'elle comptait lui apprendre.

« Bonne nuit Tery. »  murmura la personne masquée avec douceur.

Elle se logea bien contre lui, fermant ses yeux saphir. Avec cette cape sur eux, ils n’allaient pas avoir très chaud mais elle n’avait pas vraiment le choix, elle le savait parfaitement. L’être au masque blanc trouva très rapidement le sommeil, beaucoup plus vite qu’à son habitude. Oui … Ils allaient devoir encore travailler plus dès demain.

Chapitre 6
Chapitre 6 : L'entraînement

« Aller ! On se lève Tery ! On commence l'entraînement maintenant ! » s’écria une voix qu’il n’arrivait pas à décrire comme féminine ou masculine.

« Non maman... Je ne veux pas ! Il est trop tôt ! » marmonna le jeune homme.

« Je ne suis pas ta mère mais ton pire cauchemar si tu ne te réveilles pas d'ici deux minutes ! »

Il remontait le drap jusqu'à sa tête, ne se préoccupant pas de la personne qui venait de s'adresser à lui. Le drap fut retiré subitement tandis qu'il ouvrit légèrement ses yeux émeraude pour voir qui il avait en face. Le masque blanc avec un sourire l'observait alors qu'il n'était qu'à quelques centimètres de lui. Il poussa un cri strident en voyant les deux yeux saphir froncés. Il se redressa subitement avant de dire :

« Non mais t'es dingue ? Ne t'approche pas autant de moi ! Je suis levé, c'est bon ! »

« Alors tant mieux, je vais te chercher ton petit déjeuner en bas. Attends moi ici et laves toi un peu. C’est bien compris ? Sinon … Quand je reviens, tu risques … »

« Oui « maman ». »  ironisa-t-il alors qu’elle était proche de la porte de la chambre.

« Sachant que j'ai ton âge, je dois le prendre comment ? »

L'ombre encapuchonnée rigola faiblement après ces paroles avant de quitter la chambre. Cela faisait déjà plusieurs jours qu’ils avaient commencé à s’entraîner … et à voyager aussi. La personne masquée avait signalé qu’ils devaient se rendre à Midès, capitale de Shunter bientôt proche. Heureusement qu'elle ne s'était pas posée de questions à son sujet, sinon il se serait senti coupable. Il se leva de son lit, retirant son haut pour aller se passer un peu d'eau sur le visage et le corps. Il se regarda dans le miroir, marmonnant un :

« Il était temps que tu muscles ces trucs qui te servent d'abdomen et de thorax. »

« Et aussi le reste du corps n'est-ce pas ? »

« EXAC...HEY ! Je suis en train de me laver ! »  s’écria t-il en comprenant à qui appartenait cette seconde voix derrière lui.

L'ombre encapuchonnée était arrivée avec un plateau contenant le petit-déjeuner qui consistait en quelques biscottes avec différents accompagnements. La personne masquée s'assit sur le lit tandis qu'il remettait son haut en grognant. L’être sourit pendant qu'il l'observait en grignotant ses biscottes :

« Tu n'as pas faim l'ombre ? Tu pourrais retirer un peu ce masque non ? En quoi cela est-il si gênant ? Je n’arrive vraiment pas à comprendre à quoi ça sert tout ça. »

« Non merci, j'ai déjà mangé, tu n'as pas à t'en faire pour moi. Quand à mon masque, je n'ai pas à le retirer. Arrêtes avec ça, c'est embêtant à la longue. Pourquoi tu veux savoir qui et ce que je suis ? En quoi cela te concerne ? »

« Car je n'aime pas ça ! Tu veux un récapitulatif de tout ce que tu fais pour moi ? Alors tu m'as sauvé la vie, tu me nourris et tu me loges, tu m'entraînes alors que je suis le plus imbécile des débutants, tu me portes lorsque je suis exténué et évanoui, tu es beaucoup trop gentil ! On pourrait même dire trop gentil pour être honnête mais je sais que ce n'est pas le cas. Tu es quelqu'un d'attentionné or je n'ai rien fait pour mériter cette attention, c'est même tout le contraire ! Mais je n'ai rien fait pour toi ! »  dit-il, reprenant ensuite son souffle après cette longue tirade. Il n’aimait pas … prononcer de telles paroles.

« Tu veux vraiment savoir ce qu'il y a sous ce masque ? » demanda l’être masqué.

« Hein ? Bien sûr ! Au moins, comme ça, je serai certain de ce que tu es réellement. »

« Alors donnes moi une biscotte. »  termina-t-il de dire au jeune homme aux cheveux bruns.

Il obéit sans vraiment comprendre ce que l'ombre encapuchonnée avait comme idée en tête. La biscotte à la main, elle commença à retirer légèrement son masque avant de se retourner subitement. Sous l'étonnement, il resta paralysé tandis qu'il entendait les bruits de la biscotte qui croquait sous les dents. L'ombre encapuchonnée se retourna  quelques secondes plus tard avec son masque à nouveau sur son visage, reprenant la parole :

« Voilà, tu sais ce qu'il y a sous ce masque : Il y a un visage avec une bouche. Merci pour la biscotte ! Tu vois … J’ai même fini par manger rien que pour toi. »

« Hein ? Que ? Quoi ? Mais tu t'es foutu de ma gueule ? Attends que je t'attrape ! »

Il se releva, la chaise tombant au sol alors que l'ombre se mit à courir avec le jeune homme aux cheveux bruns à sa poursuite. S’il avait autant d'énergie pour la poursuivre en la menaçant, alors l'entraînement d'aujourd'hui allait être mouvementé, très mouvementé. Aujourd’hui, ils n’allaient pas combattre, simplement marcher pour se rendre vers Midès. Elle lui avait dit que cela ne servait à rien de s’entraîner continuellement. Il valait mieux partager en deux le quotidien. Devant la mine déconfite du jeune homme, il lui dit :

« Ne t’en fait pas, on trouvera bien un autre arbre solitaire au sommet d’une colline. J’ai bien remarqué que tu aimais ce genre d’endroits. »

« Disons … que la vue était belle, voilà tout. » coupa t-il aussitôt.

Après quelques jours où ils alternèrent entre marche et entraînement, ils étaient très proches de Midès selon l’ombre encapuchonnée. Celle-ci pourtant, avait décidé de ne pas encore rentrer dans la capitale, annonçant qu’ils allaient rechercher un endroit où s’entraîner. Comme elle lui avait « promis », ils retrouvèrent rapidement une colline avec un unique arbre. Oh … Elle était encore plus resplendissante que celle d’auparavant. Elle trouvait toujours de bons endroits hein ? Elle était même plutôt douée à ce petit jeu. Elle sortit à nouveau les armes utilisées auparavant, Tery reprenant en main les deux griffes. Elle fit une remarque :

« Tu as donc de décider de continuer à combattre avec ces deux armes ? Tu es sûr de ton choix ? Généralement, on ne pourra exceller que dans un seul domaine sauf pour certaines personnes qui ne font que cela de leurs vies. »

« Tu sais... Si je fais ça, je veux dire... Si je m’entraîne, c'est pour une unique raison. »

Laquelle ? Allait-lui lui révéler qu'il pensait rentrer dans l'armée royale de Midès ? Que tout ce qu'elle faisait n'allait servir qu'à Tery et non à elle ? Il se redressa avec les deux griffes sur ses mains, le regard vert pomme et sérieux pointé vers l'ombre encapuchonnée :

« Je veux simplement payer ma dette envers toi. Et je ne parle pas seulement de ma dette de vie. Il y a aussi celle monétaire ou temporelle. Tu perds beaucoup de choses à cause de moi alors le seul moyen pour moi de te rembourser est de mettre de l'ardeur à l'entraînement. »

Elle était surprise par les paroles de Tery. Elle esquiva rapidement l'une des griffes du jeune homme avant de se rapprocher du sac, y prenant deux dagues tandis qu'un véritable sourire était gravé sur ses lèvres camouflées par le masque. Soit, puisque Tery voulait donner le maximum de ses capacités, elle allait tout faire pour lui donner envie de continuer.

Une semaine s'écoula, puis une seconde et une troisième. Et il s'améliorait peu à peu sans qu'il ne le remarque lui-même. L'ombre encapuchonnée dormait dans la chambre d'à côté et malgré les trois semaines qui s'étaient écoulées, jamais il n'avait su ce qu'elle était. Au final, il s'en fichait un peu. Son but n'était pas de faire plus ample connaissance avec l'ombre encapuchonnée mais de devenir assez puissant pour avoir un D qui apparaîtrait fièrement sur son plexus solaire. Mais il ne savait pas pourquoi cette lettre restait toujours aussi noire. De toute façon, d'après l'ombre, il était temps qu'ils arrêtent l'entraînement avec les armes et qu'ils passent à la pire des choses.

« L'Ombre ? Tu es réveillée ? L'Ombre ? Si tu ne te réveilles pas, je rentre dans ta chambre. »

« Je peux savoir à qui tu parles ? »  dit une personne derrière lui.

Il se retourna pour voir l'Ombre qui l'attendait avec des livres dans ses mains. Voilà qu'ils allaient faire ce qu'il détestait, la lecture... Lire et relire, c'était vraiment pas sa tasse de thé.

« Tu veux te rendre où pour faire la lecture sur les sorts et les éléments de base ? On se rends à la bibliothèque ou alors tu préfères... »

« Direction l'arbre ! On a commencé avec lui, on terminera avec lui. Question de principe et il n'y aura personne pour venir nous déranger. Donnes tous ces livres, tu vas te fatiguer pour rien. » annonça avec entrain le jeune homme.

« Depuis quand es-tu devenu aussi serviable ? C'est mon influence qui te fait cet effet ? »

« Ne dis pas de bêtises et donnes moi ces livres. »  termina t-il de dire.

Sans attendre d'avis de la part de l'ombre, il prit trois des cinq livres de la personne avant de descendre les escaliers. Accompagné par la personne qui cohabitait avec lui depuis bientôt un mois, il se dirigea vers la colline que seuls l'ombre et lui connaissaient. Il posa les quelques livres au sol avant d'en lire les titres : « Le début du feu », « Le commencement de l'eau », « L'essence de la terre »  L'ombre déposa ses deux livres à côté des trois autres avec écrit dessus : « L'origine du vent »  et « La naissance de la foudre ».

« Bon, il est l'heure des aveux. L'Ombre, je vais te le dire : Je ne sais pas lire. »

« Tu te moques de moi n'est-ce pas ? » dit-elle, un peu étonnée.

« Oui. Mais plus sérieusement, j'ai beaucoup de lacunes en lecture. Je ne lisais que très rarement lorsque j'habitais dans mon village. Donc, tu veux encore t'occuper de moi ? »

« Bien entendu, pourquoi ne le ferais-je pas ? Je suis resté avec toi pendant tout ce temps, c'est que j'avais une bonne raison. Tu es mon compagnon voir mon ami maintenant et donc, cela ne me gêne pas de passer du temps avec toi. »

« Mais tu as ces médaillons à récupérer ! Tu ne veux pas partir à la recherche de ces derniers au lieu de rester avec moi ? C’est vrai quoi … Je comprendrai hein ? »

L'ombre encapuchonnée sembla surprise par les propos de Tery. A part le moment où ils en avaient terminé avec le Gnomold, elle n'avait jamais continué à parler du médaillon. Visiblement, Tery semblait avoir une mémoire importante : Une capacité qu'elle ne lui connaissait pas. Elle reprit la parole pour lui dire :

« Chaque chose en son temps, ce n'est pas comme si le monde allait se détruire parce que je prends du retard sur ma mission tu sais ? Tant que j'en ai un, ils ne peuvent rien faire. »

« Qui donc ? Tu ne veux vraiment pas m'en dire plus ? » tenta t-il de la questionner.

« Je ne peux pas... Tu sais, si tu venais avec moi voir l'Oracle un jour, peut-être que je pourrais t'en dire plus à ce sujet et tu pourras même... Mais bon, au lieu de parler de ça, on va commencer par ce petit livre. »

« L'essence de la terre » , elle s'assit à côté de lui avec un petit sourire derrière son masque blanc. Lentement, elle ouvrit le livre tandis qu'il observait les écritures à l'intérieur. Ce n'était pas en une langue inconnue mais pour lui, ces phrases et ses mots ne voulaient presque rien dire tandis que l'ombre se mit à lire :

« L'Essence de la terre : La Terre est l'élément naturel qui nous entoure et dont les humains sont les plus proches. La Terre, nous habitons sur cette dernière. La Terre, nous faisons des objets à partir de cette dernière. Les premiers pots, les premiers outils, les premiers bâtiments, tout est issu de la Terre. Que cela soit sous la forme d'un grain de sable ou d'une immense montagne, nous côtoyons la Terre et nous devons la remercier car c'est elle qui nous nourrit et qui nous permet de vivre. »

Elle continuait de lire tandis qu'il l'observait d'un air enchanté. C'était la première fois qu'il entendait une telle chose et il se plaisait à entendre la voix de l'ombre près de lui. Il se rapprocha légèrement pour coller sa hanche gauche contre la sienne avant de lire avec elle. Bien qu'il ne comprenne pas le sens des phrases, il se sentait intrigué par ces dernières et il avait envie d'apprendre à les connaître.

Les minutes s'écoulèrent comme si le temps passait à côté d'eux sans les toucher. Elle récitait le livre tandis qu'il ne disait aucun mot, absorbé par sa voix. Pour la première fois qu'il était avec l'ombre, il était vraiment heureux de la savoir près de lui et se disait qu'elle était un sacré puits de connaissance. Après plus d'une heure, elle ferma le livre :

« Et voilà, tu en as pensé quoi Tery ? Ce n'est que l'histoire de l'élément de la Terre. Les sorts les plus simples et basiques se trouvent après mais avant de vouloir utiliser un élément, le connaître est primordial non ? Mais bon, l’élément de base parmi les cinq est bien la Terre. »

« Ce que j'en ai pensé ? C'était vraiment super. Tu voudras bien ... »

Il commença à bailler longuement. Il était vraiment fatigué … par cette lecture. Il faut dire que malgré le fait que ça soit intéressant, c’était aussi assez … soporifique. C’était bizarre en un sens mais bon … Sa tête pencha sur le côté, celle-ci atterrissant sur les genoux de l'ombre encapuchonnée. Oui, cette histoire contée par la personne qui était avec lui depuis un mois, prenait toute son ampleur à ses yeux. Ses yeux émeraude se fermèrent alors que l'ombre souffla dans les cheveux bruns du jeune homme, sa main droite gantée de rouge caressant ces derniers. Ah … Il n’avait rien contre ça, lui, l’être masqué de blanc

« Il va falloir tenir plus longtemps pour la prochaine leçon. Mais en attendant, tu peux dormir un peu. » chuchota-t-il au jeune homme endormi.

Il rêvait au futur qu'il pouvait entrevoir maintenant : Un futur où il était l'un des nombreux soldats de l'armée capitale de Midès. De simple soldat, il allait devenir un puissant capitaine. De capitaine, il deviendrait chevalier au service du roi. De chevalier, il ferait tout pour devenir l'une des membres de la garde personnelle du roi, voir son général. Des rêves de grandeur qu'il se permettait égoïstement en ne pensant pas une seule fois à la personne qui s'occupait de lui depuis plus d’un mois. Au fond, il était un ingrat et il le savait. Les bases du combat avec une arme, c'était grâce à l'ombre encapuchonnée. Il ne lui restait plus qu'à avoir un magnifique D sur le corps ainsi qu'à savoir quel était son élément et tout serait parfait.

Il se réveilla après une sieste d'une à deux heures, ses yeux verts regardant le masque blanc de la personne qui l'avait prise sur ses genoux. Il se redressa légèrement pour ne pas la réveiller avant de prendre le livre sur l'élément de la terre, se décidant à le lire. Cela semblait si facile quand l'ombre encapuchonnée avait fait la lecture mais pour lui, il se demandait si ce n'était pas écrit dans une langue étrangère. Il se donna des petites claques sur les joues.

« Réflexion Tery. Réflexion et envie. Tu ne pourras rien faire si tu ne réfléchis pas assez et si tu n'es pas motivé ! »  murmura-t-il à lui-même pour se donner du moral.

Pendant que l'ombre encapuchonnée dormait, il se coucha sur le sol. Bon, bon, bon, il avait réussi à se rappeler l'histoire dont elle avait parlé mais il recherchait quelques informations pour lui. Il tourna les nombreuses pages du livre avant d'arriver à ce qui l'intéressait le plus : Les sorts de base. Il reprit avec lenteur et faiblement :

« Comment créer une pierre. C’est l’un des premiers … sorts à apprendre. »

Sur le moment, il se disait que cela pouvait paraître complètement risible de vouloir créer une pierre. Mais après quelques secondes de réflexion, il marmonna quelque chose entre ses dents. C'était normal de commencer par créer une pierre avant de s'imaginer vouloir produire des tremblements de terre. Un petit regard envers l'ombre encapuchonné et il s'éloigna d'elle. Autant il savait qu'il allait se rendre ridicule, autant il ne voulait pas qu'il le soit devant l'ombre encapuchonnée. Question de principe et de fierté purement masculine.

Alors pour créer une pierre, il faut déjà être de l'élément terre. Bon point : Il ne savait pas son élément alors il avait une maigre chance qu'il soit de cet élément. Ensuite, se concentrer et ressentir son flux magique en soi. Son flux magique ? C'était quoi ? Il ne connaissait pas son flux magique ! Bon, se concentrer, c'était bien plus facile à dire qu'à faire mais après ? Il avait l'air malin à ce moment. Une main posée sur le livre ouvert, debout dans l'herbe, les yeux fermés, il laissa le vent s'abattre sur son visage.

Rien... Rien du tout ! Rien de rien ! Cela faisait bien une dizaine de minutes qu'il se concentrait mais il ne ressentait pas son flux magique. Avait-il fait une erreur ? Ou alors son élément n'était pas celui de la terre ? Ce n'était pas possible ! Même si ce n'était pas son élément, il devait quand même pouvoir ressentir son flux magique, ce n'était pas sorcier ! Il n'était quand même pas aussi mauvais que ça.

« Tu t'énerves intérieurement Tery et ce n'est pas bon. » murmura une voix derrière lui.

Il ouvrit ses yeux verts avant de se tourner vers l'ombre. Celle-ci se leva en s'étirant quelques instants. Il ne s'était pas autant éloigné de l'arbre qu'il le pensait. Elle se dirigea vers lui avec un autre livre à la main. La couverture était rouge flamboyante et il était écrit dessus : « Le début du feu » . L’être masqué reprit la parole avec lenteur :

« Regarde-moi faire. Je vais te montrer un exemple avec le sort le plus facile qu'il soit pour les magiciens par rapport à l’élément du feu, d’accord ? »

« Ca ne servira à rien, je ne sais pas mon élément donc... »

« Tais-toi un peu et arrête d'être aussi pessimiste. Regarde-moi, je vais prendre tout mon temps. Tu devrais pouvoir jeter un oeil à mon flux magique en m'observant. »

Elle ouvrit le livre rouge avant de le regarder brièvement en tournant les pages. Elle s'arrêta à l'une d'entre elle avant de fermer ses yeux à travers son masque blanc. Puis plus rien : Il ne se passait rien du tout pendant une bonne minute. Et enfin, il vit des veines blanches apparaître sur le poignet droit de l'ombre encapuchonnée. Quelques instants après, une petite flammèche était présente au bout de l'index de la main gantée droite. La flammèche s'envola autour de Tery avant de disparaître tandis qu'il ne savait pas comment réagir. Il était un peu jaloux d’elle … mais surpris en même temps. Il lui demanda :

« C'était très bien l'ombre mais... Pourquoi j'ai vu des lignes blanches sur ton poignet ? »

« Normalement, ils apparaissent sur la partie du corps qui projettera le sort. C'est là que se localisera ton flux magique la majorité du temps. »

« La couleur blanche, c'est de quel élément ? Je n'ai jamais vu ça de toute ma vie. »

« Disons que la couleur blanche me permet d'utiliser tous les éléments mais cela a un certain désavantage : Je ne peux pas me spécialiser dans l'un d'entre eux. Enfin … Je le pourrais mais ça demanderait beaucoup de temps. C'est gênant non ? »

« Mais non ! C'est super ! Tu n'as pas à te demander au sujet de quel élément tu peux utiliser ou non ! J'aimerais bien être de couleur blanche aussi mais mon tatouage reste noir. »

« Noir tu dis ? Cela veut signifier que tu ne sais pas de quel élément tu es encore. On essaye à nouveau ? » dit-elle avec une petite pointe d’hésitation dans la voix.

Il hocha la tête d'un air positif tandis qu'il reprenait le livre à la couverture brune. Trouvant facilement la page sur laquelle il s'était attardé, il ferma les yeux pour se concentrer à nouveau. Il ouvrit subitement ses yeux lorsqu'il sentit la main gantée de l'ombre sur la sienne.

Qu’est-ce … Qu’est-ce qu’elle faisait là ? Ah … Il demanda des explications, la personne masquée lui signalant qu’elle voulait simplement l’aider. Pour cela, elle allait guider son flux magique vers sa main, c’était tout. D’ailleurs … Il avait remarqué finalement quelque chose la concernant … Après plus d’un mois, comme elle était à côté de lui, il vit … qu’elle était plus petite que lui. Elle lui dit de plutôt se concentrer en rigolant légèrement à cette anecdote.

Il haussa un sourcil avant de remettre son regard devant lui, porté sur l'immense plaine verdoyante. Ce n'était pas totalement vrai car il y avait une forêt à l'est de celle-ci mais il se concentrait sur la plaine et uniquement elle. Ses yeux émeraude se fermaient lentement tandis qu'il se concentrait. La main de l'ombre était posée sur la sienne, ses doigts croisant les siens.

Les minutes s'écoulèrent comme auparavant mais il ne ressentait pas la même chose : Cette fois-ci, il entendait les battements de son coeur... et celui de l'ombre. Ils battaient au même rythme et à l'unisson et il lui semblait « voir »  des lignes noires apparaître sur son bras pour arriver jusqu'à sa main. C'était une sensation bizarre : Comme des petits picotements qui se transféraient peu à peu vers sa main droite tandis qu'il sentit celle de l'ombre se retirer de la sienne. Il ouvrit les yeux tandis qu'une petite lueur brune entourait sa main droite, une pierre de la taille d'un demi-poing apparaissant dans sa paume. Il jeta la pierre au sol avec amusement. Il n’arrivait pas à y croire mais … mais … Il s’écria :

« J'ai réussi ! Vous avez vu l’Ombre ? Vous avez vu ? »

Il se retourna avec un grand sourire vers la personne encapuchonnée, celle-ci le regardant de ses deux yeux saphir avec un certain éloignement. Ses lignes noires... Qu'est-ce que cela voulait dire ? L'Oracle s'était-il trompé ? Et pourtant, cela n'était pas possible. Déjà elle concentrait sa magie dans l'une de ses mains, une magie très pure entourée d'une aura blanche avant de voir le sourire de Tery. L'aura blanche disparut aussi vite qu'elle était apparue tandis qu'elle se mettait à sourire elle aussi à travers son masque blanc :

« J'ai vu et toutes mes félicitations. Je sens que tu seras capable d'utiliser tous les éléments aussi. Au passage, tu sais que c'est la première fois que je te vois sourire comme ça ? Cela te va plutôt bien. Ca change un peu de tes grognements intempestifs. »

« Pour une fois, je ne me m'énerverais pas et je vous permettrais même de vous moquer de moi. Mais quand même, je ne pensais pas réussir aussi vite ! » répliqua t-il, toujours gai.

« Maintenant que tu sais que tu es capable d'utiliser la magie, tu devrais te concentrer un peu plus dans les livres non ? Tu veux essayer les autres éléments ? »

Il hocha la tête d'un air affirmatif. Sa motivation était maintenant au maximum et il se sentait prêt à tout faire pour s'améliorer. Elle se dirigea vers l'arbre où se trouvaient les autres livres, prenant celui avec une couverture bleue avant de se diriger vers Tery, son regard légèrement assombri. L'entraîner, était-ce vraiment une bonne chose ? Elle n'en était plus aussi sûre maintenant. Mais … C’était peut-être une erreur. Il ne semblait vraiment pas connaître la magie … Alors … Elle allait plutôt patienter au cas où.

Chapitre 7
Chapitre 7 : Un début de remboursement
Une semaine s'était écoulée : Une semaine où il s’était donné à son maximum. Maintenant qu'il pouvait utiliser la magie, chaque heure où il était réveillé était un prétexte pour s'entraîner. Les cinq livres dans le sac, il ne s'intéressait plus vraiment à ce qui l'entourait et malgré l'effervescence qui animait la ville, il ne semblait pas se soucier des personnes autour de lui. D’ailleurs, ils étaient arrivés à Midès mais ils n’avaient guère profité de la capitale à l’heure actuelle. Il semblait même ne pas s’y intéresser. Non, le plus important était les moments qu’il avait passés avec l’Ombre cette semaine.

L'ombre encapuchonnée restait assise pendant des heures en l'observant. Il s'exerçait avec minutie et les deux premières journées s'étaient soldées par des échecs monumentaux. Il n'avait pas réussi une seule fois à se concentrer suffisamment pour faire apparaître une pierre dans sa main. Mais au milieu du troisième jour, un ridicule caillou s'était finalement présenté à l'intérieur de sa main. Un caillou du diamètre de son petit doigt mais quel caillou ! Il s'était retourné vers l'ombre avec un magnifique sourire dessiné sur ses lèvres. Il arriva à sa hauteur, montrant la pierre comme un trésor qu’un enfant aurait découvert :

« Regardez l'Ombre ! Regardez ! J'ai réussi ! J'ai enfin réussi ! Vous avez vu ? Et je n'ai même pas eu besoin de vous dans le fond ! C’est une bonne nouvelle hein ? »

L'ombre se redressa, ses deux yeux saphir étrangement posés sur lui. Même si il était un adulte, apprendre le sort le plus simple de l'élément de la terre en seulement trois jours était remarquable. Les yeux bleus à travers le masque ne cessèrent de fixer Tery tandis que le jeune homme arrêta de sourire. Avait-il commis une faute pour que l'Ombre ne dise rien du tout ? Depuis deux jours, elle ne s'exprimait que très rarement et il se demandait si elle n'était pas en colère envers lui. Enfin, elle prit la parole :

« Mes félicitations Tery. Ce n'est qu'une petite pierre mais tu as été capable d'en créer une. »

Le ton était impérial et éloigné, bien différent de celui qu'il lui connaissait. Il baissa la tête, légèrement confus avant de refermer le livre. Il jeta la petite pierre dans l'herbe avant de soupirer. C’était gênant … de parler de la sorte. Il répondit :

« Ce n'est pas grand-chose. Je me souviens que mes camarades faisaient pareils alors qu'ils n'avaient que huit ans. Ce ne sont que les bases élémentaires. Sinon...Ça ne va pas ? »

Il ferma rapidement la bouche : Depuis quand s'intéressait-il aux états d'âme de l'ombre ? Ils ne se connaissaient pas plus que ça et ce n'était pas son souci. Enfin… Il n'était pas habitué à voir l'ombre aussi froide. Celle-ci haussa un sourcil derrière son masque blanc : s’inquiétait-il de son sort ? Etait-il au courant de quelque chose ? Pourtant, elle ne se rappelait pas avoir parlé de ça. Ou alors, était-il vraiment inquiet à son sujet ? Elle murmura :

« Si, si. Ne t’inquiète pas pour ça. Je reste juste étonné de voir tes progrès dans l'élément de la terre. Je pense que si tu t'entraînes autant pour les quatre autres éléments, tu seras capable de créer les petites choses de base. Mais bon, pas tout de suite.

« Vous voulez bien m'apprendre ? Je vous en prie. Enfin … Je n’aime pas prier. »

Elle resta stupéfaite par la demande de Tery. Le jeune homme était visiblement très gêné par sa demande et il lui sembla même remarquer un léger rouge sur ses joues. Pourquoi lui demandait-il ceci ? Etait-ce parce qu'elle ne semblait plus s'intéresser à lui ? Ce n'était pas réellement de sa faute : Les ordres de l'Oracle étaient formels mais elle ne pensait pas voir ça de la part de celui qui devait être son compagnon.

Pourquoi avait-il ouvert la bouche ? Il regrettait déjà ses propos un peu trop rapides à son goût. Il n'osait pas se l'avouer mais il avait un peu honte : Pour lui, il savait que l'Ombre était au courant de son but. Ses nombreux arrêts dans la ville pour observer les soldats de l'armée de Midès, les nombreuses affiches de propagande, il était difficile de ne pas voir son intérêt à ce sujet. L'Ombre l'avait sûrement remarqué et s'était éloigné de lui : C'était de sa faute et il voulait se faire pardonner. C'était bien là l'unique moyen qu'il avait trouvé. Finalement, elle accepta en hochant simplement la tête

Trois jours s'écoulèrent à nouveau et il était maintenant capable de créer une petite flammèche au bout de l'un de ses doigts. Aujourd'hui, c’était mercredi et il voulait passer un peu de temps sur l'élément de l'eau. Si il était capable de réussir à remplir ne serait-ce qu'une petite coupole d'eau, il serait déjà content.

« L'Ombre ? L'Ombre ? Êtes-vous là ? »

Des bruits de pas lents sur le plancher. Quelques secondes s'écoulèrent et la voix de l'ombre encapuchonnée se fit entendre, plus faible qu’à son habitude.

« Il... y a un problème Tery ? Je suis bien là … Oui. »

« Vous n'êtes pas encore prête pour aujourd'hui ? J'aimerais bien commencer à apprendre le sort de base élémentaire de l'eau si cela ne vous dérange pas. »

« Tu... pourrais étudier seul aujourd'hui ? Je ne me sens pas très bien, désolé. »

Elle ne se sentait pas très bien ? Il resta interdit pendant plusieurs secondes avant de passer une main dans ses cheveux bruns. Cette personne qui était si vive et excitée pendant plus d'un mois et demi était capable d'être malade ? Il n'y croyait pas un instant mais ne préféra ne pas poser d'autres questions.

« Je serais à l'endroit habituel si vous me cherchez et si vous vous sentez mieux. »

« D'accord Tery. Bon entraînement. » murmura la voix de l’autre côté de la porte.

Il hocha la tête avant de s'éloigner de la chambre. L’Ombre encapuchonnée posa son dos sur cette dernière en murmurant :

« Ca ne peut plus durer. Il me faudra bien un jour m'y résigner avant qu'il ne devienne trop dangereux mais pourquoi dois-je le faire ? Oracle ... »

Il avait descendu les escaliers, retournant au rez-de-chaussée avant de se faire héler par l’aubergiste. Celui-ci connaissait son nom puisque cela faisait maintenant pas mal de temps qu’ils étaient ici. Il lui demanda de le suivre pour lui parler en privé d’un petit souci. Assis sur une chaise, il l’écouta parler du fait que selon la personne masquée, ils n’allaient plus pouvoir payer leurs chambres très bientôt. Ainsi, il lui laissait jusqu’à la fin de la semaine prochaine pour trouver une solution. Il n’était pas un mauvais bougre et il appréciait le jeune homme et celui qui l’accompagnait mais bon … Il avait un commerce à faire vivre.

Il se releva de sa chaise avant de s'apprêter à se retirer de la pièce, le regard assombri par cette nouvelle. Ainsi, le problème provenait d'un manque d'argent ? L'argent ... Tout dans ce monde était régi par l'argent et il le savait bien. Le temps de l'insouciance et de l'apprentissage était révolu. Il s'arrêta devant le pas de la porte :

« D'ici ce soir ou demain, vous aurez l'argent pour tout un mois. »

« Comment ça ? Tu connais le prix de deux chambres dans cette auberge au moins ? Revois un peu ton jugement et dis-toi que tu ne pourras que payer pour une semaine et encore, je vois difficilement comment tu pourras faire. »

« Ne vous souciez pas de ça ! J'ai dit que je trouverais le moyen. » termina le jeune homme.

Il quitta la cuisine sans attendre que l'aubergiste lui réponde. Quelques secondes plus tard, il remonta dans sa chambre, déposant les nombreux livres avant de se positionner devant le miroir. Il se regarda longuement pour s'étudier sous toutes les coutures : Oui, ça pouvait aller. Il était quand même présentable.

Prenant ses deux griffes pour les mettre dans le sac à côté de ses cinq livres qu'il avait récupéré, il claqua la porte de sa chambre avant de quitter l'auberge en courant dans la capitale. L'Ombre encapuchonnée observa le jeune homme par la fenêtre. Qu'allait-il faire ?

« Pardonnez-moi, vous êtes bien de l'armée de Midès ? » demanda-t-il.

Il avait trouvé l’idée parfaite. Les deux hommes étudièrent le jeune homme avec minutie : C'était bizarre que quelqu'un vienne leur adresser la parole. A part quelques enfants et encore, ils n'étaient pas habitués à ce qu'on les arrête pendant une mission de patrouille.

« Oui, c'est bien cela. Que pouvons-nous pour toi ? » dit l’un d’entre eux.

« J'aimerais rejoindre l'armée de Midès mais je ne sais pas où se trouve le bureau de recrutement. » annonça le jeune homme avec neutralité, espérant obtenir une réponse.

« Heu...Tu es sûr de ton choix ? » questionna l’un des soldats, plutôt surpris.

L'un des hommes semblait soucieux de la demande de Tery tandis que les regards de quelques personnes se dirigeaient vers eux. Le second homme fit un petit geste de la main pour signaler que cela n'était pas important tandis que Tery haussa un sourcil. Il était tout ce qu'il y avait de plus sérieux quand il s'agissait d’une telle chose. Une nouvelle recrue plausible ? Oui … Mais non … Il valait mieux stopper cette foire tout de suite.

« Bon...Nous ne sommes pas des recruteurs mais je vais te donner l'endroit où tu devras te tendre. Tu as de quoi écrire ? »

Il hocha la tête d'un air négatif tandis que le soldat soupira avant de sortir de sa moche un bloc-notes. De nombreux chiffres étaient écrits sur la première page. Il déchira une page vierge avant de se mettre à réfléchir. Il se mit à écrire pendant plusieurs secondes avec quelques arrêts pour se plonger dans sa réflexion avant de tendre le morceau de papier au jeune homme. Il reprit la parole :

« Voilà pour toi. Rends-toi là-bas et tu pourras postuler chez nous. J'espère que tu as bien lu les conditions et que tu as réfléchis aux conséquences de tes actes avant ça. »

« Aucun problème ! Je vous remercie pour tout ce que vous avez fait. »

Il s'inclina devant les deux soldats avant de se mettre à courir à nouveau à travers la ville. Il se rapprochait de plus en plus de son but. Il n'avait pas encore le D tatoué sur son corps mais il savait manier une arme et il pouvait utiliser tous les éléments. Enfin, tous les utiliser, ce n'était pas totalement vrai. Il n'en était qu'aux bases et avec cette nouvelle qu'il venait d'apprendre, il ne savait pas si il était capable de manier l'eau, le vent et l'électricité.

Le second soldat s’adressa à celui qui avait pris la parole, demandant quelle adresse il avait donné à Tery. A l’écoute de celle-ci, il fit un petit commentaire négatif et désapprobateur. Il déplora l'acte que le premier soldat venait de commettre avant de se remettre en route pour accomplir sa patrouille. Après une dizaine de minutes où il s'arrêtait continuellement pour lire le chemin à suivre, il finit enfin par atterrir devant un bâtiment à l'aspect assez vétuste. Sur son toit se trouvait un emblème représentant un magnifique dragon doré entouré d'une aura couleur blanc-gris. Malgré l'état déplorable du bâtiment, Tery semblait émerveillé par ce qu'il voyait et pénétra à l'intérieur de ce dernier.

Visiblement, il était le seul...Un homme était assis sur une chaise, semblant s'intéresser à un bout de papier tandis qu'il n'avait pas remarqué Tery. Il y avait aussi peu de monde dans cet endroit ? Les murs bruns s'écaillaient et quelques petites fissures étaient visibles sans pour autant signaler que le bâtiment allait s'écrouler. Tery s'installa sur l'une des nombreuses chaises, posant son sac à côté de lui avant d'observer l'homme qui se trouvait sur la chaise. Des cheveux blonds en bataille, la trentaine avancée, une barbe mal-rasée, il ne semblait pas avoir remarqué la présence de Tery tandis qu'une porte se trouvait derrière lui. Après cinq à dix minutes, Tery toussa légèrement, les yeux bruns de l'homme se relevant enfin de la feuille pour le regarder. D'un air étonné, il lui demanda :

« Que venez-vous faire ici ? »

« Je viens me présenter pour me faire recruter dans l'armée royale de Midès. »

Il avait très mal entendu, n’est-ce pas ? Il demanda si il voulait vraiment une telle chose, Tery confirmant ses propres paroles. L'homme murmura quelques paroles qu'il ne pouvait pas entendre avant de se redresser, quittant sa chaise pour toquer plusieurs fois à la porte. Une voix forte se fit entendre derrière celle-ci, lui demandant d'entrer. Plusieurs minutes passèrent où des nombreux cris résonnaient dans l'immeuble. Violente … La personne à qui s’adressait l’homme aux cheveux blonds devait l’être toute particulièrement.

« Mais tu sers vraiment à rien ! Je suis sûr que c'est qu'un pauvre type qui s'est perdu ! Montres lui la sortie avant que je vienne te botter l'arrière-train ! » s’écria une voix, l’autre étant trop faible pour qu’on puisse l’entendre. Elle reprit en réponse : « JE SAIS BIEN ! Fais le rentrer avant que je m'énerve ! »

S'énerver ? Ce n'était pas déjà le cas ? Tery ferma les yeux un instant, se demandant qui pouvait parler avec tant de véhémence dans ces propos et surtout avec une voix aussi forte et brutale. L'homme aux cheveux blonds sortit de la pièce avant de lui demander de pénétrer à l'intérieur en murmurant :

« Bonne chance. Je crois que tu vas en avoir bien besoin. »

De la chance ? Et pourquoi cela ? Lentement, il marcha vers la salle derrière l'homme aux cheveux blonds. Quelques instants après, il se retrouvait devant un homme de petite taille au crâne dégarni. Les joues bouffies, une moustache noire allant jusqu'à ses pattes de même couleur, il regardait d'un air mauvais le jeune homme. Sa voix grinça au moment où il s'adressait à lui, signe de son quasi-dégoût envers Tery :

« Vous êtes qui ? Vous êtes maigrichon et vous voulez rentrer dans l'armée royale de Midès ? C'est une blague n'est-ce pas ? Je n’ai pas de temps à perdre. »

« Je ne rigole pas. Je veux vraiment devenir un soldat de Midès et du royaume de Shunter. »

« Non. Tu ne veux pas rentrer dans l'armée. »

Non ? Il ne voulait pas rentrer dans l'armée ? C'était quoi le problème ? S'était-il mal exprimé ? L'homme l'observait de ses yeux onyx, des yeux perçants et fixés sur lui. Il se sentait mal à l'aise mais se rappela la seconde raison de sa présence en ce lieu : Trouver de quoi rembourser l'Ombre.

« J'ai dit que je voulais devenir un soldat de l'armée de Midès. Je pensais avoir été explicite. »

Comment ce gamin osait s'adresser à lui de cette manière ? Il n'avait pas froid aux yeux mais cela ne suffisait pas ! La majeure partie des hommes qui se présentaient à lui s'éloignait après sa petite phrase, l'autre partie quant à elle... Il se leva de sa chaise, montrant toute sa stature du haut de ses un mètre cinquante tout en s'approchant de Tery :

«  Et de quel droit penses-tu pouvoir rentrer chez nous ? Regarde donc ton corps. Tu es maigrichon et il suffirait d'un ennemi utilisant l'élément du vent pour que tu t'envoles ! De plus, tu ne voudrais pas me faire croire qu'un gamin comme toi est de rang D n'est-ce pas ? Sais-tu ce que tu risques en mentant de la sorte ? »

« Je le sais bien et je n'ai pas peur des risques à encourir ! Je veux devenir l'un de vos soldats. Est-ce que je me suis bien fait comprendre ? » s’écria-t-il presque aussi fort que le petit homme en tapant du poing sur le bureau. Il tremblait de tout son corps, espérant n'en avoir pas trop fait. Il était bien plus faible que le recruteur et il le savait ! Il devait simplement s'armer de courage et lui tenir tête. L'homme s'immobilisa pendant plusieurs secondes avant de le frapper au ventre avec violence. Le corps de Tery fut pris de soubresauts avant qu'il ne se mette à vomir sur le sol, recrachant quelques morceaux de son petit-déjeuner tandis que l'homme reprit la parole :

« Ne fais pas la forte tête avec moi d'accord ? Si tu veux vraiment rentrer chez nous, il faudra faire bien mieux que ça ! Pour qui te prends-tu gringalet ? Des imbéciles dans ton genre, il y en a dans toutes les armées ! Tu sais à quoi ils servent ? Simplement à chair à canon et en tant que boucliers humains ! Ils sont trop stupides pour penser à autre chose qu'à leur ridicule existence et à celle de leurs familles ! Ils rêvent de gloire et de fortune et pensent devenir quelqu'un de célèbre dans le royaume de Shunter ou dans ce monde ! Alors dis-moi... »

Il sentait sa tête se faire tirer par les cheveux tandis que l'homme montrait son visage au niveau du sien. Quelques rides étaient présentes sur le visage de l'homme mais il n'avait pas l'alcool mauvais d'après l'odeur qui émanait de lui. Il avait naturellement ce comportement :

« C'est pour qui que tu veux faire ça ? Pour toi ? Pour ta famille ? Pour le royaume ? Réponds-moi avant que je m'énerve ! Foutu gamin. »

Pour qui voulait-il se battre ? Pour qui voulait-il brandir son arme ? En rentrant ici, il avait deux réponses à ces questions : Le royaume de Shunter et l'ombre encapuchonnée. Mais maintenant, il n'était plus aussi sûr de vouloir devenir un soldat mais sa fierté allait en prendre un coup et il ne voulait pas paraître risible par rapport à cette brute.

« Vous n'avez pas à savoir ! Je me bats pour des choses que vous ne connaîtrez jamais ! »

Bonne réponse mais ça n’allait pas suffire ! Il envoya la tête de Tery dans le sol, la faisant baigner dans le liquide jaunâtre qu'il avait recraché il y a quelques minutes. Le second homme aux cheveux blonds pénétra à l'intérieur de la pièce avant de soupirer, relevant le jeune homme encore secoué par ce qu'il venait de subir. Il dit avec véhémence :

« Vous pourriez éviter d'aller jusque-là ! Il venait simplement pour s’inscrire ! »

« On n'a pas besoin de types pathétiques de son genre dans l'armée ! S’il veut vraiment rentrer chez nous, qu'il me ramène la tête du scorpion qui habite dans la grotte désertique à quelques lieux d'ici ! Sinon, il n'a même plus besoin de se présenter devant moi ! T'as entendu blanc-bec ? Alors maintenant, retournes vivre comme les autres gamins de ton âge et ne vient plus m'importuner ! Maintenant, dégagez tous les deux avant que je m'énerve ! »

L’homme aux cheveux blonds emmena Tery hors de la pièce. Celui-ci se retrouva assis sur l'une des chaises de la première salle, serrant les dents. Cet homme... Il se croyait fort ? Il se pensait au-dessus de lui ? Il allait lui faire cracher ces tripes la prochaine fois ! Pas maintenant bien entendu, mais un jour... De l'eau fut projeté sur son visage, lui permettant d'ouvrir les yeux et de faire disparaître la désagréable odeur qu'il avait maintenant.

« Désolé jeune homme mais il est toujours comme ça. Je ne sais pas qui t'a donné notre adresse mais il s'est bien moqué de toi. Il y a plusieurs autres bureaux de recrutement dans la capitale, tu devrais poser ta candidature là-bas. »

« Où... Où se trouve la grotte désertique dont il parlait ? » murmura Tery avec lenteur.

« Abandonne cette idée, tu n'as aucune chance. Tu pourras te faire recruter autre part. Ne perds pas la vie à cause de ça. Tu ferais même mieux d’éviter le recrutement. »

Le jeune homme se redressa faiblement avant de s'éloigner en empoignant son sac. Sans un mot, il quitta le bureau de recrutement, le regard baissé sur le sol. Saleté ! Il détestait rarement une personne mais là, il avait la haine. Cet homme, il se croyait plus important que lui ? C'était sûrement le cas mais quand même... Une comparaison avec l'Ombre encapuchonnée et il regrettait déjà cette dernière. Il ne pouvait pas revenir en arrière, voilà tout ! Les habitants le regardèrent d'un air dégoûté, chose tout à fait normale quand on savait dans quoi il avait baigné sa tête. Son regard se posa sur une affiche qu’il lut :

« Guilde des magiciens de l'ordre de Barkan recherche pattes de Gnomold pour formation d'ingrédients. Chaque patte de Gnomold sera achetée pour le prix de dix pièces d'argent. Si vous êtes intéressé, veuillez-vous rendre au quartier des mages dans la section Est de Midès. »

Tuer des Gnomolds ? Et sachant que chaque Gnomold avait deux pattes, cela faisait vingt pièces d'argent par tête. Il suffisait d’en tuer quelques-uns. Faire plaisir à l'Ombre encapuchonnée et la voir sourire derrière son masque blanc, ce n'était pas un si mauvais but. Quant à la grotte désertique, elle pouvait bien attendre quelques semaines. Il se dirigea vers la sortie Sud de la ville capitale de Midès, les quatre gardes habituels l'interpellant pour savoir où était l’Ombre. Il signala qu’elle ne se sentait pas très bien et qu’il allait se balader un peu tout seul au cas où. Il devait partir chasser des Gnomolds. L’un des gardes lui demande faire extrêmement attention au cas où.

Heureusement qu'il y avait quelques soldats de ce genre dans l'armée royale de Midès. Il s'inclina respectueusement pour remercier le soldat et ses trois comparses. Il se retira en les saluant pour marcher pendant deux kilomètres avant d'arriver à l'orée de la forêt. Il déposa son sac sur le sol, l'ouvrant pour y extirper les deux griffes.

« Il est l'heure de remercier l'Ombre. » se murmura-t-il à lui-même.

Les deux griffes à la place de ses mains, il pénétra à l'intérieur de la forêt, prêt à débusquer des Gnomolds. Dans l'auberge, deux heures après le départ de Tery, le poignet d'une porte se tourna légèrement avant que celle-ci ne s'ouvre pour laisser paraître l'ombre encapuchonnée. Elle toqua deux fois à la porte de la chambre de Tery, aucune réponse. Il était parti s'entraîner comme elle le pensait. Elle descendit les escaliers pour arriver au rez-de-chaussée, l'aubergiste l'arrêtant avant même qu'elle ne quitte l'auberge.

« Hey ! Ton camarade n'est pas revenu pour déjeuner, tu pourrais aller le chercher ? »

« Je comptais le rejoindre. » dit la personne masquée avec lenteur.

« Ah...Et au sujet de ce que tu sais... Je l'ai quand même prévenu : Tu ne devrais pas lui cacher ce genre de choses. Vous êtes des amis non ? »

Comment ? Monsieur Rank avait prévenu Tery au sujet de son problème d'argent ? C'est vrai qu'il ne restait plus que deux à trois pièces d'or mais elle pensait faire quelques missions de mercenariat pour se renflouer mais avec les derniers évènements et la nouvelle qu'elle avait apprise.. .Sans lui répondre, elle se retira de l'auberge avant de se mettre à courir à toute allure dans la ville. Quelques minutes plus tard, elle se retrouva en-dehors de Midès, allant vers la plaine où ils s'entraînaient tous les deux habituellement. Une mauvaise surprise l'attendait : Aucune présence de Tery.

Imbécile ! Quel imbécile il était ! Comment est-ce qu’il avait pu laisser faire ça ? Où était-il passé ? Elle devait amorcer les recherches et le retrouver. Ses gestes du moment étaient en contradiction avec les paroles de l'Oracle mais elle ne pouvait pas se résigner à l'abandonner comme ça ! Ce n'était pas possible de le laisser se débrouiller tout seul ! Il n'était encore qu'un débutant en ce qui concernait le combat et la magie ! Retourner en ville : Voilà ce qu'elle devait faire ! Retourner en ville et questionner les gens !

Chapitre 8
Chapitre 8 : De quoi se racheter à ses yeux

« Vous n'auriez pas vu un jeune homme avec des cheveux bruns ? Il a des yeux verts et tient un sac sur son dos. Il doit mesurer dans les un mètre soixante dix et n'est pas très musclé. »

L'ombre encapuchonnée s'approchait de chaque personne dans la rue. Donnant le maximum d'informations sur Tery, elle espérait retrouver sa trace et savoir où il était en ce moment même. Malheureusement pour elle, aucune personne ne savait de qui elle parlait et elle se maudissait intérieurement. A cause de son comportement, il était parti tout seul et avec les problèmes actuels, il s'était peut-être mis dans des ennuis pas possibles.

« Et zut ! Plus le temps de penser à l'Oracle sur le coup ! »

Qu'importe l'Oracle et ses paroles, elle n'était pas du genre à abandonner quelqu'un ! Surtout la première personne avec qui elle s'était liée ! Mais et... les ordres ? Et sa mission ? Elle grogna légèrement avant de percuter un soldat, tombant sur le sol en gémissant faiblement de douleur.

« Aie, aie, aie... »  dit l’être masqué, un peu secoué par tout cela.

« Faites donc attention jeune homme. Les routes sont déjà assez bondées. On ne va quand même pas tous se percuter les uns par rapport aux autres.

C'était la seconde fois aujourd'hui qu'ils voyaient une personne aussi pressée. Les évènements extérieurs étaient-ils si perturbants pour que les jeunes personnes fussent en ébullition ? Le second homme prit la parole avant de se remettre en route :

« Il faudrait quand même qu'on fasse plus attention, tu en penses quoi ? Il ne manquerait plus qu'il nous demande aussi à se faire recruter pour l'armée comme le jeune d'avant. »

« Le... Le jeune ? Avait-il les cheveux bruns ? Et des yeux verts ? Il avait un sac sur le dos ? »

L'ombre encapuchonnée se releva subitement, son masque blanc ne laissant transparaître aucune émotion bien que sa voix était légèrement tremblante. Parlaient-ils de Tery ? ! Le second homme s'arrêta dans son mouvement tandis que le premier reprit la parole :

« Hum... Oui. Mais pourquoi cette question ? Vous le connaissez ? Vous devriez l'arrêter avant qu'il ne fasse une bêtise. Si il est assez téméraire pour tenir tête au recruteur, il a dut se diriger vers la grotte dans le petit désert à l'est d'ici. Tiens mais... »

Où était passée cette personne ? Ils n'avaient même pas vu son visage. C'était vraiment bizarre comme histoire mais bon, il valait mieux ne pas se poser de questions : Ils n'étaient que de simples soldats et non des enquêteurs.

L'IMBECILE ! Elle avait entendu des informations au sujet de cette grotte : Un monstre s'y trouvait, une sorte de scorpion dans lequel de la magie s'était investie. Des créatures dotées de pouvoirs magiques et instinctivement d'une intelligence supérieure à la moyenne. S’il était passé là-bas... Cela pouvait servir sa mission mais NON ! Elle ne pouvait pas le laisser mourir comme ça ! Il n'y avait plus qu'un groupe de personnes qu'elle devait interroger et elle se demandait pourquoi elle n'y avait pas pensé dès le départ. Elle était passée par la porte Est et non par la porte Sud !

« Nierk nierk nierk. Un humain, ça faisait longtemps ! » annonça un Gnomold, satisfait de voir le jeune adulte aux cheveux bruns et peu musclé devant lui.

Il ne prit même pas la peine de parler, il n'était pas là pour discuter. Lentement, il frotta ses deux griffes pour montrer les deux armes qu'il allait utiliser face à la créature d'un mètre. Le Gnomold ne tenait qu'une simple masse dans sa main droite et semblait plus chétif que ses congénères. La créature avait de nombreux poils gris et tremblait légèrement. Elle était visiblement plus âgée que les autres et il y avait une chance qu'il puisse profiter de cette faiblesse physique pour la tuer. Ou alors était-ce l'inverse ? L'expérience de la créature durant ses nombreuses années allait-elle lui donner un avantage ?

« Tu as perdu ta langue humain ? » reprit le gnomold avec un sourire dont les dents étaient déjà parties à moitié de sa bouche.

Il n'avait pas à hésiter une seule seconde ! Il devait montrer que l'entraînement qu'il avait fait durant tout un mois n'avait pas servi à rien ! Il courut à toute vitesse vers son adversaire de moindre taille, donnant un coup de griffe gauche au niveau de son ventre. La masse se positionna avec facilité avant même que les morceaux de fer acérés ne s'approchent des poils gris. Sa griffe droite se leva en direction du visage du Gnomold pour venir l'entailler sur ce dernier et l'aveugler. Réaction trop lente ou corps trop vieux ? Qu'importe la raison qui avait empêché le Gnomold de se protéger avec son bras gauche, trois longues entailles de sang apparurent sur le visage de la créature. Déjà aveuglé par l'attaque, le monstre au bonnet rouge se mit à crier et à vociférer :

« Ahhhhhhhhhh ! Mes yeux ! MES YEUXXXXX ! TU VAS LE PAYER ! »

Il donnait des coups dans le vide avec sa masse, espérant frapper l'être à l’origine de cette attaque. Tery avait reculé, du sang s'écoulant de sa griffe droite. Ce qu'il pensait de cette attaque, il le gardait pour lui-même. Rapidement, tous ses sens se mirent à réagir. Profitant de la confusion de la créature, il marcha lentement jusqu'à arriver derrière elle. Il retenait sa respiration pour éviter de se faire repéré avant de bondir et de lui planter sa griffe gauche dans la gorge, l'extirpant vivement tandis que le monstre tomba au sol, pris de soubresauts avant de ne plus bouger. Ces créatures étaient déjà à la base très faibles mais une créature âgée l'était encore plus et il sentait que ce n'était pas un véritable combat.

« Je n'ai pas que ça à faire. Je dois m'améliorer encore et surtout en tuer beaucoup plus ! »

Il retira ses deux griffes pour les jeter au sol avant de prendre la masse du Gnomold mort. Il frappa plusieurs fois sur les poignets de celui-ci pour qu'au bout de deux minutes, les deux pattes soient séparées du reste du corps. Il posa la masse au sol, récupéra les deux pattes pour les mettre dans son sac avant de remettre ses deux griffes sur ses mains. Il posa un regard autour de lui avant de murmurer :

« Au moins, je sais encore où je suis. L'entrée de la forêt est à environ quatre cents mètres au nord de cet arbre. Je vais quand même devoir m’enfoncer plus loin. »

Lentement, il s'approcha de l'arbre dont il parlait, faisant une longue entaille sur l'écorce de ce dernier pour laisser une trace de sa présence. S’il pouvait se repérer dans la forêt à partir de cette petite chose, il n'allait pas s'en priver. Une entaille horizontale ainsi qu'une minuscule flèche en direction de l'Est et il partait dans cette direction. Depuis quand était-il devenu aussi sérieux ? Tsss … Et en plus, il utilisait des armes et de la magie.

« Je ne deviendrais pas comme toi. »  se murmura t-il à lui-même.

Ses derniers mots s'étouffèrent dans le vide de la forêt. Le début de la chasse au Gnomold avait débuté et il n'allait pas s'arrêter avant d'avoir assez de pattes pour rembourser l'Ombre. Il se rappelait trop souvent la raison qui l'avait poussé à ne jamais s'entraîner mais il l'oublia très rapidement … pour le moment …

« Tery ? Bien sûr qu'il est passé par là ! Mais il m'avait dit que tu ne te sentais pas très bien. »  murmura un garde à l’être masqué de blanc et camouflé par la cape brune.

« Ca va bien mieux mais où est-il parti ? Je dois le retrouver ! »

L'Ombre encapuchonnée était visiblement dans un état qu'ils ne lui connaissaient pas. Elle était prise de légers tremblements de peur et les quatre soldats perdirent leurs sourires avant que l'un d'entre eux reprenne la parole :

« Il est parti dans la forêt pour tuer quelques Gnomolds. Il a sûrement dut lire l'affiche au sujet des pattes de ces derniers. Mais pourquoi tu es... »

« Pas le temps de parler ! Il est peut-être en danger ! »  dit-elle avec un peu de colère dans la voix, comme si elle avait du mal à garder son calme.

« Tu devrais éviter de le considérer comme un enfant. Si il doit se battre un jour, autant que ça soit maintenant que dans quelques années alors qu'il sera trop tard. Enfin, moi je dis  ça … Mais bon … Si à son âge, il n’a rien appris à la base … C’est problématique. »

« MAIS IL N'Y CONNAIT RIEN ! RIEN DU TOUT ! »

« Qu'est-ce que vous avez fait pendant ces deux mois ? Tu devrais lui faire un peu plus confiance. Il devra bien se débrouiller tout seul un jour. Tu es son maître d'armes non ? »

« NON ! CE N’EST PAS COMME CA QUE CA SE PASSE ! »

Elle n'attendit pas que le garde lui réponde. Elle se mit à courir avec une vélocité très rare en direction de la forêt. Non, elle n'était pas son maître d'armes ! Mais qu'est-ce qu'elle était par rapport à lui ? Sa Moitié ? C'était ce que l'Oracle lui avait dit lorsqu'elle était partie du orphelinat mais maintenant... POURQUOI Tery possédait-il ça ? ! Elle devait d'abord le retrouver, ENSUITE, elle allait voir ce qu'elle devait faire !

Deux... Deux Gnomolds. Ils marchaient tranquillement sur un chemin de pierre tandis qu'il s'était caché dans les fourrés. Il transpirait beaucoup et ses habits étaient tachés de sang. Toujours attaquer en traître ou par surprise pour prendre un avantage sur son adversaire, le principe chevaleresque de ne jamais attaquer un ennemi dans le dos, il s'en fichait pas mal en ce moment ! Il n’était pas stupide au point de se présenter en face de l’ennemi !

L'un des deux Gnomolds était légèrement plus grand que l'autre et tenait une épée longue dans chacune de ses mains. Il portait aussi une armure de cuir sur son corps tandis que l'autre n'avait qu'un morceau de tissu pour recouvrir ses poils bruns. Ils ne semblaient pas avoir remarqué la présence de Tery. Bien … C’était une bonne nouvelle.

Combien de temps s'était-il écoulé depuis qu'il était dans cette forêt ? Une demi-heure ? Une heure ? Il n'avait pas compté les minutes mais seulement le nombre de pattes qu'il avait récupéré. Une quinzaine... Oui, une quinzaine car le dernier Gnomold qu'il avait combattu n'avait qu'une seule patte. Il n'avait aucune explication à ceci mais le combat avait été fort simple. Dommage qu'il s'épuisait de plus en plus mais il ne pouvait pas abandonner maintenant. Il avait à peine de quoi récolter une pièce d'or, presque deux.

Il bondit subitement de dehors les fourrés avant de planter ses griffes dans la gorge du plus petit des deux Gnomolds, celui-ci tombant mort sur le coup tandis que l'autre se retourna, fou de rage. Il semblait bien plus colérique que les autres et ses paroles poussées par la haine, servirent d'explications :

« Mon... MON FILS ! HUMAIN... HUMAIN... HUMAIN ! JE VAIS TE TUER !

Le Gnomold à l'armure de cuir poussa un long grognement tandis que des choses pendaient autour de son cou. Tery regardaces dernières, intrigué par celle-ci. Un collier fait de pattes réduites et séchées de Gnomold ? Qu'était-ce que ça ?

« Moi, Parkan, chef de la tribu des Goris, je vais t'exterminer pour avoir tué mon descendant ! » cria le Gnomold pour présenter son statut, prêt à charger sur le jeune homme.

Chef...Chef ? Ce n'était pas un clan mineur d'après les propos de ce monstre. Il était mal tombé, très mal tombé même ! Pourquoi fallait-il toujours qu’il tombe dans la pire des embrouilles hein ? Pourtant, cette fois-ci, c’était partie d’une bonne intention. Est-ce qu’on le détestait au point de lui causer autant de problèmes ?

Elle se retrouva dans la forêt, regardant le sol avec ses yeux saphir pour voir si il avait laissé des traces. Sa cape s'était relevée légèrement tandis qu'un magnifique arc azuré se trouvait dans ses deux mains : Le faire apparaître à la vue de tous, ce n'était pas forcément la meilleure des idées pour garder l'effet de surprise mais avait-elle le choix ? Elle s'écria autour d'elle en courant :

« TERYYYYYY ! TERYYYYYYYYYY ! Tu m'entends ? Réponds-moi ! Réponds-moi Tery ! Où es-tu ? ALLEZ ! Il faut qu’on parle tous les deux ! »

Aucune réponse, elle devait s'en douter. Elle pesta contre elle-même avant d'observer le moindre détail autour d'elle. Trouver un indice de la présence de Tery en ce lieu, n'importe quel indice ferait l'affaire ! Tiens... Cet arbre... Elle ne se trompait pas ! Elle s'approcha de lui avant de l'étudier : Quatre entailles horizontales et deux flèches en-dessous de ces marques. L'une plus petite était dirigée vers le sud-ouest tandis que l'autre plus grande désignait le nord. Un repère ? De la part de Tery.

« Merci... MERCI ! Merci pour tout ! Tu es vraiment un génie, Tery ! » s’écria l’être encapuchonné. C’était tout ce dont il avait besoin à l’heure actuelle.

Elle poussa un long soupir de soulagement avant de se mettre à courir en direction du nord. Instinctivement, elle se disait que c'était le chemin à suivre. Une flèche entièrement bleue était déjà présente sur l'arc qu'elle bandait. Elle n'était pas encore sortie d'affaire mais elle devait suivre les flèches et après … Elle trouverait le jeune homme.

Direction à l’est avec un cercle au lieu des entailles, puis ensuite au sud-est avec un rond et une entaille horizontale. Ces symboles, que représentaient-ils ? Le nombre de Gnomolds qu'il avait tué ? Tery était-il devenu capable d'en tuer autant  à la suite ? Et si... Les soldats avaient raison ? Elle, l'ombre, s'était peut-être trompée à son sujet ? Il était peut-être une fleur de guerre qui avait seulement eut besoin d'éclore ? Cela correspondrait bien à ce qu'elle attendait de lui maintenant qu'elle avait vu ces lignes noires sur son bras, ces lignes... Pourquoi les possédait-il ? ! Etait-ce un jeu de l'Oracle envers elle ?

Elle sentit qu'elle s'approchait peu à peu de Tery et avait remarqué les quelques cadavres sur son chemin. Des cadavres dépossédés de leurs pattes, visiblement, il voulait les vendre à la guilde des magiciens. C'était une idée qu'elle avait eut à la base mais maintenant qu'il était déjà dessus, elle devait à tout prix l'aider et le féliciter pour ce qu'il venait d'accomplir mais elle était inquiète. Elle espérait seulement une chose...Une unique chose dont elle attendait la réponse.

« AHHHH ! »  hurla t-elle de surprise, n’ayant pas remarqué pas la flaque au sol.

Elle tomba au sol, glissant sur du sang frais tandis que son arc et sa flèche disparaissaient subitement. L'ombre encapuchonnée se redressa en gémissant de douleur : Comment cela se faisait qu'il y ait du sang à cet endroit ? ! Elle n'avait pas vu de cadavre depuis déjà quelques minutes ! Y avait-il autre chose près d'elle ? Une créature nécrophage ? Elle en avait déjà entendu parler à ce sujet. Tout cela sentait le roussi et ne lui plaisait guère. Lentement, puis de plus en plus vite, elle se mit à courir en direction de la dernière flèche qu'elle avait remarquée sur un arbre. Le protéger à tout prix !

« HUMAIN ! Sais-tu pourquoi je porte ce collier autour de moi ?  SAIS-TU CE QU'IL REPRESENTE ?  » hurla le Gnomold en direction de Tery.

« Non et je t'avoue que sincèrement, je ne m'en préoccupe pas plus que ça. »

« Ce sont les pattes de tout ceux qui ont osés m'attaquer ! Le nombre de pattes représente la puissance de celui qui les porte ! COMPTE-LES ! COMPTE-LES AVANT DE MOURIR ! »

Tery fit un saut en arrière alors que la lame de l'épée longue s'abattait dans l'herbe. Comme s’il n'avait que ça à faire mais bon... Rapidement, son regard émeraude se mit à calculer le nombre de pattes autour du cou du Gnomold qui s'était arrêté, un sourire démoniaque et mauvais sur les lèvres. Cinq ... Dix... Quinze... Vingt ? Il était vrai que les pattes réduites et séchées prenaient moins de place mais quand même, c'était un nombre relativement important.

« Dix ils étaient ! DIX ! DIX à penser qu'ils pouvaient me battre et me tuer ! DIX à croire qu'ils avaient une chance de me tuer pour avoir mon statut de chef ! MOI ! Les trois derniers se sont même mis ensemble pour me faire mordre la poussière ! Comprends-tu humain ? »

Oui, il comprenait... Il était très mal parti mais il ne devait pas reculer. Pas maintenant ! Il n'était pas comme cet homme ! Maintenant qu'il s'était décidé à s'entraîner et à enfin porter des armes pour se battre, il n'avait plus le choix. Une touffe de cheveux bruns se posa sur le milieu de son front. Il prit la parole d'une voix neutre mais légèrement tremblante :
 
« J'ai compris. Tu es simplement au-dessus des autres mais tu n'en restes pas moins un Gnomold. Je vais devoir te tuer. »

« Ne sois pas présomptueux humain ! L'heure de la vengeance a sonné ! »

En fait, il n'avait même pas attendu de dire ça pour foncer vers le jeune homme qui croisa ses deux griffes pour parer le coup du Gnomold d'un mètre cinquante. Il releva la lame de l'épée longue avec sa griffe gauche tandis qu'il tentait de planter celle de droite dans le corps de Parkan. Le monstre s’écria avec rage :

« N'espères pas m’avoir avec des tactiques aussi stupides ! »

Le Gnomold bougea légèrement sur la droite, les lames de la griffe droite ripant contre l'armure de cuir sans le blesser. Parkan fonça tête baissée pour venir percuter le front de Tery avec son propre crâne. Le jeune homme recula en gémissant de douleur, son front étant devenu rouge sans pourtant être ouvert.

Faire mieux que ça... Beaucoup mieux que ça mais quoi faire ? Il n'était pas un stratège et vu l'excitation dans laquelle se mettait le chef Gnomold, il était sûr que ça allait empirer de minute en minute. Et si... En y pensant, c'était une idée tout ce qu'il y avait de risqué mais il n'avait pas à se demander si cela allait mal tourner ou non.

La réponse était toute trouvée et devant l'air stupéfait de Parkan qui n'était plus qu'à quelques centimètres de lui, il se taillada la hanche droite pour faire couler son propre sang sur les lames de sa griffe droite.

« Qu'est-ce que tu fous l'humain ? Tu as décidé d’en finir avec la vie ? Me prive pas de ce plaisir ! C’est moi qui dois te tuer, c’est bien compris ? »

« Une simple tactique stupide. Essayes de voir maintenant ! »

Il projeta son sang sur les yeux du Gnomold pour l'aveugler tandis qu'il s'avançait déjà vers ce dernier pour continuer le combat. Sa hanche droite commençait à le faire souffrir mais il devait contenir sa douleur. Pour l'instant, il devait profiter de la surprise de son adversaire pour le blesser ! Le Gnomold ne semblait pas avoir apprécier sa petite fantaisie :

« Saleté d'humain ! Utiliser une bassesse de ce genre ! »

« Mon but est de tuer et qu'importe les moyens utilisés, j'y arriverais ! »  répondit-il comme pour se donner du courage. ALLEZ ! C’était bientôt terminé !

Le Gnomold se frotta les yeux pour retirer le sang sur ces derniers. Il tentait tant bien que mal de se protéger des griffes mais rien n'y faisait. Les deux griffes de Tery traversèrent un bon nombre de fois la protection de cuir de Parkan pour le blesser. Le Gnomold passa subitement dans un état proche de la folie, de l'écume se mettant à s'écouler de ses lèvres.

« Saleté... SALETE ! D'abord mon fils ! MAINTENANT CA ! »

Le sang avait enfin quitté ses yeux et il pouvait revoir à peu près correctement. Malgré ses blessures sur son torse, il était loin d'être terminé et sa résistance hors du commun devait être l'une des raisons de ses nombreuses victoires. Sans plus attendre, ses deux épées longues rencontrèrent les deux griffes de Tery alors que l'épreuve de force débutait entre eux deux. Les lames et les griffes croisées, les yeux émeraude dans les yeux dorés, ils se faisaient face.

« Votre peuple ne mérite pas de vivre sur cette planète ! Votre existence a perverti les éléments. »  s’écria le Gnomold avec rage, tentant de le pousser.

« Ne raconte pas de sottises pour trouver une raison à ce combat. C'est une lutte pour la survie de l'un d'entre nous ! Si je fais ça, c’est bien car il le faut ! » répondit Tery bien qu’il savait que ses phrases n’avaient guère réellement de sens.

« Tu veux avoir une surprise ? Regardes ça stupide humain ! »

Des veines... Des veines rouges apparurent sur ses deux pattes et Tery retira subitement ses deux griffes. Les deux lames des épées longues tracèrent une croix ensanglantée sur son corps mais peu profonde alors qu'il reculait, surpris. Lorsque les deux épées touchèrent le sol, des flammes parcoururent la zone où ils se trouvaient, l'enflammant subitement pour l'empêcher de s'enfuir. Un cercle enflammé les entourant, le jeune homme balbutia :

« Tu... Tu sais utiliser les éléments ? Je … Comment c’est … »

« IMBECILE ! Croyez vous que vous soyez les seuls à savoir utiliser la magie ! Tout le monde est né avec l'essence de la magie en lui ! Mais chez certaines races, elle est simplement latente ! Et maintenant, montres moi donc ta propre magie ! Tu ne pourras pas t'enfuir ! »

Non … Ce n’était pas normal … Enfin … Peut-être que si … Pourquoi n’y avait-il pas pensé ? Car les autres gnomolds n’avaient pas utilisé la magie contre lui ? Non … Non … Il y avait un problème, un problème majeur et de très grande taille. Ah … ah … Bon … Ce n’était pas tout … Il n’y avait pas que ça … C’était bien différent.

« Et bien alors ? Tu me la montres ta magie ou quoi ? J’attends ! »

« Je ne vois pas pourquoi je l’utiliserai contre une personne comme toi. Tu n’en vaux certainement pas la peine. » dit-il comme pour gagner du temps.

« AH OUI ? Je n’en vaux pas la peine ? JE N’EN VAUX PAS LA PEINE ? »

C’était plus qu’il n’en fallait pour lui ! Il allait lui montrer comment il s’occupait du petit impertinent qui était en face ! Cet humain … Ce pathétique humain … qui avait tué son fils ! Sa chair ! Comment un être inférieur comme lui était capable d’une telle chose ? Si il ne savait même pas … AH ! C’était ça !

« Tu n’as même pas de magie ! Tu ne sais pas utiliser ta propre magie ! Et tu es étonné que d’autres en soient capables ? Tss … T’es vraiment risible ! » répondit le Gnomold avec un sourire narquois aux lèvres. C’était donc parfait ! Une nouvelle parfaite ! Il allait donc en profiter pour briser le corps du jeune homme, morceau par morceau. Oh oui … Il allait souffrir longuement et atrocement avant de mourir.
« Modifié: 04 janvier 2012, 19:02 par ChibiShiroiRyu »

ChibiShiroiRyu

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04 janvier 2012, 19:03
(Bon ben 4 chapitres par post)

Chapitre 9
Chapitre 9 : Mis à bout de nerfs

Sa propre magie ? Le Gnomold venait de prendre un sérieux avantage mais jamais il ne se serait douté que celui-ci était capable d'utiliser la magie ! Il n'aurait pas dû louper les cours toutes ces années. Peut-être aurait-il alors su qu'ils n'étaient pas les seuls à être liés aux éléments ? Les flammes qui entouraient la zone ne semblaient pourtant pas si dangereuses : Les arbres ne se consumaient guère, chose étonnante alors qu'il sentait la chaleur des flammes sur son corps. Sa tenue noire et déchirée collait à sa peau, son sang se mettant à bouillir tandis qu'il tentait de garder son calme.

Qu’est-ce qu’il pouvait faire ? Qu’est-ce qu’il pouvait faire ? Il n’y avait pas cinquante moyens pour réussir à le battre ! Le Gnomold s’était lancé vers lui, cherchant à donner des coups avec ses deux épées longues. Comment est-ce qu’il arrivait à se battre avec ces armes d’ailleurs hein ? HEIN ? Le monstre était là, respirant assez bruyamment tandis qu’il gardait de la distance par rapport à lui. Il poussa un cri de surprise lorsque le Gnomold lui envoya l’une de ses lames, le faisant sauter en arrière, au point de sentir les flammes lui lécher le dos. OHHHH ! BON SANG ! Il devait se reprendre ! D’ailleurs … Il remarqua quelque chose concernant le monstre qu’il affrontait.

Le Gnomold semblait plus fatigué qu'auparavant : Visiblement, utiliser ce sort l'avait affaibli mais il n'était pas encore sur le point de défaillir. Tenant l'unique épée longue qui lui restait dans sa main droite, il se mit en position d'attaque avant de donner un coup de pied dans la griffe de Tery pour la projeter dans les flammes. Un contre un, une unique arme et la température qui augmentait de minute en minute. En plus d'être exténuant physiquement, le combat venait de prendre une tournure psychologique pour savoir qui allait s'évanouir le premier à cause de la chaleur.

« Des flammes ? Qu'est-ce que des flammes font ici ? Ca ne peut pas être de la part de Tery quand même ! » s’écria la personne masquée en remarquant les flammes au loin.

L'ombre encapuchonnée s'arrêta de courir avant de regarder le ciel qui avait pris une teinte orangée. Nul doute que Tery était là-bas, son intuition était là et elle lui faisait confiance. Elle se remit à courir avant d'arriver à quelques mètres d'un mur de flammes qui ne semblait pas brûler les arbres tout en empêchant quiconque de les passer.

C'était de l'excellent travail de la part du lanceur mais ça ne pouvait pas être Tery qui avait fait ça. Comment aurait-il pu réussir une telle chose ? ! Elle se mit à tourner autour des flammes pour tenter de trouver une ouverture mais rien n'y faisait. Des lignes blanches apparaissaient sur son bras alors qu'elle pointait son arc en direction des flammes. Une flèche entourée d'une aura bleue pénétra les flammes, les gelant.

Quelques secondes après, les flammes éclatèrent en morceaux, laissant apparaître le combat qui se déroulait à l'intérieur. Les yeux saphir de l'ombre encapuchonnée se fixèrent sur le jeune homme avant qu’elle ne crie :

« TERYYYYYY ! Mais qu'est-ce que tu fais ? »

Cette voix...Il ne rêvait pas ! Il ne rêvait pas ! Il tourna son visage vers la provenance des cris, remarquant enfin la raison de cette chasse aux Gnomolds. L'Ombre encapuchonnée se tenait devant lui ! Il n'eut le temps que de voir le visage masqué de la personne avant que les flammes ne reprennent consistance autour de lui.

« Tu devrais éviter de regarder ailleurs ! »  hurla une voix derrière lui.

MERDE ! Il avait complètement oublié le Gnomold sur ce coup et il sentit la lame de l'épée longue qui venait lécher sa hanche gauche, lui extirpant un cri de douleur. Il griffa la hanche de son adversaire avant de le pousser d'un coup de pied pour le faire reculer. Il s'était concentré pour ne pas tomber dans l'inconscience. Il avait mal...si mal... mais maintenant, elle était là. Il s’écria avec un peu de réconfort :

« L'Ombre ! Même si tu ne peux pas voir, regardes moi ! Je vais le battre et tu seras fière de moi ! Tu n’as pas à t’en faire pour moi ! Ca ne sera pas très dur ! »

Quoi ? ! Il faisait tout ça pour montrer à quel point il était devenu fort ? Mais c'était quoi cette pensée complètement stupide ! Elle s’égosilla de toutes ses forces :

« Essayes surtout de rester en vie TERY ! Je vais trouver une solution pour venir t’aider ! »

« Tu as entendu ce qu'elle a dit ? Je ne peux pas mourir maintenant désolé ! » reprit Tery en s’adressant au Gnomold. Ah … Bon … Se concentrer … et ensuite, il verrait quoi faire contre ce monstre plus qu’hideux.

Parkan ne lui répondit pas. Le jeune homme se mit à courir vers lui avec son unique griffe à la main gauche. L'humain avait une idée en tête mais laquelle ? Son regard émeraude semblait si déterminé maintenant ! La personne qui s'était adressé à lui, qui était-elle ? ! Il reculait tout en se protégeant. Il valait mieux prendre ses précautions, il aurait mieux fallut qu’il se méfie un peu plus de cet humain.

Elle était là... ELLE ETAIT LA ! Et elle était proche de lui ! Cette ombre qui lui avait tout appris ! Dès qu'il allait en terminer avec Parkan, ils allaient enfin pouvoir se reposer mais... Et l'argent ? Il était tellement fatigué et exténué qu'il n'y pensait plus. Savoir que l'Ombre allait remarquer ses progrès était la chose la plus importante à ce moment. Mais au passage... Pourquoi était-elle là ? Qu’est-ce qu’elle faisait ici ? Et en même temps … Depuis quand est-ce qu’il se montrait aussi motivé pour cela ? C’était quand même … surprenant de sa part.

L'heure n'était pas à se poser des questions inutiles et il utilisa ses dernières ressources pour repousser le Gnomold de plus en plus en arrière. Celui-ci reculait difficilement, parant les nombreux coups de griffe tandis qu'il sentait une chaleur qui se rapprochait dans son dos. Il n'eut que le temps de deviner l'idée de Tery que celui-ci pencha la tête en avant pour le projeter dans les flammes en le poussant avec ce qui lui restait de souffle.

Mais ce n'était pas terminé et dès l'instant où Parkan s'enfonça dans les flammes, il en ressortit aussitôt. Des flammes le recouvraient de la tête aux pieds alors que son bonnet et ses habits se mirent à brûler. Il hurla en s’approchant du jeune homme :

« NONNNNNN ! NONNNNNN ! CA BRÛLE !  JE... »

La griffe gauche se planta dans la bouche du Gnomold qui tressaillit sur le coup tandis que les flammes disparaissaient peu à peu autour des deux personnes. Il retira lentement sa griffe tandis que le corps de Parkan tomba sur le sol, brûlé sur une majeure partie. Les flammes sur son corps avaient disparu en même temps que les autres et le jeune homme tomba à genoux en reprenant son souffle. Il cracha plusieurs fois du sang alors que l'ombre encapuchonnée se retrouvait déjà près de lui, lui criant dessus :

« Imbécile ! Je peux savoir pourquoi tu as fait ça ? »

Elle connaissait la réponse mais avait besoin de l'entendre de la part du jeune homme. S’il s'était tué, tout aurait été résolu et elle n'aurait pas eu à s'en faire mais ce n'était pas ce qu'elle voulait ! Il sourit difficilement avant de ne pas répondre, prenant l'épée longue encore chaude du sang du monstre. Il ne ressentait même plus la douleur et il coupa les deux pattes du Gnomold avant de murmurer d’une voix lente :

« Pour ça. Mais je n'en ai pas assez pour cette semaine. Il faudra y retourner demain mais je suis fatigué un peu. Il faut que je me repose comme ça, dès dem… »

Un poing vint le frapper au niveau de la joue gauche, le jeune homme ne comprenant pas ce geste avant de se sentir secoué comme un prunier. L'Ombre encapuchonnée semblait n’en avoir rien à faire de l'argent mais pour lui, cela avait une importance relative.

« Si c'est un problème d'argent, c'est à moi de le régler ! C'est MOI qui t'ai mis dans cette galère d'accord ? Et tu n'as pas besoin de rejoindre l'armée de Midès pour ça ! » s’écria l’être masqué de blanc, continuant de le secouer sans chercher à l’écouter.

« Co...Comment es-tu au courant ? »  dit-il avec étonnement, ne sachant pas où se mettre alors qu’il regardait à gauche et à droite. Il avait repris subitement quelques forces à l’écoute de ces paroles, se demandant ce qu’elle allait lui faire.

« Il parait qu'un jeune homme complètement arriéré a décidé de se rendre dans la grotte se trouvant dans le petit désert à l'Est de la capitale ! »

« Ha...Ha... On parle de moi mais sinon... Dis ? Tu trouves que j'ai fait du bon travail ? Regarde à l'intérieur de mon sac. J'ai... J'ai... »

Il ne finit pas sa phrase, trop fatigué pour ça alors qu'elle le souleva sans ménagements, prêtant une extrême attention à ne pas le blesser encore plus. Elle était plus petite que lui et le porter sur son dos était une chose bien difficile mais grâce à sa propre magie, elle était capable de soulever des charges plus lourdes qu'elle. Elle avait récupéré le collier du Gnomold et l'avait mis dans le sac sans se préoccuper de ce dernier. Le sac sur le dos de Tery, elle s'éloignait peu à peu dans la forêt, sachant où se rendre pour se sortir de cet endroit. Une dizaine de minutes plus tard, une masse sombre rampait sur le sol en direction du cadavre de Parkan, enveloppant légèrement ses pieds avant de le traîner dans les bois en disparaissant, une ligne rouge de sang marquant la présence. Un petit bruit de mâchonnement et de quelque chose que l'on avalait puis plus rien.

« Bon dieu de bon sang de...Mais qu'est-ce qui s'est passé ? ! Les gars ! Faites attention ! » dit l’un des gardes alors que l’être masqué tenait Tery sur son dos, celui-ci ne semblant plus conscient, trop fatigué par l’effort utilisé pendant le combat.

« Il vous a écouté voilà tout bande d’idiots ! JE VOUS L'AVAIS DIT QU'IL N'ETAIT PAS ENCORE PRÊT ! MAIS ON NE M’ECOUTE PAS ! »

L'ombre encapuchonnée s'écriait avec véhémence et colère envers les quatre hommes, ces derniers détournant le regard d'un air gêné et coupable. L'un d'entre eux s'approcha de l’être de petite taille et de Tery sur son dos. Il s’apprêtait déjà à l’épauler mais l’être masqué semblait vraiment énervé. Il cria à nouveau :

« Laissez-moi passer ! Je vais m’occuper de lui ! »

« Mais il a besoin de soins, nous allons t’aider. » répondit l’un des gardes.

« Je vous ai dit de me laisser passer ! Vous êtes sourds ou quoi ? Je me fais pourtant très bien comprendre ! LAISSEZ-MOI PASSER MAINTENANT ! »

« Ohla ! Du calme ! Vas-y, fais ce qu'il te dit, on ne va pas l'énerver encore plus. » murmura l’un des gardes à celui qui tentait de parler avec la personne masquée.

Les gardes les laissèrent passer. Tery sur son dos, l’être masqué de blanc de petite taille pénétra dans Midès. L'un des gardes s'apprêtait à l'accompagner le long du chemin tandis qu'elle dirigea son regard saphir vers lui, son masque blanc étant la seule chose qui ne trahissait pas son émotion :

« Qu'est-ce que vous faites ? Je pensais avoir signalé que je voulais être le seul à m’occuper de lui. C’est à cause de vous s’il est dans cet état ! »

« Voir un individu qui porte un masque et un homme blessé gravement sur son dos, tu penses que tu passeras inaperçu ? Je t'accompagne jusqu'à votre auberge et je te laisse t'occuper de lui ! Je ne sais pas quels sont vos relations à tout les deux mais ça m'a l'air vraiment bizarre et tordu ! S’emporter de la sorte … C’est un peu inquiétant en un sens. »

Qu'il se taise... QU'IL LA BOUCLE ! Tout son corps s'était mis à réagir lorsqu'elle l'avait vu dans cet état ! Elle ne comprenait pas sa réaction à la base, surtout cet énervement mais voir le jeune homme comme ça... Elle ne savait pas ce qui la retenait de tout détruire autour d'elle. C’était affolant en un sens de s’emporter de la sorte. Après une dizaine de minutes où toutes les têtes se tournèrent vers eux, ils arrivèrent à l'auberge. Le soldat était prêt à abandonner l'ombre encapuchonnée et Tery sur son dos avant qu'elle ne donne un violent coup de pied dans la porte pour l'ouvrir. Les personnes à l’intérieur la regardèrent, médusées.

« Mais qu'est-ce que ça veut dire ? » demanda l’aubergiste en s’approchant d’eux.

« Je préviens : UNE SEULE... Je dis bien UNE SEULE... personne s'approche de lui pendant qu'il est blessé et je la tue sans prévenir. Quand à vous monsieur Rank, vous êtes satisfait du résultat ? Voilà ce que cela donne quand on parle d'un problème d'argent à quelqu'un qui n'a pas les capacités pour en gagner ! » annonça avec véhémence l’être masqué de blanc

Elle remonta sans jeter un seul regard à l'aubergiste, ses pas résonnant dans le bâtiment alors qu'elle rentrait dans sa propre chambre, déposant le jeune homme à l'intérieur. Elle avait retiré le sac de son dos pour le jeter dans un coin avant de fermer la porte de sa chambre. Elle allait devoir s’occuper de lui pendant quelques temps, pour qu’il puisse récupérer. Mais quel idiot ? MAIS QUEL IDIOT ! Qu’est-ce qu’il lui avait pris de faire une telle action ? Au moins … Si … Il lui en avait parlé.

« On peut m’expliquer un peu ce qui se passe ? » dit l’aubergiste, un peu décontenancé par tout ce qui se passait. Le soldat était resté dans l’auberge, n’ayant pas vraiment d’autres possibilités que de raconter brièvement tout ce qui venait de se dérouler.

« Disons que le gamin a voulu aider son ami. Je ne sais pas vraiment ce qu’il y a comme problème avec cette auberge mais … »

« Un souci financier … Ils n’ont bientôt plus de quoi payer, je l’ai signalé à Tery. »

« Ce n’était pas la meilleure des idées si vous voulez mon avis. » reprit le soldat avec les paroles de l’aubergiste. Celui-ci ne put qu’acquiescer, reconnaissant son erreur. Il avait forcément appris au fil des journées que Tery n’était encore qu’un débutant et que c’était cette personne masquée qui s’occupait de lui. Il aurait dû simplement en parler avec cet être masqué de blanc et c’était tout. Maintenant, il s’en voulait.

« Ce qui est fait … est fait. Si c’était plus grave que ce qu’il parait … » commença à dire l’aubergiste, pris de remords à l’idée que Tery soit plus blessé que prévu.

« Ce n’est pas entièrement de votre faute. Il aurait mieux fallut qu’il prévienne son ami avant de partir. Mais … Bon … Il vaut passer à autre chose. Je vais repartir vers mon poste de garde. » dit le soldat en saluant les personnes présentes.

« Pour ma part … Je vais essayer de penser à autre chose. » termina de dire l’aubergiste, retournant accueillir de nouveaux clients.

Pourquoi s'était-elle autant énervée en voyant le jeune homme blessé dans cet état ? Elle ne comprenait pas... Non ! Il n'y avait aucune explication logique à ses paroles ! Oui, elle aurait été inquiète et préoccupée en voyant ce qu'il avait et ses nombreuses blessures mais pas énervée ! Elle déposa le jeune homme sur le lit, observant ses blessures alors qu’il était évanoui. Ah … Le pauvre … Le pauvre … Le pauvre … Elle s’en voulait terriblement pour ce qui s’était passé. Quelle idée … Quelle idée de ne pas avoir accepté de faire l’entraînement quotidien. Elle allait chasser les gnomolds à son tour pour leur permettre de vivre encore quelques semaines dans cette auberge. Elle n’était pas luxueuse mais elle avait un coût.

« Je vais devoir …  utiliser ma magie sur toi, n’est-ce pas ? » murmura l’être masqué avant de concentrer et faire apparaître des lignes blanches sur les paumes de ses mains.

Elle commença à insuffler sa magie sur les blessures trop apparentes du jeune homme, celles-ci disparaissant peu à peu pour laisser place à une peau neuve. La fatigue n’allait pas quitter son corps comme cela, loin de là même. Mais bon … Le plus important était le fait qu’il soit en sécurité et surtout hors de danger.

« Mes félicitations … Tery … Tu as fait de merveilleux progrès au passage. Je devrais te faire plus confiance … car tu as de grandes capacités, trop grandes même. J’ai peur de ce que l’avenir nous réserve à tous les deux. »

Mais pour cela … Elle devait oublier de penser à ce qu’elle avait reçu il y a quelques jours. Maintenant, ce n’était plus que le passé … Elle devait tirer un trait sur ce dernier. Enfin non … C’était impossible pour elle. Impossible ! Elle ne devait pas mélanger tout ! Elle allait tout faire … pour trouver un moyen de s’arranger, voilà tout. Les lignes blanches disparurent tandis que le jeune homme n’avait maintenant plus aucune blessure sur le corps. Il était en parfaite santé … Il fallait juste qu’il se repose.

« Et maintenant … Que suis-je sensé faire ? Veiller sur toi ? Après ce que tu as fait ? Je ne sais pas vraiment si tout cela est une bonne idée … Enfin si … Surement … Mais quand même, pourquoi avoir commis un tel acte ? Si tu avais été plus raisonnable, tout aurait été bien meilleur … Sincèrement … J’ai du mal à te comprendre quelques fois. »

Mais bon … Ce n’est pas comme s’il allait lui répondre. Ahhhh … Bon … Qu’est-ce qu’elle allait faire en attendant ? Ah bien sûr. Quelle idiote ! Elle avait complètement oublié la raison pour laquelle il s’était enfoncé dans la forêt ! Elle ouvrit le sac du jeune homme, retirant les nombreuses pattes de gnomold avant de soupirer :

« Vraiment … Et tu n’as pas pensé au sang ? Maintenant, il est complètement taché de l’intérieur … Vraiment, vraiment, vraiment … Tery. »

Mais bon ! Il en avait quand même collecté un certain nombre, il fallait le reconnaître. C’était étonnant de sa part … mais en même temps, il était fier des progrès du jeune homme ! C’était vraiment stupéfiant de voir à quel point le jeune homme avait évolué. Réussir à tuer autant de gnomolds … Dont un chef. D’ailleurs, les pattes séchées qu’elle avait dans ses mains … Peut-être que la guilde serait intéressée par un tel achat ? Il y avait des chances … Peut-être que dans le fond … Avec tout cela …

« Peut-être que l’on va avoir assez d’argent pour l’auberge ? Si tel était le cas … Alors, nous serions sauvés pour la semaine … Au minimum. Mais surtout … Surtout … Cela voudrait dire que tu as réussi ce que tu voulais. »

Et donc, tout changerait … car il était hors de question qu’il recommence une telle aventure sans lui ! OH QUE OUI ! Car sinon, il risquerait de se mettre en colère ! Mais pour l’heure, il allait peut-être devoir ramener ces pattes à la guilde pendant que le jeune homme se reposait. Alors qu’il s’approchait de la porte pour l’ouvrir, plusieurs coups se firent entendre en même temps qu’une voix qui les accompagnait.

« Dites … J’ai reçu une lettre adressé à la personne masquée de blanc. C’est exactement les termes utilisés … Comme il n’y en a qu’une seule, je me suis dit que ça ne pouvait être que vous non ? Euh … Sinon … Comment est-ce qu’il va ? » demanda la voix de l’aubergiste, facilement reconnaissable et un peu inquiète de la suite des évènements.

« Je croyais avoir dit que je ne voulais pas être dérangé, non ? Enfin … Il se repose et il va mieux. Mais la prochaine fois que vous lui dites une telle chose, je ne serai pas aussi clément, d’accord ? Donnez la lettre par-dessous … Je vais la lire. » répondit l’être masqué de blanc alors que quelques secondes après, une lettre passa sous la porte.

« Alors … Je ne vais pas vous déranger plus que ça … Au cas où, si vous avez besoin que je ramène vos repas, c’est la moindre des choses. Je comprendrai que vous vouliez veiller sur lui … Je parle un peu trop, je me retire. »

« Vous faites bien … Merci pour la lettre. » termina de dire la personne encapuchonnée avant d’écouter les bruits de bas qui s’éloignaient de la porte.

Sa colère s'estompa alors qu'elle observait le sceau qui retenait fermée cette enveloppe. Une réponse ? Une réponse à cette question ? ! Elle observa le jeune homme endormi dans son lit, passant sa main gantée de rouge sur son visage pour le caresser. Elle se dirigea vers l'enveloppe pour l'ouvrir avant de briser le sceau, retirant une lettre de couleur bleue. Ses yeux saphir se fermèrent alors qu'elle lisait le message simple mais court : Non... L'Oracle l'avait décidé. Elle n'avait donc pas le choix. Lentement, son regard bleu se posa sur Tery alors qu'elle refermait la lettre. Elle déposa celle-ci sur le bureau, ouvrant un tiroir avant de la mettre à l'intérieur. A l'heure actuelle, il n’avait pas besoin d'être au courant. Elle s'agenouilla devant Tery en lui murmurant :

« Je vais veiller sur toi en attendant ton réveil. Après... »

Elle poussa un long soupir derrière son masque avant de se relever, regardant par la fenêtre, la population qui marchait dans la rue comme des êtres insouciants de leurs sorts. Elle se retourna pour observer le jeune homme aux cheveux bruns couché dans son lit. C’était si compliqué … vraiment trop compliqué. Le jeune homme n’était même pas au courant de ce qui se tramait. C’était cela le pire … ne pas savoir ce qui risquait de lui arriver.

« Après... Nous verrons bien. Reposes toi bien. En attendant, je vais aller voir ce que je peux retirer de ce que tu as fait. Tu n'avais pas besoin de faire ça, tu es un vrai imbécile... Un imbécile qui ne peut pas comprendre ce qui se passe autour de lui. » murmura l’être masqué de blanc. C’était cela … le plus gros problème.

Elle posa sa main sur le front du jeune homme, lui caressant sa petite mèche de cheveux bruns avant d'observer le sac. Elle l'ouvrit pour sortir les cinq livres sur les éléments et les sorts de base liés à ces derniers. Il semblait s'intéresser tellement à ses études...Pourquoi avait-il fallut plus d'un mois pour qu'il se comporte enfin comme ça ? Il y avait tant de choses inexpliquées et si peu de temps. Bientôt...Tout allait se terminer. Elle prit le collier de vingt pattes miniatures et séchées de Gnomold pour l'observer, un faible sourire dessiné derrière son masque blanc. Elle chuchota faiblement :

« Avec tout ceci … Normalement … Nous devrions tenir quelques semaines, oui. Merci pour tous tes efforts, Tery. Mais pourquoi as-t-il fallut que … »

Pourquoi as-t-il fallut qu’il tombe sur lui ? Il aurait pu avoir une meilleure vie … Enfin, une vie plus tranquille. Là, avec lui … Il allait au-devant de gros ennuis. Il suffisait de voir ce qui venait de se passer. Une main posée sur le masque, l’être masqué reprit :

« Sincèrement … Si nous devons … continuer ainsi … Il aurait mieux valu ne jamais se connaître. Je crois qu’il faut réellement que je m’éloigne … pour quelques temps. Je te laisse dormir, Tery. Repose-toi bien. »

C’était le mieux qu’elle pouvait lui dire. Prenant les pattes de gnomolds pour les remettre dans le sac ainsi que le fameux collier, elle s’approcha de la porte de la chambre. Elle l’ouvrit, quittant la pièce quelques secondes plus tard.

Si elle … pensait à autre chose, peut-être qu’elle aurait moins … de scrupules à accomplir un tel acte plus tard. Mais … Pour l’heure, c’était beaucoup trop difficile. Surtout après ces derniers évènements. Le jeune homme … avait fait tellement d’efforts.

Chapitre 10
Chapitre 10 : Faire la paix

Il tenta d'ouvrir ses yeux mais n'y arrivait pas. Ses paupières étaient lourdes, bien trop lourdes et il tentait de « sentir »  où il était. Déjà, ce n'était pas la forêt d'après le brouhaha qu'il entendait autour de lui. Du moins, c'était assez lointain donc il se trouvait dans une pièce mais après … Hein ? Qu’est-ce que …

« Comment va-t-il ? » murmura une voix masculine.

« Je croyais avoir dit que je ne voulais pas vous voir ici ? »  répondit aussitôt une voix qu’il reconnut comme celle de la personne masquée.

« Je suis quand même l'aubergiste, sachez-le ! Il est de mon devoir de savoir comment vont mes clients ! Surtout quand je suis en partie responsable de leur état. »

« Mais surtout un sacré imbécile ! Il ne s'est toujours pas réveillé depuis plus de quatre jours et je veille sur lui ! Merci, au revoir, et retournez faire votre travail ! Je fais le mien, voilà tout ! » s’exclama l’être encapuchonné après la voix de l’aubergiste.

Ces deux voix, elles discutaient de lui. Cela voulait-il dire qu’il … Ah oui ! Il était de retour à l'auberge ! Pourquoi n'arrivait-il pas à bouger ? Et qu'est-ce qui s'était passé depuis l'épisode de la forêt ? Il entendit une porte qui se claqua avec violence puis des bruits de pas qui se dirigeaient vers lui :

« Je ne ferais rien en attendant. Qu'importe ce que l'Oracle a dit. Voyons comment vas notre blessé depuis plus de quatre jours. Quand même … Autant de temps … Il veut me rendre fou ou quoi ? J’espère qu’il va bientôt se réveiller. »

L'ombre encapuchonnée se rapprocha de lui, une bassine d'eau dans ses mains tandis qu'il restait immobile. Peut-être qu'il pouvait se permettre de ne pas signaler qu'il était déjà réveillé. Elle retira sa couverture avant de passer la compresse sur le corps pour nettoyer son torse en sueur, le jeune homme tentant de contrôler ses tremblements.

« Tu es réveillé, n'est-ce pas ? »  murmura la personne masquée de blanc.

« Je ne suis pas doué pour la discrétion... AIE ! » s’écria t-il en gémissant de douleur.

« Hihihi, reste donc tranquille pendant que je m'occupe de toi. Tu ne pourras pas bouger pendant toute une semaine alors le mieux est que tu te laisses faire. Enfin … Maintenant, il ne te reste plus que trois jours à patienter. »

« Aucun souci, si tu veux bien me raconter ce qui s'est passé ici et pourquoi j'ai les yeux bandés ? »  murmura-t-il, ayant finalement compris ce que cela voulait dire.

« Pour t'éviter toute fatigue. Je t'ai déjà répété que les soins ne sont pas toujours optimaux. Tu n'as plus de blessures mais ton corps est affaibli. »

Elle le retourna avec délicatesse tandis qu'il ne répondait pas : Ainsi, il avait été soigné et elle s'était occupée de lui pendant plusieurs jours. D'après ses dires, il en avait encore pour une demi-semaine. Enfin … Bref … Il n’avait pas grand-chose à faire pour les prochains jours. Pourtant, plusieurs questions le taraudaient et pas des moindres.

« Et la récompense ? Et les pattes des Gnomolds ? Et le loyer pour payer les chambres. »  demanda t-il à la suite, cherchant à obtenir les réponses le plus rapidement possible.

« Tu es dans ma chambre, on en paye qu'une seule pour cette semaine. Tu devrais éviter de te soucier de tout pour une fois. » répondit la personne masquée.

« Mais je suis avec toi non ? Je dois m'occuper de l'argent aussi ! »

« Mais pourtant... Tu voulais rentrer dans l'armée de Midès n'est-ce pas ? »

Aie... Elle était au courant. Il resta muet pendant qu'elle finissait de lui nettoyer le dos. Elle remit la couverture sur son corps avant qu’il n’entende le bruit d'une chaise que l'on déplaçait. Est-ce qu'elle lui en voulait ? Allait-elle lui dire ses quatre vérités ? Le ton à travers le masque blanc n'avait rien d'agressif, il était même doux tandis qu'il se mit à tressaillir. C’était encore pire que prévu.

« Tu ne veux pas répondre, je comprends. Tu sais, je ne peux pas te forcer à faire ce que tu n'aimes pas. Si tu ne veux pas rester avec moi, ce n'est pas un souci, je pourrais me retirer et partir d'ici. »  chuchota l’être camouflé par sa cape brune.

Encore une fois, il n'ouvrit pas la bouche. Il écoutait les paroles de l'ombre encapuchonnée pour les graver dans sa mémoire. Au départ, il voulait rentrer dans l'armée car il s'était émerveillé comme un gamin devant les deux personnes qui avaient réussi à le protéger. Il avait même oublié la raison première de son refus de s’entraîner à la magie et au combat. Mais la seconde fois, lorsqu'il s'était présenté devant le recruteur, pourquoi avait-il fait ça ? La réponse se trouvait assise sur une chaise, juste à côté de lui.

« J'ai perdu presque deux mois à t'apprendre à combattre et à utiliser des sorts de base. Nous n'avons même pas terminé ces derniers et j'espère que tu voudras bien continuer à apprendre. Enfin … Personnellement, je ne trouve pas que cela est une perte mais bon. Et si tu veux, quand tu iras bien mieux, ah non... Désolé, rien du tout. »

Il se tut, c'était l'unique chose à faire depuis qu'il était couché dans ce lit. Le monologue de l'ombre encapuchonnée l'étonnait tout en lui faisant légèrement mal au coeur. Elle semblait si triste et troublée comme si elle ne savait pas où elle devait se rendre. Sur une note un peu plus joyeuse, elle reprit en s’adressant à lui d’une voix tendre :

« Pour les pattes des Gnomolds, disons que... Grâce à toi, la guilde des magiciens a été forte contente d'avoir ses petites pattes de Gnomolds séchées. Elle les a reprises pour vingt-cinq pièces d'or les dix ainsi que deux pièces d'or pour les autres. Elles sont très rares ces petites pattes séchées tu sais ? Ils n'ont pas besoin de les transformer comparé aux pattes « naturelles », c'est pourquoi elles valent plus chères que les autres. Bien entendu, seuls les Gnomolds savent créer ces pattes séchées aussi bien. »

« Nous devrions faire d'autres chasses aux Gnomolds alors. Qu'en penses-tu ? Si nous arrivons à trouver d'autres chefs Gnomolds, alors … »

« NON ! TU NE FAIS PLUS RIEN JUSQU'A NOUVEL ORDRE ! » s’écria aussitôt la personne masquée, le faisant sursauter sur le coup.

La chaise tomba au sol alors que l’être encapuchonné s'était relevé. Un second objet résonna après la chaise, quelque chose d'autre était tombé mais quoi ? Il ne savait pas ce que c'était mais le fait que l'ombre encapuchonnée poussa un petit cri de surprise lui signala que c'était assez important. Mais ce cri... Il semblait si différent de sa voix habituelle, était-ce vraiment la même personne à côté de lui ?

« Qu'est-ce qui est tombé ? » demanda-t-il avec lenteur, espérant avoir une réponse.

« Rien du tout ! Et je t'interdis de partir à la chasse aux Gnomolds dorénavant ! »

« Et de quel droit tu te permets ça ? Tu n'es pas mon père ou ma mère que je sache. Si je veux t'aider à gagner de l'argent, tu dois me laisser t'aider. Ce n'est pas si difficile à comprendre. »  répliqua aussitôt, un peu en colère à cause de tout cela.

« Mais je ne veux pas que tu sois en danger ! Tu es encore si peu expérimenté ! » dit la personne masquée de blanc, le jeune homme semblant le prendre très mal de son côté. Il s’écria aussitôt avec un peu de colère dans la voix :

« Et ce n'est pas en restant couché dans un lit que je pourrais m'améliorer ! Pourquoi tu ne veux pas comprendre ? ! Je ne suis pas un gamin ! »

« Je ne veux pas que tu meures voilà tout ! C'est si stupide de penser ça ? Contrairement à toi, je sais me battre, je pourrais faire rentrer de l'argent alors que toi, tu as encore tant de choses à rattraper ! Tu ne crois pas devenir un soldat en quelques mois ? Tu penses vraiment que tu as pu accumuler plusieurs années de cours avec moi ? Je ne suis pas un professeur ! Ne l’oublie pas hein ? D’accord !  C’est compris ? NE L’OUBLIE PAS ! »

« La conversation est terminée. » conclut-il en commençant à se remettre correctement dans le lit, l’être au masque blanc s’exprimant :

« NON ! Elle n'est pas terminée ! Pas du tout ! Tu vas m’écouter maintenant ! »

Elle avait remis son masque blanc sur son visage alors qu'elle approchait ce dernier vers Tery. Le jeune homme senti le souffle chaud de la personne sur son visage. Les yeux saphir observaient avec énervement le bandage qui recouvrait les yeux du jeune homme. Ah … Ce n’était pas difficile de cerner cette personne. Il murmura :

« Tu es énervé. Ca s'entend à mille lieux. Je veux continuer à m'améliorer que tu le veuilles ou non et un jour, alors, je pense que je ferai ça, oui. Un jour … »

« Tu iras rejoindre l'armée de Midès comme tu le désires tant et donc tu ne pourras plus me voir. C’est bien ça ou alors je me trompe ? » chuchota la personne en face de lui.

« C'est quoi ce que tu me fais là ? On dirait presque une plainte. Pourquoi tu n'irais pas rejoindre l'armée avec moi ? Ce n’est pas une mauvaise idée non ?

« J'ai des choses plus importantes à faire moi ! Normalement, je ne devais pas rester plus d'un mois dans ce royaume et partir à la recherche des médaillons ! Je ne pense pas qu'à moi ! Tu m'appelleras si tu as besoin de moi, je m’en vais ! » termina de dire la personne encapuchonnée alors qu’il se demandait ce qui se passait avec elle.

Elle se releva à nouveau de sa chaise, visiblement furieuse d'entendre ce genre de propos de la part de Tery. Elle se dirigea vers la porte mais fut soudainement prise par le bras droit. La main gauche de Tery tira l'ombre encapuchonnée vers lui, celle-ci posant ses deux mains sur son torse recouvert par la couverture pour ne pas tomber sur lui.

« Mais qu'est-ce que tu fais ? Est-ce que je peux avoir une explication ? » demanda l’être masqué de blanc, cherchant à se retirer de cette position.

« J'ai besoin de toi, c'est tout ! Je peux t'avouer quelque chose ? J'ai du mal à me dire que je devrais me passer de toi un jour. Dit comme ça, ça semble parfaitement bizarre voir même un peu … saugrenu mais j’en suis peu à peu sûr de ce que je dis. Tu es quelqu’un d’exceptionnel et  qu'importe si tu es un garçon ou une fille mais depuis que tu es là, il ne m'arrive que des choses vraiment ... étonnantes je dirais. »

« Ne dis pas de bêtises et lâches moi ! Tu ne devrais pas t'attacher à un inconnu d'accord ?  Qui te dit que je ne te manipule pas depuis le début ? J'ai peut-être besoin d'un futur pantin non ? Voir même … Je suis encore plus inquiétant que tu ne le crois. »

Il retira sa main du bras de l'ombre encapuchonnée qui se redressa pour marcher en direction de la fenêtre, l'ouvrant pour jeter un oeil sur les personnes qui marchaient dans la rue. Qu'est-ce qui lui avait pris de dire ça ? Mais c'était vrai ! Il ne savait rien de sa mission à part l'histoire des médaillons. Oui … Il ne savait rien de sa personne.

Qu'est-ce qui lui prenait de s'énerver comme ça ? Pourtant, il disait la vérité à son sujet : Il aurait du mal à se séparer de l'ombre encapuchonnée actuellement. Son maître d'armes et son professeur de magie, c'était ce dont il avait le plus besoin en ce moment. Il poussa un léger soupir amusé avant de prendre la parole :

« Tu n'es pas comme ça. Ca serait à moi de m'excuser. Tu sais pourquoi j'aie voulu m'entraîner ? Pour rejoindre l'armée de Midès AVANT même que je sache pour les problèmes d'argent. Voilà tout. Mais ce n’est pas tout, je vais tout te raconter comme ça tu comprendras ce que je veux dire par là, d’accord ? »

Hein ? Il se moquait d'elle ? L’être masqué se retourna vers lui avant de s'approcher tandis qu'il restait immobile dans le lit. Autant tout lui dire maintenant avant qu'il ne soit trop tard. L'armée de Midès pouvait bien attendre … pour l’instant.

« J'ai été sauvé par deux soldats il y a quelques temps. Tu sais, quand je me suis emporté, que je t’ai donné un coup de pied et que j’ai quitté l’auberge. J'ai été agressé dans la rue par des voleurs et deux soldats m'ont sauvé. A partir de là, j'aie voulu devenir comme eux. Tu sais, comme les enfants qui veulent devenir comme les héros dans les livres. Ou du moins ceux qui ont sauvé leurs vies après un terrible incendie ou autre évènement catastrophe. »

« Tu n'es qu'un gamin. » murmura avec lenteur la personne en face de lui.

« Exactement héhéhé ! Dire que je voulais rejoindre l'armée pour ça. Mais j'étais beaucoup trop faible, or, je savais que tu m'aiderais volontiers donc j'ai un peu abusé de ta personne et je tiens à m'en excuser. Tu es vraiment trop gentille l'Ombre. » dit-il en rigolant un peu bien qu’il ne semblait pas vraiment comprendre ce qui se passait.

Trop gentille et trop stupide surtout ! Elle fit apparaître son arc dans ses mains, créant une flèche de couleur jaune dorée. Elle banda l'arc en le dirigeant vers Tery : Jouer avec ses sentiments, elle détestait ça. Elle n'aurait jamais dut perdre son temps à le soigner et à s'occuper de lui ! Au final, il méritait bel et bien la mort ! Le jeune homme reprit :

« Mais... Tu sais, ça va paraître risible quand on le dit de cette façon mais bon... J'ai changé d'avis et je me disais que rentrer dans l'armée de Midès n'était pas une aussi bonne idée que ça. En quoi une armée pouvait-elle m'apporter toute l'aide dont j'avais besoin ? Je préfère me lier à une personne et avoir toute sa confiance plutôt que de subir les railleries des autres soldats sur ma faiblesse.

Je veux dire : Tu es avec moi depuis deux mois mais JAMAIS tu ne t'es moqué de moi d'une façon insultante sur mon impuissance. Tu me l'as souvent répété mais ce n'était pas comme si tu voulais me rabaisser. Non, à chaque fois, tu voulais me protéger et tu sais... J'ai bien aimé. Je me suis dit : Au moins, je suis sûr de pouvoir lui faire confiance et si elle ne veut rien me dire à son sujet, alors je m'en fiche royalement. Je ne la suivrais pas aveuglément mais je sais que ses paroles sont souvent justes et bonnes. Enfin … La majorité du temps quand elle n’est pas irritante à force de parler bien sûr.

Alors, tu sais...Si tu veux bien, j'aimerais bien continuer à m'entraîner avec toi et à m'améliorer. Je n'ai qu'un simple E sur le corps et donc, je suis pathétique et faible comparé à toi qui doit sûrement avoir un D ou un C. Mais bon... Enfin, c'est à toi de voir. Mais après ce que je t'ai dit, tu dois sûrement m'en vouloir. Je m'excuse l'Ombre. Je m’excuse sincèrement pour tout ce que j’ai pensé auparavant. Il y a des choses … qui font que … depuis longtemps, j’ai été réticent à apprendre que ça soit le combat ou la magie. »

S'excuser ? C'était peut-être un peu tard non ? Des veines blanches étaient apparues alors qu'elle avait l'arc pointé vers Tery. Celui-ci ne pouvait pas remarquer la pointe de la flèche dirigé vers sa gorge. Il était « aveugle »  à cause de son bandage mais ce n'était pas normal, il aurait déjà dû réagir un peu. Un léger sourire se dessina sur les lèvres du jeune homme, se demandant ce qu'allait penser l'Ombre encapuchonnée après son monologue.

L'Ombre ? C'est vrai qu'il l'appelait toujours comme ça. Elle ne lui avait jamais dit son nom et elle n'était plus aussi sûre de le lui donner après les derniers évènements et les paroles de Tery à son encontre. De toute façon … Quant à son nom … C’était bien trop compliqué pour qu’elle puisse l’exprimer un jour chez lui. Lentement, l'arc se mit à disparaître tandis qu'elle poussait un léger soupir : Il semblait sincère, si sincère cette fois encore. Elle s'approcha de lui, soufflant légèrement à travers son masque blanc :

« Ne me trompes plus jamais. Si tu as quelque chose à me dire, dis le moi franchement et en face au lieu de me le faire dans le dos. Je déteste les menteurs et les arrivistes, d'accord ? »

« Je te le promets l'Ombre. Je suis plutôt heureux de savoir que tu veux bien me laisser encore venir avec toi malgré ce que j'ai fais. J'avais totalement raison, tu es vraiment une personne admirable. Je ferais tout pour t'aider, tu... » dit-il avec entrain.

« Tais-toi un peu et repose toi d'accord ? Je vais encore m'occuper de toi pendant ces quelques jours. Mais sincèrement … Encore une tentative de ta part et je te promets que tu regretteras pour le restant de ta vie ce qui s’est passé. » répondit l’être masqué de blanc sur un ton qui se voulait inquiétant et menaçant, chose qui visiblement ne marcha qu’à moitié.

Il rigola faiblement, plus amusé par les paroles qu’effrayé par ces dernières. Maintenant, il se sentait soulagé. Plus question de rejoindre l'armée maintenant, il n'en voyait plus le besoin. Il était peut-être indécis un peu trop souvent mais si l'Ombre encapuchonnée pouvait rester et devenir son maître d'armes, cela lui suffisait amplement. Il se demanda ce qu'aurait été la réaction de sa mère si elle avait appris ce qui s'était passé depuis qu'il était parti. Bah ! Au final, il s'en fichait royalement et ce n'était pas son problème.

L'Ombre sortit de la chambre pendant plusieurs minutes avant de revenir avec un plateau contenant une pomme, un couteau et de quoi remplir le gosier du jeune homme. Sans rien dire, elle se mit à éplucher la pomme avant de la couper en quartiers. Elle tendit l'un des morceaux à Tery, celui-ci la remerciant avec un petit sourire. Si seulement sa mère s'était occupée comme ça de lui, peut-être aurait-il accepté de s'entraîner plus tôt. Enfin … Non … C’était quand même exagéré. Il n’avait pas grand-chose à rapprocher à sa mère non plus. Oui … Sa mère s’était très bien occupée de lui.

« Merci beaucoup l'Ombre. »  annonça-t-il une nouvelle fois alors qu’il prenait un morceau de pomme. Voilà … C’était vraiment bon en plus.

« De quoi Tery ? De t'éplucher une pomme ? Je pense que c'est normal. Je te vois mal essayer de te préparer quelque chose avec les yeux bandés. Enfin … Je ne sais pas si tu es capable d’une telle prouesse, loin de là même. »

« Non ce n'est pas ça... C'est rien du tout. »  termina t-il de dire.

Il rigola tandis qu'elle ne comprenait pas. Tout était si paisible et tranquille, comme si rien ne s’était passé. La nuit était tombée et il s'était mis sur le côté pour laisser l'Ombre dormir près de lui. Dos contre dos, il avait interdit à cette dernière de dormir sur une chaise comme elle le faisait depuis qu'il était inconscient. Elle avait longuement protesté mais s'était résignée et s'était mise à côté de lui. Elle lui avait interdit de se retourner sous aucun prétexte et il s'était demandé quel était son problème. Peut-être que c'était une femme et qu'elle n'avait pas l'habitude de dormir avec un homme. Enfin, c'était aussi son cas et cette idée était restée dans sa tête pendant qu'il cherchait le sommeil. Si c'était une fille, alors pourquoi dormait-il avec elle ? Et elle se disait avoir le même âge que lui alors bon … C’était encore plus gênant … Pfiou … Dire qu’il se malmenait l’esprit à cause de cette idée.

« Tu as mal dormi Tery ? Tu as la tête des mauvais jours. C'est de ma faute ? » demanda l’être masqué de blanc le lendemain matin en voyant la mine déconfite mais aveugle du jeune homme. Celui-ci fit un petit geste négatif de la main en disant :

« Non non, disons que je n'ai pas réussi à trouver le sommeil. »

« Je suis sûr que c'est de ma faute ! Ne me dit pas que je ronfle ! »  s’écria la personne encapuchonnée, le jeune homme rigolant avant de lui répondre :

« NON ! Je n'ai pas dit ça ! Mais simplement que je réfléchissais à tout ce qui se passait, savoir si un jour, je pourrais m'améliorer, tout ça. »

Il s'était cherché des excuses pendant toute la nuit mais il restait troublé et gêné. L'Ombre encapuchonnée ne lui avait pas posé d'autres questions bien qu'elle semblait toute aussi gênée que lui. Les derniers jours passèrent tranquillement, l'Ombre encapuchonnée lui lisant de nombreuses histoires sur les différents éléments et les magies qui en découlent.

Il l'écouta parler pendant de nombreuses heures, ne pouvant rien faire d'autre et y trouvant là une autre forme de bonheur qu'il ne pouvait expliquer. Maintenant qu'il s'était fixé cette idée que l'ombre encapuchonnée était une fille, il tentait de la voir sous un jour différent mais à chaque question qu'il lui posait sur son passé ou sur sa personne, elle ne lui disait rien. Et si... Il s'était trompé ? Peut-être que ce n'était pas une jeune femme mais simplement une personne plus qu'attentionnée … et surtout très timide dans le fond.

« Et bien … Hum … Merci encore pour tout hein ? » dit-il alors que la journée venait de se terminer une nouvelle fois, la personne masquée annonçant :

« Je t’ai déjà dit que tu n’as pas besoin de me remercier. Je fais ce que j’estime être bon … J’espère juste que … Tu feras aussi tout ce que tu peux … »

« Pour t’aider ? Bien entendu hein ? Je pense que la leçon a parfaitement été comprise de mon côté … Je sais bien que j’ai failli commettre une énorme bêtise mais … Je ne recommencerai pas. » annonça le jeune homme aux yeux bandés, un sourire aux lèvres.

Hum … Elle lui faisait étrangement confiance … Elle savait qu’il avait compris la leçon … En plus, si il le disait hein ? Bon … Normalement, demain, sa convalescence sera terminée … Il allait falloir remuscler un peu tout cela.

« Bon … Pour aujourd’hui, c’est encore une fois terminé. Tu as compris ce que je t’ai dit ? » demanda l’être encapuchonné alors que Tery hochait la tête.

« Au final … Je ne peux faire qu’écouter ce que tu me dis … Mais tu n’en as pas marre de toujours parler ? Je veux dire … Tu me fais la conversation pendant des heures. »

« Si tu n’étais pas intéressant, je serais sûrement las … mais ce n’est pas le cas. »

Hahaha ! Il émit un grand rire, rapidement rejoint par la personne masquée. Oui … Sûrement … On ne pouvait pas faire une chose qui nous déplaisait tant, n’est-ce pas ? Il était quand même content qu’entre lui et l’être encapuchonné, tout se soit résolu … Il avait commis une bêtise … mais elle avait été presque nécessaire dans le fond.

« Il est l’heure d’aller se coucher. Demain est le grand jour. »

« Le jour où on enlève ces bandages ? » dit le jeune homme bien qu’il connaissait déjà la réponse. La personne en face de lui lui répondit :

« Bien entendu … Sauf si tu préfères les garder. »

Hahaha … Bien sûr que non ! Mais quand même … Il devait faire vraiment plus attention la prochaine fois. Si cela avait été empiré … Il aurait pu devenir aveugle. Ce qui n’était vraiment pas la meilleure des choses.

Chapitre 11
Chapitre 11 : Fin de l’entraînement

« Prépares toi Tery, nous allons te retirer les bandages et tu vas me dire si tu arrives à bien voir ou non. »  annonça la personne masquée en posant ses mains gantées sur le visage du jeune homme. Celui-ci lui répondit, un sourire aux lèvres :

« Je suis prêt. J'ai presque l'impression d'être un aveugle à qui on aurait rendu la vue. »

« Ne dis pas de sottises comme ça. Aller … Tu es prêt ? Et pas de bêtises hein ? »

Ils rigolèrent ensemble tandis que lentement, elle défit les bandages. Au bout d'une trentaine de secondes, il tenta d'ouvrir ses yeux verts. D'abord, sa vue était légèrement brouillée puis de plus en plus nette jusqu'à ce qu'il arrive à apercevoir le masque blanc devant son visage. Un masque blanc avec un sourire dessiné sur les lèvres, un sourire qui devait aussi se trouver sous le masque. Les yeux saphir de l'Ombre l'observèrent avec attention.

« J'y vois ! J'y vois bien ! J'y vois même très bien ! »  s’écria t-il.

Il avait pris un petit ton d'enfant miraculé tandis que la main droite gantée de rouge vint lui donner une petite claque sur le front. Il sourit alors qu'elle prit la parole :

« Bien entendu que tu vois ! Tu n'étais pas blessé à tes yeux, néanmoins, je ne pouvais pas faire autrement. Donnes moi la main, on va voir si tu es capable de marcher. Lentement, très lentement...Voilà. On  va y aller tout doucement d’abord, d’accord ? »

Elle lui donnait quelques ordres simples alors qu'il posait sa main gauche dans sa main droite gantée de rouge. Il tenta de se lever lentement, ses deux pieds tremblants. C'est vrai qu'il était resté couché pendant une semaine. Et lorsqu’il avait eu … des petits besoins … Il devait appeler l’aubergiste qui l’aidait et devait le porter jusqu’à l’endroit où il pourrait les faire. Enfin bon … Maintenant, c’était du passé et il ne voulait plus se le remémorer !

« Ohla. Doucement, évite de trop forcer dès le départ. » murmura l’être masqué de blanc.

« Tu veux bien m'aider et m'emmener vers la fenêtre ? J'ai besoin de prendre un peu d'air. »

« Aucun problème Tery, aucun problème. Ça ne peut te faire que du bien. »

Ils se dirigèrent vers la fenêtre tandis qu'elle le maintenait par l'épaule gauche au cas où il s'écroulait. Elle ouvrit la fenêtre alors qu'il mettait sa tête dehors, respirant un bon bol d'air frais en poussant un long soupir d'apaisement. Tout était si calme et tranquille.

« Combien de temps tu penses qu'il me faudra ? Je veux dire : je pourrais marcher correctement dans combien de jours ? Et aussi, nous pourrons reprendre l'entraînement dans combien de jours ? Car … Il vaut mieux ne pas trop traîner non plus hein ?

« Je dirais que d'ici deux ou trois jours, tu seras capable de gambader dans la forêt comme un petit animal qui fait ses premiers pas. Cela te convient comme réponse ? »

« Youpi ! Bon et bien... Il va falloir m'emmener dans ma chambre maintenant. Je ne peux pas dormir tout le temps avec toi et puis bon... Ça ne se fait pas. Tu as ta vie privée, j’ai la mienne. Qu’est-ce que tu en penses ? C’est normal non ? » »

« Je confirme. Tu veux bien attendre ici ? »  termina de dire la personne masquée.

L'ombre encapuchonnée se retira de la chambre alors qu'il acquiesçait d'un hochement de tête positif. Tout allait si bien maintenant et il savait qu'il restait encore pas mal de pièces d'or pour l'auberge. De toute façon, si il fallait, ils pouvaient toujours dormir ailleurs, ce n'était pas nécessairement un problème de ce côté-là. Il fallait juste … quand même surveiller … l’argent car il se méfiait. Et en même temps … Tout était si paisible, ça l’étonnait de ne plus trop se préoccuper de tout ce qui l’entourait, enfin pas de cette façon. Quand même … En quelques mois, tout avait changé dans son existence et il l’acceptait … maintenant ?

Une nouvelle semaine s'écoula, le cours du temps étant revenu à la normal. Il restait encore une quinzaine de pièces d'or et une nouvelle griffe avait été achetée pour Tery. L'autre ayant fondue dans les flammes et préférant le combat avec deux griffes au lieu d'une, il avait remercié l'ombre encapuchonnée pour ce cadeau. Maintenant qu'il avait appris que même les monstres pouvaient utiliser la magie, il mettait encore plus d'ardeur à apprendre les sorts élémentaires de base. Enfin … Venait d’apprendre … C’était un bien grand mot … Il venait tout simplement de se le rappeler. Il fallait dire qu’auparavant … Il ne sortait que très peu de chez lui et ça n’avait visiblement pas été une bonne chose.

« Bien ! Tery, montre-moi maintenant que tu sais utiliser tous les éléments du cycle de base. » annonça l’être encapuchonné de brun alors que le jeune homme acquiesçait. Ils se trouvaient à nouveau au pied de l’arbre, les sacs déposés juste à côté.

« Aucun problème ! Je vais commencer par celui de la Terre. C'est plus facile pour moi de les faire dans l'ordre. »  répondit le jeune homme avant de se préparer.

Elle sourit derrière son masque blanc tandis qu'il faisait de même. Maintenant qu’ils étaient ici, ils étaient isolés du monde et c’était bien mieux pour réussir à travailler et à s’entraîner. Chose dans laquelle le jeune homme mettait une ardeur indéniable. Lentement, il se mit à se concentrer, des veines noires apparaissant le long de son bras droit jusqu'à sa main. Quelques instants plus tard, une pierre deux fois plus grande que celle de la première fois apparue dans la paume de sa main droite.

Quelques applaudissements arrivèrent de la part de l'ombre encapuchonnée qui l'observait de ses yeux bleus. Il déposa la pierre sur le sol avant de lui signaler qu'il allait maintenant s'attarder sur l'élément du feu. Il se concentra à nouveau pendant quelques secondes tandis qu'il levait la paume de sa main droite vers le ciel. Quelques secondes plus tard, trois petites flammèches apparurent au bout de ses doigts tandis que des applaudissements plus nourris se firent entendre. C’était bien … Il avait l’impression quand même de faire un spectacle avec un unique spectateur … Enfin bon … Ce n’était pas un problème personnellement, ça lui plaisait bien, héhéhé. Mais bon, si c’était un spectacle, autant saluer son public.

Il s'inclina devant l'ombre tout en faisant disparaître les trois flammèches. Il était déjà un peu fatigué car il n'avait pas l'habitude de changer d'élément aussi rapidement mais puisque c'était un « test », il devait donner son maximum. Il indiqua qu'il allait maintenant créer un léger souffle de vent et il se rapprocha de l'ombre encapuchonnée. Elle ferma ses yeux saphir pour ne pas voir de plus près les veines noires sur le bras droit de Tery bien qu’il ne comprit pas sa réaction. Il ouvrit lentement la bouche en murmurant :

« Attention à toi l'Ombre. Tu risques d’être étonné sur ce coup. »

Un souffle vint la frapper sur tout le corps caché derrière la cape, la faisant reculer de quelques centimètres. Surprise, elle ouvrit ses yeux bleus derrière son masque blanc. Ce souffle était plus puissant que celui de base sans pour autant être exceptionnel. Avait-il une prédisposition à l'élément du vent malgré sa capacité à pouvoir utiliser tous les éléments ? Il recula légèrement, passant une main sur son front : ça devenait de plus en plus difficile mais il restait encore deux éléments. Il mit ses deux mains en coupole avant de se concentrer une nouvelle fois. Aller … Maintenant, c’était au tour de l’eau !

Les lignes noires apparurent sur ses deux mains tandis qu'un liquide se formait dans la coupole. L'ombre encapuchonnée posa un doigt ganté dans le liquide avant de le tendre à Tery pour qu'il puisse le sucer. Il cracha subitement sur le côté avant de faire tomber le liquide sur le sol. C’était horrible ! C’était … C’était :

« C'est salé ! Un peu trop même ! Peuh ! ARGL ! Je déteste ça ! »

« Ce n'est pas terminé, il te reste un dernier élément et tu auras terminé le début de ton apprentissage. Pose ta main sur mon bras. »  dit l’être masqué de blanc.

Elle releva l'une de ses manches, laissant apparaître un bras assez fin. Il se demandait comment l'ombre encapuchonnée avait fait pour le porter avec des bras aussi maigres mais bon... Il posa sa main gauche sur le bras droit de l'ombre, remarquant qu'il était assez doux au toucher. Il retira subitement sa main, comme gêné par ce contact.

« Que se passe-t-il ? Tu ne veux pas me montrer l'élément de la foudre ? » demanda la personne encapuchonnée alors qu’il répondait aussitôt :

« Je... Euh... Non je suis désolé. Bon je vais me concentrer. »

Chose qu'il avait du mal à faire, il devait se l'avouer. Il posa sa main droite sur le bras de l'ombre encapuchonnée avant de fermer les yeux. Lentement, les lignes noires apparurent sur sa main droite avant qu'une petite décharge électrique se fasse sentir. Sous la forme d'une étincelle, elle apparue dans sa main droite, parcourant le corps de l'ombre encapuchonnée qui retira son bras avec délicatesse. Elle reprit en murmurant :

« C'était très bien Tery bien qu'un peu disparate. Tu semblais bien moins concentré qu'auparavant. Néanmoins, toutes mes félicitations, c'était presque parfait. Tu n'as pas réussi à faire cinq flammèches, ton eau n'était pas potable et ton étincelle était assez diffuse. Je n'ai presque rien ressenti, même pas un petit picotement. »

« Désolé mais... Je ne voulais pas te blesser. » bafouilla t-il, cherchant une excuse bien que tout cela paraissait peu crédible quand il parlait ainsi.

« Tu n'as pas à t'en faire pour moi. Bon, c'est tout pour aujourd'hui, je pense que nous en avons assez fait. » termina de dire l’être masqué de blanc.

Il haussa les épaules, rangeant ses cinq livres dans le sac qu'il mit sur son épaule gauche. L'Ombre encapuchonnée prit les devants, le duo se dirigeant vers la ville de Midès. Saluant les quatre gardes qui surveillaient la porte Sud, ils ne restèrent pas longtemps à discuter avec eux. L’ombre lui signala qu'elle allait se rendre à l'auberge tout de suite.

« Hey Tery, je ne veux pas dire mais fais quand même gaffe à ton ami. Il nous aurait presque tués la dernière fois. »  annonça l’un des gardes lorsque l’Ombre ne fut plus là.

« Hein ? Comment ça ? Je ne vois pas ce que vous voulez dire. Vous pouvez être plus explicites ? »  demanda le jeune homme, surpris par ces paroles.

« Ben disons que ton compagnon était sur le point de nous tuer  si nous ne vous laissions pas passer. Maintenant, tout est terminé mais je te promets que c'était effrayant. »  reprit le même garde tandis que Tery haussa un sourcil. L’Ombre avait fait ça ?

« Ah bon ? Peut-être qu'il était simplement inquiet pour moi. »  répondit Tery en haussant les épaules, espérant quand même que l’Ombre n’avait pas commis trop de bêtises.

« Peut-être, je pense que c'est ça mais quand même, se mettre dans cet état... Enfin bon, tu devrais le retrouver. Salut mon petit ! »

Mon petit ? C'est vrai qu'il était de taille plutôt faible pour un homme mais bon, quand même... Il soupira, les saluant avant de partir vers l’intérieur de la ville. Dans l'auberge, l'ombre encapuchonnée remarqua l’aubergiste qui s'approchait d'elle avec une enveloppe à la main. Le même sceau que la dernière fois : Pourquoi ? Pourquoi avait-elle encore l'enveloppe ? Sans rien dire, elle emporta l'enveloppe avant de monter dans sa chambre.

« Ah ! Te voilà Tery ! Elle est déjà remontée dans sa chambre. Souvenez-vous que le repas sera prêt d'ici une trentaine de minutes. »  annonça l’aubergiste alors que le jeune homme venait de pénétrer dans le bâtiment.

« Je mangerais dans ma chambre pour pas changer, je vais envisager d'apprendre des nouveaux sorts avec mes livres ! » annonça Tery avec un petit sourire, étant amusé en repensant à ce que les soldats avaient dit. L’Ombre … Quand même … Elle était capable de se mettre en colère, il ne s’y attendait pas.

« Ohla. Fais attention hein ? Tu viens de sortir de ton lit, ce n'est pas pour y retourner. Je n’aimerai pas avoir à m’occuper de toi encore une fois. »  termina de dire l’aubergiste.

Les deux hommes éclatèrent de rire tandis qu'il montait les escaliers. Tout allait si bien maintenant mais il savait que cela n'allait pas durer. Il avait toujours cette impression. Il toqua plusieurs fois à la porte de l'ombre encapuchonnée avant de prendre la parole :

« L'Ombre ? L'Ombre ? Tu es là ? Enfin bon, si tu es là, saches que je serais dans ma chambre si tu veux qu'on discute de tout et de rien après le repas ! »

Aucune réponse de la part de l'Ombre. Il haussa les épaules, prêt à se retirer dans sa chambre avant que la voix de l'Ombre se fasse entendre alors que la porte s'ouvrit à la volée :

« Attends un peu Tery ! J'ai quelque chose à te dire ! Demain... Tu... Tu veux bien aller avec moi à la grotte de Litan Deseria ? Ca sera notre dernier test. »

« Hein ? Que quoi ? Mais je croyais que... Mais tu disais... » commença à prononcer le jeune homme, étonné par les propos de la personne masquée de blanc.

« Je retire tout ce que j'ai dit. Demain, nous irons faire quelques achats et nous partirons. » reprit aussitôt l’être encapuchonné.

« Heu et bien, d'accord. Si tu estimes que je peux t'aider, je le ferais mais bon... »

Il ne savait pas quoi dire aux propos de l'ombre encapuchonnée qui referma la porte quelques secondes après. Il se dirigea vers sa propre chambre avec son sac sur l'épaule gauche. A l'intérieur de la chambre de l'ombre encapuchonnée, celle-ci observa les deux lettres qu'elle avait reçues. Sur la dernière, il était possible de lire :

« Cela fait une semaine que j'attendais une réponse confirmant que vous avez bien exécuté ma demande. Une longue semaine porteuse d'espoir et pourtant j'ai l'impression que vous avez oublié votre nouvelle mission. Je ne vous laisserais plus le choix, sachez-le. Veuillez exécuter ma demande dans les plus brefs délais, je vous laisse une semaine au maximum pour accomplir cette dernière. »

Sur la première lettre, celle qu'elle avait reçu il y a de cela plus de dix jours, seuls trois mots étaient écrits dessus :

« Tuez le Porteur. »

L'Ombre encapuchonnée regarda les deux lettres avant de les déposer sur le bureau, se couchant ensuite sur son lit en sanglotant. Bien entendu qu'elle allait le faire, elle y était obligée ! C'était sa mission, mais quand même... Pourquoi lui avoir dit d'aller trouver quelqu'un qu'elle appréciait maintenant, pour simplement le tuer quelques mois après ?

Cruel... L'Oracle était si cruel mais elle ne pouvait rien faire contre sa volonté. Rien du tout ! Elle connaissait sa mission et savait que la sauvegarde du monde en dépendait... Et pour ça... Elle devait se préparer à tous les sacrifices, même les pires. Cette nuit fut la pire de son existence, une nuit où elle n'arriva pas à trouver le sommeil alors qu'elle avait retiré son masque blanc. Sa cape l'enroulant complètement, elle s'était mise en boule en tremblant. Demain... Demain tout allait se terminer entre eux deux.

« Ce n’est pas normal … Elle ne réagissait pas normalement … » murmura le jeune homme dans sa chambre, regardant les livres déposés sur son lit.

C’est vrai … Il avait cette impression qui se renforçait de minute en minute … Mais qu’est-ce qui s’était passé ? Et puis … Avec ce qu’il avait appris aussi … Peut-être qu’il devrait aller la voir ? Hum … Ou alors la laisser seule … ou le laisser seul … Ca le perturbait un peu … Mais bon … Même si c’était un homme, ça restait un grand ami hein ? Et surtout, ça serait bien plus gênant si cela avait été une femme, oui.

« Enfin bon … Ce n’est pas à moi de penser de la sorte. » se dit-il en poussant un léger soupir, commençant à lire. Bon … Qu’est-ce que ça racontait de beau ? Il fallait aussi qu’il se concentre beaucoup mieux. Et ensuite … Enfin, c’était quand même plus difficile que prévu, la cause principale était facilement explicable … Elle lui avait parlé d’aller dans la grotte ? Il se sentait peu rassuré mais en même temps, elle était avec lui donc il n’avait pas grand-chose à craindre hein ? Hum … ZUT ! Il ne se concentrait pas !

Mais quand même … Dans le fond, ça le perturbait et pas qu’un peu. Il ferait mieux d’aller voir l’être masqué de blanc avant que ça ne pose encore plus de soucis. Il poussa un léger soupir avant de refermer le livre qu’il était en train de lire. Il se releva de son lit sur lequel il s’était couché pour lire avant de se dire à lui-même :

« Je vais aller voir si tout va bien ! »

Il quitta sa chambre, se dirigeant vers celle de l’être masqué avant de toquer deux coups. Aucune réponse … Bon … Ce n’était pas normal. Il toqua une nouvelle fois avant de prendre la parole, espérant obtenir une phrase en retour :

« L’Ombre ? L’Ombre ? Tu es là ? Tu peux me répondre s’il te plaît ? Ne m’inquiète pas. Ne fait pas la même bêtise qu’avec moi. »

Aucune réponse … encore une fois. Peut-être qu’elle se reposait ? Après tout ce qui s’était passé, c’était parfaitement compréhensible. Mais bon … L’inquiéter de la sorte … Il n’aimait pas le moins du monde. Bon … Il allait revenir dans une ou deux heures … Après le repas … Hum … Il s’éloigna, retournant dans sa chambre avant de se replonger dans la lecture.

« Pfff … Le moral n’y est pas maintenant … » marmonna-t-il, observant le plafond. C’était désolant en un sens … plus que désolant même.  Bon … Il devait se concentrer mais comment faire ? Il n’avait pas d’idées en tête … pas du tout même …

Une demi-heure plus tard, l’aubergiste lui signala qu’il avait son repas, le jeune homme ouvrant la porte. Depuis qu’il s’était évanoui, l’aubergiste évitait qu’il ne fasse trop d’efforts. C’était sympathique mais il n’était pas en sucre non plus. Bon … Il ne fallait pas rêver … On ne laisserait pas tranquille. Il remercia l’aubergiste, celui-ci repartant servir les personnes en bas avec ses quelques autres employés.

Il mangea tranquillement, lisant en même temps tout en évitant de salir ses bouquins. Ca passait un peu mieux de la sorte … Après manger, il allait tout simplement voir l’Ombre et essayer de discuter avec elle. Il n’avait pas du tout oublié cela ! Oh que non ! Il termina son repas, poussant un profond soupir avant de se relever.

Une nouvelle fois, il quitta la chambre mais les couverts dans ses mains. Il descendit les escaliers jusqu’à retrouver l’aubergiste qui était occupé. Il attendit que ce dernier ait terminé avant de lui tendre ses couverts, prenant la parole :

« Vous savez … Au passage, vous n’êtes pas obligé de faire tout cela ? »

« Après l’état dans lequel s’est mis ton ami, c’est la moindre des choses. J’aimerai éviter de nouveaux débordements de sa part. »

« Ah … Bien sûr … Mais quand même … Ne vous inquiétez pas à ce point pour moi, je peux quand même descendre manger avec les autres quand c’est l’heure. »

« Hum … D’ailleurs, à ce sujet, ton ami n’a pas répondu quand je lui ait emmené son repas. »

Hein ? Quoi ? C’est bien ce qu’il pensait !  PFFFFF ! Bon ! Cette ci, il était hors de question de la laisser seule ! Il demanda calmement bien qu’il ne l’était pas :

« Est-ce que vous avez encore son repas ? Je vais lui emmener … »

« Bien entendu … Enfin, ce n’est pas celui qu’il aurait normalement … Attends environ cinq minutes et ça devrait être prêt. » répondit l’aubergiste avant de prévenir l’une des serveuses.

D’accord. Il allait attendre … mais il était un peu en colère. Pourquoi est-ce que l’Ombre ne lui répondait pas ? Et aussi à l’aubergiste ! Il y avait un souci ! Quelques minutes plus tard, avec de quoi nourrir une personne, il remonta les escaliers, arrivant devant la porte de la personne masquée. Il toqua plusieurs fois mais assez fortement.

« L’Ombre ! Je t’ordonne de m’ouvrir maintenant ! Tu m’entends ? L’OMBRE ! Ouvre-moi maintenant sinon, je défonce la porte ! L’OMBRE ! »

« Mais … Mais qu’est-ce qui te prend ? » cria une voix de l’autre côté de la porte, celle-ci s’ouvrant pour laisser paraître l’être encapuchonné. Son masque blanc était un peu de travers mais il n’arrivait quand même pas à voir ce qui se cachait dessous.

« Et bien, tu ne réponds pas depuis plusieurs heures ! Tu veux me rendre fou d’inquiétude ? » demanda t-il alors qu’il voulait poser ses mains sur ses épaules, remarquant qu’il avait encore son repas dans les mains.

« Ce … Ce n’était pas voulu, Tery … Je dormais, tout simplement … »

« Tu dormais … Bien entendu … Est-ce que je peux rentrer dans ta chambre, du genre cinq minutes ? Je me sentirai quand même plus rassuré … »

Plus rassuré ? Lui ? Par rapport à qui ? Elle ? C’était … Une blague, n’est-ce pas ? En quelques mois, il avait tellement changé … Tellement changé … Elle prit son repas des mains de Tery, lui disant calmement :

« Il vaut mieux … que tu me laisses tranquille pour la soirée, Tery … »

« Cinq petites minutes. Sauf si bien entendu, tu as des choses à cacher … Je comprendrai hein ? » annonça le jeune homme alors qu’elle lui répondait aussitôt :

« J’ai des choses à cacher … Tery … Mais plus pour très longtemps. Merci pour le repas … Cela me fera du bien et bonne nuit. »

« Attends un peu, l’Ombre. Je voulais te dire … Si bien entendu, tu as des problèmes, j’aimerai que tu m’en parles, d’accord ? »

« Tery … Je … C’est vraiment trop compliqué mais merci du fond du cœur. » annonça l’être masqué avant de refermer la porte derrière lui.

Les remerciements n’allaient pas arranger les choses hein ? Mais quand même … Bon, il devait retourner dans sa chambre. Demain, il allait tout faire pour l’aider.

Chapitre 12
Chapitre 12 : Avant le départ

« L'Ombre ? Tu es réveillé ? Je suis prêt ! » s’écria une voix de l’autre côté de la porte.

Bien entendu qu'elle était réveillée. Elle n'avait pas réussi à fermer l'oeil de la nuit, trop malmenée par ses sentiments et ses réflexions. Qu'est-ce qu'elle devait faire ? Le laisser s'enfuir ? Le laisser partir ? Ou alors... Exécuter sa mission ? Mais non ! On parlait de tuer un homme innocent ! Qu'est-ce que Tery avait fait de mal pour mériter ça ? Elle ne comprenait pas la réaction de l'Oracle. Elle murmura :

« Attends quelques minutes … s’il te plaît. »

Lentement, son corps s'étira alors qu'elle remettait le masque blanc sur son visage. Un masque blanc qui souriait, un masque blanc qui cachait parfaitement ses sentiments. Elle se regarda pendant quelques instants dans le miroir, observant les deux lettres posées sur son bureau. Elle posa une main dessus avant de les brûler. Elle ne devait plus y penser, plus du tout. Un seul mot d'ordre : Tuer. Il allait toquer une seconde fois à sa porte avant que celle-ci ne s’ouvre. Le jeune homme se tenait là, un sourire aux lèvres :

« Ah ! Tu en as mis du temps ! Dépêchons nous ! »

Elle poussa un léger cri d'étonnement tout en se faisant prendre sa main droite gantée de rouge. Il s'était mis à courir à toute allure dans le couloir, excité comme le serait une puce. L'aubergiste les salua d'un petit geste de la main alors qu'elle se faisait sortir de l'auberge sans comprendre ce qui se passait. Il s'arrêta à quelques mètres de l'auberge, libérant sa main de la sienne avant de se tourner vers elle :

« Que faisons-nous ? Je veux dire : Je ne sais pas où me rendre moi. »

« Ah... Euh... Oui ! Les objets ! Allons-y mais calmement, d'accord ? Rien ne presse et nous devons acheter quelques vivres au cas où. »

« On va faire un pique-nique dans le désert ? Tu as vraiment des goûts bizarres l'Ombre ? »

Mais quel idiot. Il rigola faiblement, l'Ombre faisant de même avant de prendre sa main dans la sienne. Qu'au moins, elle puisse profiter de ces dernières heures de tranquillité avec lui. Le jeune homme semblait s'être ouvert au fil de ces dernières semaines, elle avait réussi à briser la carapace qu'il s'était forgé durant toutes ces années.

La marche qui s'en suivit était paisible et tranquille : main dans la main, ils observaient les personnes tout autour d'eux. Des enfants, des adolescents, des adultes, tous semblaient excités par quelqu'un ou quelque chose. Quelques murmures arrivèrent aux oreilles de Tery :

« Encore une guerre ? Mais qu''est-ce que le roi a en tête ? Nous n'avons pas besoin de nouveaux territoires ! »

« Mais tais-toi au lieu, tu sais bien que parler de ça en public, c'est risqué. Tu veux finir en prison ou quoi ? Viens … On va plutôt travailler avant que le chef nous gueule dessus. »

« Une guerre ? Il y a une guerre, l'Ombre ? » demanda le jeune homme, intrigué.

Elle hocha la tête positivement tandis que sa main droite serrait avec un peu plus de force le jeune homme qui était plus grand qu'elle. Marchant côte à côte, il ne semblait pas très gêné d'avoir la main dans la sienne. Que ça soit un homme ou une femme sous ce masque, il trouvait ça « normal » de prendre sa main : Il n'y connaissait rien à cette ville. Ils marchèrent tranquillement, quelques têtes se tournant vers eux, un peu étonnées par l’Ombre.

La ville était forte simple : Les routes étaient pavées de pierre tandis que d'autres étaient complètement plates. Ces dernières étaient principalement utilisées par les nombreux véhicules de transport, certains marchant à la magie, d'autres utilisant des animaux assez bizarres comme des chevaux à deux têtes et à la crinière de feu.

Au niveau des bâtiments dans la partie Sud de la ville, ils semblaient être assez modernes et riches au niveau des fondations. Un tailleur, quelques tavernes toutes assez éloignées entre elles, des bouchers, des boulangers, des vendeurs de légumes, tout cela pouvait se trouver dans n'importe quelle ville de moyenne importance mais pour une capitale, il devait s'avouer qu'il était relativement déçu car il s’attendait à beaucoup plus de la part de Midès.

Son impression changea alors que l'ombre encapuchonnée l'emmenait après une quinzaine de minutes dans la partie Est de Midès. Il regardait émerveillé les personnes qui se trouvaient maintenant devant lui : Des hommes en robe de différentes couleurs. Un constat s'imposait : suivant l'élément qu'il dominait, l'homme portait la couleur fétiche de l'élément. Ils discutaient entre eux, certains avec véhémence, d'autres plus calmement. Les nombreuses théories sur les éléments, leurs rapports, les créatures capables de les utiliser, et toutes ces choses... C'était véritablement un domaine énorme et impossible à parcourir dans sa globalité même si on y passait une vie entière à y travailler.

Le regard de Tery se tourna vers une librairie, un livre mis en avant sur un piédestal : Sur la couverture était écrite : « De L'Ombre à la Lumière. » La couverture représentait un masque coupé en deux. Sur le côté gauche, une face blanche ainsi qu'un demi-sourire qui rappelait étrangement le masque que portait l'ombre encapuchonnée. Sur le côté droit, une face noire ainsi qu'un demi-sourire mauvais et maléfique. Rien qu'à le regarder, il en tremblait légèrement. C’était bizarre … Très bizarre cette impresion.

« Qu'est-ce que tu regardes Tery ? Tiens, montre-moi... NON ! Ne regardes pas ça ! »

Il fût repoussé légèrement sur le côté alors que la main de l'ombre encapuchonnée quittait la sienne. Qu'est-ce qui venait de se passer ? Il ne comprenait pas la réaction de l'être sous la cape brune mais cela semblait l'avoir choqué. Il respira très rapidement sous le masque comme si il venait de courir plusieurs kilomètres à toute allure.

Il ne devait pas voir ce livre ! Il ne devait pas ! Rien qu'à la couverture, elle savait de quoi il parlait ! Si le jeune homme le lisait même sans comprendre ce qui était marqué dessus, il allait changer à tout jamais ! Elle devait tout faire pour garder la légère candeur qu'il avait encore dans ses yeux vert pomme. Quelques magiciens s'étaient tournés vers eux, certains se mettant à les étudier avant de froncer les sourcils. Le masque blanc de l'ombre encapuchonnée semblait les intriguer.

« Désolé, je suis désolé ! Je ne voulais pas te pousser. » dit-elle en s’excusant.

« Haha ! Ca ne fait rien, l'Ombre. Tu me fais encore visiter ? Est-ce ici que se trouve la guilde des magiciens de l'Ordre de Barkan ? J'aimerais bien voir à l'intérieur à quoi ça ressemble. »

« Allons-y alors. Je vais te faire visiter la guilde. Ils seront assez étonnés de voir qui est à l'origine de la mort de Parkan, chef de la tribu des Goris. »

Elle rigola très faiblement alors qu'elle reprenait sa main. C'était tout ce qu'elle pouvait faire pour l'instant. Elle n'en avait pas envie, pas maintenant ! Retarder l'inévitable, retarder le moment où elle allait devoir passer à l'acte. Ils arrivèrent tout les deux devant un magnifique bâtiment à cinq étages.  Le premier étage était de couleur orange avec un magnifique phénix gravé dessus. Le second étage était de couleur bleu avec un dessin gravé représentant un majestueux serpent de mer. Le troisième étage était de couleur jaune et la créature dessinée dessus ressemblait à un monstre humanoïde à tête de chien et portant un magnifique maul dans ses deux mains. Le quatrième étage était quand à lui de couleur brun et la gravure au milieu de ce dernier était une sorte de taupe avec deux griffes qui semblaient tranchantes. Enfin le cinquième et dernier étage était entièrement vert : Sur son milieu, un aigle tricéphale était dessiné dessus. Il semblait bien plus imposant et puissant que les quatre autres et Tery regardait le bâtiment avec émerveillement.

« C'est superbe ! C'est quoi ces créatures ? » demanda t-il avec étonnement.

« Les gardiens protecteurs des éléments. De bas en haut, nous avons Kalan, le Phénix ardent. Ensuite, c'est Lavon, le Leviathan des abysses. En troisième, c'est Wexila, la femme porteuse de l'arme légendaire Park. Elle est devenue l'un des gardiens grâce à cette arme. Pour l'élément de la terre, il vaut mieux se méfier d'Onyr, on ne dirait pas à cause de son allure mais il est très dangereux d'après les histoires écrites sur lui. Enfin, au-dessus de tous, il y a Trozeral, l'aigle dominateur du vent. Bien entendu, comme tu peux t'en douter, ils sont beaucoup plus gros que les animaux de base. »

Il hocha la tête pour signaler qu'il avait bien compris. Elle prit sa main avant de pénétrer à l'intérieur du bâtiment. Au rez-de-chaussée, de nombreuses personnes étaient en file indienne, certaines avec des sacs qui semblaient relativement lourds. D'autres personnes, surtout des hommes en robe de magicien montaient les escaliers tandis qu'une porte close se trouvait à côté de ces derniers. Il y avait quelques tables et dans le coin droit, quelques consommations étaient vendues à des prix relativement bas.

Tery demanda ce qu’ils attendaient, l’Ombre lui disant simplement de patienter car elle avait une petite surprise pour lui. Il tourna son visage vers le masque blanc, un petit sourire invisible se trouvant derrière celui-ci. Une surprise ? Quelle surprise ? Il ne semblait plus inquiet, sachant pertinemment que l'Ombre n'était pas mauvaise. Il l'observa alors qu'ils avançaient peu à peu dans la file. Visiblement, c'était là que se trouvait la fameuse guilde des magiciens hein ? Quelques minutes plus tard, ils se retrouvaient enfin devant un comptoir où un homme au crâne chauve mais à la longue barbe blanche était présent. Celui-ci releva ses yeux azur vers le jeune homme et l'ombre encapuchonnée, un bref regard posé sur les deux mains qui se tenaient l'une dans l'autre.

« Oui... Vous êtes ? Hum, attendez un peu. Vous n'êtes pas la personne qui m'a ramené ces pattes séchées de Gnomold il y a quelques temps ? » demanda le vieil homme.

« C'est le cas. Nous avions parlé d'autre chose aussi. » répondit l’être masqué de blanc.

De quoi est-ce qu’ils parlaient ? De présenter son tueur ? L’Ombre lui dit de prononcer le nom du chef gnomold qu’il avait tué. Il regarda respectivement le vieil homme et l'ombre encapuchonnée tandis que les quelques personnes derrière eux tendaient l'oreille. Il ne savait pas vraiment quoi dire et il tenta de se rappeler le nom du Gnomold.

« Parkan... Chef de la tribu des... Goros. Non, je crois que c'était Goris. »

Quelques murmures, des petites phrases derrière Tery et l'ombre tandis qu'il s'arrêta de parler. Qu’est-ce qu’il avait dit de mal ? Ils parlaient des pouvoirs de Parkan mais aussi de lui. Les murmures continuèrent alors qu'il baissait la tête, trop honteux d'avoir ouvert la bouche. L'Ombre avait-elle voulut le ridiculiser de cette façon ? Il ne comprenait pas son geste. Son regard se releva pour voir les yeux saphir à travers le masque blanc. Pourquoi avait-elle fait une telle chose ?

« J'ai bien essayé de lui donner la récompense mais elle ne l'a pas accepté. Elle me l'a dit plusieurs fois que ce n'était pas elle qui avait tué ce Gnomold mais vous. Qu'importe qui l'a tué, si elle vous connait et comme c'est elle qui a ramené les deux pattes de ce dernier ainsi que les pattes séchées, je devrais normalement lui donner la récompense. Mais vous avez vraiment tué ce Gnomold ? Vous ne semblez pas très « fort » pourtant, sans vouloir vous vexer. » demanda l’homme en face de lui.

« Ah... En fait, j'ai tué son fils et il s'est énervé rapidement. Ca a peut-être joué en ma faveur. Je sais qu'il utilisait le feu quand j'ai vu l'anneau de flammes autour de nous. Mais oui, c'est bien moi qui l'ai tué. » dit le jeune homme calmement.

« Hum... Impressionnant, impressionnant. Vous utilisez quel élément ? »

Il allait répondre mais l'ombre lui écrasa faiblement le pied gauche pour lui dire de se taire au sujet de la possibilité d'utiliser tous les éléments. Il poussa un faible cri de douleur avant de regarder l'ombre. Quel élément savait-il utiliser le mieux ? Il ouvrit finalement la bouche :

« J'utilise l'élément de la terre. Je ne suis pas encore très développé dedans mais bon, je fais tout pour m'améliorer ! Enfin … J’essaie bien entendu. »

« Que c'est beau de voir une jeunesse aussi motivée. Attendez donc quelques minutes à côté, je vais de ce pas contacté le quatrième étage pour votre récompense. »

L'Ombre encapuchonnée remercia le vieil homme tandis que Tery se laissa prendre sa main. Il se fit emmener à une table alors qu'elle se dirigeait vers le comptoir pour demander deux verres d'eau avec un zeste de citron. L’être masqué lui dit :

« Je ne crois pas que tu aimes l'alcool, non ? Alors je t'ai pris ça. »

« Tu es pareil que moi on dirait. La même consommation. Mais comment tu vas boire ? »

Elle posa un doigt sur les lèvres de Tery pour le faire taire. Quelques secondes après, une partie du liquide quitta le verre de l'ombre encapuchonnée pour s'infiltrer dans le sourire gravé sur le masque blanc. Bien entendu ! Quel imbécile ! S’il n'y avait pas un trou au niveau de la bouche, comment l'ombre aurait fait pour respirer ? Il se tapa le front devant une telle évidence alors qu'elle se mettait à rire, lui disant :

« Est-ce que tout cela répond à ta question, Tery ? »

« Oui. Mais quand même, pourquoi je n'y ai pas pensé, je suis trop stupide des fois. »

« Non, tu n'es pas stupide mais ignorant, ce sont deux choses différentes. »

« Merci pour tout. Je ne le répète pas assez à mon goût mais sans toi, je serais déjà mort depuis longtemps. Sans toi, je n'aurais jamais appris à me battre, ni à utiliser mes sorts. Même si... On ne se connait pas plus que ça, j'estime que tu es quelqu'un de très important pour moi, l'Ombre. » reprit le jeune homme aux cheveux bruns calmement.

Soudainement, il prenait les deux mains gantées de rouge dans les siennes avant de les serrer avec une certaine délicatesse. L'Ombre resta imperturbable tandis qu'elle l'observait de ses yeux bleus. Pourquoi disait-il une telle chose avant ce qu'elle comptait faire ? Pourquoi gâchait-il cet instant ? Non... Ce n'était pas de la faute de Tery. Il ne savait rien, rien du tout.

« Tery... Ne t'attache pas trop à moi, tu me le promets ? » chuchota-t-elle calmement.

Hein ? Pourquoi l'Ombre disait une telle chose ? S'attacher à elle ? Dans quel sens ? Comme à un membre de sa famille ? Ou à une amie ? C'est vrai que depuis plus de deux mois, ils étaient toujours ensembles mais de là à s'attacher... Pourquoi se voiler la face ? Oui il était déjà attaché à l'Ombre même si il n'arrivait pas à l'exprimer correctement. Cette personne était responsable de son changement : un changement qu'il savait positif et bon bien qu’il n’aurait jamais pensé que cela soit possible. Surtout en sachant ce qui s’était passé auparavant … dans le passé. Qu'importe les actions que l'ombre pouvait faire, il savait qu'elles étaient toujours bonnes et fondées. Etait-ce une sorte d'idéalisme envers elle ?

« Je le suis déjà. Désolé. Enfin … Pas autant que tu ne le crois mais tu es importante. »

Il baissa la tête en retirant ses deux mains, remarquant un homme qui descendait des escaliers. Les cheveux noirs et bruns légèrement en bataille, il avait deux yeux noirs tandis qu'il devait avoir la trentaine, voir la quarantaine au maximum. Il avait dans sa main droite une sorte de petit livre relié à la couverture brune et épaisse tandis que dans sa main gauche se trouvait un collier dont il ne pouvait pas discerner les contours exacts. Il s'approcha de Tery, le toisant du regard avant d'émettre un léger sourire :

« Vous êtes Tery ? Celui qui a éliminé Parkan ? Je suis là pour vous donner votre récompense. Vous êtes lié à l'élément de la terre, n'est-ce pas ? »

« Heu... Oui, oui ! » dit le jeune homme, un peu intrigué par cette question. D’ailleurs … Pourquoi est-ce que l’Ombre n’avait-elle pas voulu qu’il signale qu’il pouvait utiliser tous les éléments. D’ailleurs … A ce sujet, pourquoi y arrivait-il ?

« Soit, voilà un petit livre qui vous sera fort utile. C'est une petite rareté qui n'existe qu'en un millier d'exemplaires dans le monde. A l'intérieur de ce livre, il y a une lettre qui vous expliquera comment fonctionne exactement ce livre mais faites attention à ne pas le perdre. » annonça l’homme calmement alors que Tery l’écoutait.

Il déposa le livre sur la table devant le regard étonné de Tery. L'Ombre encapuchonnée observa le livre du coin de l'oeil tandis que l'homme ouvrit sa main, montrant un magnifique collier se présentant sous la forme d'une chaîne en or avec un... coeur fait d'une pierre brillante et brune ? Le jeune homme aux cheveux bruns observa d'un air incrédule la pierre.

« Et c'est ? » demanda le jeune homme avec interrogation.

« Simplement une amulette de liaison de terre. Plus vous développerez vos pouvoirs dans l'élément de la terre, plus ces derniers deviendront bien plus puissants. Sinon, il vous permettra de vous lier plus facilement aux créatures issues de la terre ou alors aux personnes dominant cet élément. Vous avez d'autres questions ? Désolé d'être aussi pressé mais j'ai un travail assez important en rapport avec notre royaume. Un sujet assez délicat en soi. »

« Heu... D'accord, nous allons donc vous laisser. »

Tery se releva en même temps que l'ombre encapuchonnée. Il prit le livre et le collier, mettant le premier dans son sac alors qu'il demandait à l'Ombre de lui attacher le second autour du cou. Le jeune homme aux yeux verts s'inclina devant celui qui venait de lui donner ces deux objets. Ce dernier se dirigea vers les escaliers, le remontant alors que Tery prenait la parole :

« Merci beaucoup l'Ombre. Nous devrions quitter le bâtiment maintenant, non ? »

« Oui, nous allons faire encore quelques boutiques et ensuite, nous irons nous mettre en route pour le désert. » répondit l’être masqué de blanc.

Il prit les devants, ouvrant la porte de la guilde pour sortir à l'extérieur tandis que l'ombre encapuchonnée le suivait. Il ne savait pas où se rendre et déjà, instinctivement, il prenait la main gauche de l'Ombre encapuchonnée pour se laisser guider.

« Que ferais-tu sans moi ? » chuchota la personne masquée, amusée.

« Pas grand-chose, l'Ombre. Pas grand-chose. »

Ils rigolèrent en choeur alors qu'elle le traînait maintenant dans des nouvelles rues. Certains marchands vendaient quelques animaux de petite ou moyenne taille derrière des vitrines, Tery les observant du coin de l'oeil sans plus s'attarder. Il n'était même pas capable de s'occuper de lui-même, alors prendre un animal de compagnie... Hors de question.

Ils arrivèrent devant une boutique de petite taille : entièrement peinte en verte, une enseigne basique et banale se trouvait au-dessus avec écrit en lettres argentées : Apothicaire Moran. Ils pénétrèrent à l'intérieur de la boutique, Tery mettant subitement une main sur sa bouche devant l'odeur singulière de l'endroit.

« Je peux vous aider ? » murmura une voix sur le côté.

Le jeune homme poussa un cri en sursautant, lâchant la main de l'ombre encapuchonnée. Celle-ci éclata de rire alors qu'un petit homme d'un mètre cinquante était apparu devant eux. Il... Il ne l'avait pas vu ! Mais saleté ! Il avait réussi à lui faire peur ! Une paire de lunettes sur les yeux, un petit sourire hagard sur le visage, des cheveux gris sur le crâne, il avait tout de la personne assez louche aux premiers abords.

« Je répète, je peux vous aider ou non ? Même si j'ai peu de clients, si vous n'êtes pas là pour une affaire, veuillez partir. » signala le marchand avec calme.

« Nous avons besoin de ces objets sur cette liste. »

L'Ombre tendit une lettre que l'apothicaire prit d'une main. Il mit ses lunettes en face de ses yeux verts avant d'étudier la liste. Ah... Ce n'était que ça : Ca n'allait pas lui donner son pain quotidien mais au moins, un peu d'argent en plus faisait toujours plaisir. Tery regarda autour de lui, lisant les quelques indications sur les flacons, potions, herbes et autres objets se trouvant dans le magasin.

« Qu'est-ce que tu as mis sur cette liste ? » demanda le jeune homme.

« Juste des petites potions pour soigner nos blessures, rendre nos corps plus légers et toutes ces choses. Tu n’as pas à t’inquiéter à ce sujet, ce n’est pas bien important. »

« Rendre nos corps plus légers ? Pourquoi ça ? » questionna-t-il une nouvelle fois.

« Si nous découvrons un trésor, tu penses vraiment pouvoir le porter tout seul ? Surtout sous la chaleur du désert ? Enfin bon... Désert, désert. C'est juste une immense étendue de sable mais la chaleur n'est pas si écrasante que ça. »

« Mais tu es là pour tout porter ? Je veux dire : Tu me portes si souvent que j'ai pris l'habitude de penser que tu étais très musclé sous ta cape. »

« Méfie-toi des apparences. Elles sont souvent trompeuses Tery. Plus que tu ne le crois. »

Le ton sonna comme un message de prévention, allant bien au-delà de ce qu'il pensait à cet instant. Il l'observa, intrigué alors que l'apothicaire revenait avec une petite boîte qu'il ouvrit devant l'ombre encapuchonnée. Celle-ci hocha la tête après une trentaine de secondes pour signaler que tout était bon. Déposant trois pièces d'or dans la main de l'apothicaire, celui-ci remercia les deux clients avant de retourner dans l'arrière-boutique.

« Nous n'avons plus rien à faire ici, Tery. Tu veux encore visiter un peu ou c'est bon ? »

« J'ai une mauvaise sensation, l'Ombre. » murmura le jeune homme avec lenteur.

« Tu es souffrant ? Tu veux reporter la marche dans le désert à un autre jour ? »

« Non, ce n'est pas ça. Ce n'est... rien. Pardonnes-moi de t'embêter avec ça. »

Il sortait le premier, prenant une longue inspiration avant de regarder le ciel bleu et sans nuages. Il n'avait pas à embêter l'ombre encapuchonnée avec ses problèmes personnels. Pourquoi avait-il cette impression qu'il passait la dernière journée avec l'ombre encapuchonnée. Se sentir abandonné et trahi, il ne voulait plus revivre ça une seconde fois. Loin de là … Mais bon … Il observa la personne masquée de blanc. Elle n’était pas comme ça hein ? Ce n’était … pas son genre. Il savait que ce n’était pas le cas.
« Modifié: 05 janvier 2012, 17:41 par ChibiShiroiRyu »

ChibiShiroiRyu

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05 janvier 2012, 17:42

Chapitre 13
Chapitre 13 : En route vers la grotte

Maintenant, ils marchaient côte à côte dans les rues de Midès, regardant autour d’eux tandis qu’ils avaient fini d’acheter tout ce qu’il fallait pour la grotte. Il espérait que tout se passerait très bien même si il était un peu chamboulé avec toute cette histoire. Il ne voulait pas le dire à l’Ombre mais bon … Et puis, il était quand même un peu secoué avec tout ce qui se passait. Pourquoi est-ce qu’il ne se sentait pas rassuré le moins du monde ? Il observa l’être masqué de blanc, celui-ci prenant la parole en s’adressant à lui :

« Alors, tu as décidé ? Tu veux encore ... Hey ! »

Il enlaça subitement l'ombre encapuchonnée qui ferma les yeux. Ils étaient en public ! Des nombreuses têtes se retournèrent vers eux. Qu'est-ce qui lui prenait de réagir comme ça ? Elle se laissa faire, un peu perturbée par tout cela. Le jeune homme était un peu perturbé ou quoi aujourd’hui ? Est-ce qu’il se doutait de quelque chose ? Elle espérait que non.

« Tu ne ... Ah ! » commença-t-elle avant de s’arrêter aussitôt..

Il avait stoppé l'étreinte en poussant un cri, rouge de gêne avant de se mettre à courir à toute allure dans la ville. L'ombre encapuchonnée ne comprit pas la réaction du jeune homme. Qu'est-ce qui venait de se passer à l'instant ? Une brève étreinte de la part de Tery puis il s'enfuyait comme un voleur.

« C'est vrai. Je l'oublie mais moi aussi... »

Elle ne termina pas sa phrase avant de se mettre à courir à la poursuite de Tery. Au final, ils étaient de parfaits inconnus l'un pour l'autre. Il ne connaissait pas son prénom, son visage. Elle ne connaissait pas son passé, son histoire. Ils s'étaient rapprochés pendant plus de deux mois, il s'était ouvert à elle, elle s'était sentie enfin heureuse. L'entendre rire il y a quelques semaines avait été une chose magnifique à ses yeux. Sa propre vie n'avait pas été simple et joyeuse. Peut-être en était-il de même pour lui ? A force de croire qu'ils s'étaient liés, n'étaient-ils pas au final de parfaits inconnus puisqu’elle ne savait rien de lui ?

« Hey vous ! STOP ! » s’écria une voix masculine.

Tery s'arrêta alors que quatre gardes bloquaient la sortie de la porte Est. Combien de temps avait-il courut ? Il ne savait pas mais simplement, il était essoufflé. Il tenta de reprendre une respiration normale tandis que l'un des gardes s'avançait vers lui.

« Pourrais-t-on savoir ce qui vous prend ? Montrez-moi donc vos poches ? Hum... Non, vous n'avez rien. Vous n'avez que ça à courir à cette allure ? Vous n'avez pourtant pas la tête d'un voleur. » dit le soldat après l’avoir fouillé, le jeune homme reprenant son souffle.

« Par... Pardonnez-moi. Je suis un peu pressé, c'est pour ... ça que je courais. »

« Humpf. D'accord mais quand même, calmez-vous. »

Le garde revint vers les autres, signalant qu'il n'y avait aucun problème. Il se mit à marcher maintenant sans se retourner, une main posée sur son œil droit. Qu'est-ce qui lui avait pris de réagir comme ça ? Il ne comprenait pas sa propre réaction ! Il se remettait à idéaliser quelqu'un comme la dernière fois. Et … Il n’était plus un enfant, n’est-ce pas ? Il devait arrêter de croire que la vie était belle, ce n’était jamais le cas.

« Non, non et NON ! Je ne ferais pas deux fois la même bêtise ! Je me l'interdis ! » s’écria-t-il tandis qu’il se trouvait dehors, à une centaine de mètres de Midès.

« Tu t'interdis quoi, Tery ? » demanda la voix de l’Ombre bien plus proche qu’il n’y croyait.

Elle l'avait vite retrouvé, ce n'était pas difficile vu qu'il se déplaçait assez lentement. Néanmoins, le regard émeraude qu'il venait de lui donner était éloquent. Les yeux à moitié clos, le regard baissé vers le sol, il semblait si triste mais aucun mot ne sortait de sa bouche. Ce fût elle qui brisa le silence après quelques instants :

« Rendons-nous au désert. Si tu veux bien me suivre, il va être temps d'y aller. »

Il ne répondit pas aux paroles de l'ombre encapuchonnée alors qu'elle se mettait en route. Elle passa à côté de lui tandis qu'il mettait déjà ses deux griffes sur ses mains. Celle de droite était plus grande et tranchante que l'autre, le nouvel achat de l'ombre encapuchonnée pour lui. Il ne restait plus qu'à les utiliser pour une première fois.

« Au bout d'une ou deux heures, je pense que nous y serons. Le relief est assez bizarre, tu comprendras ce que je veux dire, Tery. »

« D'accord. Je te fais confiance. De toute façon, à qui d'autre pourrais-je la donner ? »

Elle ne releva pas les dernières paroles du jeune homme : ce n'était pas une plainte mais un constat. Elle le savait : Il regrettait de s'être laissé emporter par ses émotions. Il avait simplement voulu montrer de l'affection. Une simple affection qu'elle aurait aimé avoir il y a plusieurs années … Enfin … C’était le passé … mais aussi son présent.

Côte à côte, les griffes pendantes chez Tery, les mains gantées de rouge chez l'Ombre, ni l'un, ni l'autre n'osait lancer une discussion sur tout et rien. Ce n'était pas comme si ils étaient en froid l'un par rapport à l'autre mais ils ne savaient pas quoi dire. Après un début de journée qui s'était annoncée comme resplendissante, il sentait que tout s'était brisé comme un simple objet de verre. Pourtant, il fallait quand même lancer une conversation entre eux deux, un sujet de discussion, n’importe quoi !

« Sinon … Il fait plutôt beau aujourd’hui non ? » dit le jeune homme, pensant aussitôt que ses paroles étaient particulièrement stupides.

« Ça peut aller … Dis-moi … Tu n’es pas en colère contre moi hein ? » demanda-t-elle sur un ton un peu inquiet, son masque blanc fixant le jeune homme.

« Non non ! Pas du tout ! Je ne suis pas en colère contre toi. J’ai juste un peu l’impression … que c’est triste … Je ne sais pas pourquoi … Je me sens un peu triste. Mais bon, ça me passera sûrement, héhéhé ! »

« Si tu as un problème, tu peux me le dire hein ? »

Phrase complètement idiote de sa part. Il ne pouvait pas lui demander de faire une telle chose … Surtout avec ce qu’il allait accomplir dans la grotte. AHHHH ! La grotte ! Il ne voulait vraiment pas y penser ! Il hocha la tête plusieurs fois de suite pour se retirer cette idée mais il n’y arrivait pas. Les ordres de l’Oracle étaient formels … et il devait les accomplir. Rien que cette idée … Rien que cette … idée lui faisait terriblement mal au cœur.

« Et si tu en as un, tu peux m’en parler hein ? Ça va dans un sens comme dans l’autre. » annonça le jeune homme avec un petit sourire aux lèvres.

« Bien entendu … Merci quand même pour tout. On va y aller, d’accord ? »

« Je n’attendais que ça de ta part, l’Ombre. » répondit-il calmement.

Mais combien de temps allaient-ils mettre pour y arriver ? Il ne lui demanda pas, commençant à marcher à ses côtés. Pourtant, au bout d’une dizaine de minutes, tandis que ni l’un, ni l’autre ne prenait la parole, il ne put s’empêcher de chercher à faire la conversation.

« L’Ombre … Ce scorpion … Je me demandais … Est-ce que tu crois qu’il y a des chances qu’il ait aussi des pouvoirs comme le gnomold que j’ai combattu ? Je me posais la question … Car je ne sais pas du tout ce que l’on va faire exactement là-bas. »

« Il y a des chances qu’il soit assez spécial, oui. Je me dis même que cela risque de ne pas être très simple … C’est pour cela que l’on a pris cette mission. »

« Mais ce n’est pas pour rejoindre l’armée de Shunter ! Héhéhé ! »

Il émit un petit rire pour bien montrer qu’il avait pris cette décision et qu’il ne comptait pas revenir dessus. Oui … Il ne voulait plus aller dans l’armée. Maintenant qu’il avait fait la paix avec l’Ombre et qu’il savait que ce n’était peut-être pas la meilleure décision d’aller rejoindre l’armée … Il se sentait mieux.

« Je l’espère bien … Tu n’es pas fait pour obéir aux ordres. Tu es un peu trop indiscipliné des fois. Je te vois très mal dans l’armée de Shunter ou dans une milice … Tu serais plus quelqu’un de solitaire ou alors quelques personnes qui t’accompagnent. Bien entendu, sans avoir à subir des ordres ! Bref … Quelqu’un de … seul. »

Sur le dernier mot, il remarqua une petite pointe de tristesse dans la voix de l’être masqué de blanc. Ça ne devait pas être toujours la joie pour lui, n’est-ce pas ? Il lui tapote doucement le dos avant de reprendre la parole sur un ton enjoué :

« Maintenant, je suis avec toi, l’Ombre donc bon … Je ne suis plus seul. »

« C’est vrai ! Tu m’accompagneras alors dans toutes mes folles aventures dans le monde, si j’ai bien compris ce que tu veux me dire, c’est ça ? »

« Bien entendu ! Plus on est de fous, plus on rit, n’est-ce pas ? » dit-il en rigolant une nouvelle fois, espérant que cela servirait à faire sourire la personne derrière le masque blanc.

« Sûrement … Ça serait une bonne chose que ça continue ainsi indéfiniment … Je me plais bien avec ce que j’ai actuellement … »

Hum ? Pourquoi est-ce qu’il continuait à parler sur ce ton triste ? Il le regarda, encapuchonné de brun … Pfff …Qu’importe ce qu’il disait, l’Ombre ne semblait pas des plus motivées. Peut-être qu’il valait mieux … rentrer avant qu’il ne soit trop tard non ? Cela pouvait bien attendre un autre jour.

« L’Ombre … Je pense que c’est mieux pour toi que nous retournions à Midès. »

« Hein ? Mais pourquoi ? Pourquoi est-ce que je ferai une telle chose ? » dit la personne masquée, s’arrêtant sur le chemin alors qu’il lui faisait face.

« Ca n’a vraiment pas l’air d’aller. Nous n’en sommes plus à une journée près … Et je me sentirai bien mieux si je savais que tu allais mieux. »

« Arrête avec ce mieux, mieux, mieux, je vais très bien, je te le promets. Tu te fais du souci inutilement, ça en devient un peu exaspérant. Qu’est-ce que je peux te dire pour te rassurer, Tery hein ? Nous allons régler cette histoire une bonne fois pour toutes. »

Cette histoire ? Ce n’était qu’une « chasse » tout simple, rien de plus. Il n’aimait pas vraiment le ton employé par l’Ombre à ce sujet. Mais voilà … Qu’est-ce qu’il pouvait dire pour qu’elle le rassure ? Hum … Quelque chose de drôle ou de gênant …

« Est-ce que tu peux me montrer ce que tu as sous ton masque ? »

« Hein ? C’est … C’est quoi cette demande saugrenue de ta part, Tery ? Je pensais que nous nous étions mis d’accord à ce sujet non ? Ce n’est pas possible. » dit l’être masqué de blanc avant de recommencer à avancer.

« Et bien … Au moins, je serai sûr que tu ne me caches rien de grave. Et puis … C’est surtout pour te faire rire un peu … J’ai l’air de m’être loupé visiblement. »

« Pas forcément … Mais si tu veux savoir ce qu’il y a sous mon masque, il y a alors un visage, deux yeux bleus comme tu peux le remarquer, une bouche, un nez, des sourcils, une dentition, toutes ces choses que tu as aussi. »

« Bla bla bla. Petite maline l’Ombre. Mais ce n’était pas ça que je demandais réellement, tu le sais aussi bien que moi, n’est-ce pas ? »

« Oui mais ce n’est pas aussi simple que ça ! Peut-être qu’un jour … dans un temps très très lointain, tu verras ce qu’il y a sous mon masque mais pour l’heure, il ne faut pas rêver. »

« Oui … Je m’en doutais hein ? Mais bon … Si tu veux me montrer que tu n’as pas de problèmes, le mieux va être de discuter longtemps, très longtemps avec moi. » annonça le jeune homme avec calme et sérieux.

« Si ce n’est que cela … Je pense que je peux bien subir cette torture de ta part. » répondit l’être encapuchonné de brun avant de rigoler un peu.

Oui … C’était mieux comme ça. Pour pallier à l’ennui, il n’y avait qu’une méthode bien efficace la majorité du temps : s’occuper à autre chose. Dans ce cas précis, cela allait consister à rire et parler entre eux. Dommage qu’il n’ait pas plus de connaissances, cela aurait pu donner quelques débats plus ou moins intéressants. Mais pour l’heure, la seule chose qu’il avait en tête, c’était de lui poser des questions sur elle … ou alors sur les cours qu’elle lui avait donnés depuis déjà … quelques mois ?

Les minutes s’écoulèrent plus paisiblement et calmement qu’auparavant. Maintenant qu’il avait un sujet de conversation, l’anxiété qui l’avait envahi disparaissait peu à peu pour laisser place à un peu de joie. Oui … Il se sentait bien mieux maintenant et il le montrait. Muni de sa griffe gauche, son autre main serrait celle de l’Ombre alors qu’ils marchaient tranquillement en direction du fameux désert où ils devaient se rendre.

« Hum ... Au sujet de ce désert, est-ce que tu peux m’en dire plus ? Tu sembles avoir bien voyagé, est-ce que tu le connais ? » demanda le jeune homme.

« Je ne le connais que de nom … Mais il semblerait que ça ne soit pas un désert réellement … Il n’a de désert que le nom … C’est plus une plaine abandonnée par les hommes qui porte le nom de désert, rien de plus. »

« Hum … Je vois, je vois … Ce n’est donc au final qu’une image. J’avais peur que la température augmente subitement et nous rende la marche invivable. »

« J’ai pris quand même quelques boissons au cas où … Ce n’est pas grand-chose car je ne pense pas que nous allons prendre la journée … Mais cela devrait être plus que suffisant pour pouvoir éviter d’avoir soif. »

« Merci bien … Heureusement que tu penses un peu à tout, sans toi, ça pourrait toujours très mal se terminer héhéhé. »

Oui … Surement … Il fallait dire que cette histoire, cette mission avait très mal débuté aussi. Mais cela, il ne le savait pas. L’être au masque blanc posa ses yeux saphir sur le jeune homme. Il semblait si … insouciant maintenant. C’était radical comme changement mais … Il ne s’en plaignait pas. Voir le jeune homme heureux après ce qui s’était passé mettait du baume sur son cœur meurtri par cette lettre détestable.

Enfin … Cette lettre était aussi celle à laquelle elle devait obéir. L’Oracle savait ce qu’il faisait … L’Oracle savait faire le bon choix … Sinon, il ne l’aurait pas envoyé pour cette mission … Mais voilà … Elle avait pensé un instant que rencontrer Tery était lié au destin mais pas uniquement … Qu’il y avait encore plus que cela …

Mais voilà … Peut-être qu’il s’était trompé en fin de compte ? Ca ne serait pas la première fois, ni la dernière fois. Il observa Tery, celui-ci tournant son visage vers lui avec l’air de lui demander s’il y avait quelque chose sur sa face. Il hocha la tête négativement, voulant éviter de plus y penser bien que c’était trop difficile.

« Et bien … Tu ne vas pas me dire que tu recommences à bouder hein ? Ça ne va pas aller comme ça, l’Ombre ! Tu vas tout me dire si tu continues … »

« Je ne te dirai rien car je ne boude pas. Je pensais simplement au fait que nous étions bientôt arrivés au désert, voilà tout. »

« Ah … Oui … Je vois … Mais de toute façon, tu as une idée du chemin à prendre lorsque nous serons dans le désert ? » demanda le jeune homme avec interrogation.

« Je ne pense pas … Mais il ne doit pas y avoir une dizaine de grottes. De même … Bien que ça ne soit pas forcément très rassurant, il y a de fortes chances que si on découvre des corps ou des ossements non-loin … Ca soit le bon endroit. »

« Ah … Je vois pourquoi tu as dit que ça ne serait pas forcément très rassurant, oui. »

« Je te dis simplement ce que j’en pense … Désolé. » termina d’annoncer l’être masqué de blanc tandis que le jeune homme poussait un léger soupir.

« Ce n’est pas de ta faute. Tu n’as pas à t’excuser hein ? C’est simplement que ça me tente de moins en moins cette excursion dans le désert. Mais bon … Maintenant que nous avons fait tout le chemin ou presque, on ne va quand même pas rebrousser chemin hein ? »

« Je ne crois pas que ça soit une bonne idée, oui. De toute façon, nous verrons lorsque nous serons sur le terrain, ça résoudra tous les soucis. »

Il acquiesça tandis qu’ils recommençaient à marcher. A force de parler et de discuter, il commençait à avoir mal à la bouche et à la gorge. Peut-être que trop parler n’avait pas été forcément la meilleure des idées, non ?

Enfin, ils arrivèrent jusqu’au fameux désert. Un désert bien spécial puisqu’ici, il n’y avait pas que du sable, des dunes et quelques pierres. Loin de là même, c’était tout le contraire … Oh, il y avait bien quelques étendues sableuses mais ce n’était pas grand-chose. Non, le terrain consistait plus à de la pierre, quelques rochers mais aussi de petites étendues parcourues par les herbes. C’était assez … spécial mais en même temps bien différent de ce que l’on pouvait imaginer. Il regarda les environs, passant une main sur son front avant de dire à l’Ombre :

« Bon … Et bien maintenant que nous sommes ici … »

« Il nous faut trouver le plus tôt possible ce scorpion. Ensuite, nous pouvons le tuer et enfin, je pense que tout sera terminé. » annonça l’Ombre bien qu’elle appuyait sur le « terminé ».

« Vivement que ça soit le cas … Mais quand même … Je n’ai même pas eu le temps de voir ce qu’était réellement ce livre … Et aussi ce pendentif. J’aurai bien aimé l’essayer. »

« Tu ne perds rien pour attendre. On va vite s’occuper de ce scorpion. »

Oui, c’était vrai. Et maintenant ? Qu’est-ce qu’ils allaient faire ? Allaient-ils se lancer tout de suite à la conquête de ce désert ? Il se tourna vers l’être masqué de blanc, celui-ci sortant de quoi se nourrir et boire. Il lui dit avec calme :

« Je pense qu’il vaut mieux avoir le ventre plein avant de partir, non ? »

« C’est une très bonne idée. » répondit Tery avant de chercher un endroit où ils pourraient s’asseoir. Il désigna des rochers de faible taille mais assez volumineux. Chacun vint s’installer en face de l’autre avant de commencer à manger pour se remplir l’estomac. Ainsi, lors du combat qui allait les opposer à ce monstre dont ils ne savaient pas grand-chose, ils seraient alors en pleine forme contre lui.

« Est-ce que tu crois qu’il y a autre chose comme créature ? Enfin des bêtes aussi grosses que ce scorpion géant, l’Ombre ? » demanda t-il après deux minutes de silence.

« Il y a des chances, oui … Mais on va éviter de les rencontrer hein ? Ça ne serait pas vraiment … la meilleure idée que d’aller affronter une créature que Shunter veut éliminer. »

« C’est exact … Mais bon, si on n’a pas le choix, on ne sera pas vraiment aidé hein ? »

« Je confirme … Enfin … Il vaut mieux ne pas penser au pire sinon, je t’avoue que je serai vite dépressif si on commençait ainsi. » répondit l’Ombre en rigolant bien qu’il sentit que ce n’était pas un véritable rire. Elle semblait sérieuse … plus que sérieuse.

Quel était son problème ? Il avait envie de le savoir … mais elle restait impénétrable. Il aimerait tellement en savoir plus à son sujet … Mais elle ne lui disait rien sur elle. Pourquoi d’ailleurs ? Est-ce qu’elle avait un secret bien gardé ? Visiblement, son regard posé sur elle semblait la déranger puisqu’elle reprit :

« Il y a un souci, Tery ? J’ai une tache sur mon vis… euh mon masque ? »

« Hein ? Euh … Non, non. Ne t’en fait pas pour ça, tu n’as rien du tout. Je regardais juste … quelque chose … Sans plus. Tu n’as pas à t’en faire, tu n’as rien du tout. »

« Hum … D’accord … Dès que tu as terminé, nous pouvons repartir. »

Il hocha la tête, ne perdant guère de temps avec son repas. Il aurait les réponses à ses questions plus tard … lorsque le moment serait venu. Pour l’heure, le plus important restait la défaite du scorpion mais aussi la protection de l’Ombre. Comme elle savait se battre et que lui … n’était qu’un débutant, il devait alors faire plus qu’attention.

« Terminé ! » dit-il après cinq minutes, l’être masqué de blanc se relevant aussitôt.

« Alors … Faisons disparaître toutes ces saletés et allons-nous occuper du scorpion. Ensuite … Ensuite … Et bien … Nous verrons ce que nous ferons … »

« Facile, l’Ombre. Il suffit de rentrer avec une preuve de la mort du scorpion. »

« Oui … C’est ça, Tery … C’est exactement ça. » murmura la personne encapuchonnée sur un ton plus que distant. Il suffisait … de rentrer après le combat. Le jeune homme partit devant elle, la laissant seule alors qu’elle se mettait à marcher avec lenteur à sa suite.

« Tu te dépêches quand même un peu hein ? »

Elle hocha la tête positivement tandis qu’elle réfléchissait à tout cela. Le tuer … Le tuer … Elle devait tuer le jeune homme … après ce combat. Peut-être que le scorpion pouvait s’en occuper à sa place ? NON ! C’était juste … horrible de désirer la mort de quelqu’un d’innocent … qui n’avait rien fait. Qui n’avait encore rien fait … Est-ce qu’elle pouvait le considérer coupable avant même qu’il n’agisse ? Cette question la torturait.

Chapitre 14
Chapitre 14 : La grotte de Litan Deseria

« Restons groupés, d'accord ? » murmura l’être masqué, cachant sa nervosité avec difficultés. Ce n’était qu’un mauvais moment … Ce n’était pas la première fois.

« Je ne peux pas dire le contraire. Je n'ai pas envie de me perdre dans cet endroit. Tu connais les lieux ou non ? » demanda-t-il calmement alors qu’elle poussait un soupir.

« Je t'ai signalé que ce n'était pas le cas. Tu ne m'écoutes pas, Tery ? »

« Si, si... Juste que je me sens un peu perdu. Je peux te prendre la main, l'Ombre ? Je n'aimerais pas me perdre ici. Et puis … Au moins, je serai un peu rassuré. » dit le jeune homme, quand même un peu gêné à cette idée. Heureusement que depuis des années, il ne n’avait pas réellement appris des notions aussi simples que le simple fait de tenir la main d’une personne inconnue … ou proche. Il nageait un peu dans la confusion.

« Mieux vaut éviter ça. Si nous nous faisons attaquer, nous ne pourrons pas riposter. » annonça la personne encapuchonnée alors qu’il était un peu décontenancé.

Tery hocha la tête pour dire qu'il avait compris le message. De toute façon, avec ses deux griffes, il aurait eu du mal à prendre la main de l'Ombre dans la sienne. Il observa les alentours rien de spécial visiblement. Il se mit à marcher d'un pas lent à travers le paysage alors que l'Ombre le suivait, visage sous le masque baissé en direction du sol.

Le tuer maintenant ? Ne pas le tuer ? Qu'est-ce qu'elle devait faire pour être enfin en paix ? Non... Elle ne devait pas le tuer ! Le scorpion allait s'en occuper tout seul et ainsi, elle n'aurait aucun remord. A qui voulait-elle faire croire ça ? Si c'était à sa propre personne, elle venait de se louper lourdement. Elle se rappelait de sa rencontre avec Tery, du sauvetage de ce dernier grâce à elle et de … et de … tellement de choses.

« AH ! J'ai oublié ! » s’écria t-elle subitement comme si elle venait de se rappeler quelque chose de plus qu’important. Le jeune homme se tourna vers elle, lui demandant :

« Oublié quoi, l'Ombre ? Il y a un souci ? On a oublié des vivres ? »

« J'ai oublié de te faire apprendre l'un des sorts neutres. Enfin … Tellement … »

« C'est pour ça que tu es si étonnée ? Ca pourra attendre demain ou après-demain lorsque l'on rentrera. » dit-il en haussant les épaules, amusé par la réaction de l’être encapuchonné.

« Oui mais non ! Ca ne pourra pas ! Ca ne sera pas possible ! »

« Et pourquoi ça ? » questionna le jeune homme, un peu surpris par cette affirmation.

Il s'arrêta, se tournant vers la personne sous cette cape brune. Il observa le masque blanc et les deux yeux bleus qu'il pouvait apercevoir sous ce dernier. L'Ombre était vraiment bizarre depuis ce matin. Il y avait un problème mais où ? Il attendait une réponse de la part de l'Ombre, réponse qui n'arriva pas.

« Si tu veux garder tes secrets, libre à toi. C'est quand même dommage que tu ne veuilles rien me dire. Si encore, c'était quelque chose d'important en rapport avec ta mission, j'aurais compris mais là... Tu ne veux vraiment rien me dire ? Je n'aime pas savoir que tu vas mal. J'ai l'habitude de t'entendre rigoler. » reprit le jeune homme avec un peu de tristesse.

« Je ne peux pas Tery ! Je ne peux pas ! Tu ne comprends pas ou quoi ? »

Elle venait de lui crier dessus ? Il s'immobilisa, stupéfait d'entendre une voix colérique de la part de l'ombre. Oh... Il l'avait déjà entendu lorsqu'il était convalescent mais cette voix dirigée vers lui, il avait la désagréable sensation d'avoir commis une faute irréversible. Ses yeux émeraude se posèrent sur le masque, un petit sourire triste se dessinant sur les lèvres de Tery. Il se remit en route en murmurant :

« D'accord, d'accord. Tu ne veux rien dire, j'ai compris. Je te laisse prendre les devants. »

Il s'arrêta au milieu de la plaine, attendant que l'Ombre passe devant lui pour le guider. Elle tremblait légèrement, comme prise de rage ou d'un sentiment qu'elle n'arrivait pas à contrôler : pourquoi devait-elle tout compliquer à la fin ? Il lui suffisait de lui décocher une flèche en plein cœur, de le tuer sans se soucier de tout ça.

« A... Allons-y. On va éviter à tout prix de se faire repérer par les créatures qui vivent ici. J'utiliserais une magie de vent pour transporter notre odeur à d'autres endroits et les mener en bateau. Ils ne sauront pas notre position. »

Il ne répondit pas aux phrases de l'ombre. Cette fois-ci, il évitait clairement de prendre la parole. Il valait mieux ne rien dire et se taire. Ne pas lui donner sa confiance absolue, voilà ce qu'il devait faire puisqu’il était ainsi. La marche se poursuivie pendant une trentaine de minutes, le jeune homme sentant un léger vent qui le frappait au visage.

Ne rien dire, ne rien dire, revenir à ses anciennes habitudes. C'était plus facile à penser qu'à faire ! Il avait tant envie de discuter avec l'Ombre, parler pour rompre la monotonie et le mutisme de ce moment. Des cris d'animaux, des croassements et toutes sortes de bruits bizarres les entouraient mais elle ne semblait pas s'en soucier, comme plongée dans sa mission... mais quelle mission ? Car il avait maintenant la nette impression qu’il y avait encore plus qu’il ne le pensait derrière cette mission … Oh que oui.

Ils n'étaient plus très loin, elle le sentait grâce aux effluves magiques dans cet endroit. La majorité des créatures de Litan Deseria étaient monstrueuses mais inaptes à la magie mais elle sentait une légère puissance magique dans une direction au nord-est de leurs positions. Ce scorpion... était doué de pouvoirs magiques donc il était capable d'utiliser un élément. Il restait à savoir lequel.

Sentir ? Ah ! C'est vrai : Il ne portait pas de masque alors que c'était son cas. Ce dernier était très utile, bien plus utile qu'un simple objet que l'on mettait sur le visage. Mais cela, Tery ne le savait pas et il n'allait jamais le savoir. Celui-ci posa subitement une main sur son épaule, l'ombre sursautant sur le coup en préparant un début de sort. Elle arrêta son sort, lui demandant ce qui se passait. Il lui désigna d’un doigt ce qu’il avait remarqué … Une grotte ? Comment est-ce qu’elle ne l’avait pas vu ? A cause de sa perturb… AH !

Il la retourna pour l'avoir en face de lui. Il rapprocha son visage à quelques centimètres du masque blanc de l'Ombre, celle-ci ouvrant en grand ses yeux bleus de stupéfaction. Si elle n'aurait pas eu le masque, elle savait qu'elle aurait senti le souffle de Tery sur son visage. Elle tremblait de toutes parts, ne comprenant pas ce que voulait le jeune homme par rapport à elle. Il lui demanda avec un peu de colère ce qui se passait. Il voulait savoir mais elle lui répondit qu’elle ne pouvait pas. Pourquoi est-ce qu’il ne comprenait pas ? Il empoigna le bras de l'Ombre, celle-ci poussant un léger cri de douleur en essayant de retirer ce dernier. Depuis quand Tery était-il aussi fort ? Ou alors, était-ce simplement autre chose qui la rendait si vulnérable ? Lentement, elle se mit à murmurer :

« Dans ce monde, certaines personnes pensent d'abord aux autres avant elles-mêmes. Je fais partie de ces personnes. Si je ne devais penser qu'à mes états d'âme, je ne serais pas ici. Lâche-moi maintenant. Nous allons dans cette grotte. »

Un léger mouvement et elle retira son bras comme si de rien n'était. Il l'empoigna à nouveau, le regard froncé. Il n'était pas satisfait des dernières paroles de l'Ombre : Comment pouvait-il être satisfait ? Elle n'était pas un sacrifice humain quand même !

« Tery, si tu ne me lâches pas d'ici quelques secondes, je serais forcé de te briser la main droite.  S’il te plaît … Retire ta main alors, d’accord ? »

« Je n'ai pas envie de te quitter, d’accord ? Tu es mon maître, que tu le veuilles ou non. Le disciple se doit de savoir ce qui préoccupe son maître. Il lui est dévoué corps et âme. Enfin … Dis comme ça … Ça parait quand même bizarre. »

« Un maître a environ quarante ans minimum. Je n'en ai que dix-huit comme toi. Ne lâche pas mon bras si tu veux mais je te traînerais avec moi. »

Voilà de quoi refroidir leurs relations : il s'était mis à se rebeller légèrement. A force de lui cacher trop de choses, l'Ombre n'avait réussi qu'à se le mettre sur le dos. Ce n'était pas ses problèmes, seulement les siens. Il n'avait pas à savoir sa mission : de plus, qu'est-ce qu'il aurait pensé si elle lui avait dit qu'elle comptait bien la remplir ? Il se serait enfui ou il se serait défendu. La grotte n'était plus qu'à une dizaine de mètres et déjà une odeur insoutenable se faisait sentir. Tery posa une main sur son nez, lâchant l'Ombre.

« C'est quoi ça  ? C'est horrible ! Ça me donne envie de pleurer ! » dit-il avec dégoût.

« Des corps en putréfaction ou si tu préfères, ce sont des cadavres. »

Elle annonçait ça sur un ton neutre mais elle n'en était pas moins choquée. Heureusement qu'elle portait le masque, elle ne pensait même pas à ce que devait subir Tery. Elle jeta un regard vers ce dernier, le voyant en train de sangloter. C'était assez... bizarre de le voir dans cet état. Peut-être dans une autre situation, elle aurait trouvé cela touchant mais ici, il n'en était pas question. Elle ne devait pas faire dans le sentimental.

Des corps dont il manquait des morceaux de peau ou des muscles, d'autres n'ayant plus que les os sous leurs vêtement. Les vêtements semblaient pourtant récents. La peau était verte, entièrement verte et il s'accroupit devant l'un pour l'étudier :

« C'est bizarre cette couleur. Tu en penses quoi, l'Om... »

Il s'arrêta au beau milieu de sa phrase, un haut le coeur venant de lui arriver. Une main sur la bouche, il se mit à courir en arrière pour ne pas montrer le spectacle affligeant où ses entrailles se vidaient peu à peu sur le sol à ses pieds. Visiblement, l'odeur était vraiment insupportable. L'Ombre le regarda, ses yeux saphir montrant l'inquiétude qu'elle lui portait : une inquiétude contraire à sa mission. Rapidement, elle déchira un morceau de sa cape brune avec ses deux mains avant de s'approcher de lui.

« Ne bouge pas, Tery. Je vais te faire un « masque » de second ordre mais au moins, tu pourras mieux tenir le coup. » murmura l’être masqué avec douceur.

Ca s'était arrêté et heureusement. Il se laissa faire en fermant les yeux, l'Ombre passant dans son dos avant de lui faire une sorte de foulard très serré, créant une légère ouverture pour la bouche. Elle semblait prendre son temps, réfléchissant à la situation : il était de dos, il lui suffisait simplement de planter une flèche dans son coeur et de le laisser mourir aux côtés des autres. C'était aussi simple que ça... Alors pourquoi n'y arrivait-elle pas ?

Il toussa violemment, bougeant ses mains alors qu’il lui disait qu’elle l’étranglait. Elle retira subitement ses mains du nœud qu'elle finissait de lui faire. Le foulard tomba du visage de Tery mais elle le reprit, recommençant une seconde fois. Elle y arriva avec brio alors que le jeune homme rigolait faiblement :

« J'ai vraiment cru que tu voulais me tuer sur ce coup. Mais bon, je sais bien que tu n'es pas comme ça. Si tu voulais vraiment me tuer, tu l'aurais fait depuis pas mal de temps. »

De la candeur ? De l'imbécillité ? Quel était le motif qui permettait à Tery de dire de tels mots ? Elle ne comprenait pas, non. Elle n'y arrivait pas, ça ne servait à rien ! Sans rien dire, elle se dirigea vers l'un des cadavres, récupérant le morceau de bois qu'il tenait dans une main. Rapidement, elle fit apparaître une flamme au bout de ce dernier : c'était simplement une torche comme il en existait tant d'autres.

« A compter de maintenant, ne me quitte pas de plus de cinquante centimètres. Nous ne pouvons pas risquer de nous perdre de vue. »

« Aucun souci, je te suivrais comme ton ombre. » répondit-il en rigolant à moitié.

Elle s'immobilisa alors qu'ils pénétraient à peine dans la grotte. Comme son ombre ? Comme son ombre ? Elle devait se calmer, ne rien dire sous peine de s'énerver à nouveau pour une chose inutile. Qu'il se taise au lieu de dire de telles âneries, qu'il se taise. Elle ne pouvait pas … supporter ça. Elle lui demanda de ne plus parler pour éviter de se faire repérer. Elle se tourna vers lui pour voir s’il avait compris le message : il mima avec sa bouche un mot Da-Kor. En clair, il allait se taire et intérieurement, elle était heureuse. Au moins, il n'allait pas lui donner plus de remords sur la conscience. Le pauvre homme, il était si jeune, autant qu'elle mais pourtant, il ne savait rien contrairement à elle. Si seulement ils s'étaient connus bien plus tôt. Ah non ! Quelle idée stupide que de penser ça, jamais ils ne seraient connus auparavant. Et pour quelle raison ? Tout simplement car …

« C'était quoi ça ? Qu’est-ce que … ça veut dire ? »

Tery venait de prendre la parole en s'écriant brièvement. Elle l'observa tout en tendant l'oreille. Des cliquetis et des bruits de pas qui résonnaient dans la grotte. Ce n'était pas vraiment des pas vu la vitesse à laquelle on entendait les bruits... plutôt des pattes.

Elle lui demanda de lui prendre la main. D’abord réticent sans savoir exactement ce qui se passait, elle lui cria et ordonna de la prendre. Il s’exécuta, passant sa main dans la sienne. Les cliquetis étaient de plus en plus proches au fur et à mesure qu'ils avançaient. Elle le savait qu'ils se rapprochaient : l'émanation de magie était si forte et présente en ce lieu qu'elle ne pouvait pas faire autrement que de le sentir !

« Il y a de la lumière et... une drôle d'odeur. » murmura le jeune homme.

Cette odeur, ils savaient tous les deux quel en était l'origine : des nouveaux cadavres se montraient, tous ayant leurs troncs retirés alors qu'ils arrivaient dans une dernière pièce. La première chose qu'il remarqua fut que le plafond était parsemé de nombreux trous dans lesquels la lumière pénétrait à l'intérieur de cette salle. L'émanation... L'émanation magique se rapprochait peu à peu mais où ? Elle était si puissante comparée à ses sens. Des cliquetis se firent entendre sur la droite alors qu'elle cria à Tery de faire attention. Elle le poussa avec violence, tombant sur lui au moment où un dard se planta dans le sol à l'endroit où il s'était trouvé il y a encore quelques minutes. Le jeune homme aux cheveux bruns tourna son visage vers la personne à côté de lui, remarquant qu'elle n'avait plus rien sur la peau... En fait, il ne restait plus que les os et le crâne l'observait de ses orbites vides.

Il poussa un petit cri avant de se redresser subitement. Il avait porté l’Ombre avec lui pour la remettre debout. Celle-ci sembla surprise par le geste de Tery mais ne prononça aucune parole. Le moment n'était pas venu de parler de toute façon. Quelque chose s’était rapproché d'eux mais quoi ? L'aiguillon de plusieurs mètres se retira du sol alors qu'il se présentait aux deux humains. Claquant ses deux mandibules en direction de Tery et de l'Ombre, celle-ci murmura avec calme bien qu’elle avait du mal à ne pas trembler :

« Un scorpion cyclope. Cette créature, elle vit ici depuis quand ? »

Pour un tel nom ? C'était fort simple. Un unique œil mesurant quatre à cinq fois la taille d'un œil humain se trouvait au-dessus de sa gueule. L'œil globuleux observa les deux humains alors que ses mandibules claquèrent à nouveau pour signaler que le scorpion considérait la présence de Tery et de l'Ombre comme une intrusion. Mesurant dans les un mètre de hauteur pour une queue qui semblait pouvoir aller jusqu'à deux ou trois mètres de hauteur, sa peau brillait d'une belle clarté onyx alors que ses deux mandibules semblaient pouvoir trancher tout ce qui était à leurs portées.

« Attention à sa queue, ne te fais SURTOUT pas toucher par cette dernière. » s’écria l’être masqué de blanc tandis que Tery lui répondait un peu nerveusement :

« Je ne suis pas stupide, l'Ombre. Je sais quand même que les scorpions injectent leurs venins grâce à leurs queues. Tu penses que c'est quelle sorte de venin ? »

« Si ce n'était qu'un venin neurotoxique, ça serait plus facile pour nous mais je n'ai pas envie de tester personnellement. Alors bon … Il est l’heure de se battre. »

Il lui signala qu’il allait la suivre mais elle lui répliqua de rester là où il était. Elle fît apparaître un magnifique arc couleur azur. Il était fait de bois mais sa couleur était quand même assez bizarre pour quelqu'un qui n'avait vu que très rarement des arcs. Elle fit apparaître une flèche, visant directement la liaison entre la queue du scorpion et le reste de son corps. A son grand désarroi, la flèche percuta la carapace de la créature sans la blesser.

« Sa carapace est trop solide pour que tes flèches puissent passer ! » annonça Tery.

Sans attendre de réponses de la part de l'Ombre encapuchonnée, celle-ci lui hurlant de ne pas faire ça. Les griffes dirigées en avant, il s’était élancé vers elle. La créature arachnide s'était retournée vers l'Ombre, prête à venir planter ses mandibules en elle.

« Dis-moi ce que tu penses de ça, sale bête ! » s’écria le jeune homme.

Il vint griffer la carapace de la créature qui lui tournait le dos, remarquant que ses deux armes n'arrivaient qu'à peine à laisser quelques marques sur la protection de l'insecte. Vraiment, elle était très solide, trop solide pour ses armes alors comment faire ? Elle lui hurla de faire attention. La voix de l'Ombre résonna dans la grotte alors qu'il sauta en arrière pour échapper de justesse aux deux mandibules du scorpion cyclope. L'unique œil de ce dernier l'étudia pendant quelques instants avant de se fermer à moitié, signe qu'il n'appréciait guère la tentative du jeune homme.

« Je t'ai pourtant dit de reculer et de me laisser faire ! Je peux me charger de ce monstre ! »

« C'est un travail d’EQUIPE ! Tu comprends ce mot ? Ça veut dire que l'on doit prendre autant de risques l'un que l'autre. » répondit avec véhémence Tery.

MAIS IL ETAIT FAIBLE ! ZUT ! Voilà qu'il prenait des initiatives sans attendre ses paroles. Etait-elle en colère contre lui sur le fait qu'il prenait des risques inconsidérés... ou alors parce qu'il volait peu à peu de ses propres ailes. Visiblement, les paroles de l'ombre encapuchonnée avaient réussi à énerver le jeune homme qui posa son regard émeraude sur elle. Il était faible ? Il était faible ? Alors qu'est-ce qu'ils avaient foutu pendant trois mois ? Ils s'étaient tourné les pouces ? Il hurla en sa direction :

« J'en ai marre  ! Je ne suis pas un gamin ! Si tu n'arrives pas à te mettre ça dans la tête, tu n'as qu'à partir ! Je n'ai pas besoin de toi si c'est pour toujours me rabaisser ! C’est compris ? »

Des paroles qui la frappèrent en plein cœur : elle rabaissait Tery ? Ce n'était pas vrai ! Elle était simplement inquiète de le savoir et ne voulait pas qu'il soit en danger inutilement, voilà tout ! Un petit cri la ramena à la réalité : Tery était couché au sol, bloquant le dard du scorpion unicorne avec ses deux griffes. Il ne faisait pas le poids, elle le savait bien !

« Je n'ai pas à hésiter, de toute façon...Cela pourra bien attendre. Pardonnez-moi Oracle, je n'obéirais pas à votre mission pour le moment. » se murmura-t-elle.

Voilà, elle était enfin en paix avec elle-même et déjà cinq flèches apparurent sur son arc. Des veines blanches firent de même sur ses bras alors qu'elle bandait l'arc en murmurant quelques paroles. Il fallait passer outre cette carapace !

« Tery, recule-toi ! Je vais tirer ! » dit l’Ombre en s’adressant au jeune homme.

« C'est malin, je fais comment moi  ? Il ne me laisse pas bouger ! »

Elle n'avait pas le choix : elle espérait seulement éviter de trop blesser Tery avec ses flèches. Quatre d'entre elles s'étaient mis à briller d'une petite lueur brune au bout de leurs pointes alors qu'une autre s'était enflammée. Les cinq flèches quittèrent l'arc pour venir frapper la carapace du scorpion. Encore une fois, ce fut sans succès mais dès l'instant où les pointes touchèrent la carapace, quatre explosions de faible ampleur se produisirent, des morceaux de carapace tombant au sol alors que le jeune homme toussait en se redressant. Il saignait légèrement au front, un éclat de carapace l'ayant frappé après l'explosion. Il se positionna à côté de l'Ombre encapuchonnée avant de dire :

« Sacrément efficaces tes flèches ! Tu peux en utiliser d'autres ? »

« J'aimerais bien mais... Utiliser une telle quantité de magie me fatigue beaucoup. »

Alors … C’était à lui de rentrer en piste ! Elle lui cria de ne pas commettre de bêtises, ils avaient sûrement rendu le scorpion furieux. Et c'était le cas. A cause des multiples explosions, le scorpion s'était retiré, libérant ainsi Tery de son étreinte. Quand il se redressa sur ses multiples pattes, il claqua ses deux mandibules avec énergie. Il leva son dard dans les airs d'un air menaçant alors que le jeune homme observait le sol d'un air intrigué.

« Dis l'Ombre, tu n'as pas remarqué quelque chose de bizarre ? Il y a beaucoup trop de fissures au sol. » murmura le jeune homme, un peu surpris.

Comment ça ? Elle baissa son regard saphir vers l'emplacement qu’il lui désignait. C'était vrai, ils ne s'étaient pas trop préoccupés du décor sous les cadavres. Il y avait de nombreuses fissures qui zébraient le sol et soudainement, elle comprit : L'élément de cette créature, c'était le même que celui de Tery !

« TERY ! Fais attention ! » s’écria-t-elle en tendant une main vers lui.

Le petit cœur de pierre brune qu'il avait autour du cou se mit à briller alors que la queue du scorpion vint frapper le sol. Des nombreux tremblements se produisirent, certaines fissures se refermant alors que d'autres s'ouvraient sous leurs pieds. Il fut percuté de plein fouet par l'ombre qui le fit tomber au sol alors que ce dernier se soulevait à certains endroits, l'Ombre étant envoyé contre un mur. De nombreux morceaux de pierre allèrent la frapper au niveau des mains et des bras, la faisant lâcher son arc. BON SANG ! L’Ombre ! Qu’est-ce qu’elle avait fait ? Il se releva avec rapidité alors que le scorpion cyclope semblait surpris : Cet humain était en parfait état malgré son attaque ? Généralement, la majorité des humains étaient dans le même état que l'autre, celui avec sa cape. Mais lui... Il était capable de courir comme si il n'avait rien subit comme blessures. Le jeune homme aux cheveux bruns se pencha vers la personne qui était assise contre un mur, lui tapotant les épaules :

« Tu vas me répondre  ? Tu fais encore semblant, n'est-ce pas ? Ce n'est pas drôle cette fois ! Tu vas me répondre, l'Ombre ? Je ne peux pas le battre tout seul, moi ! »

Aucune réaction, cette fois-ci, il en était sûr, elle ne blaguait pas. Etait-elle morte ? Ou alors simplement inconsciente ? Il ne se posait même plus ces questions. Cette créature, il allait la tuer et la réduire en cendres. Il se redressa pour se retourner vers le scorpion. Ses deux bras comme son visage laissèrent paraitre des lignes noires. Ses yeux verts se fermèrent pendant quelques secondes avant de s'ouvrir, la couleur de ses yeux étant devenue entièrement rouge.

« Tu vas le regretter … amèrement … oui … »

Chapitre 15
Chapitre 15 : Plongé dans l’incompréhension

« Maintenant... Maintenant... Je vais te faire payer ce que tu as fait ! » s’écria le jeune homme aux cheveux bruns avec rage. Il … voulait … Il voulait la détruire !

Elle l'attendait, elle n'avait pas à s'inquiéter, ce n'était qu'un simple humain. Un humain un peu bizarre, certes, mais un humain. C'était bien la première fois qu'il voyait un humain avec des lignes noires. D'habitude, elles étaient vertes, rouges, bleues, brunes ou jaunes mais JAMAIS elles n'avaient été noires. Le scorpion cyclope redressa sa queue, prêt à l'abattre dès le moment où il allait être à sa portée. La queue s'abaissa subitement alors que Tery se retrouva à quelques centimètres de la créature. Une giclée de sang noire vola dans la pièce, l'appendice tombant au sol alors que des cris sortaient du scorpion cyclope.

« Ce n'est que le début de ce que je te réserve. Tu vas souffrir, souffrir longuement et atrocement. Tu vas comprendre la douleur qui t’attend ! » hurla une nouvelle fois Tery, prêt éliminer toute trace de la créature en face de lui.

Qu'est... Qu'est-ce qui s'était passé ? Elle avait mal à la tête, si mal... Et pourtant, elle sentait qu'elle n'était pas blessée à cette dernière. Un peu de sang s'écoulait de ses plaies au bras. AH ! Elle se rappelait : elle était tombée inconsciente pendant quelques minutes. Elle tenta de se remettre debout mais n'y arriva pas, elle était encore un peu sonnée. Visiblement, la magie du scorpion avait quelques effets paralysants en plus d'être liée à l'élément de la terre.

« Te... ry ? Qu’est-ce que ça … veut dire ? » murmura-t-elle faiblement, surprise.

Elle venait de prononcer le prénom du jeune homme alors qu'elle l'observait en train de se battre comme un démon. Les deux mandibules du scorpion tentèrent d'agripper Tery alors qu'il était près de lui mais elles se heurtèrent à une résistance sous la forme de ses deux griffes. D’ailleurs, une aura noire les entourait.

Qu'est-ce que c'était que cette aura malfaisante qui émanait du jeune homme. Ce n'était pas Tery, ce n'était pas possible ou alors... Etait-ce qu'elle craignait ? Est-ce que les veines noires étaient finalement apparues à nouveau ? Elle n'arrivait pas à voir les détails à cette distance mais elle s'en doutait, ce n'était pas possible autrement.

L'une des mandibules se déchira alors qu'il venait de donner un coup de pied dans l'autre. Il fit un saut sur le côté pour esquiver le coup de l'unique mandibule restante. Blesser l'Ombre voir la tuer... Il allait se venger ! Depuis longtemps, il ne s'était pas senti aussi bien. Depuis longtemps, il avait perdu la volonté de se battre, d’apprendre, de s’entraîner et l’Ombre … L’Ombre lui avait redonné ce goût perdu ! Il allait la venger !

« Ne compte pas t'enfuir maintenant ! Je ne te laisserais pas t'échapper ! La seule solution qui te reste est de mourir, sale bête! »

Il s'écriait alors que la carapace du scorpion cyclope volait peu à peu en éclats. C'en était bientôt terminé de cette foutue créature. Elle allait mourir et disparaître, ensuite... Il allait s'occuper de l'Ombre. Mais avant... Il devait évacuer toute cette rage et toute cette haine qu'il avait en lui ! Et pour ça … Il devait juste détruire cette créature pour ça !

Cet homme... Qu'est-ce qu'il était réellement ? Il ne savait pas mais plus les secondes s'écoulaient, moins il avait de chance de vivre. Il devait s'échapper de là, tenter de partir avant qu'il ne soit trop tard mais l'homme était toujours devant lui, comme si il apparaissait au mauvais moment. Ce n'était pas possible ! Autant risquer le tout pour le tout et tenter de le tuer. Le scorpion se redressa sur ses deux pattes arrière, ses autres pattes prêtes à se planter dans le corps du jeune homme. Le tuer pour ne pas être tué !

« TERY ! Il va tenter de te tuer en utilisant toutes ses pattes ou en t’écrasant ! »

Cette voix... L'Ombre était consciente ? Elle allait bien ? Zut ! Pas le temps de réfléchir plus que ça ! Un petit rire sadique sortit de ses lèvres alors que ses deux griffes noires se logèrent dans le ventre du scorpion cyclope, rare endroit où il n'y avait pas de carapace. Ses griffes tournèrent plusieurs fois à l'intérieur du ventre alors que de nombreux soubresauts parcouraient le scorpion cyclope.

Ce rire... Elle ne s'était pas trompée. Ce n'était pas le rire d'un être humain normal. Il était déjà trop tard. Sortant une fiole remplie d'un liquide vert, elle l'ouvrit pour le boire d'une traite à travers son masque blanc. Elle se redressa comme si le poison n'avait plus d'effet avant de reprendre son arc. C’était ça … qu’elle devait faire. Elle n’avait pas le choix. Elle n’avait pas d’autres solutions pour Tery ! Qu’il lui pardonne mais … C’était pour la survie de ce monde. Elle devait le faire … avant qu’il ne soit trop tard.

Rien... Il n'avait rien pu faire avec l'arrivée de ce monstre. Oui, c'était un monstre, il n'y avait qu'à regarder ses yeux rouges. Mais... Il allait emporter les deux humains avec lui, c'était une certitude. Le scorpion cyclope tomba au sol alors que Tery fit une roulade sur le côté, son visage et ses habits recouverts de sang noir. Tery poussa des petits cris tout en continuant de planter ses griffes dans le cadavre du scorpion avant de se relever, se tournant vers l'Ombre, un sourire aux lèvres. Ce n'était pas un sourire maléfique mais tout simplement un sourire chaleureux. Ses yeux rouges redevinrent verts alors qu'il prit la parole :

« Ca... Ça va, l'Ombre ? Plus de mal qu'autre chose. Tu as vu ? On a réussi à l’abattre ! Tu sais ce que je vais faire ? Lui trancher la tête et la ramener devant ce type au bureau de recrutement. Je lui balancerais cette tête et je lui dirais que je ne suis plus intéressé pour rejoindre l'armée de Midès. Attend quelques secondes, je me dépêche. Tu peux ranger ton arc aussi. Maintenant, on ne va pas te fatiguer encore plus que prévu hein ? »

Elle ne disait rien... Rien du tout. Elle n'avait pas à regretter son geste. Ses pensées et ses actions étaient volages. Pendant le combat contre la créature, elle s'était décidée à trahir l'Oracle pour Tery. Elle s'était décidée à ne pas tuer un Porteur. Maintenant qu'elle l'avait vu en action, elle avait peur... peur des conséquences et c'était normal. Il n'était encore qu'un débutant, qu'un simple débutant, alors qu'est-ce qu'il allait devenir d'ici quelques années ? Elle ne le savait pas et elle ne voulait pas le savoir. Le tuer de ses propres mains, ne pas le faire souffrir, et tout serait réglé. Le jeune homme trancha la tête du scorpion avec difficulté, un sang vert et noir émanant du mésosome en même temps qu'une légère fumée. Il regarda le sang qui s'écoulait pendant quelques secondes, ouvrant son sac avant de vérifier que ses livres étaient dans un coin pour éviter que le sang de la créature ne les touche. Refermant son sac, il se redressa en se tournant vers l'Ombre avec un sourire.

« Nous pouvons y... » dit-il avant de se voir coupé la parole.

Une flèche dont émanait une aura blanche passa juste à côté de sa joue gauche, entaillant cette dernière alors qu'il ouvrait ses yeux verts de stupéfaction. L'Ombre se tenait devant lui, faisant apparaître des nouvelles flèches sur l'arc qu'elle bandait en sa direction. La personne masquée de blanc tremblait de toutes parts. En la regardant de plus près, il n’y avait que les deux mains qui ne tremblaient pas. Il lâcha le sac sur le sol alors qu'il murmurait un :

« Pour... Pourquoi ? Pourquoi … est-ce que tu fais ça ? »

Elle ne lui répondit pas, elle n'avait pas à répondre à l'un de ses ennemis. Quelque chose s'était brisée en lui à cet instant : une nouvelle fois... Encore une fois... Il y avait cru, il y avait cru sérieusement cette fois ! Mais non, le Destin revenait toujours pour faire son travail. Sans qu'il ne puisse comprendre, sans qu'il n'arrive à se contrôler, des larmes s'écoulèrent de ses joues alors qu'il s'était mis à crier, courant en direction de l'Ombre, ses griffes en avant.

Il… Il n’y croyait pas mais il ne pouvait pas se poser des questions. C’était lui ou l’ombre mais… Mais… C’était trop difficile ! Il arrivai vers l’ombre, ses deux griffes en position sur ses mains. La personne encapuchonnée restait parfaitement immobile, comme statufiée. Elle n’avait pas à hésiter un seul instant : c’était mieux comme ça.

Une nouvelle flèche partit pour se diriger vers l’épaule droite de Tery. Elle n’y avait pas insufflé de magie, elle ne voulait pas le faire exploser. Ce n’était pas de cette façon qu’elle devait le tuer ! Sa flèche fut arrêtée en plein vol par la griffe gauche du jeune homme, celui-ci ayant donné un coup avec son arme pour faire tomber la flèche.

« Qu’est-ce que … » balbutia l’être masqué de blanc.

La tête de l’Ombre pencha sur la gauche, la griffe de Tery s’enfonçant dans le mur à l’endroit où se trouvait sa tête il y a encore quelques secondes. Il n’hésitait pas un seul instant, c’était mieux comme ça. Elle ne devait pas avoir de remords à accomplir ce qu’elle avait à faire. Elle lui donna un coup de pied dans le ventre pour le repousser en murmurant :

« Voyons si l’élève a dépassé le maître. »

Il émit un petit râle de douleur, des veines noires réapparaissant sur son visage. Mais à la grande surprise de l’Ombre, les veines noires disparurent après quelques secondes. Qu’est-ce que cela voulait dire ? Il était à nouveau debout, se dirigeant vers elle. Elle bandit son arc, trois flèches se présentant sur la corde.

« Pourquoi ne parles-tu pas ? Je te l’avais pourtant dit. » murmura la personne encapuchonnée de brun en regardant le jeune homme en face d’elle.

C’est vrai… Elle l’avait prévenu mais il ne l’avait pas écouté. Il ne pouvait s’en vouloir qu’à lui-même sur ce coup. A donner trop vite sa confiance à une personne qui n’osait pas se montrer sans son masque, Il n’avait pas à lui répondre ! Il devait la tuer avant de se faire tuer, c’était comme ça depuis le début. Il revint vers elle en courant, s’écroulant subitement à cause d’une fissure qu’il n’avait pas vue. Les trois flèches passèrent au-dessus de sa tête, percutant le mur de pierre de la grotte.

Les yeux saphir de l’Ombre regardèrent le corps du scorpion cyclope, c’était quoi cette fumée verte qui émanait du cadavre de l’insecte mort ? Cela l’intriguait… Elle poussa un léger cri en sentant ses jambes qui quittaient le sol. Tery venait de lui faucher ces dernières alors qu’elle réfléchissait à la situation. Elle s’écroula sur le sol, son corps cognant contre la roche fissurée alors que Tery était à nouveau debout. Sa griffe droite dirigée vers le cou de l’Ombre, il lui criait :

« Expliques… toi. Explique à quoi ça te servait de me garder pendant plusieurs mois si c’était pour faire ça ? Expliques toi ! »

« Je… n’ai pas à m’exprimer à ce sujet. Tu n’as pas à savoir ma mission ! Malheureusement, tu as été relevé comme potentiellement dangereux… donc… »

La main droite posée sur son arc, l’arme en bois vint frapper la tête de Tery au niveau de la joue droite pour le déstabiliser un peu. L’Ombre encapuchonnée se jeta sur lui à hauteur du ventre pour le repousser tandis qu’elle reprenait ses distances.

« Je dois te tuer, voilà tout ! Est-ce que tu as d’autres questions à me poser ? » murmura-t-elle avec calme et indifférence alors qu’il semblait complètement perdu.

Elle se moquait de lui ! Il en était sûr et certain ! Le tuer, voilà tout ! Elle avait dit ça avec une telle facilité qu’il s’énervait encore une fois. Quelques gouttes de sueur s’écoulèrent de son front. Elles n’étaient pas apparues après la fin du combat contre le scorpion cyclope alors pourquoi maintenant ? Le pire dans tout ça, c’est qu’il ne pouvait pas utiliser la magie ! Est-ce que créer des flammèches allait l’aider à combattre ? Loin de là. Il n’avait que son arme pour se battre et c’était au corps à corps qu’il devait l’affronter !

Il n’abandonnait pas… C’était tant mieux mais d’un autre point de vue, elle aurait préféré qu’il se laisse faire, cela aurait rendu moins difficile la séparation. Une flèche plus grande que celles d’auparavant apparue. Elle la pointa en direction de Tery. Elle ne devait pas le rater… quitte à utiliser la magie élémentaire du vent pour dériver la flèche et la faire toucher le jeune homme aux cheveux bruns si celui-ci tentait de s’échapper. C’était quoi ces gouttes sur le front du jeune homme ? Instinctivement, elle lui demanda d’une voix inquiète :

« Tu te sens mal maintenant ? Ça n’a pas l’air d’aller. »

« En quoi ça te concerne ? Depuis quand un assassin s’intéresse aux problèmes de santé de sa future victime ? Je te préviens… Je ne me laisserais pas faire ! » répliqua-t-il séchement.

« Ce n’est pas pour ça que tu ne dois pas me répondre ! »

La fumée verte envahissait de plus en plus la grotte et elle sentait que la chaleur augmentait autour d’eux. Est-ce qu’il y avait une chance que… Non… Ce n’était pas possible de penser une telle chose maintenant ! Tery arriva à sa hauteur alors qu’elle était en pleine réflexion. Encore une fois, elle s’était laissé distraire ! Mais maintenant, elle allait contre-attaquer avant même qu’il ne la touche.

« Tu m’excuseras, Tery mais… C’est trop tard. » termina n’elle de dire.

La grosse flèche quitta l’arc dans ses mains, se dirigeant vers le jeune homme aux yeux verts. Celui-ci leva son bras gauche comme un simple automatisme, la flèche déchirant sa tenue juste au-dessous de l’aisselle. Une ligne de sang était apparue alors que les yeux saphir de l’Ombre semblaient surpris. Elle… Elle s’était ratée ? Pourtant… Elle était sûre d’avoir bien visée ! Et sa magie… Non, ce n’était pas ça, il avait réagit instinctivement pour survivre. Qui ne l’aurait pas fait à sa place ? Elle voyait maintenant Tery qui fondait sur elle.

Ah… Ah… Il avait réussi à esquiver cette flèche tirée à bout portant ! Il n’y croyait pas lui-même mais il avait bien réussi ! Comment avait-il fait ? Est-ce qu’il pouvait reproduire ce miracle ? Il ne le savait pas mais il n’avait pas que ça à faire. Maintenant qu’il était proche de l’ombre et que celle-ci semblait désarmée et sans défense, il pouvait parler avec elle. Sa colère à cause de la trahison de l’ombre avait disparu.

« Et si je te tuais… Et si je le faisais ? Sans raison… Simplement parce que l’on me l’a demandé. Je… te pensais capable de réfléchir plus loin que ça. » murmura-t-il calmement bien qu’il tremblait encore à cause de ce qui venait de se passer.

« Je… n’ai pas à discuter les ordres. On m’a demandé de te tuer il y a de cela presque dix jours voir plus mais je ne l’ai pas fait. » répondit l’être encapuchonné.

« Alors pourquoi tu le fais maintenant ? Qu’est-ce qui a changé ? »

« Toi. Toi, tu t’es montré sous ton vrai jour. » conclut l’Ombre.

Hein ? Il ne comprenait pas. Qu’est-ce que l’Ombre voulait dire par là ? Celle-ci faisait apparaître une nouvelle flèche sur son arc mais il donna un violent coup de griffe dans l’arc, l’envoyant au loin. Il était furieux car l’Ombre venait de se renfermer comme une huître, elle ne voulait plus lui parler mais il allait la forcer. Il s’essuya le front avec son bras, montrant un visage trempé par la sueur. Cela n’avait pas échappé à l’Ombre qui lui dit :

« Tu sembles vraiment mal en point. Très mal même. »

« Je t’ai pourtant dit que cela ne te concernait pas ! Tu veux me tuer alors à quoi ça te sert de savoir si je vais mal ou non ? Hein ? Dis-le-moi au lieu de tourner en rond ! »

« Je… Je ne sais pas. Simplement… Je me faisais un peu de souci. »  murmura avec franchise la personne masquée, le jeune homme s’esclaffant de rire.

Elle se moquait de lui, l’Ombre se moquait de lui au dernier moment ! Comment devait-il le prendre ? Il éclata de rire une nouvelle foistout en restant concentré sur la personne devant ses yeux. Elle semblait pourtant sérieuse à travers ses yeux saphir. Il toussa légèrement… puis de plus en plus. Il commençait à avoir des difficultés à respirer normalement.

« Dis-moi… Ah… Tu veux me tuer ou non ? Toi ? Tu le veux ? »

Il lui posa finalement la question qui le taraudait depuis plusieurs minutes. Il n’avait pas remarqué la fumée verte qui s’était dispersée dans la grotte mais elle… Elle le savait bien et elle savait ce que cela voulait dire. Ses deux mains posées sur ses bras, l’Ombre lui répondit d’une voix triste alors qu’elle le regardait :

« Je… ne veux pas mais… J’y suis obligé et j’accomplirais ma mission coûte que coûte. Désolé, Tery, je ne voulais pas en arriver là, je ne voulais pas utiliser ma magie… »

Elle n’avait pas d’autre choix. Ses yeux saphir se fermèrent sous le masque blanc alors qu’elle se concentrait. Elle allait lui montrer la différence de pouvoir entre elle et lui. Une pierre se forma dans sa main droite puis la pierre s’allongea sous sa puissance. La création d’un pic de roche était une idée comme une autre mais c’était ce qui lui convenait le mieux.

« Et mer… J’ai la tête qui tourne. »

Il disait ça alors qu’il ne comprenait pas les paroles de l’Ombre. Il n’avait même pas remarqué la pierre qui s’était formée dans la main droite de la personne encapuchonnée. Il avait le regard fiévreux, les yeux à moitié clos. Il dandinait son corps sur place comme si il n’arrivait plus à le contrôler.

Ne pas réfléchir aux conséquences, ne pas se poser de questions. Les ordres de l’Oracle étaient absolus et il n’y avait pas de questions à se poser pour savoir s’ils étaient bons ou mauvais. Le regard assombri, l’Ombre ferma subitement les yeux, allongeant le pic de terre qu’elle avait crée dans sa main droite. Plusieurs secondes s’écoulèrent avant qu’elle n’ouvre pas les yeux, aucun bruit… puis un corps qui tomba sur le sol. Elle… Elle l’avait fait. Elle avait tué Tery, c’était sûr et certain. Elle rouvrit les yeux, voyant le corps du jeune homme sur le sol. Sa première réaction ne fut pas la bonne.

« Mais… Pourquoi ? Pourquoi… n’y a-t-il pas de sang ? » balbutia-t-elle.

Si elle avait visé le jeune homme en plein cœur, du sang devrait être visible ! Tery était couché sur le ventre, la tête penchée sur le côté. Elle ne le voyait pas mais elle le retourna pour l’avoir en face d’elle. De la sueur continuait de s’écouler de son front mais en quantité bien plus abondante. Il toussa de plus en plus et elle comprit ce qui s’était passé : le jeune homme s’était écroulé à cause de la fumée verte provoquée par le scorpion cyclope !

« Toxique ! Son cadavre… Tery ! Attend un peu ! Attend un peu s’il te plaît ! »

Voilà que ses sentiments s’inversaient : encore une fois, elle ne pensait plus à sa mission pour l’Oracle. Tery était dans un sale état et elle sortit une nouvelle fiole remplie de liquide vert de son sac. Elle fit avaler le contenu de la fiole à Tery, celui-ci se remettant à tousser mais avec un sourire apaisé. L’être masqué s’écria, presque pris de sanglots :

« Je n’y… Je n’y arrive pas ! C’est trop dur, Oracle ! Vous me forcez à accomplir quelque chose que je ne peux accepter ! »

C’est vrai… Elle n’y arrivait pas. C’était beaucoup trop dur pour elle. A chaque fois… A chaque fois, elle avait essayé de le tuer mais elle n’avait pas réussi ! Là, elle pouvait essayer… de le tuer. Il était seul et désarmé, plongé dans une demie-inconscience. Rien ne l’en empêchait sauf… Qu’elle ne le voulait pas et elle ne le pouvait pas. Il était si faible, elle avait l’impression d’abattre un nouveau-né et d’être une personne des plus cruelles !

Un nouveau toussotement et elle remarqua que l’antidote était inefficace… Du moins, il semblait avoir moins d’effet que prévu sur Tery. Pourquoi ? C’était pourtant le même liquide que celui qu’elle avait bu ! Est-ce que… Non… Non… Quand même pas ! Ce n’était pas ça ! Et pourtant, plus les secondes s’écoulaient, plus elle en était convaincue. Son masque… Son masque blanc filtrait l’air en plus de l’antidote. Elle n’avait pas le choix… Vraiment pas le choix. Malgré son mensonge au sujet de ce masque, elle devait le faire.

« Fais attention à ce masque, il est très précieux. » murmura-t-elle faiblement.

Elle avait une meilleure constitution que lui donc plus de chances de résister à ce poison. Lentement, elle passa deux doigts sur son masque blanc, le retirant en tremblant légèrement. C’était bien la première fois que quelqu’un pouvait voir son visage mais comme Tery était évanoui… Et puis, seul l’Oracle était au courant de qui elle était réellement, enfin presque. Les autres… Il ne savait rien au sujet d’elle. C’était aussi simple que ça. A part l’Oracle, personne ne connaissait son existence ou du moins ne savait ce qui se cachait sous ce masque et cette cape, ou presque. Vivre sans se montrer, voilà ce qu’elle avait fait depuis dix-huit ans.

« Attention à ne pas le faire tomber. » chuchota la personne démasquée à Tery.

Il murmura quelque chose qu’elle ne comprenait pas. L’Ombre déposa le masque blanc sur le visage de Tery, écoutant le souffle devenu régulier du jeune homme. Avec agilité, elle attacha les différents sacs sur le dos de Tery avant de se mettre à le soulever. Des lignes blanches apparurent sur elle. Maintenant, une course contre la montre commençait et elle devait se dépêcher ! Le nuage de fumée disparate envahissait complètement la grotte et elle s’était mise à tousser à son tour. Elle avait raison, elle avait compris… Ce poison était bien plus puissant que l’antidote qu’avait fourni le petit homme. Plus elle marchait, plus elle mettait de temps à avancer dans la grotte mais… elle n’abandonnerait pas ! Elle avait fait son choix ! Mentir à l’Oracle en lui disant que Tery s’était enfui et lui demander des explications à ce sujet.

« Tery… Je m’excuse… Je m’excuse vraiment de ce que je t’ai fait subir dans cette grotte. J’avais… prévu de te laisser mourir par le scorpion cyclope mais je n’y suis pas arrivé. J’avais… prévu de te tuer avec l’une de mes flèches sans utiliser la magie mais je n’ai pas réussi. J’avais… prévu tellement de choses et pourtant, aucune ne marchait. Je ne peux pas tuer la seule personne avec qui je me suis rapproché depuis toutes ces années ! »

Elle savait qu’il ne l’entendait pas… Elle le savait plus que bien sinon… Il aurait compris qui elle était. Tery était de plus en plus lourd, les pas de l’Ombre de plus en plus lents. C’était normal… Elle n’était pas surhumaine, son propre corps s’affaiblissait sous la fumée novice du poison provoqué par le scorpion cyclope après sa mort mais … Elle n’abandonnait pas.

Ah… Il se faisait transporté… Il était à peine conscient mais il n’entendait rien, il ne voyait rien mais il sentait qu’il était en train de se déplacer. Par qui ? Par quoi ? Où est-ce qu’on l’emmenait ? Il n’avait pas la force de se mouvoir et puis… Il avait du mal à respirer… comme si quelque chose se trouvait sur son visage. Il arrêta de réfléchir à tout ça, il devait se reposer mais… Il ne savait pas qui s’occupait de lui ? L’Ombre ? Ce n’était pas possible… Pas après ce qui s’était passé mais… Une part de lui-même lui disait de croire en ça, de croire en l’Ombre. Ce n’était pas elle qui était mauvaise mais cette personne dont elle avait parlé et qui lui avait donné cette mission. Le tuer ? Et pourquoi… Il retomba subitement dans sa quasi-inconscience. Trop de réflexions au final.

Non, c’était trop difficile, vraiment trop… Son dos s’était courbé alors qu’elle approchait de la sortie de la grotte. Rester lucide devenait une véritable épreuve de force mentale et elle sentait que d’ici quelques instants, elle allait lâcher prise. Enfin, elle retrouvait la lueur du soleil devant ses yeux saphir. Elle avait encore du chemin à faire, beaucoup de chemin mais… Ca serait sans elle. Son corps tomba sur le sol, Tery s’écroulant à côté d’elle alors qu’elle avait la tête enfoncée contre la pierre. C’en était trop… pour elle.

Chapitre 16
Chapitre 16 : Deux êtres, deux chemins

Des cris d’animaux se firent entendre, de nombreux pas les accompagnant. Une fourrure albinos et une apparence proche du loup. La différence résidait dans les oreilles qui étaient accompagnées  par des cornes en spirale comme celles des béliers. L’un des animaux s’approchait de Tery et de l’Ombre, reniflant les deux corps. Il était possible de voir que contrairement à ses compagnons, il avait une seconde tête qui était poussée à côté de la première. L’une avait les cornes qui se terminaient en avant tandis que sur la seconde tête, elles se terminaient en arrière.

« Reuk ! Reukkkkkkk ! » s’écria la bête à deux têtes.

La créature bicéphale donna un léger coup de patte dans chaque corps. Elle hurla une nouvelle fois avant de s’éloigner avec son groupe : l’odeur qui émanait des deux humains était plus que déplaisante…Une bonne demi-heure s’écoula et les yeux verts de Tery s’ouvrirent peu à peu pour regarder le ciel. Qu’est-ce… Il n’avait pas le temps de mettre ses réflexions en tête qu’il remarqua tout de suite l’Ombre encapuchonnée couchée à côté de lui. Il se releva avec surprise, voyant le masque blanc qui émit un petit bruit en tombant au sol. Ce masque… c’était… celui de l’Ombre ?

« Je… Attend un peu. » balbutia-t-il, cherchant à retrouver ses esprits.

Il devait reprendre ses esprits et se concentrer. Il avait une drôle d’odeur sur ses vêtements, une odeur qui lui faisait tourner la tête. AH ! Il s’en rappelait ! Il s’était évanoui après un combat contre l’Ombre mais… Il n’était pas mort et ils étaient sortis de la grotte. L’Ombre lui avait menti ? Mais sur quel point ? Son envie de le tuer ? Depuis le début ? Il ne savait pas et il se faisait mal au crâne à tant réfléchir ! Il s’en rappelait maintenant… Cette fumée verte… Il l’avait aperçue à la fin et après… Le trou noir. Est-ce que le scorpion cyclope avait sorti un gaz toxique avant de mourir ? Un poison ? Mais alors… Pourquoi était-il encore là ? Et surtout dehors… Et puis, l’Ombre encapuchonnée.

« L’Ombre, hey, l’Ombre ! Réveille-toi ! Aller ! »

Il lui cria dessus mais aucune réponse. Instinctivement, il se rapprocha d’elle, prêt à la retourner mais il s’arrêta avant d’accomplir le geste. Si le masque était sur son visage, alors qu’est-ce qui… recouvrait celui de l’Ombre ? Il déglutit lentement, se disant que si l’Ombre n’avait plus son masque et qu’elle était évanouie, alors… il pourrait voir ce qui se cachait sous ce masque. C’était le bon moment, n’est-ce pas ?

« Ca… ne se fait pas, j’en suis sûr mais… » murmura le jeune homme, se contrôlant.

Avec tout ce qui s’était passé, il était de plus en plus confus. Il poussa un petit râle d’énervement avant de prendre le masque blanc. Sans regarder l’Ombre, il tenta de lui remettre le masque blanc avec difficulté. Il eut la surprise de sentir les cheveux de l’Ombre entre ses doigts. Ils ne semblaient pas très longs mais pourtant, elle avait plusieurs mèches de couleur blonde. Il était de plus en plus pressé de savoir qui elle était mais… Il ne pouvait pas. Après une minute d’effort, il releva légèrement la tête de l’Ombre pour voir si le masque tenait correctement. Ce fut le cas et il soupira d’apaisement. Tant mieux.

« Maintenant, on fait quoi ? Je ne peux même pas lui faire confiance. Même pas en cette personne alors… Je … Je … »

Il n’avait plus qu’un choix à faire. Mais… Il n’allait pas abandonner l’Ombre ! Quelque chose en lui lui disait que c’était grâce à elle si il s’en était sorti vivant. Comment aurait-il pu quitter la grotte sinon ? Il installa les différents sacs sur son dos, remarquant que la tête du scorpion cyclope était toujours dedans. Oui… Voilà ce qu’il allait devenir. Il s’était décidé. Il soupira légèrement avant de placer ses deux mains sous l’Ombre. Encore plus surprenant qu’il ne le pensait, il s’écroula au sol après avoir soulevé l’Ombre.

« Mais… Elle est super légère ! » s’écria t-il, surpris.

Ce constat s’imposait. Il s’était attendu à ce qu’elle soit plus lourde et avait arqué ses jambes de telle façon alors quand il s’était relevé… Le résultat se trouvait là. Il était retombé au sol avec l’Ombre sur lui. Il se redressa aussitôt, soulevant l’Ombre en faisant attention maintenant. Enfin, ses nombreux entraînements portaient leurs fruits : il n’avait aucune difficulté à porter l’Ombre avec ses bras au-dessous. Encore une fois, elle lui avait sauvé la vie et il lui en était redevable mais après ça…Rien, plus rien du tout. Il ne lui faisait plus confiance, il n’avait plus confiance en l’Ombre.

« Ca sera la dernière chose que je ferais pour toi. Ensuite, tu disparaîtras de ma vie à tout jamais, l’Ombre. Je… te remercie de ce que tu as fait depuis le début. Tu… m’as aidé un bon nombre de fois, tu m’as permis d’utiliser la magie et les armes mais… ce que tu as fait est impardonnable. Je ne peux plus te faire confiance après ça. Je te raccompagnerais jusqu’à Midès mais après ça, ça sera terminé. Pourquoi est-ce que tu as fait ça ? Pourquoi ? Pourquoi est-ce que tu as tout brisé ? Je … Ca me plaisait contrairement à ce que je pensais au début. Je ne pensais pas que j’y arriverai. Depuis des années, j’ai évité d’apprendre la magie, le combat avec des armes, tout ! Pourquoi ? Pourquoi ?! »

Il lui parlait sans savoir si elle l’entendait ou non. Ah… La marche se déroula sans problèmes, il se rappelait le chemin à suivre et nul ne les dérangeait. Ils avaient encore l’odeur du scorpion cyclope sur eux et donc, personne n’allait tenter de s’en prendre à eux. Est-ce que l’Ombre allait s’en sortir ? Cette question le taraudait mais il n’avait aucun élément de réponse. Il avait rangé ses deux griffes dans son sac pour la porter.

Quelqu’un… s’occupait d’elle. Elle le ressentait… Elle ne pouvait pas bouger. Son corps luttait contre le poison malgré l’antidote et elle savait que cela allait mettre du temps à se soigner. Qui la portait ? Tery ? Après ce qu’elle avait tenté de faire ? Après tout ça ? Elle entendit ses paroles… mais ne pouvait pas y répondre. Son masque ! Est-ce qu’il… l’avait vu sans son masque ? Elle ne voulait pas ! Elle espérait que ce n’était pas le cas ! Elle ne voulait pas qu’il voit son visage ! Personne ne devait savoir si elle était une fille ou alors un garçon.

« Tu seras logée dans l’auberge en attendant que tu sois soignée mais moi, je ne serais plus là. Je m’en vais, l’Ombre. Je ne vais plus rester avec toi, tu m’avais laissé le choix auparavant. Je ne sais pas pourquoi tu voulais me tuer mais tu es clairement quelqu’un de stupide…et moi aussi. Je t’ai donné ma confiance mais toi… Tu ne fais qu’obéir aux autres sans avoir une propre réflexion. Tu devrais penser à peu à toi-même, à ce que tu veux réellement… Je sais que je n’ai pas de leçons à te donner mais… » dit-il avant de se stopper dans ses paroles.

Il ne termina pas sa phrase, fermant les yeux en s’immobilisant. C’est vrai quoi… Il s’était décidé à ne pas rejoindre l’armée de Midès mais maintenant, c’est-ce qu’il allait faire. Dire qu’il aurait bien aimé parcourir le monde avec l’Ombre, qu’il avait pensé tout oublier avec cette personne mais au final… Cela n’avait été qu’un tissu de mensonges. Comme cet homme... Il n’avait gardé qu’une chose de cet homme, un seul dicton : rembourser toujours ses dettes. Il avait une dette de vie envers l’Ombre.

« Nous y sommes arrivés. Nous voilà de retour à Midès. » murmura le jeune homme.

Il avait décidé de faire un détour pour ne pas avoir en face de lui les gardes d’auparavant. Il préférait revoir les autres, ceux qu’il connaissait. Quand il se présenta devant eux avec l’Ombre dans ses bras, il prit la parole avant même qu’ils ne parlent :

« J’aurais… besoin d’aide, monsieur Herk. Nous avons affronté le scorpion cyclope de Litan Deseria et… je crois que nous avons eu un peu de mal. »

« Bien sûr ! C’est normal ! Qu’est-ce qui lui est arrivé ? Est-ce que… vous avez respiré le poison du scorpion ? Vous avez bien fait de vous enfuir ! Roan, vas chercher tout de suite un antidote du désert chez l’apothicaire ! »

L’un des gardes s’éloignait en courant dans la capitale tandis que Tery serrait l’Ombre contre lui. Les autres gardes s’approchaient de lui pour vérifier l’état du jeune homme alors que celui-ci prenait la parole pour les contredire :

« Nous… nous sommes pas enfuis. Nous avons… tué le scorpion cyclope mais… Je crois que son cadavre était empoisonné. »

Les trois gardes l’observèrent avec surprise. L’un d’entre eux allait rire mais le dénommé Herk, le plus vieux des trois lui donna un léger coup de coude dans les hanches. Le vieil homme âgé d’une cinquantaine d’années regarda Tery dans ses yeux verts pour voir s’il plaisantait ou non. Herk lui dit d’une voix lente :

« Et… Pourquoi l’as-tu tué ? Vous avez fait ça à dessein, n’est-ce pas ? »

« Je… veux rejoindre votre armée. L’armée royale de Shunter. »

Les trois gardes soulevèrent un sourcil interrogateur, étonnés de voir le jeune homme dire une telle chose. Ce n’était pas qu’ils ne voulaient pas… mais il était si jeune, c’était dommage de gâcher cette jeunesse maintenant, surtout pour une telle chose. Herk allait prendre la parole en caressant sa moustache grisonnante mais Roan revint avec un flacon contenant un liquide violet. Il semblait essoufflé et tout l’attirail qu’il avait sur le corps devait sûrement être l’une des raisons qui l’avait autant exténué.

« J’ai l’antidote ! Il paraît qu’il est sacrément efficace ! Vas-y, donne le à ton ami ! » annonça Herk alors que Tery murmurait :

« Est-ce que… je pourrais juste prendre la potion et l’emmener à l’auberge ? J’ai… à lui parler en privé. Et je ne suis pas sûr qu’il veuille que je retire son masque. »

« Hum… Comme tu le désires, Tery mais… Réfléchis bien aux conséquences de ton acte. Je parle bien de ce que tu comptes faire après cette histoire. »

Il hocha la tête pour dire qu’il avait bien compris le message d’Herk avant de rentrer dans la capitale. Accompagné de Roan qui déposa la potion dans l’un des sacs, il se dirigea vers l’auberge. Lorsqu’il se retrouva devant cette dernière, le jeune homme aux cheveux bruns remercia Roan tandis qu’il pénétrait à l’intérieur.

Sans même répondre à l’aubergiste qui l’interrogeait, il grimpa les escaliers, se dirigeant vers sa chambre. Déposant le corps de l’Ombre sur le lit, il ferma la chambre à clé. Il ouvrit son sac, regardant la tête du scorpion cyclope. Il émit un petit rictus à cause de l’odeur, refermant le sac pour en prendre un autre. Alors, c’était un flacon violet… Après quelques secondes, il trouva le flacon, l’ouvrant rapidement avant de déposer le flacon près de l’ouverture du masque blanc au niveau des lèvres.

« Bois ça et dès que tu vas mieux, je m’en vais. Si… seulement tu n’avais pas fait ça. Tu n’étais pas obligé d’obéir à cette fichue mission mais tu as tout foutu en l’air ! Vraiment… A quoi ça t’aurait servi de me tuer ? Je ne suis pas un héros ou quelqu’un de dangereux ou violent… mais toi… Tu n’as même pas cherché à me connaître. » murmura t-il.

Lentement, le liquide violet s’insinua à travers le masque alors qu’elle avalait le liquide. Elle toussa faiblement tandis qu’il s’éloignait un peu pour laisser l’Ombre respirer. L’antidote devait être très efficace car il sentait au fond de lui que maintenant, elle était guérie. Néanmoins, il se devait d’attendre qu’elle soit capable de se relever avant de partir.

Une trentaine de minutes s’écoulèrent et l’Ombre leva la main droite avec lenteur. Il était resté assis sur une chaise, attendant qu’elle puisse bouger. Finalement, c’était le cas d’après ce qu’il venait de voir. Ses yeux saphir s’ouvrirent à travers son masque et aussitôt, Tery se releva en prenant ses deux sacs : celui qui contenait la tête du scorpion cyclope et l’autre contenant ses affaires. Le haut du corps de l’Ombre se redressa pour regarder Tery.

« Tu as l’air d’aller mieux l’Ombre. Maintenant… Je peux y aller. » annonça t-il.

« Attend un peu, nous… nous pouvons discuter ! » s’écria-t-elle avant de gémir un peu de douleur. Puisqu’elle lui avait donné son masque, elle avait subi aussi les effets du poison.

« Je ne sais pas pourquoi tu ne m’as pas tué dans la grotte mais tu es trop hésitante. »

« Ne m’insulte pas ! Tu… Tu ne sais rien de moi ! »

« Et pourtant, j’ai essayé, j’ai souvent essayé mais tu as toujours refusée mes questions. Tu pouvais y répondre, rien ne t’en empêchait hein ? »

« Je ne t’ai pas tué ! Et j’aurais pu le faire ! Rien ne m’en empêchait ! » dit-elle avec frénésie, essayant de bouger du lit sans y arriver. Elle n’était pas encore en état de faire cela. Il poussa un profond soupir, se penchant en avant sur sa chaise, ses coudes posés sur ses genoux. Il l’observa de ses yeux verts, murmurant avec calme :

« Alors explique-moi… ce qui se passe. J’aimerai bien le savoir … »

Il vint ensuite s’asseoir sur le lit à côté de l’être camouflé dans sa cape brune. Elle l’observa de ses yeux saphir, elle avait encore une chance de le tuer mais… c’était le moindre de ses soucis. Elle toussa à nouveau, prenant la parole :

« Je ne peux rien dire… Ma mission ne doit pas être divulguée… Je recherche les médaillons des cinq éléments et si… Tu n’étais pas un Porteur, j’aurais aimé… que tu restes avec moi… mais c’est impossible ! C’est tout simplement impossible !

« Porteur ? C’est quoi ? Tu pourrais me le dire non ? » murmura le jeune homme.

« Tu vois tes veines noires ? Et bien c’est ça… Tu es capable d’utiliser tous les éléments mais… Tu es tout le contraire de moi et… Si je t’emmenais avec moi à cet endroit, tu seras sûrement tué par l’Oracle ou par moi. Tu es comme moi … tout en étant opposé. » annonça la personne masquée de blanc avec une pointe de tristesse.

« D’ac… cord. Bref, tu ne m’aides pas plus que ça. Nous n’avons plus rien à nous dire. » termina-t-il de dire avec neutralité.

Finalement, il se leva du lit, mettant les deux sacs sur son dos. Il s’apprêtait à s’en aller mais l’Ombre se redressa en s’écroulant au sol. Elle n’avait pas encore laissé le temps à ses deux pieds de réagir et de se remettre en pleine forme. Les yeux verts de Tery la regardèrent alors qu’il s’était immobilisé. L’Ombre lui demanda :

« Qu’est-ce que… tu vas faire maintenant ? Je… ne peux pas arrêter ma mission et… Un jour, je devrais te tuer. J’y serais forcé ! Et alors … Ce jour-là, je crois que … »

« Nous verrons bien si ce jour arrivera ou non. Tu sais quoi ? Je t’aiderais même à me retrouver. Prends ça. » annonça Tery en l’observant toujours au sol.

Il plongea la main dans l’une de ses poches, l’endroit où il avait rangé cet objet. Il retira la chaîne en or avec le cœur fait de pierre brune et brillante. D’un geste nonchalant, il envoya l’amulette vers l’Ombre encapuchonnée, lui disant d’une voix neutre :

« Je continuerais à progresser sans toi. Je deviendrais même quelqu’un de plus fort que toi. Je suis peut-être capable d’utiliser tous les éléments mais je me spécialiserais dans celui de la Terre. Un jour, peut-être, nous nous retrouverons et tu sauras que c’est moi. Garde cet objet avec toi, il te rappellera à quel point tu as été une idiote, l’Ombre. Ou alors un idiot … Je ne sais toujours pas ce que tu es … Et je ne pense pas que j’ai envie de le savoir dorénavant. »

Ne lui laissant même pas le temps de lui répondre, il quitta la chambre. En descendant les escaliers, il salua l’aubergiste, quittant cet endroit qui était si nauséabond à son nez maintenant. L’odeur malsaine qui y habitait ne lui plaisait guère. Dire… qu’il avait tout fait pour oublier ce moment, il fallait qu’il revienne le frapper en pleine face. Encore une… Encore une trahison bien entendu. C’était normal, c’était tout ce qu’il y avait de plus normal.

A genoux au pied du lit, l’Ombre encapuchonnée observa le pendentif qui se trouvait devant elle. Un objet pour se rappeler de lui ? Elle ne l’aurait pas oublié de toute façon mais… L’Oracle… l’avait tant fait souffrir avec cette épreuve. Se rapprocher de quelqu’un pour mieux s’éloigner. Etait-ce vraiment ce que l’Oracle voulait ? Et les dires de Tery avant son départ… Tout était perdu… Tout était définitivement perdu. Elle se sentait mal, plus que mal même à cause de ce qui s’était passé. Pourquoi une telle épreuve ? Méritait-elle un tel sort ? De telles choses ? Elle n’avait jamais eu le droit d’être heureuse de toute façon.

« Je le garderais… jusqu’à ce que je puisse te le rendre. » chuchota l’être encapuchonné.

Elle ferma ses yeux saphir sous son masque blanc. Sa main gantée de rouge vint récupérer le pendentif avec le cœur avant de l’installer sous la cape brune. Elle allait le mettre autour du cou mais nul n’allait le savoir à part elle. Elle poussa un profond soupir, se relevant pour vérifier ses propres affaires. Il lui avait laissé son sac et heureusement… En y pensant, est-ce que… Tery ! Elle ne savait pas si Tery avait vu son visage !  D’après la réaction du jeune homme, elle n’avait pas remarqué de changement… à part de l’amertume mais sinon… Rien de bien spécial. Il ne l’avait peut-être pas vu au final. Elle ne devait pas se soucier de ça.

Enfin … C’était plus facile à dire qu’à faire. Il le savait parfaitement. Il remit correctement son masque blanc sur son visage, sa cape sur son corps avant de se rapprocher de la fenêtre. De là, il observa la rue où se trouvait l’auberge avant de remarquer les différentes personnes. Hum … Bien entendu … Tery était déjà bien loin, n’est-ce pas ? Bien trop loin pour que cela serve à quelque chose d’essayer de le poursuivre.

« Est-ce qu’il compte réellement devenir un soldat de Shunter ? » murmura l’être encapuchonné avant de prendre son sac, quittant la pièce. Il descendit les escaliers, se dirigeant vers l’aubergiste qui parut surpris. Celui-ci lui dit :

« Et bien ? Tu n’es pas avec Tery ? Il est déjà parti depuis cinq à dix minutes. Ça ne va pas entre vous deux ? Depuis tout ce temps, ça m’étonne quand même. »

« Il y a eu … quelques petits problèmes. » dit la personne masquée.

« C’est vraiment dommage. Est-ce qu’il n’y a pas un moyen de s’arranger ? » annonça l’homme alors que l’être encapuchonné de brun hocha négativement la tête.

« Cette fois-ci, il y a de fortes chances que ça ne soit pas possible. C’est bête … mais c’est ainsi et je ne peux vraiment rien faire pour revenir en arrière. »

« Il y a toujours un moyen de réparer nos erreurs. Enfin, dans la majorité des cas, sauf quand c’est vraiment dramatique … comme la mort d’une personne. Enfin, je ne vais pas discuter de tout ça, ce n’est pas vraiment joyeux. »

L’Ombre murmura que oui, ça n’avait rien de joyeux. Mais bon … Est-ce que ça voulait dire qu’un jour … si elle revoyait Tery, il y avait une possibilité de réparer cette erreur ? Au fond d’elle, était-ce qu’elle désirait ? Il y avait des chances mais pour cela, elle allait quand même devoir faire quelque chose.

« Je dois m’en aller. Merci pour tout ce que vous avez fait. » dit l’être encapuchonné.

Peut-être qu’un jour … Suivant ce qui allait se passer, il reviendrait ici. Mais avant, il y avait plusieurs questions qui devaient obtenir une réponse. Et pour obtenir ces réponses, il devait retourner là d’où elle venait. Cet endroit où il avait reçu sa première mission à l’extérieur, loin des alentours. Il quitta l’auberge, le regardant pendant quelques secondes avant de se diriger vers la sortie de Midès. Il allait retourner là où se trouvait l’Oracle.

Le jeune homme aux cheveux bruns se dirigea avec vélocité en direction du bureau de recrutement. Le second sac contenant la tête du scorpion sur son dos, il voulait se dépêcher et en terminer avec toute cette histoire. Il ne devait pas renoncer maintenant, il avait fait son choix. Il avait décidé que c’était la meilleure chose à faire ! Il ne fallait pas reculer alors qu’il était proche du bureau. Aller ! C’était la dernière étape à faire ! Il pénétra à l’intérieur, regardant l’homme aux cheveux blonds qui était le même que la dernière fois. Celui-ci parut surpris de le voir, lui adressant la parole :

« Bonjo… Tu es le jeune de la dernière fois. Qu’est-ce que tu viens faire ici ? »

« Pardonnez-moi mais j’ai une chose plus qu’importante à faire. » coupa le jeune homme avant de passer à côté de lui, pénétrant dans l’autre pièce, là où se trouvait celui qui lui en avait fait bien bavé il y a pas mal de temps.

Ah … Lui … Il l’avait en face de lui ! AH ! Il n’allait pas se priver de perdre un peu de temps dans cette affaire. Qu’il déguste peu à peu sa victoire sur cet homme. Ca lui mettrait un peu de baume au cœur après ce qui venait de se passer. D’ailleurs, le petit homme avait été surpris de le voir puis peu à peu, la surprise laissa place à la colère.

« Je peux savoir ce que tu fous dans mon bureau, gamin ? T’as intérêt à avoir une bonne explication car sinon, tu te retrouves au trou dans moins de cinq minutes ! » s’égosilla subitement l’homme avec rage, tapant du poing sur le bureau.

« Hum … Visiblement, je ne suis pas le seul à avoir subi vos foudres. A croire que cela est une habitude chez nous. » ironisa Tery, étrangement calme. Il se demandait si c’était les évènements récents qui lui donnaient une telle assurance. Néanmoins, il serrait son sac contenant la tête de scorpion avant de reprendre : « Je crois que c’est une habitude chez vous … d’avoir envoyé plusieurs jeunes personnes à la mort, n’est-ce-pas ? »

« Je ne te permets pas de me parler comme ça ! Toi, tu vas finir… »

« TENEZ ! VOTRE FICHUE TÊTE DE SCORPION ! » hurla soudainement Tery avant de déposer le sac sur le bureau, se fichant de la paperasse dessus. Il ouvrit le sac, une forte odeur en émanant alors que le petit homme fit une mine dégoûtée.

« La tête … de scorpion ? AH ! Tu dois parler de cette foutue mission pour virer les petits mioches de paysans et des citoyens sans le sou qui rêvent de gloire et de fortune. Pour que leurs parents soient fiers d’eux, hein ? Tu penses vraiment que je vais te c… MAIS BORDEL ! C’est quoi cette odeur ? » cria une nouvelle fois le petit homme, celui aux cheveux blonds étant venu dans la pièce après la petite percée de Tery. Le recruteur regarda le sac ouvert, le faisant pencher vers le sol avant que la tête du scorpion ne roule dessus.

« Oh bon sang … » murmura l’assistant du recruteur.

« C’est ce que vous vouliez non ? » marmonna Tery, le regard froncé. « Alors, laissez-moi rejoindre l’armée de Midès maintenant. J’ai tenu ma parole. »

« Hahaha ! Bordel ! Bien entendu ! Bienvenue dans l’armée de Midès ! » ricana le petit homme, comme satisfait de ce qu’il venait de voir.
« Modifié: 06 janvier 2012, 16:53 par Trailokiavijaya »

ChibiShiroiRyu

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06 janvier 2012, 16:38
Chapitre 17
Seconde partie : Un même but

Chapitre 17 : Bienvenue dans l’armée

Un brouhaha fut omniprésent autour de lui. Il y avait tellement de monde que cela lui donnait mal à la tête. Ils étaient combien dans cette place ? Cinquante ? Cent ? Il passa une main sur son front, observant les alentours. Cet homme… Celui à qui il aurait aimé mettre son poing dans la figure… Il ne lui avait pas laissé le temps de dire quelque chose qu’il avait été embarqué de force dans cet endroit. Il lui avait dit d’attendre que d’autres personnes arrivent. C’était une immense place… avec des murailles autour d’elle. Une entrée, plusieurs sorties, quelques tours et de très nombreux bâtiments. Une sorte de mini-forteresse.

« TAISEZ-VOUS ! » hurla une voix qui semblait capable de tuer rien que par son écoute.

Elle résonna dans ses oreilles comme un cri strident. Le calme s’installa rapidement, chacun se tenant les oreilles en semblant souffrir pendant plusieurs secondes. Vraiment… C’était quoi ça ? L’armée ? Il en avait encore une autre vision devant ses yeux. La personne qui venait de parler avait une armure de plaques noire sur le corps mais le plus surprenant restait le fait que c’était une femme qui se tenait devant eux. Son visage n’était pas à découvert mais sa voix permettait de l’identifie :

« Si vous êtes ici, c’est pour une bonne raison ! Vous êtes moins inutiles que la majorité des soldats que nous recrutons ! Ne croyez pas que vous êtes meilleurs que d’autre ! »

Des nouveaux murmures se firent entendre mais la femme à l’armure de plaques positionna sa main devant elle, créant un puissant vent pour faire tomber les deux premières rangées d’hommes et femmes qui se tenaient devant elle. Le message était bien passé : soit ils arrêtaient dès maintenant leurs petites discussions, soit tout allait très mal se terminer. Heureusement qu’il était dans la dernière rangée, il n’avait pas à s’inquiéter.

« Maintenant que vous êtes tranquilles, nous allons reprendre. Si vous êtes ici, c’est que vous avez décidé de rejoindre l’armée de Shunter plus précisément celle de la capitale Midès ! Si vous êtes ici, c’est que vous avez des qualités, du moins, c’est ce que vous aimeriez croire, n’est-ce pas ? Votre mère et votre père sont sûrement des nobles qui espèrent que vous ayez quelques titres pour redorer leurs blasons ternis ? Ou alors vous venez d’une longue lignée de soi-disant héros ou mages ? » reprit la femme en armure.

Son ton était dur et froid mais bizarrement, il ne se sentait pas visé. En regardant les autres personnes qui se trouvaient autour de lui, il remarqua qu’il n??était pas si jeune que ça. Une bonne partie devait avoir son âge, une autre partie avec quelques années en plus à peine. Son regard se portait sur la femme qui se tenait devant eux : elle était entourée de quatre gardes qui n’esquissaient aucun geste tandis qu’elle disait ::

« Ici, nous ne sommes pas là pour plaisanter ! Si vous voulez partir, c’est le bon moment. Que ce message soit clair dans vos cerveaux ! Vous pourrez devenir célèbres et surtout rester en vie ailleurs. Je vous laisse cinq minutes pour décider de votre sort. »

Elle croisa les bras au niveau de la poitrine tout en émettant un bruit métallique. Elle observait les hommes et femmes qui se tenaient devant elle. Certains discutaient entre eux, d’autres commençaient à s’éloigner, se disant que finalement ce n’était pas une si bonne idée que ça. Lui, de son côté, il resta immobile et stoïque. Ce n’était pas que cela lui plaisait spécialement mais il n’avait pas le choix. C’était ça ou alors l’Ombre. Or… Après ce qui s’était passé, il n’avait pas vraiment envie de retourner voir l’Ombre. Celle-ci était peut-être déjà partie ? Avait-elle quittée la capitale ?  Il ne devait plus y penser. Il releva son regard émeraude en direction de la femme en armure de plaques noires. Un petit coup d’œil lui montra que pendant sa réflexion, un bon quart des personnes présentes dans ce lieu venait de le quitter. Il fronça légèrement les sourcils, remarquant un homme qui s’approchait de la femme. Mais c’était … Attendez un peu. Oui, c’était ce petit homme : le recruteur ! Avec sa moustache noire et sa taille de nain, il semblait bien ridicule par rapport à la femme. Celle-ci dut se pencher légèrement pour écouter les dires de l’homme. Bien qu’il ne puisse pas entendre la discussion, il sentit le regard du recruteur qui se posait sur lui :

« Qui est-ce ? Venir me déranger… Cela a intérêt à être très important. »

« Mademoiselle, je vous promets que vous ne le regretterez pas ! Il a été capable de battre le scorpion cyclope dans Litan Deseria ! »

« Et qui te dit qu’ils n’étaient pas plusieurs ? Je n’ai pas besoin de quelqu’un qui ne sache pas se débrouiller seul. Alors ? Tes dires ? » annonça la femme dans son armure noire.

« Heu… Ahem… C’est vrai que sur le coup… » bafouilla le recruteur.

Il semblait bien différent de celui qui avait agressé verbalement et surtout physiquement Tery il y a quelques jours. Il était plus calme et raisonnable. En y réfléchissant, il n’avait pas pensé à demander au jeune homme si il avait réussi à abattre tout seul cette créature mais même à plusieurs… si ils étaient des débutants, cela aurait été mortel si ils n’y connaissaient rien.

« Bon… Nous verrons bien s’il vaut quelque chose pendant les entraînements quotidiens. Ils ont de la chance que je sois présente pendant ce mois. » dit la femme en armure.

« Et l’armée de Shunter ? Où en est-elle si ce n’est pas indiscret ? »

« Tu n’as pas à savoir dans le détail mais nous une bonne partie de nos troupes sont proches du royaume de Claudiska. Maintenant, tu peux disparaître. »

« Mais et pour … » commença à dire le petit homme.

« Tu poses beaucoup de questions. Nos magiciens s’en occupent, maintenant, éloigne toi, je n’ai pas que cela à faire. » coupa sèchement la femme en armure de plaques.

L’homme s’éloigna peu à peu tandis qu’elle regardait Tery. Malgré la distance, elle arrivait parfaitement à l’étudier : assez chétif, peu de muscles et ne semblait être très débrouillard d’après le physique. Sa tenue montrait clairement qu’il ne venait pas d’un milieu aisé. Hum… Si lui était capable de tuer le scorpion cyclope, alors le reste des futurs soldats devaient être des dieux du combat. Maintenant que tout était dit, que ceux qui hésitaient étaient partis, il était temps de se mettre au travail. Cela ne faisait que commencer et elle allait devoir tout leur expliquer depuis le début. Ce qui allait les attendre principalement.

« Je vois que quelques couards ont décidé de nous quitter. Tant mieux pour eux si ils ne veulent pas devenir célèbres puisque c’est la raison de votre présence ici. Si vous avez assez de courage pour rester ici,  c’est peut-être car vous le méritez ? Nous allons débuter par quelque chose de simple puisque je suis devant vous. Vous allez vous présenter un par un en en arrivant jusqu’à moi tandis que les gardes à côté ainsi que moi-même noterons sur des papiers votre nom et diverses réponses que vous nous donnerez. Dès l’instant où le sceau sera imposé sur le papier, vous ne pourrez plus revenir en arrière. »

Bon… Il était en fond de file donc il n’avait pas à se poser de questions et attendre son tour tout simplement. Plus les minutes s’écoulaient, plus la troupe se réduisait. Chacun se plaçait derrière l’un des soldats suivant son élément qu’il dominait ou non. Au départ, il ne savait pas quels étaient les éléments que chaque soldat gardait mais lorsqu’il vit un cinquième soldat qui se présentait à côté des quatre autres, il comprit que la femme en armures de plaques n’allait prendre aucune recrue avec elle. De plus, d’après ce qu’il entendait, si on regardait de gauche à droite, les recrues étaient regroupées de cette façon : Ceux mêlés à l’élément feu, ceux mêlés à l’élément de l’eau, la femme en armure de plaques noires, les recrues de vent, ceux de la foudre et enfin ceux de la terre. Finalement, il était l’un des derniers, il n’en restait plus que cinq ou six après lui. Il se présenta devant la femme, attendant qu’elle prenne la parole. Elle demanda calmement :

« Nom, prénom et ville d’où tu proviens ? »

« Tery Vanian et je proviens du village de Leskar. »

Quelques murmures se firent entendre parmi les personnes autour d’eux. Ce type… Il venait d’un coin perdu ? Ils n’avaient jamais entendu ce nom même ou alors simplement dans les livres de géographie. La femme reprit la parole :

« Le village de Leskar est aux abord de la frontière sud-est de notre royaume. Cela fait combien de temps que tu parcoures notre royaume pour arriver jusqu’à Midès ? »

« Cela fait plus de deux mois que je marche. »

Il avait un peu menti sur la date, enfin il croyait. Il ne devait pas annoncer que l’Ombre avait été celle qui l’avait transporté jusqu’ici sinon il allait très mal finir. La femme resta stoïque tandis que les murmures s’arrêtaient peu à peu. Il était immobile devant elle, se demandant pourquoi c’était étrangement si long maintenant que c’était à son tour.

« Depuis quand es-tu devenu un adulte ? Depuis quand tu as ta marque ? »

« Il y a environ deux mois. » murmura-t-il calmement. Cela faisait vraiment aussi peu de temps ? Il avait du mal à y croire lui-même mais qu’importe.

Et voilà que les autres recrues discutaient à nouveau entre elles, la femme à l’armure tapant sur le sol avec violence tout en leur disant de se taire s’ils ne voulaient pas avoir de problèmes. Il s’était mis à légèrement trembler, se demandant s’il ne venait pas de commettre une bêtise. La femme lui demanda sur un ton neutre une nouvelle fois :

« Si j’ai bien compris, tu as donc décidé de rejoindre l’armée depuis que tu es devenu un adulte ? Me tromperais-je ou alors … »

« Nullement… mademoiselle. » murmura-t-il, confus.

« Et quels sont tes titres de noblesse ? » le questionna-t-elle.

Hein ? De ? Titres de noblesse ? C’était quoi ? Il la regarda d’un air incrédule, ne sachant pas quoi répondre. En fait, il ne savait même pas ce que c’était précisément. Dans son village, il n’y avait aucun noble, ce n’était même pas un grand village ! Ils étaient peut-être cent ou deux cents au grand maximum. Il bafouilla avec un peu d’appréhension :

« Je… n’en ai pas, désolé, mademoiselle. Je suis juste un homme très simple. »

« Ah ! Mais c’est un gueux ! » s’écria une voix masculine.

La réponse avait fusé très rapidement, la femme à l’armure de plaques noires se retournant pour voir qui venait de prononcer ça. Personne n’ouvrit la bouche et même si il n’était pas possible de voir le regard de la femme, il était facile de deviner que si elle savait qui venait de dire une telle chose, il allait passer un sale quart d’heure.

« Est-ce bien toi qui est responsable de la mort du scorpion cyclope ? »

Il ne répondit pas, la regardant d’un air hébété. Le coup du gueux avait été assez efficace : cela lui rappelait sa condition et maintenant, qu’est-ce qu’il devait dire ? Les autres recrues l’observaient avec un léger désarroi : s’il était celui qui avait tué cette créature, alors… Il n’était pas n’importe qui. Ca pouvait être sa fierté personnelle !

« Oui ! C’est bien moi qui ai tranché la tête du scorpion cyclope dans le désert de Likan Deseria. Il utilisait même l’élément de la terre. » répondit-il.

« Hum... Et quel est ton élément de prédilection ? »

« Celui de la terre si vous voulez tout savoir. » continua de dire Tery.

« Au moins, tu es bien de chez nous. Vas rejoindre le quatrième rang. »

Il passa à la droite de la femme, celle-ci posant sa main gauche de métal sur lui pour l’arrêter. Il ne comprenait pas où était le problème maintenant. Elle lui dit :

« Tu te diriges vers le second rang,  je parlais du quatrième rang de mon point de vue. »

« Ah ! Euh… Bien entendu ! Encore désolé… » balbutia Tery.

Et voilà qu’il se rendait presque ridicule, des petits sourires se dessinant sur les membres de son rang. Finalement, après cinq minutes, tout le monde venait d’avoir ses places attribuées et une question se posait en lui : où avaient-ils marqués toutes leurs informations ?

« Maintenant que nous savons de quels éléments vous êtes, nous allons voir ce que vous valez. Nous n’en avons pas terminé, loin de là. Veuillez attendre ici pendant que moi-même et les gardes allons chercher des armes pour vous entraîner. »

« Aucun problème ! » s’écria le jeune homme aux cheveux bruns.

Tout le monde se retourna vers lui. Il avait dit ça comme si c’était normal. Malheureusement, ce n’était pas vraiment le cas. Il se trouvait dans l’armée de Midès maintenant… Et il y avait des règles à respecter. On ne parlait pas sauf si c’était d’une importance capitale. La femme à l’armure de plaques noires s’arrêta quelques instants avant de repartir. Maintenant qu’il n’y avait plus de gardes, chacun prit la parole.

« L’est pas vraiment très malin. Dire ça quand y a la maréchale à côté. »

« Faut dire que tu as remarqué sa tenue, il doit vraiment venir d’un village de pauvres. »

« C’est quoi son village encore ? Leskar ? Je ne connais pas. »

« Un village de mendiants, je crois savoir qu’il n’y a même pas un nobliau là-bas. »

« Vous savez, je peux vous entendre… » murmura Tery avec neutralité.

Et voilà… Il était entouré de types tous plus prétentieux les uns que les autres. Enfin, de types… Il y avait aussi quelques femmes : elles étaient en minorité, une vingtaine au maximum mais bon… Il n’était pas là pour faire la cour aux demoiselles ! Finalement, il laissa les autres qui discutaient entre eux, croisant ses bras pour réfléchir à la situation. Il n’était pas vraiment sûr que sa position soit vraiment si bonne.

Il marmonna plusieurs fois, se demandant ce qu’il était en train de faire. Il se parlait tout seul, à voix basse pour que personne ne puisse l’entendre. Il n’avait pas de solution. Il devait rester ici et devenir un soldat de Midès voilà tout ! Il serra les poings, fermant ses yeux verts en attendant que cette femme revienne. Il se passa plus d’une quinzaine de minutes avant que réapparaissent les six personnes qui étaient parties. Chacune traînait un sac qui semblait être assez lourd bien qu’elles n’éprouvaient aucune difficulté à les tirer.

« Bon. Remettez vous en rang correctement et choisissez l’arme avec laquelle vous vous battez le mieux. Ensuite, ramenez-la vers le garde qui se tient devant vous, il y jettera un sort qui empêchera toutes les lames de vous blesser. » annonça la femme en armure noire.

Bien… Ils allaient maintenant se battre. C’était normal… Il fallait bien les évaluer un jour ou l’autre. Cela ne le dérangeait pas plus que ça : s’il pouvait en faire taire quelques uns, c’était bien mieux qu’il ne l’espérait. Lorsque ce fût son tour, il fouilla à l’intérieur du sac, recherchant des griffes avant de voir qu’il n’y en avait pas.

« Un problème ? » annonça une voix à côté de lui.

Le garde venait de lui poser cette question alors qu’il se redressait. Comme la femme, il n’était pas possible de voir son visage caché par un casque. Son armure n’était pas en plaques mais faite intégralement de mailles. Tery passa une main derrière son crâne.

« Vous n’avez pas des griffes ? » demanda-t-il un air gêné.

« Des griffes ? Des katars, tu veux dire ? » reprit le garde en lui désignant deux armes.

« Non, non, des griffes comme celles là. » répondit aussitôt Tery.

Il prit son sac, l’ouvrant pour en sortir ses deux griffes. Celles-ci avaient pris une légère teinte noire depuis l’incident contre le scorpion cyclope. La femme à l’armure de plaques s’approcha du garde, lui demandant :

« Que se passe t-il ici ? Il y a un souci ? »

« Cette recrue m’a demandé si nous avions des griffes. »

« Des griffes ? Pour l’entraînement ? Hum… Ce n’est pas commun d’utiliser ce genre d’armes. Comment te bats-tu ? » questionna la femme casquée.

« En ambidextrie. Vous savez, c’est… » commença à dire Tery.

« Je le sais très bien. Tu utiliseras tes propres griffes. »

Elle s’éloigna alors que le garde prit les deux griffes de Tery. Il murmura quelques paroles qui lui rappelaient celles de l’Ombre, un souvenir assez douloureux même si cela ne faisait que quelques heures qu’il l’avait quittée. Une minute passa, puis une nouvelle et enfin le garde lui tendait ses deux griffes recouvertes d’une aura bleue.

« Plus long que prévu, comme ton arme est composée de plusieurs lames, il m’a fallut mettre l’aura sur chaque lame. Ca devrait être bon. »

« Merci… Mais après ? » dit le jeune homme aux cheveux bruns avec interrogation.

« Tu patientes et tu attends. » annonça le garde avec nonchalance.

D’accord… Il valait mieux se taire et acquiescer. Il se mit dans un coin, en retrait par rapport aux autres recrues tout en jetant un œil à ces griffes. C’était… un cadeau de l’Ombre. Il ne pouvait pas l’oublier, c’était impossible. Pas après ces quelques mois avec elle. Elle lui avait appris à se battre et à utiliser la magie, lui qui avait décidé d’ignorer complètement ces deux choses après cet incident. Le femme en armure noire prit la parole :

« Vous êtes tous prêts ? Venez nous rejoindre, nous allons vous mettre deux par deux. »

C’est vrai… Il ne connaissait rien de l’Ombre mais elle avait essayé de le tuer. Ce genre de sentiments contraires ne lui plaisait pas ! Il aurait voulu rester avec elle mais il savait bien que ce n’était pas possible ! A cause de ces lignes noires, il se demandait si c’était une si mauvaise chose que ça. Il ne devait plus utiliser sa magie, ne pas la montrer devant les autres. Voilà tout… La femme à l’armure noire se positionna devant lui, les mains sur les hanches.

« Tu es sourd ? Ou alors dois-je te l’expliquer en face ? » cria t-elle.

« Hein ? De quoi ? » dit Tery en sursautant, surpris par ses paroles.

Il était perdu dans ses pensées mais le poing qu’il reçu au niveau du front le ramena directement à la réalité. Il poussa un gémissement de douleur, passant sa main sur son front en regardant la femme. Celle-ci semblait si… forte… En fait, il en avait peur mais pas de la même façon qu’avec l’Ombre. L’Ombre était puissante mais ce n’était pas cette impression qu’elle donnait alors que là, c’était si différent.

« Je te laisse vingt secondes pour rejoindre les autres. Si d’ici là, tu n’as pas bougé, tu visiteras en avant-première les cachots pour t’apprendre la discipline. »

« Oui ma… » commença-t-il à dire avant de s’arrêter.

Il valait mieux se taire. Les deux griffes positionnées sur ses mains, il se mit à courir pour rejoindre la troupe, regardant autour de lui pour voir les différentes armes que ces nobles avaient prises. Alors que lui avait des griffes, la majorité avait opté pour des rapières ou des épées longues. D’autres à la carrure plus impressionnante tenaient dans leurs mains des mauls ou des marteaux à deux mains, voire de puissantes haches. Enfin quelques rares personnes avaient des dagues ou des épées courtes dans leurs mains mais lui… était le seul avec des griffes à la place des mains.

« Maintenant que tout le monde est réuni, nous allons pouvoir commencer la séance d’entraînement pour évaluer vos aptitudes au combat. Pour éviter l’absurdité, nous allons vous réunir suivant les armes que vous possédez. »

Les combats allaient se dérouler en six endroits différents : endroits surveillés par les gardes et la femme à l’armure de plaques noires. Celle-ci demanda à Tery ainsi qu’une quinzaine d’autres personnes de la suivre. Ils quittèrent le reste des recrues, le jeune homme aux cheveux bruns jetant un dernier regard vers elles. Ils marchèrent pendant cinq minutes environ, pénétrant dans un bâtiment qui semblait vide. De nombreuses armes et armures étaient entreposées sur les côtés alors qu’au milieu se trouvait un terrain d’entraînement fait en bois avec quelques lignes blanches bien distinctes pour permettre de délimiter le tout.

« Préparez vous. Je vais vous mettre deux par deux. Ensuite, vous allez vous combattre jusqu’à ce que je décide que le combat soit terminé. Vous pouvez abandonner si vous le désirez mais je vous le déconseille fortement. Nous allons faire tout simplement un tournoi pour évaluer vos aptitudes. Pendant que les uns combattront, les autres pourront les étudier et voir leurs points forts et leurs points faibles. Y a-t-il des questions ? »

Bien entendu, il aurait aimé poser la sienne mais vu ses récents dialogues avec la femme en armure de plaques noire, il préférait éviter de l’ouvrir. En regardant les autres, il remarqua rapidement que tous tenaient différentes armes dans leurs mains : des katars, des épées courtes, des dagues, des poignards. Certains n’en tenaient qu’une seule tandis qu’ils avaient une rondache avec eux dans leur autre main.

« Tery Vanian ! Tu commences, cela t’apprendra à dormir à moitié. » cria la femme.

« Et mer… J’aurais mieux fait de ne pas venir. » marmonna t-il.

Il serra ses deux griffes, des petits rires se faisant entendre derrière lui alors qu’il avançait vers le milieu du terrain en attendant son futur adversaire. Enfin bon, il allait devoir faire de son mieux et montrer aux autres ce qu’il valait. Son regard émeraude se posa sur un homme qui devait avoir la vingtaine d’années. Des cheveux noirs, une petite moustache de même couleur, il faisait bien plus vieux à cause de cette dernière mais le reste de son visage était juvénile. Il avait deux yeux bruns et dans ses mains, il tenait deux dagues.

« Tery contre Hacko, commencez le combat ! » annonça la femme en armure noire.

Chapitre 18
Chapitre 18 : Acte délibéré

Il n’allait pas lui laisser le temps de prendre les devants. Dans un combat, c’était le premier qui attaquait qui avait l’avantage sur son adversaire ! Sans hésitation, il courut vers son adversaire, les lames de ses deux griffes venant rencontrer les dagues du jeune homme à la moustache noire. Celui-ci s’exclama :

« Diantre ! En voilà des manières de commencer un combat ! »

« Désolé mais je n’ai pas de temps à perdre. » répondit Tery calmement.

« Allons, allons… Tu es bien pressé, faquin. » termina de dire le jeune homme.

Hacko fit quelques gestes avec sa dague droite, soulevant la griffe de Tery en ayant un sourire aux lèvres. Il allait montrer à ce gueux la façon de se battre des nobles ! Ce n’était que dans les livres que les gens riches et bien aisés ne se battaient qu’à la rapière ! Les autres personnes rigolèrent en voyant Tery qui se démenait pour se battre.

« Et bien ? Y a-t-il un souci ? Peut-être devrais-tu rentrer dans ta cambrousse ? » demanda Hacko avec amusement, Tery répliquant violemment :

« Tu vas voir ce que ma cambrousse va te montrer ! »

C’était ça le problème avec les nobles ! Ils se croyaient toujours au-dessus des autres à cause de ce qu’ils avaient dans le sang ou comme titre. Il fallait les remettre sur le droit chemin tout de suite ou alors ils allaient abuser de leurs rangs dès qu’ils le pouvaient. Il fit un petit saut en arrière, recourant rapidement vers son adversaire aux cheveux noirs. Ce qui s’ensuivit fut un enchaînement de coups de griffes et de dagues, chaque arme rencontrant l’autre en émettant un bruit métallique. Hhaco lui demanda :

« Où est-ce que tu as appris à te battre ? Dans les tavernes ? »

« Non mais avec un excel… » commença à dire Tery avant de s’arrêter.

Oh et puis zut ! Pourquoi parlait-il à cet homme ? Un combat ne se résolvait pas avec des paroles mais avec des actes ! Par surprise, il alla placer son pied droit dans le ventre d’Hacko, lui extirpant un cri de douleur en le faisant se pencher en avant. Voilà une bonne chose qui était faite. Il reprit la parole sur un ton provocateur :

« Si tu veux voir la méthode des tavernes, c’est comme ça qu’on résout nos problèmes. »

Il lui donna un coup de pied dans la tête, le faisant tomber en arrière alors des huées se firent entendre de la part des autres personnes. Pfff ! Rien à faire ! Il n’était pas fait pour être célèbre ou être apprécié, il n’était pas venu pour ça ! La femme à l’armure de plaques noire leva la main droite pour leur intimer de se taire, prenant la parole :

« Tery Vanian, tu es prié d’utiliser uniquement tes armes. »

« D’accord… Je ne le ferais plus. » murmura Tery, un peu par dépit.

« Sale gueux, tu as réussi à me mettre en colère ! » s’écria Hacko, se remettant bien.

Tant mieux, c’est ce qu’il voulait ! Même si il avait faillit se causer pas mal de soucis en se faisant interpeller par la femme en armure de plaques noire, il avait réussi à faire ce qu’il désirait. Le jeune homme aux cheveux noirs s’était relevé, un peu de sang s’écoulant de ses lèvres. Il n’y avait pas de protection sur les pieds, chose tout à fait normale puisqu’à la base, ils n’étaient pas sensés les utiliser.

« Qu’attends-tu pour venir ? » demanda Tery.

Il avait dit ces quelques paroles sur un ton nonchalant et légèrement prétentieux, de quoi énerver encore un peu plus l’homme qui courut vers lui. Lorsqu’il fut à sa portée, il fit un pas sur le côté, tendant son pied droit pour le faire tomber au sol une nouvelle fois.

« Est-ce que c’est autorisé ? » questionna le jeune homme aux cheveux bruns.

« Nullement. C’est mon dernier avertissement. » répondit sèchement la femme en armure.

« Bon, et bien… Qu’il se relève alors. »

Pfff ! Il devait arrêter de se comporter comme un idiot s’il ne voulait pas se faire virer dès le premier jour de l’armée de Midès. Enfin… Il devait se concentrer un peu plus sinon, il allait se créer quelques soucis et ce n’était pas une bonne idée. Hacko se releva, encore plus furieux qu’auparavant et poussa un cri de rage en courant vers lui.

« L’énervement, ce n’est pas la meilleure des solutions. » annonça Tery.

« La ferme ! Un miséreux comme toi ne devrait même pas se trouver ici ! »

Miséreux, gueux, faquin, il en avait un vocabulaire des plus développés. Sauf que dans l’armée, un vocabulaire développé ne servait à rien. De sa griffe droite, Tery para le coup de dague qu’il allait recevoir. Il recula sous l’impulsion mais il avait un sourire aux lèvres : le combat était maintenant gagné d’avance, il en était certain ! Sa griffe gauche alla frapper Hacko dans sa hanche droite, lui arrachant un nouveau cri de douleur.

« Dites… Le combat se termine comment ? » questionna Tery en s’adressant à la femme.

« Quand je le décide. Si tu ne gardes pas un œil fixé sur le combat, il risque de s’achever bien plus tôt que prévu. » annonça t-elle sur le même ton sec qu’auparavant.

Comment ça ? AH ! Il plaça ses deux griffes en croix, comprenant ce que la femme voulait dire par là. Les dagues tentèrent de le frapper au niveau du torse avec la ferme intention de le tuer. Heureusement qu’il y avait de quoi le protéger hein ? Il repoussa le jeune homme aux cheveux bruns, arrêtant de sourire à l’idée qu’il allait emporter ce combat. Maintenant, s’il avait bien compris, c’était cette femme qui pouvait arrêter le combat quand elle le désirait. Alors, il allait devoir donner son maximum ! Il se mit à sautiller sur place, attendant qu’Hacko revienne vers lui avant de se pencher en avant tout en avançant. Grâce à cette tentative, il arriva à esquiver le coup de dague qu’il aurait pu recevoir mais surtout à frapper son adversaire une nouvelle fois dans la hanche droite.

Mais qu’il arrête de bouger ! Il pouvait lire cela sur le visage exaspéré de l’homme en face de lui. Bon, il était temps d’en terminer même si la femme ne voulait pas annoncer la fin du combat. Il se retourna pour faire face à son adversaire après le coup qu’il lui avait donné. Il avait une idée pour terminer le combat mais celle-ci allait être plus difficile que prévue surtout maintenant que son adversaire était en colère. Qui disait en colère disait un maximum de force dans les bras et dans les jambes.

« Bon… On va essayer ça. » chuchota Tery.

Il se marmonnait à lui-même les techniques qu’il comptait appliquer pour battre son adversaire. Ce n’était pas si compliqué à imaginer, le pire était de le mettre en œuvre. Pendant plusieurs minutes, il para les nombreux coups qu’il recevait, haletant au fur et à mesure que le combat continuait. Son adversaire aussi semblait essoufflé mais il ne le montrait pas. La rage qu’il avait en lui ne voulait pas s’apaiser.

« C’est long… Très long… Et le paysan ne fait que se protéger. »

« Il a peut-être finalement compris qu’il ne faisait pas le poids contre un vrai noble ? »

« Veuillez vous taire. Je ne me répèterais pas une seconde fois. » hurla la femme en armure de plaques noires, énervée par les propos des personnes autour de la scène de combat.

Pffff ! Il n’avait personne de son côté, donc pour les acclamations lorsqu’il allait gagner, il allait devoir repasser un autre jour ! AH ! C’était le moment ! Il para une nouvelle fois la dague droite de son adversaire avec sa griffe gauche mais il avait réussi à insérer la lame de l’arme entre celles de sa griffe. D’un geste très rapide, il donna un violent coup sur la gauche, arrachant la dague de son adversaire pour la faire percuter la tête de l’un des autres hommes.

« HEY ! Attend un peu que… » commença à dire l’homme qui s’était pris la dague.

« Tu restes ici et tu te tais. Il l’a fait par inadvertance. Le combat continue. »

Par inadvertance ? Elle n’en était pas si sûre mais elle n’allait pas laisser quelqu’un s’immiscer au beau milieu de ce combat. Maintenant, Hacko n’avait plus qu’une dague qu’il tenait dans sa main gauche. Il était encore plus furieux qu’au départ, énervé par l’acte que venait de commettre Tery envers lui.

« Deux dagues, une dague, ça me suffit ! Je vais te montrer l’art du combat ! »

« De la part de quelqu’un qui n’a pas réussi à me toucher, je ferais mieux de me boucher les oreilles que de t’écouter ! » rétorqua Tery avec amusement.

L’homme prit la parole mais ne termina pas sa phrase, s’élançant vers Tery pour lui faire ravaler ses paroles ! Il allait lui montrer qu’il ne fallait pas plaisanter avec un noble ! Il était au-dessus de lui, il était riche, beau, séduisant, il pouvait courtiser les femmes les plus magnifiques du royaume de Shunter ! Ce paysan en face de lui, comment allait-il terminer sa vie ? Avec une fermière, en cultivant son blé et en nourrissant ses vaches ! Voilà ce qui l’attendait ! Il donna un coup d’une rare violence en direction de Tery, celui-ci pouffant lorsqu’il le reçu au niveau du torse. Lui, il avait encore de la ressource ! Tery répliqua aussitôt en le frappant au niveau du front, tentant de bloquer la seconde dague avec sa griffe.

Quand est-ce que le combat allait le terminer ? Il commençait à être épuisé par tout ça ! Un combat contre un autre humain était tout aussi éreintant voir encore plus que de combattre un Gnomold. Bon… Puisque la femme ne voulait vraiment pas arrêter ce combat, il allait mettre toutes ses forces dans les prochains coups. Rapidement, il traça une ligne diagonale vers Hacko, celui-ci ayant encore le réflexe de parer avec sa dague. Néanmoins, il n’avait rien pour parer l’autre griffe qui alla le frapper au niveau du ventre, le faisant pouffer à son tour ! Il lui rendait la monnaie de sa pièce ! Il allait en terminer maintenant !

Ce va-nu-pieds… Il commençait sérieusement à le mettre en pétard ! Au diable les règles de noblesse ! Il allait lui faire regretter d’être né ! Du moins, c’est-ce qu’il avait en tête mais Tery ne lui laissa pas le choix. Il coinça son bras avec ses deux griffes, lui extirpant la dague pour la faire tomber au sol. C’était accompli d’une façon peu orthodoxe mais cela avait le mérite d’avoir réussi à le rendre désarmé ! Dès que la dague percuta le sol, la femme à l’armure de plaques noire prit la parole en s’écriant :

« Le combat est terminé ! Le vainqueur est Tery Vanian. »

« Pas possible, le paysan a gagné. »

« Peut-être qu’il sait se battre au final… » annonça un second homme après le premier.

Ahhhh ! Il préférait entendre ça ! Oui, il savait se battre et il venait de le montrer aux yeux de tous ces fils à papa. Avec une légère insolence et la tête haute, il se dirigea vers un coin isolé à quelques mètres du groupe. Voilà qui allait les faire taire ! Les hommes reprirent :

« Ou alors Hacko est vraiment trop faible. »

« Oui, ça doit être ça. Il n’y a aucune chance que l’un d’entre nous se fasse battre de la même façon. Aucune chance… C’est simplement impossible de toute façon. »

« Veuillez vous taire ! Que les prochains combattants se mettent en position. Enol contre Manar. Dépêchez vous, vous ne rentrerez pas dans vos dortoirs avant que ce petit tournoi soit terminé, qu’importe si ça doit prendre une journée ! » annonça le femme en armure noire.

Hein ?! Et zut… Il préférait rester poli intérieurement. Il n’avait pas envie que par inadvertance, il insulte la bouche grande ouverte. Il observa de ses yeux verts Hacko qui s’éloignait de la zone de combat, la tête baissée, les poings serrés. Pour lui, c’était une véritable déconfiture, il s’en doutait. Savoir qu’il avait été battu par un … paysan était une chose des plus détestables chez un noble. Il allait sûrement devoir le surveiller si il ne voulait pas avoir d’ennuis ou alors… tout simplement le faire pencher de son côté. Maintenant que les autres nobles allaient le critiquer, il allait peut-être se montrer moins arrogant. Avoir un allié dans un tel endroit, il était sûr que c’était une meilleure idée que de s’en faire un ennemi définitif. Dès qu’ils allaient avoir un peu de temps, il devait discuter avec lui !

« Tery ? Ramène-toi. Nous avons à discuter tout les deux. »

« Mademoiselle, comment faisons nous pour le combat ? » demanda l’un des hommes.

« Si l’un des deux fait tomber son arme ou a perdu de façon évidente, faites le prochain combat. C’est marqué sur cette feuille. » répondit-elle sèchement en tendant un morceau de papier. Un homme vint la récupérer avant de retrouver les autres.

Les nobles étaient tout de suite plus réceptifs dès qu’il s’agissait d’un haut gradé mais lui, il semblait ne pas s’y intéresser plus que ça. En fait, il était même plutôt inquiet de savoir qu’il devait suivre cette femme. Peut-être qu’il allait encore souffrir verbalement. En y réfléchissant, il avait ouvert sa bouche plus que de nécessaire pendant le combat. Il suivit la femme qui quitta la salle, quelques paires d’yeux tournés vers eux, un sourire tracé sur les lèvres des nobles. Ces saletés… Ils s’imaginaient la même chose que lui ! Lorsqu’ils se retrouvèrent dehors, elle prit la parole :

« Tery Vanian, propriétaire de l’un des livres sur la création des golems. »

« Hein ? De…De quoi vous parlez ? » demanda-t-il, surpris par la phrase dictée.

« Simplement du livre que tu as reçu en récompense pour la mort de Parkan, l’un des chefs Gnomolds qui sévissait dans la région autour de Midès. »

« Co… Comment vous êtes au courant ? »

« Des livres d’une rareté qui font qu’ils sont comptés en à peine un millier d’exemplaires ne passent pas inaperçus. Sachant qu’en plus, nous parlons d’un livre en rapport avec l’élément de la Terre, élément prédominant du royaume de Shunter et tu as l’explication sur le fait que je sache déjà tout ça à ton sujet. » reprit la femme en armure de plaques noires.

« Donc… C’est un livre sur la création de golems ? » questionna le jeune homme.

« L’as-tu au moins à peine ouvert ? A t’écouter, on ne dirait pas. »

Il hocha la tête d’un air négatif alors que la femme dans l’armure de plaques noire croisa les bras au niveau de la poitrine. Cet homme… Il avait un livre aussi précieux entre ses mains et pourtant, il n’avait même pas essayé de voir ce qu’il contenait ? Vraiment… Il était des plus stupides. Surtout que ce livre était plutôt recherché s’il était… vide.

« Bon… Qu’importe. Je te conseille simplement de lire ce livre dès que tu le peux. Apprendre à créer un golem est une chose des plus complexes quand on s’y attarde réellement. »

« Vous… Vous en avez déjà fait ? » osa-t-il poser comme question.

« En quoi cela te concerne ? Ecoute ce que je te dis et ça ira parfaitement. »

« Comme vous le désirez ! Mais pourquoi m’avoir emmené… »

« Car dès l’instant où tu inscriras ton nom sur ce livre, il t’appartiendra jusqu’à ta mort. Personne ne pourra apprendre l’art des golems à partir de ce livre sauf en te tuant. »

Bon… Il avait un livre plutôt précieux en main mais il ne se sentait pas pour autant super joyeux. Ce n’était pas qu’il n’appréciait pas ce… livre mais voilà quoi. D’après ce que la femme en armure de plaques noire avait dit, si les autres apprenaient au sujet de son livre, ça allait faire quelques ravages et il allait avoir quelques soucis.

« Je peux savoir ce que tu attends ? On rentre. » annonça la femme en face de lui.

« D’accord ! Désolé ! Je réfléchissais. » bafouilla Tery, cherchant à s’excuser.

« Un dernier conseil si tu veux tenter de vivre plus d’un mois dans l’armée : arrête de trop ouvrir ta bouche. Des fois, cela peut aider mais pas pendant un combat. Tu es tombé sur un noble qui ne savait pas contrôler sa colère. Contre un combattant aguerri, ça ne marchera pas. Ai-je été claire ? Ou pas assez ? »

« Très clair made… » dit-il avant de s’arrêter subitement.

Mieux valait éviter de l’appeler comme ça. C’est vrai qu’il parlait beaucoup trop, il le savait lui-même mais bon, il était comme ça. La tête baissée, il retourna avec la femme à l’armure de plaques noire à l’intérieur de la salle. Il s’installa dans un coin, ne faisant pas attention au reste des combats où chacun donnait son maximum pour arriver à impressionner cette femme dont aucun n’avait vu le visage. Elle tapa dans ses mains après trois quarts d’heure de combat, leur signalant qu’ils avaient dix minutes de repos.

« Tery Vanian, je peux savoir ce que tu fais ? »

Aie ! Elle était encore là ! Qu’est-ce qu’elle lui voulait pour le coller autant ? Enfin, ce n’était pas de la même façon que l’Ombre et… Et merde ! Il n’arrêtait pas de toujours tout rapporter à l’Ombre, ça en devenait énervant ! Il posa ses yeux verts sur le casque noir, reprenant :

« Je réfléchissais… Enfin, j’ai essayé de réfléchir. Je ne sais pas trop. »

« Sans même jeter un œil au combat ? Je pensais que notre petite discussion avait pourtant été comprise. Je vois que je me suis trompée. Relève-toi ! Tu es le prochain. »

Et voilà qu’il repartait pour le second tour ! En plus, il sentait qu’il avait énervé la femme à l’armure de plaques noire, sa voix semblant plus forte à chaque fois qu’elle s’adressait à lui. Les autres membres ricanèrent de leurs côtés, heureux de le voir se faire remettre à sa place par celle qui les dirigeait actuellement.

« Tery, Onan, mettez vous en face. » annonça la femme en armure noire.

« La chance du débutant est terminé. » murmura Onan en le regardant.

« Si tu le dis… Si tu le dis… » chuchota tout simplement Tery en haussant les épaules.

Il avait maintenant affaire à un jeune homme avec des cheveux blonds en bataille, deux yeux verts comme les siens et armé d’une épée courte ainsi que d’une rondache. Il sortit ses deux griffes, les remettant correctement sur ses mains en attendant le départ de la part de la femme qui gérait tous ces combats. Vraiment… Cela allait prendre bien moins de temps, du moins il l’espérait. Il avait plutôt envie d’arrêter tout ça et de voir ce qui se passe à côté. Malheureusement, il sentait qu’il n’allait pas vraiment avoir le choix avec cette femme.

« Tery contre Onan, vous pouvez commencer. » reprit la femme.

Zou ! Comme au premier combat, il allait prendre les devants ! Il s’élança vers son adversaire, les lames de sa griffe droite venant riper sur la rondache qu’Onan avait mise au niveau de son torse. Il para l’épée courte avec sa griffe gauche, repoussant légèrement Oran alors que celui-ci gardait un sourire aux lèvres. Un sourire mauvais pour lui…

Il fallait le reconnaître : le paysan savait se battre avec une arme. En plus, il utilisait des armes pas banales et assez difficiles à manipuler. C’était un bon point pour lui… Mais bon, l’art des armes n’était pas aussi facile que cela et surtout, il se couplait à autre chose. Le mieux était de l’épuiser pour l’instant et ensuite…

Ce type parait avec une aisance bien plus grande que le précédent. Il voyait bien qu’Onan était calme comparer à Hacko mais bon… C’était quand même assez difficile de le toucher. En fait, c’était pire que ça : il n’y arrivait pas ! Chaque coup porté contre Onan venait rencontrer la rondache tandis que la lame de l’épée courte percutait celles de sa griffe gauche. Le combat s’éternisait et ça faisait déjà cinq bonnes minutes qu’il combattait. Enfin, Onan prit la parole sur un ton amusé :

« Et si nous corsions la chose ? Tu sais te battre avec une arme pour quelqu’un qui vient d’une ferme… mais est-ce que tu sais te battre avec de la magie ? »

Hein ? De la magie ? Est-ce qu’il allait… Pas en combat d’entraînement ! Il n’oserait pas ! Et pourtant, des veines rouges apparurent le long des bras d’Onan avant que la lame de son épée longue ne s’enflamme subitement. Il donna un coup dans le vide mais il avait très bien senti son vêtement qui venait de se réchauffer. En fait, il avait même une marque de tissu brûlé au niveau du vêtement.

« Hey ! Ce n’est pas autorisé ça ! C’est de l’entraînement ! »

« Je ne crois pas avoir entendu de règle qui stipule qu’on ne puisse pas utiliser notre magie. »

« Mademoiselle mais… » dit Tery en tremblant, tournant son visage vers la femme en armure noire. Celle-ci lui répondit sèchement :

« Arrête de te plaindre et combat. S’il utilise la magie, fais-en de même. »

« Mais mais mais… » bafouilla le jeune homme, se disant que c’était impossible.

« Et bien quoi ? Tu ne sais pas utiliser la magie ? Si c’est le cas, tu ne mérites pas d’être ici. » annonça celle qui dirigeait les combats.

Mais pourquoi fallait-il qu’il soit tombé sur un type adepte des flammes ?! Si encore, cela avait été quelqu’un qui utilisait l’élément de l’eau, il ne se serait pas plaint mais là… Il risquait gros ! Et dire que ce n’était qu’un combat d’entraînement ! Mon œil ! Il détestait encore plus les sourires sur ces visages ironiques… et cette femme avec sa fichue armure de plaques noire ! Qu’est-ce qu’il devait faire ?! Utiliser sa magie ? Mais il ne pouvait pas ! Les veines noires avaient horrifiée l’Ombre encapuchonnée ! Alors … Alors … Si les autres apprenaient à son sujet, comment est-ce qu’ils allaient réagir ? COMMENT ? Il ne pouvait pas … Ce n’était pas possible ! Il allait devoir se battre sans !

Chapitre 19
Chapitre 19 : Refus d’obtempérer

« Tu vas la montrer ta magie ? Je vais te forcer à la dévoiler ! » s’écria son adversaire.

Il pouvait toujours rêver ! Il ne voulait pas l’utiliser ! Surtout pas devant eux ! A défaut de se moquer de lui, ils allaient être effrayés, ce qui n’était guère mieux. Il ne voulait pas finir une nouvelle fois par combattre une personne à qui il tenait. Dans ce cas précis, il ne tenait à personne alors l’affaire était réglée mais quand même.

« Tery, je t’ordonne d’utiliser ta magie maintenant. » annonça la femme en armure noire.

« Mais… Mais… Je ne peux pas ! C’est impossible ! » s’écria le jeune homme.

« APPLICATION MAINTENANT ! »

Bon… Il devait lui obéir… ou alors combattre son adversaire sans faire apparaître ses veines noires. Pourquoi n’avait-il pas de gants et des longues manches ? Un peu comme l’Ombre ! Ca aurait été bien plus simple de cette façon ! Personne n’aurait remarqué ses lignes noires ! Il fit une roulade se le côté, évitant les flammes générées par la lame d’Onan. Les flammes ne semblaient même pas faire souffrir l’homme. Etait-il ignifugé à ses propres flammes ? Peut-être. Il ne pouvait pas vraiment se poser de questions pour l’instant.

« Alors, tu ne veux pas l’écouter ? Si tu continues, tu vas perdre le combat. »

« Comme si la victoire m’intéressait. Ce n’est qu’un… combat d’entraînement ! »

« L’occasion rêvée de montrer ce que nous valons aux yeux des autres ! »

Ainsi… Il combattait simplement pour impressionner les autres personnes ici ?  Tss ! Raison de plus pour ne pas se montrer en spectacle ! Ripant les lames de ses griffes les unes contre les autres, il courut en direction d’Onan, essayant de ne plus se préoccuper de la flamme crée par sa lame. Il y avait bien un moyen de le contrer mais il allait souffrir pour ça. De sa griffe gauche, il alla frapper la lame chauffée par le feu du jeune homme aux cheveux blonds.

« C’est risqué, tu ne crois pas, non ? Tu vas te faire mal. » murmura Onan en souriant.

Et c’était le cas, il serra les dents pour ne pas crier de douleur en sentant les flammes qui venaient lécher sa griffe qui ne fondait pas pourtant. C’était du bon travail d’artisan mais ça n’allait pas lui suffire à gagner le combat ! De sa griffe droite, il tenta de frapper Onan au niveau du visage mais la lame vint se planter dans la rondache, le jeune homme reprenant :

« Et maintenant, on va s’amuser à rapprocher les flammes près de ton visage, mendiant ! »

« Fais ça et je te promets que je t’écrase ! » hurla aussitôt Tery.

L’écraser ? C’était drôle de l’entendre dire ça alors qu’il faisait son maximum pour ne pas hurler à la mort. Il voyait Tery qui tentait de retirer ses griffes de sa rondache mais il faisait plusieurs gestes pour le gêner. Voilà ce qui allait lui en coûter de se lancer à corps perdu contre quelqu’un qui sait manipuler le feu ! Peu à peu, la distance entre les flammes de sa lame et le visage d’Tery diminuait avant qu’un cri ne se fasse entendre :

« Le combat est terminé ! Onan, arrête ça maintenant ! Tu as gagné ! »

« Pfff, ce n’est pas drôle. Ca n’a pas duré dix minutes. » murmura Onan.

« Tu penses donc que l’armée et le combat sont des jeux ? »

La voix impériale de la femme en armure de plaques noires résonna aux oreilles d’Tery qui semblait légèrement sonné par tout ça. Onan s’excusa, les flammes disparaissant en même temps que ses veines rouges. Non, non, il ne pensait pas que c’était un jeu, loin de là ! Tery était tombé à genoux, reprenant son souffle alors qu’il entendait les pas métalliques de la femme. Il ouvrit la bouche, prononçant :

« Pour… Pourquoi ? Je pouvais encore … encore combattre ! »

« La ferme ! C’est à moi de te poser une question ! Pourquoi tu as rejoint l’armée si ce n’est pour te battre ?! Peut-être que tes camarades seraient morts à cause de ton inactivité ! »

Elle vint le frapper dans les côtes, le faisant rouler au sol tandis qu’il cracha en gémissant. Ca faisait sacrément mal un soleret ! Onan eut le droit à quelques félicitations de la part des autres nobles, le remerciant d’avoir remis Tery à sa place. Le jeune homme aux cheveux blonds signala que ce n’était pas grand-chose, que c’était normal mais la femme se retourna subitement avant de reprendre d’une voix irritée :

« Bark, Palio, mettez vous sur le terrain ! MAINTENANT ! »

« Mais il y a ce… » commença à dire l’un des nobles.

« EXECUTION J’AI DIS ! » hurla la femme en plaques noires.

Ohla ! Elle était furieuse ou quoi ? Les deux hommes se positionnèrent devant, attendant qu’elle lance le début du combat. Tery ne s’était toujours pas relevé mais fut soulevé par le col comme un vulgaire pantin. La main gantée de plaques noires alla l’éjecter en-dehors de la zone de combat tandis qu’elle reprenait :

« Commencez le combat ! Vous avez intérêt à le faire DES MAINTENANT ! »

Elle ne se préoccupait pas du combat, continuant de s’approcher de Tery pour le relever une nouvelle fois, le plaquant contre un mur alors qu’il se laissait faire. Elle lui murmura :

« Toi, dès que c’est terminé, tu ne perds rien pour attendre. Je vais m’occuper de ton cas. »

« Je n’ai simplement pas… envie d’utiliser ma magie. »

« PAS ENVIE ? Non mais de quel droit te permets-tu de ne pas avoir envie ! »

Elle lui donna une violente claque, la joue de Tery commençant à saigner à cause du gant de métal. Elle le laissa finalement assis contre le mur, ne se préoccupant plus de lui. Elle retourna vers les autres personnes pour observer le combat à leurs côtés. Ca ne faisait même pas une journée… et il se l’était déjà mise sur le dos.

« Non mais tu fais quoi là ! » s’écria la femme en armure noire avec énervement.

« Dé… Désolé mais il m’arrive parfois de perdre le contrôle de mon eau. »

« Alors ne l’utilise pas si c’est pour te louper comme ça ! Sur un terrain, tu risquerais de créer des dommages collatéraux et de blesser tes compagnons ! »

« Pardon cheffe ! Je ne recommencerais plus ! » répondit le soldat en s’excusant.

« C’est bon, le combat est terminé. Tu as perdu ! »

Vraiment, ils trouvaient qu’elle était bien moins sympathique depuis qu’elle s’en prenait à eux. L’énervement qu’elle ressentait à l’égard de Tery ne faisait qu’accentuer sa colère et ses cris. Au final, c’était eux qui subissaient par la faute du jeune homme aux cheveux bruns ! A la fin, il allait en baver et ça n’allait pas être joli.

« Bon ! Que la finale entre les deux derniers combattants se fasse ! Après ça, je vous expliquerais ce qui va se dérouler. » annonça celle qui les dirigeait.

Il allait bien mieux maintenant. Il pouvait observer les deux « champions » qui combattaient avec ardeur. Les autres avaient quelques égratignures et blessures mais ils semblaient plutôt contents d’eux. Lui ? Il était resté assis contre le mur, ne s’étant pas relevé. Pourquoi faire ? Il n’allait pas retourner vers eux et taper la discussion.

« T’as fini de rester cloîtré ? Ou tu veux de l’aide ? »

« Vous… ne regardez pas le combat ? » dit-il en se redressant, surpris par la femme.

« Pourquoi ça ? J’ai déjà pris ma décision vous concernant, toi et les autres. Relève-toi et vas les rejoindre. C’est bientôt terminé. Et plus vite que ça. »

Elle semblait s’être calmée et il poussa un petit soupir de soulagement. Tant mieux… remit correctement debout, ayant retiré ses deux griffes. Il marcha en direction des personnes de son groupe sans pour autant leur adresser la parole. Il pouvait quand même entendre les murmures qu’ils avaient entre eux :

« Ca ne lui a pas suffit la raclée qu’il a pris. Il en redemande. »

« Il va être bon pour se faire malmener héhéhé. » chuchota un second homme.

« Vous avez finis de parler ?! Taisez-vous un peu ! »

Ah… Finalement, elle n’était pas calmée et plusieurs regards se tournèrent vers Tery, celui-ci faisant semblant de les ignorer comme si ça ne le concernait pas. Il n’avait rien à se reprocher. Si cette femme s’énervait pour un rien et aussi facilement, en quoi il était responsable ? Bon, il faisait un peu son indifférent et sa tête de mule mais il savait très bien qu’il était la raison de l’énervement de cette femme. Simplement, il ne voulait pas se prendre la tête plus longtemps avec cette histoire. Il observa la fin du dernier combat, remarquant que les deux jeunes hommes maniaient aussi bien la magie que l’arme.

« Vous vous demandez à quoi ces nombreux combats ont servis, n’est-ce pas ? »

« Ce n’est pas pour évaluer nos compétences ? » osa demander un homme.

« Si c’était uniquement pour ça, vous comprendriez mes choix mais malheureusement ce n’est pas que ça ! Ces combats m’ont permis de vous épuiser et ainsi de vous maîtriser. Dorénavant, vous savez à quoi vous attendre si vous vous permettez de déroger aux règles. »

Même si elle ne visait pas particulièrement Tery, tout le monde voyait de qui elle parlait. Il y eut quelques toussotements amusés alors qu’elle faisait les cent pas devant les seize hommes qui se tenaient devant elles. Certains étaient légèrement blessés, d’autres presque indemnes mais celui dans le plus sale état était Tery. Malheureusement, ce n’était pas le résultat des deux combats qu’il avait menés mais plu de la femme en armure noire.

« Ainsi, je vais donner les noms des quatre personnes qui auront la possibilité de gérer une petite troupe car ici, le but n’est pas simplement de savoir se battre mais aussi de faire que tout le monde revienne en vie. Pour ça, il faut savoir commander, or ce n’est pas le cas de tout le monde. Bon… Voilà les noms… »

Lentement, elle prononça le nom du vainqueur de ce minuscule tournoi puis du finaliste perdant. Enfin, le troisième nom était celui qui avait perdu en demi-finale contre le vainqueur du tournoi et le dernier… était quelqu’un éliminé au second tour. Ce quelqu’un était…

« Tery Vanian. Voilà, les quatre noms sont donnés. »

« Hein ? Mais… Pourquoi lui ? » demanda l’un des hommes, plus que surpris comme le reste.

« Quelqu’un conteste t-il mon choix ? Si c’est le cas, qu’il vienne me le dire en face. »

« Non mais… Expliquez nous, pourquoi ce paysan ? »

« Je t’entends parfaitement, tu sais. » murmura Tery calmement.

Il soupira bien qu’il était aussi surpris que les autres. Qu’est-ce qu’il avait fait de spécial ? Rien ! Rien du tout ! Il voulait aussi comprendre la raison qui poussait cette femme à le choisir comme l’un des…chefs ? Il se présenta devant la femme, s’apprêtant à parler mais ce fut elle la première à répondre :

« Je n’ai pas à m’expliquer. J’ai donné les quatre noms, vous allez bientôt rejoindre les autres groupes et enfin, on vous affectera vos dortoirs. Mettez vous en file indienne devant moi et déposez vos armes et boucliers dans le sac. Tery, tu viens m’aider. »

« Mais pourquoi moi ? Qu’est-ce que j’ai fais ? »

Il ronchonna légèrement, se disant qu’elle allait lui en faire voir de toutes les couleurs. Il allait devoir se montrer bien plus gentil et obéissant car sinon, il sentait bien les nombreuses corvées qui allaient lui tomber dessus. En plus, si on rajoute les coups qu’il s’était pris, il allait finir estropié en moins d’un mois, peut-être un nouveau record ? Il s’installa à côté de la femme dans son armure de plaques noires, tenant le sac pendant que chacun passait devant lui pour déposer les armes et les rondaches utilisées. Chacun émettait un petit sourire en le voyant fatigué et exténué par tout ça. La femme en plaques noirs dit :

« Maintenant que toutes les armes sont entreposées, vous pouvez sortir de là. Continuez toujours tout droit, vous devriez pouvoir rejoindre les autres. »

Il s’apprêtait à partir, ayant terminé son travail mais la main de métal se posa sur son épaule pour lui signaler que c’était loin d’être fini entre elle et lui. Il observa les personnes s’éloignaient en portant leurs regards sur lui. Il allait encore souffrir, il en était sûr. Lorsqu’il ne resta plus personne, la femme à l’armure de plaques noires reprit la parole :

« Maintenant, tu vas me montrer ta magie terrestre. »

« Heu… Nous allons être en retard. » murmura-t-il avec un peu d’appréhension.

« Ici, c’est moi qui parle, d’accord ? Tu as assez fait l’histrion, maintenant tu… »

« Mais sincèrement, je préfèrerais ne pas la montrer. »

Il reçu un violent coup de poing au niveau de la joue droite, venant l’entailler une nouvelle fois avant qu’il ne se retrouve au sol. Ca faisait vraiment trop mal ces choses ! Est-ce que cette femme ne pouvait pas comprendre les réticences qu’il avait à montrer ses lignes noires ?! Il se releva en passant une main sur sa joue, disant :

« Pourquoi… vous voulez savoir si je suis capable d’utiliser la magie ? »

« Ce n’est pas en ça que je me pose des questions mais plutôt sur ton refus d’obéir. Tu as quelque chose à cacher et dans l’armée, il vaut mieux ne rien cacher si tu veux rester en vie. Les traîtres ne font pas long feu. Comprends-tu maintenant ? »

« Mais je ne suis pas un traître ! Simplement… »

« Je ne te demande pas de me créer des rochers de deux mètres de diamètre mais de voir si tu es réellement capable d’utiliser la magie. Les mensonges peuvent causer énormément de pertes… que ça soit matérielles, physiques ou mentales. »

« Bon, bon… Je veux bien vous montrer mais je vous en prie, ne me jugez pas ! »

« Te juger ? Sur quoi ? » demanda-t-elle, un peu étonnée.

Qu’est-ce qu’il voulait dire par là ? Sa dernière phrase venait de lui faire porter une réelle interrogation sur le jeune homme qu’elle voyait. Celui-ci trembla légèrement, tentant de se donner une contenance qu’il n’avait pas. Il devait se concentrer pour faire apparaître une pierre dans sa main, ça devrait suffire à cette femme. Enfin … Il espérait.

Lentement, des traits noirs apparurent sur son bras droit alors qu’il fermait ses yeux verts. Pendant quelques secondes, de la poussière se réunissait autour de lui avant de former une pierre d’une taille de cinq centimètres sur cinq bien qu’elle avait un aspect proche d’une forme sphérique. Il poussa un léger soupir, montrant le résultat de sa magie à la femme à l’armure de plaques noires. Maintenant, il avait plutôt peur … de sa réaction.

« Voilà… Vous avez la preuve que je sais utiliser la magie. »

« Oui… C’est bon, vas rejoindre les autres. » répondit-elle avec neutralité.

« Vous… Vous n’avez pas de questions à me poser ? Enfin des choses à … »

« A quel sujet ? Vas les rejoindre maintenant ! »

« D’accord, cheffe ! Je me mets tout de suite… Ah ! ZUT ! »

Il poussa un petit cri alors qu’elle se retournait vers lui. Il s’était déjà dirigé vers la sortie mais il revenait vers la femme. Qu’est-ce qu’il y avait encore ?! Il s’excusa plusieurs fois, lui signalant qu’il avait oublié son sac pour y mettre ses deux griffes.

« Je vais… J’y vais maintenant. » dit Tery en tremblant légèrement.

« C’est bon, reste ici à m’attendre. D’après ce que j’ai remarqué, tu es loin de briller par ton intelligence. Tu risquerais de te perdre même en ligne droite. »

« Ce n’est pas très sympathique. Enfin … C’est peut-être vrai car je ne connais rien ici. »

« Je suis ta supérieure. Je ne suis pas faite pour être sympathique. »

Elle souleva avec facilité le sac qui contenait les nombreuses armes ayant servies pour l’entraînement d’aujourd’hui. Elle lui demanda de passer devant elle tandis qu’ils se mirent en route. Ils quittèrent la salle côte à côte, le jeune homme aux cheveux bruns ne prononçant aucune parole tandis que la femme ne disait rien. Elle ne paraissait pas surprise par ses veines noires et il se demandait pourquoi…

« Vous êtes tous là ? Vous avez terminé depuis quand ? »

Les quatre gardes qui avaient gérée l’inscription avec la femme se positionnèrent à ses côtés. Elle observa les différents papiers qu’ils lui tendirent avant de hocher plusieurs fois de suite la tête. Après plusieurs minutes, elle tapa dans ses mains pour que tout le monde se taise.

« Bon ! Maintenant que tout est terminé, vous êtes déclarés officiellement comme des membres de l’armée de Midès mais ce n’est pas uniquement cela. Aujourd’hui, c’était une phase d’entraînement armée. Mais nous n’avons pas besoin de personnes qui ne pensent qu’à blesser et à tuer, nous avons aussi besoin de personne utilisant principalement leurs magies à des fins plus ou moins utiles. C’est pourquoi dès demain, nous commencerons différents tests pour vous répertorier dans certaines classes. Certains seront peut-être plus utiles en tant que couverture arrière ou alors en tant que première ligne. Tout n’est pas si simple et tenir une arme dans votre main ne fait pas de vous un combattant. Nous allons vous conduire dans vos chambres et le réveil se fera à l’aube, aux environs de cinq heures. »

Elle tapa une nouvelle fois dans ses mains, ordonnant aux quatre gardes de conduire les nouveaux membres de l’armée dans leurs dortoirs. Elle murmura à l’oreille d’un des gardes en ciblant Tery de son regard. Alors qu’il se mettait à suivre le groupe, le garde à qui elle s’était adressée prit le bras de Tery pour le tirer hors du groupe.

« Toi. Tu me suis. On va t’emmener dans un endroit qui correspond plus à ta classe. »

« Ma classe ? Qu’est-ce que… » commença le jeune homme à dire.

« Tu n’as pas à poser de questions. Les types comme toi n’ont pas une place dans les dortoirs les mieux lotis ! Tu ne t’en doutais quand même pas ? »

« Je ne comprend pas. Enfin … Je dois mieux … me taire et vous accompagner. »

Il suivit le garde, ne voulant pas désobéir aux ordres bien qu’il ne voyait pas ce qu’il pouvait faire d’autre. Les personnes comme lui… C’est vrai. Il n’était pas un noble contrairement aux autres. Il n’allait donc pas se retrouver avec ces derniers dans les dortoirs. En y réfléchissant bien, ce n’était pas forcément une mauvaise chose quoi. Il n’allait pas avoir à les écouter et surtout à les voir ! Pendant une dizaine de minutes, ils marchèrent jusqu’à ce qu’il entende des voix au langage bien moins développé que celui auquel il s’était habitué pendant la journée. Ils étaient arrivés devant un long bâtiment avec deux étages.

« C’est là que tu habiteras dorénavant. Tu as déjà toutes tes affaires et ces personnes proviennent du même endroit que toi : la basse société. Certains sont fils d’artisan, d’autres de simples fermiers, ils ne savent peut-être même pas se battre. »

« Su… per. Je vois… C’est l’endroit rêvé. » ironisa le jeune homme.

« Tu feras certainement moins le fier quand tu verras à quoi ils ressemblent puisque tu vas les côtoyer pendant longtemps, très longtemps. »

« Comment ça ? Où voulez vous en venir ? » demanda Tery, un peu plus inquiet.

« Tu sauras bien assez tôt. Comme ce que m’a dit la maréchale Nali, tu devras sûrement t’occuper d’un petit groupe d’entre eux. Bonne chance héhéhé. »

C’était une bénédiction ou une malédiction ? Qu’est-ce que cette femme lui voulait pour le faire autant souffrir ? Il ne comprenait pas du tout ses actions ! Des fois, il pensait qu’elle le tirait d’affaire, des fois, c’était tout le contraire. Vraiment… Il se posait trop de questions des fois ! Ils pénétrèrent à l’intérieur du bâtiment, des cris se faisant entendre alors qu’ils montaient à l’étage, Tery tenant son sac sur son épaule. Passant au second étage, ils se retrouvèrent devant une porte avec un chiffre marqué dessus. Il ne se préoccupa pas de le retenir, remarquant simplement qu’il se retrouvait tout au fond du couloir.

« Voilà l’endroit où tu pourras dormir, c’est toujours mieux que les chambres à plusieurs. Une partie de cet étage est réservée à ceux qui commanderont le reste des troupes. Ce n’est pas parce que tu as été choisi que tu seras absent des tests demain. Aller, prends ta clé et espérons que tu vivras plus longtemps qu’un trimestre. » annonça le garde avant de s’éloigner.

Réjouissant… Il récupéra la clé que l’homme lui tendait, s’engouffrant à l’intérieur de sa chambre avant de s’enfermer. Il jeta le sac au sol, ne regardant même pas ce qui se trouvait autour de lui. Il vint atterrir sur son lit, remarquant qu’il était loin d’être mauvais. L’armée… C’était si compliqué. Ces histoires de commandement, de classes, toutes ces choses lui donnaient mal au crâne. Dormir… serait une bonne chose pour oublier.

Chapitre 20
Chapitre 20 : Début

« Hey ! Debout ! » hurla une voix avec force.

Un coup violent à la porte et il se réveilla subitement, se redressant dans son lit. Qu’est-ce qui se passait ? C’était la guerre ! Un autre coup et la voix reprit sur le même ton :

« Non mais debout ! Bordel ! C’est lui le futur lieutenant ? »

« Je crois mais… C’est un nouveau. » murmura une seconde voix après la première.

« Un nouveau ! Mais merde quoi ! Comment un nouveau peut avoir le même grade que moi ? Il n’est pas encore debout à cette heure-ci ! »

« Je suis… réveillé. Et je vous entends … parfaitement. »

Il avait dit ça d’une voix machinale comme si il ne croyait pas en ses propres mots. Ce n’était pas de sa faute s’il ne savait pas comment ça marchait ici. Et au passage, il était où ? Un coup d’œil à gauche, un coup d’œil à droite. Ah… C’est vrai. Maintenant… Il était dans l’armée de Midès. Une nouvelle vie. La voix reprit encore plus forte :

« Si t’es réveillé, rapplique en bas d’ici cinq minutes grand maximum ! BORDEL ! Ca sert à quoi d’être lieutenant si c’est pour feignasser ? »

« Ce n’est pas de ma faute ! Je ne savais pas ! » hurla-t-il sans conviction.

« Je ne savais pas, je ne savais pas, fous toi pas de ma gueule ! »

« Bon… J’arrive dans cinq minutes, le temps de me passer un peu d’eau sur le visage. »

« Ouais, ouais ! CINQ Minutes ! » termina de dire la voix de l’autre côté de la porte.

Ca commençait très bien dis donc. Il quitta son lit, se levant en passant une main devant sa bouche pour éviter de trop bâiller. Vraiment… Quel bordel. Il était quelle heure ? Il ouvrit sa fenêtre en même temps que les volets… remarquant qu’il faisait à peine jour. Le soleil venait de se lever ? Il prit une profonde respiration avant de murmurer pour lui-même :

« Il n’est même pas six heures je suis sûr. Ah … Je n’ai pas l’habitude, moi. »

Il se passa rapidement de l’eau sur le visage, se disant qu’il devait donner une bonne impression en allant voir les autres. Enfin… C’était déjà loupé pour l’instant. D’après ce qu’il avait cru comprendre, l’autre personne était plutôt en colère.

« Rien à faire, je m’excuserais plus tard. » marmonna-t-il.

Il s’observa dans le miroir, regardant s’il avait une coiffure potable ou non. Bon… Ca allait… Il devait se dépêcher. Ca allait faire cinq minutes et il préférait ne pas entendre l’autre lieutenant lui crier dessus à nouveau. Une fois, c’était bien suffisant. Il allait devoir apprendre à se lever bien plus tôt s’il voulait une telle chose. C’était loin d’être plaisant bien que ça faisait comme une alarme humaine. Ce n’était pas le temps de plaisanter !

« Te voilà ? C’est quoi ton nom ? » demanda un homme d’une trentaine d’années.

« Tery Vanian. J’ai été envoyé ici après les entraînements d’hier. »

« Donc t’es un nouveau ? Comment t’as pu devenir un lieutenant ? »

Pfiou ! Il en avait des questions à lui poser ! Il passa une main dans ses cheveux, encore à moitié endormi alors qu’il observait les personnes. Elles étaient bien une cinquantaine. Il y avait quelques femmes, chose étonnante à ses yeux mais elles ne semblaient pas provenir du même bâtiment qu’eux. Il observa l’homme qui s’adressait à lui. Un homme âgé d’une trentaine d’années, aux cheveux bruns comme lui et au caractère assez rude, chose qui contrastait avec le fait qu’il semblait faire sa taille et qu’il avait autant de muscles que lui.

« Cette femme avec l’armure de plaques noire. » murmura le jeune homme calmement.

« Une femme avec une armure noire ? » reprit l’autre lieutenant.

« C’était la maréchale…  Nali je crois. » compléta Tery.

Des fous rires se firent entendre de la part des hommes et des femmes comme si il venait de dire une chose des plus hilarantes. Vraiment, il ne voyait pas ce qu’il y avait de si drôle dans ses propos. Enfin bon… Il ne s’attendait déjà pas à grand-chose de la part de ces personnes. L’homme aux cheveux bruns reprit en tentant de calmer les rires :

« La maréchale Nali ? Tu blagues n’est-ce pas ? Qu’est-ce que crois ? Qu’elle viendrait nous voir ? Nous ? T’es un de ces foutus nobles ? »

« NON ! Je ne suis pas un noble ! C’est pour ça qu’on m’a envoyé ici ! » hurla Tery.

« Envoyé ici ? T’étais avec les nobles d’hier ? Les nouvelles recrues fringantes ? »

Nouveaux éclats de rire alors qu’il baissait la tête. Non mais, ils peuvent aller se faire voir hein ? Il ne fallait pas abusé non plus ! Il n’avait rien de mal à ce qu’il sache ! Qu’est-ce qu’ils avaient tous à se foutre de lui ? Il dit d’une voix un peu énervée :

« Oui j’étais avec elles ! J’ai tué le scorpion dans Litan Deseria et on m’a emmené avec eux ! Il y a un problème à ça ? Car je commence vraiment à en avoir marre de … »

« T’échauffe pas gamin ! T’es celui dont on parle dans les rumeurs ? » coupa le lieutenant.

 « Comment ça ? Les rumeurs ? Où est-ce que vous voulez en venir ?! »

Voilà, c’était parti, il s’énervait pour un rien mais c’était de leur faute ! Maintenant, ils ne rigolaient plus et ils le regardaient étrangement. C’est vrai qu’il n’avait pas la stature d’un héros ou d’un homme avec cent kilos de muscles mais voilà quoi !

« Disons que depuis hier, lorsqu’on a vu le nain qui s’affolait et qui rigolait, on s’est tous posés des questions. On a parlé à un garde et il nous a raconté qu’un jeune avait réussi à se débarrasser de la vilaine bébête dans la grotte. C’est donc toi ? »

« C’est exact ! Je suis celui qui l’a tuée ! Je vais devoir le répéter combien de fois ? »

« T’es vraiment pas crédible dans ton rôle. Enfin bon… T’es sûr de ne pas raconter des bobards toi ? Comme si la maréchale Nali allait se ramener ici, surtout pour… »

« Il y a un problème ici ? » annonça une voix au loin.

L’homme s’arrêta subitement alors que toutes les têtes se tournaient pour voir la femme à l’armure de plaques noire. Qu’est-ce qu’elle faisait là ? Tous étaient étonnés de l’apercevoir mais seul Tery ne semblait pas vraiment heureux de savoir qu’elle était ici.

« Il… Il ne mentait pas ? Il disait que c’étiez vous qui l’aviez nommé en tant que lieutenant. »

« C’est exact. Je suis même là pour être sûr que son commandement sera respecté. »

« Il le sera ! J’vous le promets ! Bon les gars, on va commencer par quelques tours de piste pour vous échauffer. Moi et… C’est quoi ton nom ? »

« Tery Vanian. » murmura tout simplement le jeune homme aux cheveux bruns.

« Et Tery Ragian, on va se mettre en bout de file et prend un rythme régulier. Tous ceux que l’on dépasse feront un tour supplémentaire ! »

Il devait y aller lui aussi ? Il observa la femme en armures de plaques noire, se demandant pourquoi elle était ici à part pour leur dire qu’il était le nouveau lieutenant. Enfin bon, il ne comprenait pas tout et comme d’habitude, il nageait en plein mystère. A force, il allait devoir s’y faire. Le groupe fit un tour devant lui et l’autre homme, celui-ci lui disant :

« Bon, on y va. Suis ma cadence et évite de trop ralentir. Ces types profiteront de la moindre faiblesse de ta part. Et c’est clairement pas ce qu’on désire. »

« D’accord… Je vous suis, enfin, je vais essayer. »

Il espérait que les nombreux entraînements avec l’Ombre allaient lui être profitables. Lorsque le dernier homme passa devant lui et l’autre lieutenant, tous les deux se mirent à courir. La femme à l’armure de plaques noire observa le petit manège pendant une dizaine de minutes, ses bras croisés au niveau de sa poitrine.

« Bon… On va accélérer un peu la cadence. » murmura l’autre homme.

« D’accord ! Aucun souci ! Je peux facilement continuer. » répondit-il.

Et bien… Visiblement, tous ses efforts étaient récompensés. Il pensait avoir beaucoup de mal que ça mais non, il arrivait à suivre le rythme de l’autre lieutenant bien qu’il était déjà un peu épuisé. Il évitait néanmoins de le montrer, rattrapant les dix derniers alors que la femme à l’armure de plaques noire tapa dans ses deux mains pour dire que c’était terminé. Même si ce n’était pas elle qui avait lancée la course, elle venait de l’arrêter. Une majorité de personnes se penchèrent en avant, les derniers faisant un nouveau tour alors qu’il tentait de reprendre une respiration décente et normale.

« Bon. Après que tout le monde se soit amusé à courir, nous allons commencer la phase d’entraînement qui concerne l’utilisation de la magie ! Pour ceux qui ne s’en rappellent pas et je sais que c’est le cas, la magie et l’art du combat avec des armes sont deux choses différentes mais complémentaires ! Vous pourrez être doué dans l’un ou l’autre, rares sont ceux qui soient doués dans les deux et encore plus rares sont ceux capables de maîtriser les deux en même temps ! » s’écria le lieutenant.

« Bien que je sois un lieutenant qui débute, je vous dis clairement que je ne suis pas là pour plaisanter ! Veuillez vous mettre en plusieurs groupes suivant ce par quoi vous voulez commencer ! L’un s’entraînera aux armes, l’autre à la magie ! Nous commencerons quand chacun aura décidé à quoi il veut s’entraîner. Essayez de faire deux groupes de même taille si c’est possible. Maintenant, commencez ! »

Il avait pris la parole tout de suite après l’autre lieutenant, celui-ci le regardant d’un air étonné comme si c’était bien lui qui s’était exprimé. Si il était du même grade que lui, c’était normal qu’il s’adresse lui aussi aux autres soldats non ? Il passa une main dans ses cheveux bruns, vaguement gêné par les murmures qui se faisaient entendre. Il avait peut-être un peu trop ouvert la bouche encore une fois. L’autre lieutenant prit la parole :

« Mouais… Faites comme il vient de dire, j’ai à parler avec lui ! On va discuter lui et moi, je sens que ça va être intéressant. Suis-moi Tery. »

Les soldats commencèrent à se réunir et à discuter entre eux alors qu’il se mettait à suivre l’autre lieutenant donc il ne connaissait même pas le nom. Ils furent rapidement accompagnés par la femme à l’armure de plaques noire. Celle-ci ne semblait pas très loquace contrairement à hier. Au bout d’une dizaine de mètres, l’homme s’adressa à lui :

« Bon d’abord, je sens qu’on va pas partir du bon pied si on continue comme ça. Je me présente : Alfan Ronar. Je suis là depuis deux années et toi ? »

« Il s’est inscrit juste hier. C’est moi-même qui ai décidé de le nommer à ce poste. »

« Juste hier ? Sauf votre respect, maréchale Nali, je trouve que c’est une décision prise un peu trop rapidement à mon goût. » dit Alfan en se tournant vers la maréchale.

« Je sais très bien ce que je fais. Il n’est qu’une jeune pousse mais il sera rapidement capable de diriger d’autres hommes si vous l’aidez, Alfan. »

« Vos paroles m’honorent bien que je reste quand même intrigué par votre choix. »

« Au passage, puisque je suis là pendant un mois, il se peut que je supervise l’entraînement aux sorts voir au combat de votre groupe. » annonça la femme en armure en noire.

« Mais nous ne voudrions pas vous accaparer trop de temps, madame la maréchale. »

« Ca ne sera pas du temps perdu. » répondit-elle, bien qu’elle ne semblait pas s’adresser à lui.

Il vit le regard de la maréchale qui se posait sur lui et il se sentit soudainement mal à l’aise. Vraiment… Qu’est-ce qu’il avait de si spécial ? Peut-être que… ses veines noires étaient le sujet qui intéressait la femme ? Ca devait être sûrement ça ! Il n’y avait pas d’autres possibilités de toute façon. Il sentait qu’il venait de trouver la réponse à ses questions ! Du moins, à une partie de ses questions. Il poussa un léger soupir d’apaisement, chose qui n’échappa pas aux deux personnes à côté de lui. La femme demanda :

« Tu sembles heureux d’apprendre cela ou je me trompes ? »

« Non, non. Disons que… D’un côté, ce n’est pas plus mal non ? Vous semblez expérimentée et plutôt puissante donc ça ne peut être qu’une bonne source d’apprentissage. »

« Hum… Bien rattrapé mais ça ne sera pas suffisant. » répondit la maréchale calmement.

Il émit un petit sourire gêné alors que la femme restait parfaitement immobile. Les groupes étaient formés et Alfan lui demanda de quel groupe il voulait s’occuper. Maintenant, il paraissait bien embêté par tout ça. Il dit :

« Bon et bien, tu préfères lequel ? Je te laisse choisir, ensuite, je prendrais l’autre groupe. »

« Il va prendre celui des combats tandis que toi, tu vas t’occuper des sorts. »

C’était réglé : ce n’était ni lui, ni Alfan, qui avait décidé, c’était elle. Alfan haussa les épaules, se dirigeant vers son groupe alors qu’elle allait vers l’autre qui allait s’entraîner à la magie, Tery la suivant sans rien dire. Elle reprit la parole en annonçant :

« Pendant toute la durée où je serais présente, ça sera moi qui vous entraînerait aux différents sorts et au combat. Je vous conseille de donner votre maximum sinon il y a de fortes chances que vous passiez le reste de votre vie à surveiller les portes des villes perdues dans le royaume de Shunter, chose que je vous déconseille. »

« Oui, madame la maréchale ! »

Tout le monde s’exclama en même temps, faisant un salut militaire digne de ce nom alors qu’il se mettait devant les autres pour suivre leur exemple. Quelques minutes plus tard, ils se dirigèrent vers une nouvelle salle. Maintenant qu’il avait commencé avec quelques combats hier, il allait devoir s’entraîner aux sortilèges. Dégâts en perspective selon lui.

« Que chacun se mette avec un compagnon qui utilise le même élément. Tery, toi, tu me suis dans un coin de la salle. C’est moi-même qui vais t’entraîner. »

« J’ai l’impression d’avoir déjà vécu ce moment. » murmura le jeune homme.

« Ah bon ? Et qui était ton maître de sortilèges ? »

« Je préfère éviter d’en parler si cela ne vous dérange pas, maréchale Nali. »

Elle signala que c’était bon et qu’elle ne lui poserait pas plus de questions. Néanmoins, il était sûr qu’elle … aller chercher à savoir. Comme elle était au courant pour ses lignes noires sur ses mains, il devait bien se demander si l’Ombre savait pour celles-ci. La réponse était oui… L’Ombre était au courant… Il le savait ! Tout ça à cause de ses lignes noires ! Il espérait qu’avec la maréchale Nali, il allait en apprendre plus sur ces dernières.

« Hum… Nous sommes assez éloignés. Dorénavant, tu porteras des gants pour éviter que les autres ne remarquent tes lignes noires. » lui dit-elle avec neutralité.

« Maréchale Nali… Vous semblez bien connaître ces lignes noires. Qu’est-ce qu’elles sont ? »

« Pourquoi tiens-tu à le savoir ? Tu n’es pas au courant de que ces lignes représentent ? »

« Et bien, j’ai toujours pensé que c’était parce que je n’avais pas d’élément de prédilection mais au final, je me dis que ce n’est pas ça. »

« Ce n’est pas correct. Je t’en dirais plus suivant tes progrès. Nous allons voir où tu en es précisément. Donne ton maximum en me visant. » termina t-elle de dire.

Elle n’avait pas peur qu’il lui fasse mal ? C’est vrai qu’en y réfléchissant, elle avait quand même une sacrée armure sur le corps. Bon, autant faire de son mieux. Il jeta un regard derrière lui pour voir ce que les autres accomplissaient comme prouesses avant de déglutir. Il allait se ridiculiser devant la femme, il en était sûr. Il n’y connaissait pas grand-chose à la magie ! Il fit jaillir une petite flamme au bout de sa main droite, des lignes noires apparaissant sur ses doigts. Il projeta la flamme sur la maréchale Nali, celle-ci ne faisant pas un simple geste pour l’arrêter. La flamme percuta son armure de plaques noires avant de disparaître. Elle énonça d’une voix claire :

« Et c’est tout ce que tu as ? »

« C’est tout ce que j’ai… » murmura le jeune homme, baissant la tête.

« Quel qualificatif dois-je donner à ce semblant de magie, Tery ? »

Il baissa la tête, honteux avant de se dire que ce n’était pas forcément une bonne chose que d’avoir dévoilé ses lignes noires à la maréchale Nali. Celle-ci poussa un léger soupir avant de dire d’une voix dure mais forte :

« Qu’est-ce que je dois faire de toi ? Peux-tu me le dire ? »

« Ce n’est pas à moi de décider. Je ne fais qu’obéir aux ordres. »

« Je ne vois même pas la peine que je te parles de tes lignes noires dans ces conditions. Peut-être que je t’en dirais un peu plus lorsque tu ressembleras à quelque chose. »

« Mais… Mais… Mais où est-ce que vous allez ? » bafouilla le jeune homme.

« Où je vais ? Voir simplement ce que les autres accomplissent. Je n’ai pas besoin de m’encombrer d’une personne inutile. Tu es loin d’être satisfaisant et peut-être que ces lignes noires font de toi quelqu’un de potentiellement intéressant mais à côté, tu n’es rien. Peut-être qu’un jour, je t’en parlerais. Mais là, tu n’en vaux pas la peine. »

Hein ? Mais de quoi ? Comment ça ? Hey ! Elle partait sans rien dire, le laissant en plan alors qu’il sentait la colère l’envahir. Non mais cette femme se prenait pour qui ? Inutile ? Si elle n’était pas sa supérieure, il… Il… Il aurait fait quoi ? Il se serait jeté sur elle comme un chiffonnier ? C’était à voir. Il la regarda partir, bouillonnant d’énervement alors qu’il se demandait ce qu’il devait faire maintenant. Il s’écria sans même comprendre :

« NALI ! Où est-ce que vous comptez aller comme ça ? »

La femme à l’armure de plaques noire s’arrêta subitement en même temps que les nombreux combats. Il mit une main devant sa bouche, comprenant enfin ce qu’il venait de faire comme idiotie. La maréchale Nali se retourna lentement, ses bruits de pas métalliques se faisant entendre alors qu’elle revenait vers lui. Déconfit, il balbutia :

« Euh… désolé… Je crois que ma langue… a fourché. Comment dire… Je ne pensais… »

« De l’insubordination ? C’est cela que je relève chez toi, Tery ? »

« Non, non… Je vais comment dire… » tenta-t-il de dire en cherchant ses mots.

Elle se retrouva devant lui et il la trouvait bien plus impressionnante maintenant qu’elle était en face de sa personne. Comment dire… Elle était même imposante. Il sentit les gantelets noirs qui craquaient en se refermant.

« Est-ce que tu as une simple idée de ce que je représente dans l’armée de Shunter ? »

« Euh… Une haute position ? Enfin… Quelqu’un de respecté ? »

« Et est-ce que tu me respectes en ce moment ? »

« Disons que… mes mots ont dépassées mes pensées mais oui … Je vous respecte. »

« Tery Vanian, dans l’armée de Midès, non, dans l’armée de Shunter, il y a des règles à respecter. L’une d’entre elles est de toujours s’adresser respectueusement à son supérieur. Sais-tu ce que cela veut dire ? »

« Que je vais avoir mal ? » osa-t-il dire bien qu’il fermait déjà les yeux.

Elle hocha la tête d’un air négatif alors qu’il n’arrivait pas à voir son visage. Le poing refermé alla le frapper au niveau du ventre, le faisant tomber à genoux alors qu’il s’était mis à cracher puis à vomir. Cette force… Déjà qu’il pensait que l’autre nain avait été violent sur ce coup, celui-ci était encore plus barbare ! Il s’était même mis à cracher du sang alors qu’il était soulevé par le col de sa tenue, traîné au sol. La voix de la maréchale se fit entendre dans la salle, plus personne n’osant esquisser ne serait-ce qu’un geste. Elle dit :

« Bon… Vous allez vous entraîner entre vous pendant que Tery ira faire un petit tour dans les cachots pour qu’il comprenne exactement quelles sont les règles en vigueur ici. Que chacun retourne à ses occupations ! ROMPEZ ! »

« OUI, MADAME ! » s’écrièrent les soldats avec appréhension.

Voilà qu’il s’était mis définitivement à dos la maréchale Nali. Quel imbécile mais quel imbécile ! A chaque fois, il fallait qu’il commette une bêtise. C’était tout lui ! Ahhh ! Qu’il bénissait presque les jours où il était avec l’Ombre.
« Modifié: 06 janvier 2012, 16:39 par ChibiShiroiRyu »

ChibiShiroiRyu

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07 janvier 2012, 22:21
Chapitre 21
Chapitre 21 : Des règles

« Comment va le prisonnier ? » demanda une voix féminine.

« Il est à moitié inconscient mais on ne l’a pas trop amoché, madame la maréchale. »

« Est-ce que vous avez tout fait comme je vous l’avais demandé ? Je veux bien entendu parler de la torture : aucun écartèlement ou os brisé, je ne veux voir que des marques de fouet ou du sang sur son corps, rien d’autre sinon…  »

« Non, non ! Nous n’avons pas outrepassés vos règles ! »

Le garde se décomposait devant elle : comme s’il allait tenter de ne pas respecter les consignes qu’elle avait données à son arrivée en tenant ce jeune homme évanoui. Avec respect et une peur bien visible dans sa voix, il demanda :

« Pardonnez moi mais… Qu’est-ce que ce type a fait ? »

« En quoi cela te concerne ? » répliqua-t-elle aussitôt sèchement.

« Je n’ai rien dit ! Pardonnez moi ! Je… »

« Il a simplement été irrespectueux des règles établies. Voilà ce qui arrive lorsqu’on décide de le faire devant moi. Que l’on me conduise dans sa cellule. »

« Vous êtes sûre ? Ce n’est pas un espion de nos ennemis ou alors un traître ? »

« Emmenez-moi… Me suis-je faite mal comprendre ? » termina-t-elle de dire.

Bon, bon ! Il n’allait pas se la mettre sur le dos surtout qu’il savait pertinemment ce qu’on disait d’elle. Froide et insensible, elle avait ce titre de maréchale alors que d’autres le méritaient bien plus à ses yeux mais qu’importe… Elle avait démontré ses capacités mais avec une brutalité et violence que peu de gens pouvaient connaître puisque rares étaient ceux encore en vie chez l’ennemi pour le savoir.

Pendant quelques minutes, ils traversèrent des couloirs sordides, quelques plaintes et gémissements se faisant entendre bien qu’ils ressemblaient plus à des faibles râles qu’autre chose. Finalement, ils arrivèrent devant une porte faite de métal et avec une petite fenêtre grillagée pour permettre de voir la personne à l’intérieur.

« C’est ce que vous vouliez non ? On l’a mis dedans même si d’après ce qu’on a pu voir, il n’a pas l’air vraiment folichon. En fait, c’est à se demander si vous ne l’avez pas trouvé dans la rue en tant que mendiant. C’est qui au passage ? » demanda une nouvelle fois le garde.

« Abstenez vous de faire des commentaires et ouvrez cette porte tout en me donnant les clés. Je veux rester seule avec lui. J’ai à discuter avec cet imbécile. »

Comme elle voulait, c’était elle la patronne. Il prit son trousseau de clés, regardant laquelle correspondait à la serrure avant de la désigner à la maréchale Nali. Celle-ci lui prit le trousseau de clés sans le remercier, faisant un geste de la main pour qu’il s’éloigne. Elle pénétra à l’intérieur de la pièce avant de refermer la porte derrière elle.

« Alors, Tery, comment s’est passée ta première journée en prison ? »

Il ne lui répondit pas alors qu’elle avait dit ça sous un ton neutre, l’observant. Il était agenouillé sur le sol, torse nu alors que ses cheveux bruns cachaient un peu son visage. Elle marcha en sa direction, observant son dos avant de voir qu’il avait quelques marques de fouet. Aucune n’allait rester… pas pour l’instant.

« Tu n’es pas capable de répondre ? Pourtant, ça ne fait que quelques heures que tu es là. Tu sais, c’est vraiment dommage… que tu te comportes comme un imbécile fini. »

« J’ai mal… J’ai très mal… » murmura-t-il avec faiblesse.

« Il est sûr que lorsqu’on n’a point l’habitude de prendre des coups de fouet, ça laisse toujours une certaine surprise à la personne. Néanmoins, ne t’inquiète pas, tu t’y habitueras si tu continues sur cette voie. Sinon… Tu peux très bien commencer à respecter les règles. »

Respecter les règles ? Hey, ce n’était pas de sa faute si il avait eut un petit problème de déviance mais maintenant, c’était différent non ? Enfin, il allait devoir se calmer. Il ouvrit fà moitié ses yeux verts, observant la femme à l’armure de plaque noire. Elle avait toujours son visage couvert par son casque intégral et il lui demanda dans un petit gémissement :

« Ca vous arrive de retirer votre armure ? »

« Tu fais encore la forte tête ? La torture ne te convient pas ? La prochaine fois, je pense que tu garderas des marques à vie. Ca serait dommage… »

« Non ! Non ! Je ne veux… Je ne veux pas … »

Il s’arrêta, toussant un peu. Cet endroit était insalubre et il avait un peu de mal à respirer correctement. Il tenta de se redresser pour se mettre assis, y arrivant avec difficulté alors qu’on pouvait apercevoir sur son torse un magnifique D noir. Avec une légère pudeur, il tenta de camoufler sa lettre alors qu’elle disait :

« Je l’ai déjà vu donc ça ne change rien. De toute façon, j’ai vu des milliers de lettres alors bon… Tu peux retirer tes mains. »

« Oui mais non… Enfin… Je devrais obéir aux ordres. »

Il disait ça avec une légère ironie, la maréchale restant debout sans rien dire en le jaugeant du regard. Il n’avait rien de bien exceptionnel à part… cette marque. Ce n’était pas la lettre qui était intéressante mais la couleur de celle-ci. Une couleur noire si… parfaite.

« Qu’est-ce qu’il y a ? Je sens votre regard… C’est au sujet de mes lignes noires ? »

« Cette lettre ne changera jamais de couleur. Tout est décidé depuis ton enfance. C’est pourquoi tu peux encore espérer qu’elle change de couleur mais n’y crois plus vraiment. Cela serait stupide de se focaliser là-dessus. »

« Se focaliser dessus, se focaliser dessus, vous en avez de bien bonne, j’aimerais quand même savoir c’est quoi ces fameuses lignes, moi ! » s’écria-t-il sans force.

Il poussa un petit soupir, reprenant peu à peu ses esprits. Il avait la gorge sèche avec toute cette histoire ! Zut de zut ! Il avait soif maintenant. Il posa son regard émeraude sur la maréchale Nali : il n’allait pas lui demander de l’eau quand même ?

« Tu sembles soucieux maintenant. Si tu as faim et soif, tu as de quoi te nourrir et t’abreuver. Ce n’est que du pain rassis et de l’eau mais tu ne mérites pas mieux. »

« Sympathique… Enfin, il ne fallait pas que je m’attende à autre chose. »

Il dirigea une main vers le morceau de pain, l’emmenant vers sa bouche avant de croquer à l’intérieur sous le regard de la femme. En y réfléchissant, elle n’avait pas répondue à sa question. Est-ce qu’il devait se montrer plus insistant ? Ca pourrait lui causer beaucoup plus d’ennuis et il fallait dire qu’il en avait déjà pas mal. Enfin, il était comme ça et on ne pouvait pas le changer ! Peut-être qu’il pouvait le dire d’une façon plus édulcorée ?

« Sauf si ça vous dérange… Pourquoi vous portez toujours cette armure noire ? A force, elle doit être assez lourde non ? Vous n’avez pas mal ? »

« En quoi cela te concerne t-il ? Je ne gère pas ta vie, ne tente pas de gérer la mienne. »

« C’est bon, c’est bon… C’était une question comme ça. »

« Je la retire quand je suis seule, voilà tout. Le reste du temps, elle est sur mon corps. Cela te satisfait comme réponse ? »

C’était mieux que rien. Il émit un petit sourire, finissant son morceau de pain rassis avant de boire quelques gorgées de l’eau se trouvant dans la cruche. Il se sentait un peu mieux : la maréchale Nali lui adressait la parole maintenant et il reprit :

« Je suis sensé rester combien de temps dans cette cage ? Un tel endroit me fait plutôt mal et je ne crois pas que ça soit bon pour mon corps. »

« Arrête de faire l’être espiègle, je n’apprécie guère ce genre de comportement. Pourquoi as-tu rejoint exactement l’armée ? Tu dois te douter qu’ici, il y a des règles et il faut les respecter. Ton comportement n’a rien à avoir avec un futur soldat. »

« Disons que… J’ai rejoins l’armée de Midès à cause de ce type là ! »

« Lequel ? Ce type n’est pas vraiment très descriptif. »

« Vous savez pas ? Le nain ! Il était là hier… ou avant-hier…  Et puis bon, je le trouvais un peu trop prétentieux et colérique. Il m’a quand même… »

« Tu insultes un supérieur dans son dos, Tery. » coupa la maréchale.

Il émit un sourire crispé, se disant qu’il allait avoir encore de gros soucis cette fois encore. Il se donna une claque sur le front, bafouillant quelques excuses en tentant de se faire pardonner. Mais quel imbécile, mais quel imbécile ! Il observa la maréchale, se disant que ça allait être sa fête encore une fois. Non ! Il ne voulait pas se faire torturé une nouvelle fois ! Il avait sa dose ! Il avait bien compris le message !

« Pour cette fois, je vais faire comme si je n’avais rien entendu. »

Hein ? Il retira la main qu’il s’était mis devant son visage pour éviter que le coup ne soit trop violent. Qu’est-ce qui se passait ? Elle n’allait pas le frapper ? Elle était malade ? Elle avait besoin d’aide ? Euh non… Ca ne se disait pas comme ça ! Il resta surpris, ne sachant pas comment réagir face aux paroles de la maréchale.

« Tu peux te relever ?  Tu vas sortir d’ici et retourner voir tes camarades. »

« Mais vous n’allez pas me prévenir ? Me crier dessus ? Non pas que j’apprécie ça mais disons… Que je pensais que j’allais avoir plus que ça pour ce que j’ai fais. »

« Si ça avait été quelqu’un d’autre que moi et si tu n’avais été qu’un soldat comme les autres, tu serais en train de croupir et d’être torturé bien plus que ça. Profite de cette chance. »

« Je n’arrive pas à vous cerner, maréchale Nali. »

« Si tu t’efforces de me comprendre, la seule chose que tu te feras sera du mal alors arrête ça tout de suite et redresse toi. » répondit-elle calmement bien qu’un peu irritée.

« Je dois vous considérer comment ? Comme une ennemie ou comme une amie ? »

« ASSEZ ! Ne m’énerve pas alors que je te fais la grâce de pouvoir sortir d’ici ! »

« PARDON ! PARDON ET ENCORE PARDON ! » s’écria-t-il tout en reculant.

Il se releva, titubant légèrement pour retomber sur le dos de la maréchale Nali. Celle-ci ne bougea pas d’un pli comme si le fait qu’un homme lui tombe dessus n’allait pas la faire pencher en avant. Il tenta vivement de s’excuser :

« Pardonnez-moi ! Je me suis relevé un peu trop brusquement et je crois que... »

« ÉLOIGNE-TOI MAINTENANT ! »

Elle lui cria avec véhémence alors qu’il retirait ses mains de l’armure de plaques noire, tentant de bafouiller encore quelques excuses alors qu’elle reprenait bien plus calmement :

« Suis moi, tu ne dois pas savoir te guider hors d’ici et de toute façon, si un garde te repère sans moi, ça ne sera pas que quelques blessures dans le dos que tu auras. »

Glups… Il déglutit, essayant de s’imaginer qu’est-ce qui serait pire ? Un membre cassé ? Le supplice de l’eau ? Le mettre dans une arène contre des monstres imposants et terrifiants ? Il devait arrêter de réfléchir à tout ça ! C’était complètement stupide de s’imaginer toutes ces choses. Il allait simplement se faire peur avec ça ! Il accompagna la maréchale Nali, la suivant sous les regards des quelques soldats qu’il apercevait leur chemin.

Après une quinzaine de minutes, ils se retrouvaient en-dehors de la prison, jetant un œil pour la voir enfin. Dieu qu’elle était gigantesque : Elle devait bien faire une quinzaine de mètres de hauteur et il y avait tellement de fenêtres avec des barreaux et pourtant… Il n’y avait aucun cri, juste des râles. Il n’osait avouer à la femme qu’il avait un peu peur.

« Si tu arrêtes tes bêtises et que tu prends ton rôle de lieutenant très au sérieux, tu n’as même plus à t’inquiéter de cet endroit. Tu ne le reverras plus. »

« Une journée, ça me suffit largement. Par contre… Pour l’entraînement, on fait comment ? »

« J’ai peut-être été un peu… dure avec toi mais quand même, qu’est-ce qui te prend ? Pourrais-je savoir comment cela se fait que tu sois à peine capable de lancer de pitoyables sorts alors que tu as réussi à terrasser ce scorpion géant ! »

« Disons que… Je ne m’en souviens plus exactement. »

« Avec ces lignes noires, tu devrais être capable de bien mieux. »

Il baissa la tête, légèrement honteux de se faire gronder de la sorte par la maréchale Nali. En y pensant, il ne se rappelait plus exactement ce qu’il avait fait… Du moins… Il se rappelait du moment où l’Ombre était tombée au sol, évanouie à cause du scorpion et puis… de la flèche qu’elle lui avait lancée. Mais entre les deux, c’était le brouillard.

« Mais je ne sais rien de ces lignes noires. Vous ne voulez pas m’en dire plus ? »

« Je partirai dans un mois. Avant cela, essaye de te revaloriser aux yeux de toute la troupe que tu vas gérer avec Alfan Ronar. Si j’estime que tu es apte à apprendre quelques brides de la vérité sur ces fameuses lignes, alors, je te les dirais avant mon départ. Néanmoins, rappelles-toi de porter des gants pour que les gens évitent de voir tes lignes. Il en est de même pour ta tenue : évite les manches courtes. Tant que tu n’es pas capable de les contrôler correctement, personne ne doit savoir que tu as ces lignes en toi. »

« Mais qu’est-ce qu’elles sont ? J’aimerais savoir ! Déjà la dernière fois… »

La dernière fois ? Quelqu’un était déjà au courant pour ces lignes noires ? Pour un néophyte ou une personne qui ne s’intéressait pas à la magie élémentaire et à son histoire, ce n’était pas si dramatique mais si cette autre personne savait… Elle feint de ne pas avoir entendue la dernière phrase, lui disant :

« Dis-toi qu’elles sont comme un maléfice… ou comme l’œuvre d’un dieu. C’est à toi seul de voir ce que ces lignes deviendront. »

« Je ne comprend pas… Ces lignes ne sont donc pas mauvaises ? »

« Ne cherche pas à saisir la portée de mes paroles. Un jour, tu découvriras ce qu’il en est réellement. Ca sera à toi de tracer ton chemin à partir de tes pensées et de tes actes. »

Il n’arrivait pas à tout cerner mais il avait l’impression que la maréchale Nali en connaissait bien plus qu’il ne le pensait. Enfin, il n’allait pas l’interroger mais maintenant, il allait devoir donner son maximum s’il voulait en apprendre beaucoup plus sur ses fameuses lignes. Elles lui permettaient d’utiliser tous les éléments mais il y avait autre chose. Il en était sûr et certain mais pour tout connaître. Il allait devoir devenir bien plus fort. De toute façon, il commençait peu à peu à cerner les règles de ce monde : toujours être plus fort que les autres.

« Qu’est-ce que je dois faire maintenant ? » demanda-t-il calmement.

« Ce n’est pas à moi de te le dire. Evite simplement de te retrouver à nouveau dans le cachot. Les personnes comme toi n’ont pas à y loger. Tu vaux bien mieux que ça. »

« Je n’ai pas l’habitude de recevoir des compliments… surtout de votre part. »

« Ca ne fait qu’une journée que tu es ici et ce n’était pas un compliment, mais un constat. Arrête de te baser sur les dires des autres pour te donner une personnalité. »

« Ca, par contre, c’était plutôt méchant. » répondit-il aussitôt.

Elle se retourna vers lui pour voir s’il blaguait. Il devait apprendre à arrêter de considérer tout le monde autour de lui avec désinvolture sinon ça pouvait très mal se terminer. Elle se positionna devant le jeune homme aux cheveux bruns.

« Retourne avec les autres. Vue l’heure qu’il est, je pense qu’ils sont déjà en train de s’entraîner à nouveau. N’oublie pas mes paroles et ça sera déjà bien suffisant. »

« D’accord ! Mais rappelez-vous de ce que vous m’avez dit : si j’arrive à devenir un véritable lieutenant, vous m’en apprendrez plus sur mes lignes. »

« Je n’oublie jamais ce que je dis ou ce que l’on me dit, tu peux en être certain. »

Alors, il n’avait plus qu’à partir maintenant. Il fit cent mètres, puis deux cent mètres devant elle avant de revenir en sa direction. Un peu gêné, il lui demanda :

« Vous pourriez me guider ? Je ne sais pas comment m’y rendre. »

« Je préfère éviter de m’imaginer ce que tu deviendras pendant tout ce mois. »

« Je sens que ce n’est pas sensé me faire plaisir ce que vous me dites. »

Elle soupira longuement à travers son casque noir. Mais qu’est-ce qu’elle avait pour mériter un pareil subordonné ? C’était effarant comme cet homme n’était pas capable de se déplacer tout seul. A se demander comment il avait pu faire pour atterrir jusqu’ici ou alors tout simplement pour survivre. Car OUI… Elle se demandait comment il avait pu survivre au scorpion avec un tel comportement. Finalement, elle murmura :

« Bon… Suis-moi, je vais t’emmener avec ton groupe. »

« Sup… Merci beaucoup, maréchale Nali. »

Il devait se calmer. La maréchale Nali n’était pas quelqu’un de forcément mauvais : il fallait simplement éviter de la contrarier. Chaque personne a ses propres soucis et donc, il pouvait comprendre qu’elle était parfois un peu sur les nerfs. Il était loin d’être le seul à lui causer des problèmes et encore… Il n’était même pas sûr du grade de la maréchale. Peut-être qu’avec un peu de temps libre, il allait se renseigner sur les grades pour voir quelle était la position de la maréchale Nali par rapport au reste des troupes.

Une bonne demi-heure après, ils se retrouvèrent devant le bâtiment où il logeait avec les autres hommes et femmes. Il était assez épuisé par la marche : Il fallait se dire qu’il avait été légèrement torturé et que son corps réclamait un peu de repos. Positionné devant la porte qui allait le mener à l’intérieur du dortoir, il regarda la maréchale Nali avant de dire :

« Merci encore pour m’avoir sorti de ce cachot. »

« Je croyais t’avoir prévenu : Je n’ai pas fait ça pour toi. » répondit-elle sèchement.

« Mais pourtant, sans vous, j’y serais encore à l’heure actuelle. »

« Tu es désespérant, Tery Vanian. Nous nous reverrons dès demain. »

« Mais je ne dois pas aller rejoindre les autres ? » demanda le jeune homme.

Elle s’était déjà retournée pour s’apprêter à partir. Il en faisait trop, beaucoup trop. C’était désolant de voir à quel point il pouvait être fatiguant à force. Elle prononça :

« Pour aujourd’hui, repose-toi. De même, tu es consigné dans ta chambre pour la journée. »

« On dirait une mère qui parle à son fils… Ce n’est pas franchement joyeux. »

Elle tapa du pied sur le sol, un bruit métallique résonnant alors qu’il sursautait. Il n’avait pas dit une bêtise hein ? C’est sûr que considérer la maréchale Nali comme sa mère et en faire la comparaison, ce n’était pas forcément une bonne idée. Elle reprit :

« Ce n’est pas une punition. Je te rappelle que tu m’as signalée que tu avais rejoint de force l’armée de Midès. C’est une chose que je n’apprécie pas réellement. Ainsi, pendant la journée, tu vas te mettre à réfléchir à ce sujet. »

« Mais pourquoi faire ? Je n’en vois pas l’utilité. » marmonna t-il.

« Tu ne vois pas pourquoi tu as rejoint l’armée de Midès ! Tu sais au moins ce qui t’attends là-bas ? Réfléchis-y un peu ! Nous verrons bien si tu comprends la portée de ton acte en venant ici. Il est temps d’arrêter de se comporter comme un gamin. L’armée, c’est la guerre alors je te laisse imaginer les conséquences, Tery Vanian. »

Elle s’éloigna sans lui laisser le temps de répondre. Il en avait beaucoup trop dit encore une fois. Bon… Il devait réfléchir à tout ça. Se dirigeant à l’intérieur du dortoir, il alla dans sa chambre, se couchant sur son lit. Il poussa un petit gémissement en sentant les blessures sur son dos : Ces coups… Ces coups… Ouille, ouille, ouille. Réfléchir à tout ça : La guerre, c’était donc la mort… La mort… de ses ennemis, la mort de ses camarades, SA mort. En y pensant plus longuement, il aurait pu trouver un autre métier bien plus tranquille mais sur le coup, il avait eu besoin d’oublier l’Ombre. Dire qu’il pensait que ça avait été la meilleure solution, il se trompait lourdement. Maintenant, il devait corriger ses erreurs.

Chapitre 22
Chapitre 22 : Une mission pour tous

Trois semaines s’étaient écoulées… Trois longues semaines où il avait décidé de faire de son mieux, chose bien plus difficile qu’il n’y paraissait. Lorsqu’il était revenu, lorsque les autres l’avaient vu, ils avaient préféré ne rien dire mais il voyait dans leurs regards moqueurs qu’il était plus bas que terre pour eux. Le comble pour un lieutenant par rapport à ses soldats, non ? Et encore, ça ne s’arrêtait pas à ça.

Il suivait parfaitement les entraînements comme les autres et en ce qui concernait l’art du combat, et bien, il fallait l’avouer : il se débrouillait pas mal du tout. Contrairement à ce que les soldats pensaient, il arrivait facilement à se hisser parmi les meilleurs de la troupe, chose qui était quand même importante puisqu’il était leur supérieur. Donc en ce qui concernait le combat, en plus d’avoir un style assez particulier avec ses deux griffes, il était donc un combattant assez doué dans l’ensemble.

Par contre au niveau de la magie… Il valait mieux en rire qu’en pleurer. Il était des plus pitoyables et risibles comparé aux autres. Même un débutant aurait mieux fait ! Heureusement que l’autre lieutenant, Alfan Ronar, était là pour gérer le groupe de magie car lui à côté, il faisait pâle figure. En fait, par sa faute, la première semaine, ils avaient été obligés de réunir les deux groupes car il devait s’entraîner à la magie.

Du côté de la maréchale Nali, celle-ci expliqua qu’elle avait bon nombre de choses à faire et elle était partie pendant environ dix jours. Lorsqu’elle était revenue, elle annonça qu’elle prenait le commandement du groupe pour éviter de nombreuses disputes. Heureusement qu’elle était là car il fallait avouer que certaines personnes lui rendaient la vie dure mais il s’accrochait. Et puis, il y avait l’autre lieutenant qui venait l’épauler aussi. Il n’avait rien dit au sujet de son petit séjour au cachot mais d’après le sourire qu’il avait fait, il semblait qu’il connaissait aussi cet endroit, du moins, qu’il ne lui était pas inconnu.

Après le retour de la maréchale Nali, tout s’était accéléré et c’était une bonne comme une mauvaise chose : l’entraînement avait été des plus spartiates et tout le monde était tellement exténué qu’aucun ne tentait de se moquer de lui. Et encore, si l’un avait la force de se moquer de lui malgré le fait qu’il était son supérieur, les paroles de la maréchale le remettait sur le droit chemin et il connaissait très bien la maréchale de ce point de vue.

Enfin… Les trois semaines s’étaient passées et d’ici une dizaine de jours, elle allait partir avec ses informations. Lorsqu’il lui avait demandé si il s’était assez amélioré pour obtenir des informations sur ses lignes noires, elle lui répliqua que ce n’était pas le cas et que c’était même très loin d’être ça. Pfff… Il se demandait ce qu’il devait être pour elle. C’était vraiment éreintant un tel entraînement mais enfin… Avec tout ça, il avait appris une chose importante.

Laquelle ? Ce n’était pas très difficile… C’était simplement le système de grade utilisé dans le royaume de Shunter et disons… que sans vouer un culte à la maréchale Nali, il avait maintenant une estime très forte pour elle. C’était difficile de se l’imaginer mais pourtant, il avait en face de lui la personne la plus importante de l’armée de Shunter et ça… C’était vraiment quelque chose qui le mettait en émoi. Pourtant… En écoutant la voix de la maréchale Nali, il avait l’impression qu’elle n’était pas si vieille que ça. Tout cela l’avait incité à s’améliorer encore plus que de raison pour arriver à un statut tout aussi important que celui de la maréchale. Ah… Oui… Il devait faire encore mieux que d’habitude s’il voulait se mettre à la hauteur de la femme en armure de plaques noire.

« Tery Vanian. Tery Vanian. TERY VANIAN ! »

Il sursauta en entendant la voix de la maréchale, sortant de ses rêves alors qu’elle se trouvait devant lui. Quelques rires se firent entendre alors qu’il se rappelait où il se trouvait : toutes les troupes l’entouraient, lui, ainsi qu’Alfan Ronar. Il y avait d’autres lieutenants et d’autres groupes et il reconnu facilement certains de leurs membres… Voilà donc les nobles prétentieux qui étaient de retour. Et visiblement, eux aussi n’avaient pas oublié son visage. La femme à l’armure de plaque noire reprit :

« Comme je le disais avant que certains d’entre vous se dissipent… L’armée de Midès va avoir besoin de tout le monde d’ici les prochains jours. Nous avons remarqué qu’un Glumarx traînait dans les environs de la forêt avoisinant notre capitale. Nous avons reçu la mission de l’exterminer et c’est pour cela que vous êtes ici. »

« Maréchale, j’ai une question. » demanda l’un des soldats.

« Posez là, je verrais si elle mérite une réponse ou non. »

« Pourquoi la milice de la ville ne s’occupe t-elle pas de ça ? »

« Car la milice est là pour faire régner l’ordre la ville et non en-dehors de cette dernière. De plus, ils ne sont pas habitués à combattre des monstres mais plutôt des humains, ce qui est normalement le contraire de la majorité d’entre vous, n’est-ce pas ? »

Ahem… En y réfléchissant bien, heureusement qu’il n’avait pas posé la question à la place de l’autre personne. Mais bon… Glumarx… Glumarx… Il ne savait même pas à quoi ressemblait un Glumarx. Il savait simplement que c’était une insulte souvent utilisée dans son village et chez les gnomolds mais voilà… Encore une occasion de se ridiculiser mais seulement s’il ouvrait la bouche, or, ça n’allait pas être le cas. La maréchale Nali continua :

 « Pourquoi autant de personnes en ce lieu ? Car la forêt autour de la ville est grande, très grande et cela n’est pas une surprise pour vous tous. De plus, rechercher un Glumarx n’est pas si facile que ça et plus de monde il y aura, plus facile ce sera. Vous allez vous séparer par groupe de dix. Les lieutenants seront automatiquement responsables des groupes dans lesquels ils se trouveront. Pour les autres groupes, l’un d’entre vous se nommera sous-lieutenant parmi les dix personnes. Je vous laisse vous débrouiller pour cela. »

« Ne serait-il pas mieux que ça soit vous qui vous vous occupiez des nominations ? » questionna l’une des femmes soldates.

« Pourquoi cela ? N’êtes vous donc pas assez responsables et matures pour la majorité d’entre vous ? N’êtes donc pas capables de vous débrouiller seuls ? »

« Mais… Enfin bon… Si c’est ce que vous désirez. »

Discuter avec elle n’était jamais une bonne chose, du moins, pas quand elle était en fonction… C'est-à-dire la majorité du temps. Il laissa les groupes se former, attendant qu’il ne reste que quelques membres isolés pour créer son propre groupe de dix. En y jetant un œil, les nobles étaient avec les nobles, les… paysans avec les paysans. Quoi de bien nouveau ici bas ? Rien du tout… Rien du tout… Dommage. Bon, c’était ainsi et il n’allait pas s’en soucier plus que ça. Maintenant, il fallait voir qui il avait attrapé dans ses filets. Voir quelle bande de bras cassés il avait réunie. Bon… Au moins, tous semblaient avoir dans la vingtaine d’années. L’un avait peut-être son âge tandis que le plus vieux portait une barbe de plusieurs jours. Tous des fainéants, c’est ça ?

« Est-ce que tous les groupes sont formés ? Les lieutenants et les sous-lieutenants, présentez vous devant moi. Ensuite, que chaque groupe se mette en ligne derrière son lieutenant. »

« Obéissez aux ordres de la maréchale ! »

Chaque lieutenant venait de crier la phrase, Tery le faisant en dernier avant de se mettre devant la maréchale Nali, exactement en face d’elle. Il émit un petit sourire bien qu’il se demandait si elle faisait de même ou non. Quelques instants plus tard, les groupes étaient à nouveau formés mais par ligne et la maréchale Nali reprit :

« Maintenant que vous êtes tous correctement alignés, vos lieutenants vont aller chercher les armes qui vous correspondent. D’ici une quinzaine de minutes, tout sera prêt et vous pourrez alors enfin partir à la recherche du Glumarx. Que les lieutenants m’accompagnent et je ne veux aucune discussion pendant que nous ne sommes pas là. »

Elle claqua une fois des doigts, se retournant avant de se mettre en marche pour se diriger vers l’armurerie. Les lieutenants et les sous-lieutenants se mirent à la suivre, Tery étant en queue de file, il jeta un dernier regard à son groupe, se demandant ce qu’ils pouvaient utilisés comme arme. En y réfléchissant bien, c’était à peine s’il connaissait leurs noms. C’était assez pathétique mais bon… Ca ne faisait même pas un mois qu’il était là, il ne pouvait pas tout savoir. Et puis, il ne faisait pas toujours des efforts.

« Tery Vanian, attrape ce sac. » déclara une voix féminine.

« Hein ? De quoi ? AHHHHH ! » dit-il en avant de se retourner.

Il se prit un sac de cuir au niveau du visage, tombant en arrière alors qu’il entendait des rires autour de lui. Il aurait du réagir plus tôt ! Il se releva en gémissant, observant le sac qu’il avait sur lui. Il était assez lourd quand même ! Enfin bon, heureusement pour lui, il avait ses propres griffes donc il n’avait pas à se soucier d’un poids supplémentaire. Par contre, c’était lui ou la maréchale Nali lui avait envoyé le sac ? Il n’avait même pas remarqué qui avait fait ça. Il était perdu dans ses pensées… encore une fois. Il observa les autres lieutenants et sous-lieutenants : ils étaient tous… si âgés. Enfin, certains avaient dans la quarantaine, d’autres étaient plus jeunes mais il restait quand même le cadet parmi les gradés. Il poussa un léger soupir désabusé, se disant qu’il était encore très loin de leurs niveaux.

« Tery Vanian… Si ton groupe arrive à battre le Glumarx, je te parlerais de tes lignes noires. »

Hein ? De quoi ? Il posa son regard sur la maréchale Nali, se demandant s’il n’avait pas rêvé. Et où étaient les autres ? Ils étaient déjà partis ? Il devait vraiment arrêter de penser trop souvent ! Ca allait lui créer de gros ennuis dans le futur. Ses yeux verts se posèrent sur la femme en armure de plaques noire, cherchant à voir si elle lui mentait ou non. Mais qu’il était bête : la maréchale Nali ne lui mentirait jamais ! Pas sur quelque chose d’aussi important que ça ! Battre le Glumarx ? Ca allait être chose faite ! Il pouvait le faire s’il le voulait ! Il en avait les capacités ! Avec entrain, il lui dit :

« Merci ! Merci encore, maréchale ! Je vais… »

« Rejoindre ton groupe car tu es le dernier à traîner dans une partie de l’armurerie. Et il y a d’autres personnes qui aimeraient récupérer leurs équipements » coupa t-elle sèchement.

« Oups… Bon, j’y vais. Enfin, il faut que je distribue les armes maintenant. Par contre… Pourquoi ne pouvons-nous pas prendre d’armure ? »

« Car elles seront inutiles contre le Glumarx et vous ralentiront. »

« Je suis stupide de demander ça mais… C’est quoi, un Glumarx ? » osa t-il poser.

Elle poussa un léger soupir, l’empoignant pour l’éloigner de l’armurerie et le faire sortir. Il avait quel âge ? Dix-huit ans ou alors dix ? A poser des questions aussi niaises et ridicules, cela commençait à l’agacer. Enfin bon… Lorsqu’ils se retrouvèrent dehors, elle lui dit :

« Tu n’as pas besoin de le savoir. Dis-toi simplement que c’est cela, la prise de risques. Tu dois être préparé à combattre l’inconnu. »

« Pourquoi je le sens mal, maréchale ? » murmura le jeune homme.

« Car tu n’es pas assez confiant. Tu es un lieutenant. Vas-y maintenant. »

Elle lui donna une légère tape dans le dos, le forçant à avancer pour se diriger vers son groupe alors qu’elle l’accompagnait. Des fois, il avait l’impression d’être un gamin désobéissant que l’on devait obliger à aller de l’avant pour progresser. C’était ça. En fait, c’était exactement ça. Bon… Il venait de perdre en quelques minutes la confiance qu’il avait réussie à avoir pendant quasiment un mois. Il était si volatile.

 « Mettez vous devant moi et regardez à l’intérieur du sac pour voir si il y a ce que vous voulez. Si ce n’est pas le cas, signalez le moi et je retourne à l’armurerie. »

Il prit une profonde respiration, se tenant droit avant de déposer le sac devant lui. Il ouvrit ce dernier, les personnes de son groupe s’approchant les unes après les autres pour venir récupérer l’arme correspondante. Heureusement pour lui, aucun ne s’était plaint qu’il n’y avait pas l’arme qu’il cherchait et il eut un petit soubresaut de surprise en voyant que l’une femme avait pris un arc pour se battre. Un arc ?

« Où est-ce que je peux avoir un carquois ? Je ne peux pas tirer sans flèches. »

« L’Ombre ? » osa-t-il dire, un peu surpris … autant que la femme en face de lui.

« Comment ça l’Ombre ? Lieutenant, j’ai besoin d’un carquois. »

« Hein ? Que ? Ah oui. Désolé… Je retourne à l’armurerie, je vais demander des flèches et un carquois. Veuillez m’attendre ici. » balbutia-t-il avec confusion.

Pfff… Toujours à penser à autre chose à chaque fois. Il ne pouvait pas s’en empêcher, c’était maladif. Il reprit le sac bien plus léger, signalant à la maréchale qu’il devait repartir pour récupérer un carquois. Elle hocha la tête pour dire qu’elle était d’accord. Quelques minutes plus tard, il revenait avec un carquois et une vingtaine de flèches à l’intérieur. Il donna lentement l’objet en cuir à la femme, la regardant brièvement en se disant qu’elle devait être plus âgée que lui. L’Ombre aussi utilisait des flèches.

Après un court instant de réflexion, il tapa dans ses deux mains, signalant qu’ils allaient partir dès que la maréchale Nali leur en donnerait l’ordre. Les personnes de son groupe crièrent en même temps pour dire qu’ils le suivraient tandis qu’il attendait que la maréchale Nali prenne la parole. Celle-ci hocha la tête une première fois, observant les alentours avant de prendre la parole d’une voix calme :

« Nous allons quitter la caserne dès maintenant. Que les lieutenants et sous-lieutenants forment une ligne droite tandis que leurs membres se mettent derrière eux. »

Cela ressemblait presque à un défilé militaire mais il savait pertinemment que ce n’était pas le cas. Un premier pas, puis un second et ainsi de suite. Toute la troupe se mit en route, des bruits de pas résonnant dans la caserne alors qu’ils sortaient pour se préparer à chasser le Glumarx. Maintenant qu’il y réfléchissait, il avait un peu peur de ce qu’il allait trouver.

C’est vrai : en y pensant plus longtemps, le Glumarx devait être un monstre affreux pour qu’une garnison quasi-complète soit nécessaire. Il s’imaginait déjà une créature de plusieurs mètres de hauteur, avec de multiples appendices. Enfin, il n’avait pas à avoir peur ! Il avait bien affronté un scorpion géant hein ? Il était donc capable de battre ce Glumarx ! Confiance était le maître mot. Surtout que maintenant, la responsabilité de la survie de son groupe dépendait de lui. Hein ? Pourquoi il pensait à ça ?

Voilà qu’ils devaient se séparer en deux groupes alors qu’ils se trouvaient au milieu de la ville : la forêt s’étalait au sud et à l’ouest de Midès. Encore une séparation… Pfiou… Ca faisait beaucoup maintenant hein ? La femme à l’armure de plaques noire signala qu’elle allait diriger ceux en partance vers le Sud tandis qu’elle désigna un homme âgé d’une quarantaine d’années mais lieutenant pour s’occuper de ceux allant vers l’Ouest.

« Tery Vanian et les autres, vous m’accompagnez. » annonça la maréchale.

Bon au moins, il allait encore se faire guider, ça ne le gênait pas plus que ça. Il répondit par l’affirmative, signalant à son groupe de le suivre tandis que plusieurs autres équipes faisaient de même. Ils étaient plus qu’une centaine et lorsqu’il se retrouva devant la double porte permettant d’accéder au sud de Midès, il fit un léger sourire.

« Hey mais c’est… » commença à dire l’un des gardes.

« J’y crois pas ! Il l’a quand même fait ! »

« AHEM… N’oubliez pas la place à laquelle vous êtes. »

Le sourire de Tery disparu alors qu’il baissait la tête, légèrement confus. C’était eux… Ils gardaient toujours la double porte au sud de Midès. L’un des gardes lui fit un petit clin d’œil alors qu’il se poussait ainsi que les trois autres gardes. Ils passèrent au milieu d’eux, un peu honteux. Il aurait du demander une petite permission pour parler plus longuement. Même après un mois dans l’armée, on pouvait dire qu’il n’avait aucune relation.

C’était embêtant en un certain point. Ne jamais pouvoir parler aux autres et discuter avec eux. Bien entendu, il s’était amélioré en ce qui concerne la magie et pour le combat avec des armes, il se débrouillait très bien. Néanmoins… Le souvenir de l’Ombre lui revenait en mémoire et il se rappelait la souffrance qu’il avait subie lors de la tentative de meurtre qu’elle avait tentée contre lui.

Après cinq à dix minutes de marche, toute la troupe se retrouva sur un chemin en terre, la forêt se trouvant de part et d’autre devant eux. La maréchale Nali se retourna vers eux, demandant à tous de se maintenir bien droit alors qu’elle allait leur donner les dernières indications avant qu’ils ne se mettent en chasse.

« Bon… Ce que je vais vous expliquer sont les consignes élémentaires si vous voulez avoir la moindre chance de revenir en vie ici. »

« Où est-ce que vous voulez en venir ? On n’affronte qu’une seule créature non ? »

Encore une fois, quelqu’un venait de prendre la parole mais ce n’était pas lui, ni une personne de son groupe. En fait, il provenait de l’une des nombreuses équipes des nobles. L’homme devait avoir une vingtaine d’années et tenait dans sa main une épée longue. Il avait un grand sourire plein d’assurance alors qu’elle disait :

« Tu te trompes lourdement. Tu devrais même effacer ce sourire de ton visage puisque je vois que tu n’as rien compris. Votre cible est une créature mais ce n’est pas pour cela qu’il n’y a qu’elle dans la forêt. Quelqu’un a-t-il une idée de ce qui l’attend ? »

« Ca ne serait pas au sujet des Gnomolds, maréchale Nali ? »

Hum ? Elle se tourna vers Tery. C’était bien lui qui venait de prendre la parole ? Et de dire une chose correcte ? Et bien… Voilà qui pouvait sembler un peu étonnant. Elle aurait même esquissé un sourire que cela ne l’aurait pa ssurprise. Néanmoins…

« C’est exact, Tery. Je veux parler des Gnomolds. Vous savez parfaitement qu’ils vivent dans la forêt et que celle autour de Midès en est remplie. »

« Pourquoi ne pas lancer une gigantesque chasse pour les éliminer tous ? » osa dire un soldat.

« Car cela ne serait pas bon pour l’économie du pays. Je ne vous demande pas de comprendre les enjeux d’une telle chose mais sachez simplement que sans les Gnomolds autour de nous, nous aurions des ennuis financiers assez conséquents. »

Rapidement, il s’imaginait les raisons qui poussaient les humains de Midès à ne pas vouloir tuer les Gnomolds. Lui-même ayant dû en combattre, il était sûr qu’une bonne majorité des membres de la troupe s’était elle aussi battue contre eux. Néanmoins, est-ce qu’ils étaient au courant que les pattes de Gnomolds étaient utiles pour la guilde des magiciens ? S’ils ne lisaient pas les petites annonces, il y avait peu de chance. Néanmoins, maintenant… S’pls tuaient tous les Gnomolds autour de Midès, alors il faudrait aller chercher plus loin pour en trouver, le quota de pattes de Gnomolds descendrait alors progressivement, la guilde des magiciens ne pourra plus alors avoir son inventaire et préparer il ne sait quoi avec les dites pattes et puis… Pfiou ! Il venait de se donner un sacré mal de crâne à réfléchir à tout ça. Ca l’étonnait même d’être capable de raisonner ainsi. Peut-être que le fait d’avoir eu quelques soucis financiers avec l’Ombre lui avait permis de comprendre cela ?

« Est-ce que le message est bien passé cette fois-ci ? » demanda la maréchale.

Les personnes s’écrièrent en chœur que oui alors qu’il revenait à la réalité. Voilà qu’encore une fois, il s’était laissé aller à ses pensées. C’était maladif chez lui ! Il ne pouvait pas rester un seul instant concentré sur l’idée de base. Il cria à son tour le mot qu’ils avaient prononcés, plusieurs têtes se tournant vers lui. Aie… Il aurait mieux fait de réagir en même temps que les autres : il s’était encore donné en spectacle inutilement et stupidement.

« Bon… Qu’importe ce qui vient de se passer… Préparez vous et séparez vous à mon signal. Je ne veux pas vous vois revenir avant que vous me rameniez une preuve de la mort du Glumarx. Vous avez une dernière question ? »

« En ce qui concerne les Gnomolds que l’on rencontrera, on en fait quoi ? »

« A vous de vous débrouillez avec eux. Je ne vais pas vous chaperonner. Partez maintenant. »

Bon… Voilà qu’ils devaient se mettre en route. Il observa les nombreux groupes qui étaient en train de s’éloigner avant de demander au sien de le suivre. Ils pénétrèrent dans la forêt, le jeune homme aux cheveux bruns observant ses membres avant de dire :

« On évite de se séparer, d’accord ? Il vaut mieux éviter que l’on se disperse inutilement. »

« Aucun problème, lieutenant. C’est bien noté. Par contre, vous êtes sacrément jeune. Vous avez quel âge si ce n’est pas indiscret ? » demanda une voix derrière lui.

« J’ai eu mes dix-huit ans il y a quelques mois, pourquoi ? »

« Oh pour rien, pour rien ! C’est toujours bizarre d’avoir un chef plus jeune que soi. »

Il ne regarda même pas qui venait de s’adresser à lui. Il savait simplement que c’était un homme d’après la voix. Bizarrement, cela lui faisait plaisir d’entendre de telles paroles de la part de quelqu’un qu’il ne connaissait pas et qui visiblement ne le connaissait pas. Sinon… Il ne lui aurait jamais parlé ainsi. En-dehors de la forêt, la femme à l’armure de plaque noire passa une main sur son casque, le soulevant légèrement pour pouvoir observer le ciel. Il n’était qu’à peine le début de l’après-midi.

« Combien d’entre eux survivront ? Déjà qu’ils doivent apprendre à connaître un Glumarx avant même d’espérer pouvoir le combattre. Et ensuite… »

Et ensuite… C’était bien plus compliqué que ça. Néanmoins, c’était ça l’armée : Envoyer le menu fretin à une mort quasi-certaine. Certains y échapperont de près, d’autres deviendront plus forts grâce à ces combats… Et après tout cela ?

« Après tout cela … On verra ce que chacun deviendra. » murmura calmement la femme en armure noire, prenant une profonde respiration.

Chapitre 23
Chapitre 23 : Glumarx

Un cri d’agonie et voilà que deux griffes se plantaient dans la gorge d’un Gnomold solitaire, un Gnomold bien stupide pour s’être cru capable de venir tuer un groupe de dix personnes à lui seul. Tery poussa un léger soupir alors qu’un homme lui demandait :

« Et ça ne fait même pas cinq minutes que nous sommes rentrés dans la forêt ! Par contre, lieutenant, pourquoi vous n’avez pas utilisé la magie ? »

« Pourquoi faire ? Si on peut terrasser un Gnomold sans la magie, alors il faut le faire. La magie nous épuise et puisque nous ne savons pas à quoi ressemble un Glumarx, il vaut donc mieux éviter de se fatiguer inutilement. » dit-il directement.

« C’est pas bête comme réflexion ! » répondit le soldat en hochant la tête.

C’était pour ça qu’il s’entraînait… pour ne plus paraître bête. Il eut un petit rire, faisant un geste de ses griffes pour retirer le sang ruisselant dessus et le projeter sur le sol. Il se tourna vers une femme qui devait avoir vingt-cinq voir trente ans grand maximum. Elle avait une petite hache dans sa main droite et il alla lui dire :

« Est-ce que tu pourrais couper ses deux pattes ? »

« Hein ? Mais pour… Ah oui, c’est une bonne idée. » murmura la femme.

« Est-ce que quelqu’un a un sac avec lui ou je ne sais quoi qui pourrait récupérer les deux pattes et les mettre à l’intérieur ? »

« Y a la maréchale qui m’a filé un sac, ouep ! Elle m’a dit que ça nous servirait à mettre la preuve comme quoi le Glumarx est mort. »

Il se tourna vers la personne qui venait de lui adresser la parole. Un grand gaillard aux cheveux noirs et qui devait bien mesurer dans les un mètre quatre-vingt dix. Il devait avoir deux ou trois années de plus que lui et dans ses yeux bruns, on ne pouvait pas dire que l’on apercevait de l’intelligence. Il désigna un sac en cuir qu’il tenait sur son épaule gauche, sa main droite étant occupée par une épée longue.

« Et bien, tu veux bien ouvrir ton sac ? » demanda Tery calmement.

« Aucun souci, lieutenant ! C’est comme vous le voulez ! »

Il déposa le sac au sol, l’ouvrant d’une main alors que Tery se mettait à observer la femme pour voir où elle en était dans son découpage de main. C’était du travail assez barbare mais c’était toujours mieux que lui lorsqu’il avait utilisé les masses des gnomolds pour séparer les mains du reste du corps. Quelques instants plus tard, les deux pattes furent jetées dans le sac, l’homme aux cheveux bruns le récupérant en signalant qu’ils pouvaient repartir quand le lieutenant le voudrait. Tery hocha la tête une première fois, prenant la parole :

« Maintenant que l’on sait qu’ils nous attendent à chaque coin derrière un arbre, on se méfie et on reste sur nos gardes. On devrait éviter de se faire blesser par ces Gnomolds. Si vous en repérez un, on évite de le tuer et on l’ignore sauf si il se montre agressif. »

« Ce n’est pas forcément une bonne idée, lieutenant Tery. Si on le laisse partir, peut-être qu’il ira prévenir ses comparses et ils nous tendront un piège quelques mètres plus loin. »

« Ou alors, il tombera tout simplement sur un autre groupe et il se fera tué. Nous sommes très nombreux aujourd’hui, il n’y a pas à s’inquiéter à ce sujet. »

Il eut un grand rire alors qu’il demandait à tous de se remettre en route pour trouver le Glumarx. Le fait d’entendre le mot lieutenant de la bouche des membres de son groupe, et cela sans ironie, lui faisait plus que plaisir. En considérant aussi qu’ils semblaient être assez efficaces et capables de se battre, il n’avait rien à craindre. Le Glumarx serait de l’histoire ancienne dès qu’ils le trouveraient.

Pendant une quinzaine de minutes où ils entendirent de nombreux bruits de pas autour d’eux qui s’éloignaient, le groupe continuait d’avancer, chacun y allant de son petit mot pour essayer de rendre l’atmosphère moins pesante. Tery n’était pas très doué pour faire rire et il le remarqua à ce moment. Contrairement à l’Ombre, les autres n’étaient pas vraiment du genre à apprécier les petites blagues. En y réfléchissant bien, jamais il n’avait dit de blague à l’être encapuchonné et pourtant… Il semblait aimer rire.

« AHHHHHH ! AU SECOURS ! AU SECOURS ! AU… » hurla une voix.

« D’où ?! D’où venaient ces cris ?! » cria l’un des hommes du groupe.

Chacun se mit sur le qui-vive, tournant son visage aux alentours pour voir d’où sortaient ces cris affreux. L’un de ces compagnons lui désigna un endroit du doigt et il s’était mis à trembler. Il tenta de se contrôler et de donner une contenance. D’une voix un peu tremblante, il prit la parole, cherchant ses mots :

« Allons… Allons-y ! Ils ont besoin de nous ! »

Il s’était mis à courir sans se retourner, ne cherchant pas à s’arrêter. Il savait que s’il s’arrêtait, alors il perdait son courage qui animait ses jambes. Il devait continuer ! Il devait… Il devait quoi… Il se retrouva au beau milieu d’une clairière, son groupe arrivant derrière lui. Poussant un léger soupir, il demanda :

« C’est bien d’ici que provenaient les cris ? »

« J’ai une bonne ouïe et pour moi, c’est le cas. Mais… » répondit l’un des hommes.

« Il n’y a personne. Que tout le monde commence à chercher des indices ! Ils ne doivent pas être très loin ! Je me demande si le Glumarx… » s’arrêta de dire Tery.

Il valait mieux éviter d’y penser maintenant. Le groupe se sépara, chacun partant de son côté pour trouver un morceau de tissu, un corps ou quoi que ce soit qui permette d’identifier qu’il y avait bien eu des humains ici. Dans son cas, il essayait de ne pas avoir trop peur. Il se demandait s’il allait trouver un cadavre et si c’était le cas… Quelle serait sa réaction ? Rapidement, de la sueur s’écoula de son front alors qu’il se mettait à haleter. Ne plus penser à ça… Il devait arrêter de penser à tout ça ! C’était du passé : il n’allait pas se retrouver nez à nez avec un corps ruisselant de sang ! C’était complètement stupide de raisonner comme ça ! Il quitta la clairière, faisant attention où il mettait les pieds. Il se prit une branche au niveau du visage, gémissant de douleur.

D’autres cris se firent entendre et il était maintenant séparé du reste du groupe. D’après ce qu’il avait put… cerner, ce n’était pas l’un des membres de son groupe mais ça venait du nord de sa position ! Il devait… Il devait prendre son courage à deux mains ! Il s’était mis à courir le plus vite possible, se dirigeant vers l’endroit d’où provenait le cri. Moins d’une minute plus tard, il se retrouvait dans une zone à moitié entre la clairière et les bois.

« Il y a quelqu’un ?! Hého ! Quelqu’un m’entend ?! »

Aucune réponse, il aurait du s’en douter… sauf un bruit saugrenu comme si des bulles éclataient autour de lui. Il positionna correctement ses deux griffes, ripant l’une contre l’autre pour prévenir la personne ou la chose qu’il était prêt à se défendre ! Le bruit s’éloigna alors qu’il restait parfaitement immobile puis finalement… Plus rien…

« Lieutenant Tery ! Lieutenant Tery ! Où est-ce que vous êtes ? AHHH ! »

Il se tourna subitement, voyant l’homme aux cheveux noirs qui arrivait… et qui glissait au sol, tombant majestueusement dans l’herbe en poussant une plainte. Comment il avait fait pour arriver à ça ? Un examen minutieux lui montra qu’il venait de glisser dans une… bave et du sang ? Tery alla lui dire d’une voix troublée :

« Tu ferais bien mieux de te relever. Il y a … »

« Hééééé ! C’est quoi ce truc ?! C’est gluant ! » s’écria l’homme avec surprise.

« On ne sait pas ce que c’est alors dépêches toi ! Et les autres ? Ils sont… Ils sont où ? »

« Mais moi, je sais pas ! Et puis bon… »

L’homme aux cheveux noirs se redressa, observant quelques instants le sang puis la bave avant de jeter un coup d’œil à son sac pour voir s’il n’avait rien perdu. Heureusement, ce n’était pas le cas et il poussa un petit soupir de soulagement alors que Tery lui demandait :

« Au fait, je me disais… C’est quoi encore ton nom ? »

« Olin pour vous servir lieutenant, je suis un nouveau soldat qui s’est inscrit à l’armée de Midès y a deux semaines ! On m’a dit que c’était le métier qui me conviendrait le mieux ! »

« Je n’en doute pas un seul instant. Bon maintenant… Commençons à trouver des indices car là… Nous sommes plutôt mal partis. » murmura Tery calmement.

Autant dire la vérité : ils n’avaient aucune information, ils entendaient des cris, bref que des choses peu réjouissantes. Si on remarquait aussi les traces de sang et de bave, on pouvait se faire une idée : la créature avait vraiment faim, très faim… et il y avait des chances que suivre les traces de bave mènerait à l’endroit où elle se trouvait. Ou non ?

« Qu’est-ce qu’on fait, lieutenant Tery ? On va chercher les autres ? »

« C’est la seule piste que nous avons pour le Glumarx. On ne doit pas la perdre ! Je vais continuer de ce côté, toi tu vas voir où sont les autres et tu leur dis qu’on vient sûrement d’avoir des morts en plus sur le dos. »

« Comme vous le voulez ! Faites attention, lieutenant ! »

Il observa Olin qui partait de son côté alors que lui-même se dirigeait en suivant les traces de bave et de sang. Peu à peu, il recommençait à entendre les bruits singuliers de la créature. Il en était sûr, c’était le Glumarx ! Il s’arrêta subitement alors que des voix parlaient entre elles, des tremblements se faisant ressentir :

« C’était quoi ces cris, chef ? Je je… »

« La ferme et continue d’avancer ! Tu restes devant les autres ! »

« Mais je ne veux pas être un éclaireur ! On m’a raconté que tous ceux qui voyaient un Glumarx n’en revenaient jamais vivants ! »

« On sera le contre-exemple. Avance ou je me sens forcé de te botter les fesses si tu continues à geindre comme un gamin ! »

« ATTENTION CHEF ! UNE BANDE DE GNOMOLDS ! »

Des cris ressemblant à ceux des animaux, des lames qui s’entrechoquent, il évitait maintenant de s’avancer alors qu’il écoutait les différentes voix. Il n’osait pas bouger, il ne devait pas aider les autres groupes, seulement le sien ! Plusieurs minutes s’écoulèrent où il entendit des ordres hurlés par celui qui semblait être le lieutenant ou sous-lieutenant de son groupe tandis que des rires les accompagnaient, des rires à moitié animale.

Enfin, après une quinzaine de minutes, il n’y eu plus aucun bruit et il ne savait pas qui avait gagné : les Gnomolds ? Ou alors le groupe de soldats ? Il ne se considérait pas lâche pour autant ! C’était ça : si un groupe disparaissait, cela faisait un rival en moins. Il devait ramener une preuve comme quoi il avait tué le Glumarx, pas laisser les autres !

« Qu’est-ce que… »

Il s’arrêta subitement de parler, entendant à nouveau les bruits étranges d’il y a quelques minutes. Maintenant, il en était sûr, le Glumarx était là ! Mais pourquoi en ce moment et pas pendant le combat ? Est-ce qu’il avait peur de la foule ? Du combat ? C’était peut-être une créature qui préférait voler les cadavres. Il allait en avoir le cœur net ! Il s’avança à pas de loup vers la direction d’où provenait le bruit. Après quelques secondes, il arriva devant un spectacle affligeant… puisqu’il n’y en avait pas ! Il n’y avait aucune trace de cadavres ! Aucun corps n’était présent ! Il n’y avait que des traces de sang et de bave. Il entendait le bruit qui s’éloignait mais il en était sûr cette fois-ci : le Glumarx était passé par là et il… avalait les cadavres. Il n’y avait pas d’autres réponses à ce qu’il voyait !

Il devait prévenir les autres… ah mais non ! Olin s’en occupait déjà mais alors qu’est-ce qu’il devait faire ? Si cette créature était nécrophage, alors il n’avait pas à s’inquiéter mais… En un sens, cela restait quand même terrifiant de se dire qu’elle était aussi efficace pour faire disparaître les corps. Il valait mieux ne pas la combattre seul et il comprenait maintenant pourquoi la maréchale Nali préférait envoyer une grosse troupe rien que pour cette créature. Déjà avec les Gnomolds mais si en plus, il y avait cette… chose alors les soucis allaient s’accumuler les uns sur les autres.

« Lieutenant Tery ! Lieutenant Tery, vous êtes où ? » cria la voix d’Olin.

« Non mais tais-toi un peu imbécile ! Tu veux nous faire repérer par les Gnomolds ?! »

« Mais le lieutenant m’a dit que… » reprit Olin.

« Ce que le lieutenant a dit, on s’en fout royalement ! » dit à voix haute un homme.

« Mais non ! Le lieutenant m’a dit de tous nous réunir ! »

« Et où est-il ? Pfff… Ce n’est qu’un gamin en plus ! » termina de dire une voix féminine.

Et bien… C’était très joli ce qu’il entendait sur lui. Enfin, il aurait du s’y attendre. Il se dirigea vers l’endroit d’où provenaient les voix, passant quelques secondes à marcher sur les feuilles et les branches cassées. Il observa son groupe dirigé par Olin, remarquant que celui-ci était bien plus qu’impressionnant. Malgré le fait qu’il était l’un des plus jeunes, il arrivait à se faire respecter. Il fallait dire qu’il avait les muscles et la taille qui aidaient à ça.

« Pardon, pardon, pardon. Je suis là. Je vous ai enfin retrouvés. » s’écria Tery.

Il se présenta à son groupe, Olin le désignant du doigt avec un grand sourire tandis que les autres n’étaient pas forcément ravis de le voir. Enfin, qu’importe leurs réactions, ils avaient une mission à accomplir et il devait leur parler à ce sujet. Il toussota légèrement :

« Bon… Maintenant, que nous sommes tous réunis, on peut repartir à la chasse au Glumarx. »

« Lieutenant, vous avez trouvé des informations ? Ou vous l’avez trouvé ? »

« Je n’ai pas réussi à suivre sa piste correctement MAIS… »

Mais… Il leur expliquait ce qu’il avait réuni comme informations : ainsi, le Glumarx s’emmenait à chaque fois qu’un combat se terminait et surtout… Il dévorait les cadavres. La seconde information n’était pas très importante et autre point intéressant : il ne savait pas à quoi il ressemblait. Enfin, il reprit la parole :

« Donc l’idée que l’on va mettre en place, c’est tout simplement de trouver une scène de combat. On les laisse se battre et… »

« Ce n’est pas un acte un peu lâche ? » osa dire l’un des hommes.

« Où ça ? S’ils savent se débrouiller, c’est tant mieux pour eux. Enfin… Tout ce qu’il faut, c’est un cadavre ou plusieurs cadavres. Après, on s’éloigne de quelques mètres de ces derniers et on attend. Ca sera comme un appât. »

« Ca pourrait marcher mais bon… Je ne suis pas d’accord avec vos méthodes. Mais comme vous êtes le lieutenant, je n’ai pas à discuter vos ordres. » répondit le même homme.

« Alors c’est parfait ! On se met en route ! » termina d’annoncer Tery.

Il reprit le commandement de sa troupe, remarquant qu’il ne manquait personne, chose qui l’étonna puisqu’ils avaient été séparés pendant un bon nombre de minutes. Pourquoi son acte serait-il lâche ? Il ne faisait qu’utiliser le décor et les évènements extérieurs à son profit, ce n’était pas de la lâcheté mais de l’ingéniosité. Enfin, il n’avait pas à trop se questionner à ce sujet : ils devaient trouver le Glumarx dès que possible.

Une bonne quinzaine de minutes passèrent jusqu’à ce que des bruits résonnent aux oreilles de la troupe. Instinctivement, il leva la main en l’air, se tournant vers les autres membres. Murmurant doucement, il leur dit :

« On avance… Et on ne fait pas un bruit, d’accord ? »

« Ok, lieutenant. J’ai bien compris le message. »
   
Olin lui répondait et il ne savait pas s’il devait sourire ou pleurer. Il n’était pas particulièrement stupide, de son point de vue, mais s’il lui demandait de ne pas parler, c’était pour une bonne raison. Enfin, qu’importe, il n’allait pas lui répondre maintenant. Plusieurs gestes de la main et il indiquait aux autres de le suivre. Ils arrivèrent à une scène de bataille entre un groupe de six Gnomolds et trois personnes… qui ne semblaient pas être de l’armée. Rapidement, les Gnomolds prirent le dessus, perdant l’un de leurs membres alors que les autres se mettaient à fouiller les cadavres. Ils s’exclamèrent les uns après les autres :

« On se dépêche ! On se dépêche ! »

« Elle va se ramener ! Elle est attirée par le sang ! On se dépêche ! » cria l’un d’entre eux.

« Prenez les armes ! On se dépêche ! » s’exclama un troisième avant de voler les cadavres.

« Je prend les bourses ! On se dépêche ! On se dépêche ! »

Celui qui ne s’était pas exprimé semblait être le chef de la petite troupe. Sans même sourciller, il abandonna le cadavre de son compagnon à côté des trois humains avant d’annoncer au reste de la troupe qu’ils devaient partir le plus vite possible. Quelques instants plus tard, ils avaient disparus et nul ne faisait de bruit bien que tout le monde restait immobile.

« Ca arrive… Je suis sûr que ça arrive… Entendez ce bruit… »

« J’entend rien moi… Tu es sûr que… C’est quoi ? »

Celui qui venait de lui répondre s’était tue alors qu’il tendait l’oreille. Les autres firent la même chose alors que Tery gardait ses yeux verts posés sur les quatre cadavres. Enfin… Il sentait que la créature se présentait à eux. Enfin… Les arbres à droite des cadavres étaient pris de tremblements alors qu’il entendait Olin s’exprimer :

« Mais c’est quoi cette chose ? C’est… C’est… »

« Un Glumarx. Je crois qu’on a trouvée notre cible. » murmura le jeune homme.

Et quelle cible… Il fallait se l’avouer : Il n’avait jamais pensé à une telle créature. Comment la définir ? Verte ? Ah … Ca, ce n’était pas difficile à remarquer. Mais après ? Comment le représenter ? Visqueuse ? C’était peut-être le bon mot. Cette créature ressemblait à une gelée verte et difforme qui mesurait dans un mètre de hauteur. A l’intérieur de la gelée, une sphère blanche de dix centimètres de diamètre bougeait, comme si elle était vivante. Tery chuchota pour lui mais à voix basse :

« C’est donc ça, un Glumarx ? Mais ça n’a même pas de tête. Comment est-ce que l’on est sensé affronter un tel monstre ? Qui n’a même pas réellement de forme. »

Il se demandait d’où venait alors cette référence et cette citation car bon… Le Glumarx n’avait même pas de tête ! Enfin bon, l’heure n’était pas aux remarques et il continua avec son groupe d’étudier ce que la créature allait faire. Celle-ci se dirigeait vers les quatre cadavres, s’immobilisant alors qu’elle s’en rapprochait de celui du gnomold. Subitement, elle se leva en partie, venant recouvrir complètement le cadavre du gnomold avant que des bruits de succions se fassent entendre… et qu’un spectacle peu ragoûtant se fasse voir.

« Hé… Hé… Je… Je ne rêve pas ou… » commença à murmurer Tery.

« J’aurais pas du manger ce matin… Je me sens mal… » dit l’un des soldats, mettant une main sur sa bouche alors que les autres évitaient de prendre la parole. C’était tout simplement horrible et pourtant … Pourtant …

Il n’avait pas vraiment de mots pour exprimer le dégoût en observant ça. Le cadavre du Gnomold était en train de se liquéfier et de se décomposer, sa peau et ses poils disparaissant dans le glumarx, laissant apparaître la peau à vif avant que celle-ci ne se déchire. Sous la peau… Les muscles… Sous les muscles… Les os… Tout était en train de fondre comme neige au soleil à l’intérieur du corps du Glumarx.

« Qu’est-ce qu’on fait ? On l’attaque maintenant ? » osa demander Olin.

« Laissons le terminer… son repas. » répondit Tery, cherchant à garder son calme.

« Son repas… Je n’irais pas m’en prendre une part. » dit un soldat faiblement.

« Ensuite, dès qu’il a terminé, on l’entoure et après… » reprit le jeune homme.

« On fait quoi ? On saute sur lui ? » demanda à nouveau Olin.

Il valait mieux éviter… En y réfléchissant bien, s’il était capable d’engloutir des corps entiers, il était même conseillé de ne pas le toucher mais alors quoi faire ? Ils devaient rapidement trouver un moyen de combattre cette créature. Le glumarx en avait déjà terminé avec trois cadavres et il se demandait même si son appétit n’était jamais rassasié. Et au passage… C’était lui ou alors le glumarx prenait un peu de volume à chaque fois ? Peu en hauteur mais surtout en épaisseur. Le dernier corps fut englouti et il fit un grand geste de la main pour signaler qu’il était temps de passer à l’action. Poussant un cri, accompagné par son groupe, il entoura rapidement le glumarx, celui-ci terminant son repas avant de s’immobiliser. La sphère blanche vola de gauche à droite à l’intérieur de la gelée verte puis s’arrêta subitement en se tournant vers Tery. Un œil… C’était un œil qui l’observait.

Chapitre 24
Chapitre 24 : Perdition

« Ce truc… est vivant ?! » s’écria l’un des soldats, Tery lui répondant avec un peu d’ironie :

« Finement remarqué mais je pense surtout qu’il est bien plus intelligent que l’on ne le pense. Du moins… Cette impression avec son œil me met mal à l’aise. »

« On va voir déjà si il réagit à mes attaques ! »

L’une des rares femmes de son groupe avait prit la parole. Elle bandit son arc, pointant une flèche en direction du glumarx. La flèche se dirigea vers la créature, pénétrant dans son corps de gelée verte. Quelques secondes plus tard, elle disparue en intégralité alors que la femme poussait un grognement de dépit. Elle dit dans un soupir :

« Déjà, on sait très bien que les attaques à distance ne marchent pas ! »

« Merci bien… Mais est-ce que nos lames peuvent passer à travers son corps ? »

« Si on n’essaye pas, on ne sauras jamais ! J’y vais ! » répondit une voix masculine après Tery.

« NON ! Attend un peu ! Il ne nous a pas encore… »

Il n’eut pas le temps de terminer sa phrase que déjà l’un de ses hommes s’élançait vers le glumarx, une épée longue à la main. La réaction de la créature fut rapide et brève : alors que l’homme s’avançait vers elle, elle ne bougea pas, la lame tranchant la gelée verte comme si de rien n’était. Et dès le moment où la lame s’extirpa, le glumarx bondit sur l’homme, le recouvrant entièrement alors que la terreur se lisait sur le visage du soldat.

« Il faut aller l’aider sinon… » bafouilla la femme qui avait tiré auparavant, Tery criant :

« C’est déjà trop tard ! Ca ne sert à rien ! Entourez le glumarx pour qu’il ne s’enfuie pas ! »

« Mais mais mais… Et… Qu’est-ce qu’on… » tenta-t-elle de dire.

« J’ai dit qu’on ne faisait rien ! Tu ne comprends pas ? Regarde ! »

Il s’énervait légèrement, non pas parce qu’ils n’écoutaient pas ses ordres mais parce qu’il avait les nerfs à vif. Il fallait le comprendre… Il voyait devant lui, l’un des membres de son groupe en train de se décomposer…Et c’était un spectacle vraiment répugnant à observer. Heureusement qu’il avait déjà eu cette vision, il y a quelques instants avec les cadavres car sinon, il n’était pas sûr que son estomac tienne le coup. Tout le monde s’était remis en place, le glumarx restant à nouveau parfaitement immobile, son œil vagabondant de haut en bas, de gauche à droite en observant les alentours et le groupe. L’un des hommes demanda :

« Et maintenant, lieutenant ? On ne peut pas rester comme ça, les bras croisés ! »

« Je réfléchis ! L’un de vous sait utiliser la magie du feu ? Il faudrait voir en lui envoyant une petite flamme en sa direction ! Ensuite, vous allez vous cacher derrière un arbre au cas où ! »

« Je m’en occupe, c’est mon domaine ! »

Ah ! C’était la femme avec son arc, enfin, celle qui lui avait demandé d’avoir un carquois. Elle prit l’une de ses flèches, des veines rouges apparaissant sur ses deux mains alors qu’elle bandait son arc. La flèche s’enflamma subitement alors qu’elle tirait sur le glumarx. Rapidement, Tery lui prit le bras, la traînant derrière un arbre à côté de lui alors que les autres personnes faisaient de même.

« Ca risque de produire une petite explosion ! » dit-elle pour expliquer son attaque.

« Parfait, c’est ce que je voulais. On va voir si il aime se faire dissiper ! »

La flèche enflammée se planta dans le corps gélatineux et vert du glumarx avant d’exploser en même temps que lui. L’œil tomba au sol alors que tout le reste était éparpillé sur les arbres et autres. Au contact avec l’écorce des arbres, celle-ci tomba alors qu’il prenait la parole :

« Je crois qu’on peut dire qu’on a accompli parfaitement la mission ! »

« Euh… Lieutenant, y a un souci. La gelée bouge encore. » murmura la femme à côté de lui.

« Hein ? Quoi ? Comment ça ? Elle bouge encore ? »

C’était quoi ce délire ? Heureusement qu’il restait poli mais Olin avait totalement raison ! Le glumarx était en train de se réunir à nouveau autour de l’œil. Quelques instants après, la créature était à nouveau elle-même mais l’œil était dirigé vers eux… et il ne semblait pas vraiment heureux. Ca pouvait se comprendre : qui aimerait se faire exploser ? L’œil se referma légèrement et il s’écria :

« Bon et bien, retour au plan de départ ! On doit trouver un moyen de l’abattre ! »

« Mais comment ? Même l’explosion ne lui a rien fait ! » répondit la femme archère.

« D’abord… Je vous conseille de courir ou d’esquiver ! » hurla un homme.

Pourquoi ça ? La réponse ne tarda pas. L’homme qui s’était adressé à tous se mit rapidement à genoux en se protégeant la tête. Quelques secondes plus tard, un pic vert traversa l’arbre, le fauchant avec facilité. L’homme roula sur le côté, tenant une masse faite de métal à la main alors que le tronc d’arbre tombait.

« Je crois qu’il n’a vraiment pas apprécié notre tentative pour l’abattre. » murmura Tery.

« Auparavant, il se serait enfui mais maintenant… Je pense qu’il veut nous tuer. »

« Bonne déduction ! Faites vraiment très attention ! On y retourne ! » dit-il après la femme.

« Faudrait peut-être d’abord me lâcher… lieutenant. » reprit l’archère avec neutralité.

Oups ! Il retira sa main du bras de la femme avec l’arc, se mettant à courir pour retourner à l’endroit où le glumarx restait sans se mouvoir. Il était maintenant sur ses gardes et il n’allait pas hésiter à attaquer. Peut-être qu’à partir de là, ils pourraient trouver son point faible mais lequel ? Il voulait éviter de nouvelles morts ! Déjà une, c’était beaucoup trop ! On parlait quand même de son groupe là ! C’était bien différent des autres groupes !

« Et bien mon grand, on en fait une tête ! »

« Lieutenant Tery, c’était drôle ça ! Il n’a même pas de tête ! »

« Héhéhé ! Merci Olin, bon on s’en occupe et on tente de l’éliminer. »

Plus facile à dire qu’à faire mais ils avaient la motivation. Du moins, lui et Olin semblaient être sur la même longueur d’ondes, chose qu’il n’avait pas ressentie depuis les jours heureux où il se trouvait avec l’Ombre. Il avait ses griffes aux mains, Olin son épée longue. Les autres avaient aussi leur propre arme. L’un d’entre eux avait même un maul. Il se demandait s’il venait réellement de son sac en cuir brun. JAMAIS il n’aurait pu porter une telle chose sur son dos. Bon, il devait rester concentré sur le glumarx et ne penser à rien d’autre !

« J’écoute toutes vos propositions pour trouver son point faible. » demanda-t-il.

« On pourrait le faire exploser à nouveau ? Et ensuite assécher les morceaux  avant qu’ils ne se réunissent ? Mais quand même… Comment fait-il pour se rassembler ? »

« Et pourquoi ne pas viser son œil ? Il semble ne pas aimer qu’on tente de le toucher. »

« Son œil ? Mais oui ! Pourquoi on n’y a pas pensé ! Hey… Est-ce tu pourrais tenter de lui renvoyer une flèche mais en tentant de cibler son œil ? » répondit Tery après ces phrases.

« Je vais essayer mais je ne promet rien ! » murmura l’archère.

La femme banda à nouveau son arc après avoir sortie une flèche de son carquois. Cette fois-ci, la flèche ne s’enflamma pas. Le trait de bois quitta l’arc, se dirigeant pour s’enfoncer en plein dans le glumarx à l’endroit où l’œil se trouvait. Celui-ci remarqua rapidement le danger et se déplaça à toute vitesse à l’intérieur de la masse gélatineuse. La riposte ne tarda pas, un morceau de gélatine se tendant en direction de la femme, prenant la forme d’une pointe pour aller la transpercer. C’était la même technique utilisée pour tenter de les tuer derrière l’arbre ! Il n’avait pas le temps de crier de se mettre à l’abri ! C’était déjà trop tard ! Enfin… Il pensait ça mais l’un des hommes hurla :

« Ne t’approche pas de nous sale bête ! »

L’épée bâtarde qu’il avait dans ses deux mains venait trancher le trait gélatineux en son milieu, l’empêchant de continuer sa route pour atteindre la femme. Celle-ci était tombée en arrière après l’aide de l’homme. Elle… Elle avait failli y passer sur ce coup ! Elle devait le remercier mais trois pieux de gélatine verte venaient se planter dans le torse de l’homme à l’épée bâtarde, celui-ci poussant un cri en crachant du sang. Le corps fut soulevé, l’homme étant pris de soubresauts avant d’être projeté contre un arbre, un craquement sinistre résonnant au moment même où le cou rencontrait l’écorce. Il… Il… venait de perdre un second membre ? Il tourna son visage au moment où un autre homme hurlait :

« SALOPARD ! JE VAIS TE CREVER ! »

« Non arrête ça ! ARRÊTE ! Ne fais pas… » commença à dire Tery.

Mais l’homme ne l’écoutait pas. C’était celui avec le maul. Tery cria à tous de reculer et de s’éloigner le plus vite possible de cet endroit avant qu’il ne soit trop tard. La femme à l’arc s’était relevée avec difficultés, Olin la soulevant pour la tirer vers lui. Le maul s’abaissa dans le glumarx, le faisant exploser une nouvelle fois sauf qu’une bonne partie de la gélatine verte vint percuter l’homme et son arme. Lentement, sa peau s’était mise à fondre, le rendant de plus en plus difforme au fur et à mesure des secondes qui passaient. Eux ? Ils avaient  réussi à avoir le temps de se cacher à nouveau derrière des arbres. Trois… Ils étaient déjà trois à être morts ! C’était beaucoup trop à ses yeux ! Il devait arrêter tout ça !

Déjà, le Glumarx se réunissait à nouveau, les particules de gelée verte allant englober le troisième cadavre et son corps. C’était affreux… tout simplement affreux. Il devait faire quelque chose mais quoi ? Viser l’œil ? Ce n’était pas une mauvaise idée. NON ! Il en était sûr même ! C’était la meilleure idée possible ! Mais comment ? Le moral des autres et le sien étaient au plus bas. Ils n’avaient déjà plus l’envie de se battre. Ils avaient été envoyés à l’abattoir, c’était ça ? La maréchale Nali était parfaitement au courant de tout ça ! Il ne devait pas se mettre en colère mais… mais il…

« Lieutenant Tery… Si vous le voulez, je peux vous servir de barrage. » murmura Olin.

« Hein ? Mais qu’est-ce que tu racontes Olin ? Tu ne vas pas te sacrifier ! On a déjà assez de morts comme ça, ce n’est pas pour en rajouter ! »

« Oui mais… Je me disais que peut-être, je pourrais créer des petites barrières d’eau… Ca permettrait de nous protéger des jets de gélatine. » tenta de s’expliquer l’imposant homme.

Des barrières d’eau ? C’était donc un manieur d’eau ? En y pensant, ça ne pouvait pas être une mauvaise idée en fin de compte ! Maintenant, il fallait quand même réussir à éliminer le glumarx ! S’en protéger était une chose, le tuer en était une autre. Mais avant, il devait répondre à Olin, chose qu’il fit :

« Bon… On accepte ton idée mais ne prend pas de risque inconsidéré. On a très bien vu le résultat avec… enfin… Je ne connaissais pas tous les noms. Bref… Fini de parler ! On le termine et dites vous que ce n’est qu’un mauvais moment à passer, un très mauvais moment. On est tous dans le même bateau là… »

Il avait un peu de démotivation dans la voix, signe qu’il n’y croyait pas vraiment lui non plus. Mais… Mais… Il devait remonter le moral des autres, pas le sien ! Lui… Peut-être qu’il devait penser à l’Ombre ? Se dire qu’un jour, il allait la retrouver et lui montrer ses progrès ? Son avancée dans l’armée, tout ça ! Il… voulait qu’elle soit fière de lui ?

« Mais quel idiot, je suis ! » s’écria-t-il à voix haute.

« De quoi vous parlez, lieutenant Tery ? » demanda Olin, un peu étonné.

Il ne devait pas penser à CA maintenant ! Elle était morte pour lui, MORTE ! Elle avait essayé de le tuer, elle ne l’avait pas fait, la prochaine fois, il y avait de fortes chances qu’ils soient ennemis ! Combattre l’Ombre ? Ah ! C’était une idée intéressante s’il arrivait à être à sa hauteur… Chose peu crédible à son goût. Il ne se sentait pas le cœur à se battre… mais à survivre maintenant ! Il devait utiliser la magie ? Il avait ses gants donc pas d’inquiétude à avoir à ce sujet. Mais après… Est-ce que sa magie allait être suffisante ? Il fallait plusieurs années d’entraînement avant qu’il ne retrouve un rythme acceptable et ça… C’était par contre loin d’être gagné ! Ils étaient sept… L’un tenait une épée longue, une avait un arc, lui avait ses griffes, et les quatre autres personnes encore en vie ? La seconde femme tenait un petit maillet dans sa main droite, les trois autres hommes tenant chacun une hache de différente taille, l’une étant même soulevée à deux mains. Il comprenait pourquoi ils avaient évités de trop se précipiter sur le glumarx. Ils échouaient… et ils étaient morts. Ils réussissaient… et le corps était déchiqueté en deux ! Enfin… Faire exploser la créature était trop dangereux. S’ils pouvaient la trancher en plusieurs parties, laissant l’œil tout seul, alors après… Ils arrivaient à atteindre l’œil et à l’éliminer !

« Lieutenant, on a plus rien à perdre, non ? » dit l’une des hommes armés d’une hache.

« Hein ? Qu’est-ce que tu me racontes par là ? » demanda Tery en le regardant.

« Je veux dire… Même si on tente de s’enfuir, on se fera tués par cette chose. »

« C’est pas une raison pour penser comme ça ! On va s’en sortir ! »

« Je ne dis pas le contraire mais… Puisqu’on doit tout donner… Autant utiliser la magie dans ce cas précis ! Venez m’aider mes frères ! » s’écria le même homme.

Les trois hommes portant des haches étaient frères ? Mais… Ils étaient là depuis quand ? Ils avaient au moins la trentaine d’années chacun ! Leurs bras s’étaient mis à laisser apparaître des veines vertes, un vent commençant à se soulever alors qu’ils hurlaient les uns après les autres, chacun soulevant sa hache :

« Notre puissance est le vent ! Nous sommes issus de ce dernier ! »

« Que tous craignent la colère de la tempête ! »

« Notre souffle s’abattra sur nos ennemis ! »

L’homme tenant la hache à deux mains alla l’abattre en plein milieu du glumarx, l’œil de ce dernier bougeant pour aller dans un des deux morceaux de gelée verte. Celle qui ne contenait pas l’œil s’était mise à réagir pour tenter de tuer l’homme mais un petit mur d’eau se forma, sortant du sol pour faire obstacle à la gelée. Olin… Olin s’y mettait aussi ! Ils devaient travailler en équipe s’ils voulaient réussir à battre ce monstre ! Le second homme, tenant deux petites haches dans ses mains coupa en plusieurs parties le glumarx, l’espace libre où l’œil pouvait se déplacer se réduisant de plus en plus. Enfin le troisième homme tenait une hache de guerre, le bout étant pointu pour frapper en estoc si nécessaire. Le dernier coup fit sortir complètement l’œil du glumarx d’en-dehors de sa gelée protectrice, Olin commençant à transpirer à grandes gouttes avec tout ce qu’il accomplissait pour tous les protéger.

« Lieutenant Tery ! Tuez-le vite ! Je… Je… » murmura-t-il avec faiblesse.

« Pas besoin d’en dire plus ! Tu peux viser avec ton arc au cas où je rate ? »

Tery s’était tourné vers la femme qui tenait l’arme en bois, celle-ci sortant l’une de ses flèches tandis qu’il courait vers l’œil qui… était capable de léviter ? Il se trouvait à un mètre au-dessus du sol, commençant à s’enfuir en sachant que tout tournait très mal pour lui. Le jeune homme aux cheveux bruns s’était mis à sa poursuite, ses deux griffes ripant l’une contre l’autre. Il n’avait même pas besoin d’utiliser sa magie ! Quel imbécile ! Il oubliait que les autres étaient plus doués que lui en magie ! A lui de donner le coup de grâce même si au final, il n’avait pas servi à grand-chose ! Il n’avait pas à avoir honte ! Les trois longues lames de sa griffe droite se plantèrent dans le dos de l’œil, celui-ci s’immobilisant dans les airs comme paralysé. De longues secondes passèrent alors que l’un des hommes s’écriait :

« REGARDEZ ! C’est en train de fondre ! Ca disparaît ! »

« La gelée verte fume… Il se passe quoi là ?! » dit l’archère.

Visiblement, l’heure des surprises n’était pas prête d’être terminée. Tout ce qui composait le glumarx était en train de fondre comme neige au soleil. Lui ? Il gardait toujours l’œil au bout de ses griffes. Ils venaient… de réussir à battre le glumarx. Il était mort ! Ce monstre était mort ! Il était pris d’un rire incontrôlé, rapidement suivant par Olin bien que les autres personnes restaient plus sobres dans leurs réactions.

« Même si l’œil est traversé… Je pense que l’on doit le garder avec nous… » finit-il par dire.

« C’est la preuve que le glumarx n’est plus qu’un mauvais souvenir. » chuchota l’archère.

« Lieutenant Tery, héhéhé… Je dois le prendre dans mon sac ? » demanda Olin.

Pfiou… Il devait se calmer, reprendre son souffle et son calme. Le mettre dans le sac ? Il approcha la griffe au bout de laquelle l’œil se trouvait, émettant un petit rictus de dégoût en voyant le liquide qui s’en écoulait. Il alla dire d’une voix un peu plus sereine :

« Il vaudrait mieux que l’on le garde avec nous… dans nos mains… Cet œil ne semble pas être fait de la même matière que la gelée sinon… mes griffes auraient fondue. »

« Je ne touche pas à cette chose ! C’est répugnant ! » s’écria l’archère.

« Pareil pour moi, j’ai eu ma dose d’émotions ! » répondit la seconde femme.

« Je vous jure, ces femmes. Bon… Je le prends, c’est bon ! »

L’homme qui tenait une hache à deux mains la positionna dans son dos pour la porter correctement. Il s’approcha de Tery, tendant ses deux mains gantées de cuir vers lui. Le jeune homme déposa l’œil du glumarx dans les mains de l’homme, lui demandant par là son prénom en même temps. Celui-ci lui répondit qu’il s’appelait Lars et que ses frères s’appelaient Malam et Verk. Eux, il ne risquait pas de les oublier !

« Bon… Je crois qu’on peut dire que la mission est accomplie. » signala Tery.

« Qu’est-ce que l’on fait… pour les autres ? » demanda Malam.

« Ils sont… morts… Et il n’y a même pas de restes de leurs corps… On ne peut pas les emmener avec nous sinon… J’aurais bien accepté qu’on prenne leurs cadavres pour leur donner un enterrement décent. »

Il avait dit ça comme si ça paraissait évident, toutes les têtes se tournant vers lui à ce moment. Les deux femmes murmuraient entre elles alors que les trois hommes émettaient un petit sourire. Olin s’approchait de lui, tapotant une fois son dos. Qu’est-ce qui se passait ? Il ne voyait pas ce qu’il avait dit de mal. Il murmura faiblement :

« Bon… On se dépêche et on quitte la forêt ? Je préfère ne pas traîner plus longtemps ici. »

« Je suis d’accord. On en a assez faits… Dire qu’on a réussi à le battre… » dit l’archère.

« C’est à peine croyable ! La maréchale sera contente ! » s’écria Verk.

Et lui donc ! Il allait enfin en savoir plus sur ses fameuses lignes noires qu’il possédait ! Le groupe réduit de trois personnes s’était remis en route, marchant dans la forêt pendant de longues minutes. L’euphorie était légèrement visible sur leurs visages : oui, ils étaient tristes d’avoir perdus quelques compagnons mais ils étaient heureux d’être en vie !

Après une bonne quinzaine de minutes, ils arrivèrent à la sortie de la forêt, l’une des deux femmes regardant autour d’elle pour voir où ils étaient par rapport à Midès. Elle signala qu’ils étaient sortis par le côté ouest de la forêt se situant au sud de Midès. Quoi de mieux que de devoir faire un détour pour retourner devant l’entrée Sud de Midès ? Le groupe marcha à nouveau pendant quelques minutes, suivant le chemin jusqu’à ce qu’une voix railleuse se fasse entendre, leur demandant de s’arrêter. Un groupe… Un groupe sortait des bois, armes en main. Rapidement, Tery remarqua qu’il était composé que de nobles, ces foutus aristocrates qui se prenaient trop au sérieux. L’un d’entre eux prit la parole :

« Je vous l’avais dit ! Ces gueux font le travail pour nous et nous récupérons les lauriers. »

« On va pas tourner autour du pot : Qu’est-ce que vous nous voulez ? » demanda Tery.

« C’est fort simple : Donnez nous l’œil du glumarx et nous vous laissons en vie. »

C’était donc une menace et un vol ? De quoi aggraver leurs cas si la maréchale Nali ou toute personne hiérarchiquement bien placée était mise au courant. Néanmoins… Ils étaient trop fatigués pour se battre et surtout… L’autre groupe était plus nombreux. Il jeta au regard à ses membres, cherchant leurs réponses muettes dans leurs yeux.

« Vous toucherez pas à notre œil ! C’est le lieutenant Tery et nous qui avons réussi à battre le glumarx ! Pas vous ! Vous n’avez rien fait ! » s’écria Olin, l’homme lui répondant :

« Tiens… La grande perche s’est exprimée ? Nous devons donc vous éliminer ? »

Et voilà ! Il n’avait même pas le temps de souffler avec ses compagnons que les ennuis lui retombaient dessus. Olin avait bien parlé mais tous étaient fatigués, tous sauf lui. Il n’avait pas utilisé sa magie mais en ce qui concerne son état physique, il était épuisé. Au final, les choix n’étaient pas si grands que ça : ils allaient devoir donner cet œil durement gagné à cette bande de nobles sans scrupules. Tout ça pour rien…
« Modifié: 09 janvier 2012, 09:43 par ChibiShiroiRyu »

ChibiShiroiRyu

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07 janvier 2012, 22:22
Chapitre 25
Chapitre 25 : Les lignes d’un dieu

« Bon… C’est décidé. Prenez cet œil ! Lars, tu veux bien le lui donner ? »

« Vous nous le payerez… » murmura Lars avec un peu de rage.

Il ne pouvait pas contredire les ordres de son lieutenant et il savait très bien que ce qu’il faisait était normal et correct. Cela montrait à quel point certains nobles étaient pourris jusqu’à la moelle et ils avaient un parfait exemple devant leurs yeux. Lars s’approcha de l’un des nobles qui tendait les mains, un autre à ses côtés.

« Merci beaucoup pour votre bon boulot ! Voilà votre récompense ! »

Le noble à côté de celui qui avait récupéré l’œil du glumarx alla frapper Lars, le faisant tomber au sol avec un grand rire. Tout de suite, les deux frères de l’homme sortirent leurs armes mais Erol et Olin les arrêtèrent. Non, ils ne devaient rien faire. Ils ne pouvaient rien faire ! Pendant quelques instants, ils les observèrent partir tandis que Lars se relevait.

« Et voilà… Revenus au point de départ. » marmonna Tery.

« Retour au bercail. Ca va être notre fête… » ironisa l’archère.

« On s’expliquera avec la maréchale Nali ! Elle pourra… » tenta de reprendre Tery.

« Lieutenant, sauf votre respect, je veux pas vous faire de la peine mais la maréchale Nali est sûrement une noble comme eux. En plus, qui ira nous croire ? Nous ne sommes que des paysans et eux… sont riches. Il vaut mieux oublier toute cette histoire. » reprit Lars.

« Des personnes sont quand même mortes alors qu’eux n’ont pas levé le petit doigt ! »

« C’est injuste… très injuste… mais c’est comme ça. » termina de dire Lars.

Il poussa un soupir dépité. Avec l’Ombre, ça ne serait jamais arrivé. Ca ne serait jamais arrivé ! Elle aurait sûrement pu les remettre à leurs places mais lui… était bien trop faible pour ça. Contrairement aux autres, il ne savait pas utiliser complètement sa magie. Pfff… Comme lieutenant, il était pathétique. Olin lui tapa une fois dans le dos, émettant un petit sourire bien qu’il n’était pas sincère.

« Faut pas s’en faire ! On en verra d’autres, lieutenant Tery ! On rentre tous et on fait notre rapport. Ca sera mieux que de rester ici, je crois. »

« Oui… Tu as tout à fait raison. Bon… Et bien… On se met en route ? »

« On vous suis, lieutenant ! » répondit une nouvelle fois Olin.

Voilà… La troupe se remit en route. Ils marchèrent pendant de longues minutes, quelques blessures sur leurs corps. Sur leur chemin, ils croisèrent plusieurs autres groupes, certains s’étant réduits de moitié voir de trois quarts, ne formant plus que des duos ou des trios. Néanmoins un constat s’imposait : rares étaient les nobles à s’être réellement battus dans cette histoire. Ils arrivèrent devant la porte Sud de Midès, la femme à l’armure de plaques noire se trouvant devant celle-ci. Elle était accompagnée des soldats qui gardaient habituellement la porte. Ah… Il était temps qu’il prenne la parole et donne son rapport. Il se présenta ainsi que le reste de sa troupe devant elle, attendant qu’elle lui donne l’autorisation de pouvoir s’adresser à elle. Elle fit un petit geste de la main et il put enfin parler :

« Nous sommes revenus de la chasse au glumarx. Comme nous avons remarqué qu’un groupe l’avait déjà trouvé et tué… Nous sommes donc de retour. »

« Une simple question : connaissiez-vous à quoi ressemblait un glumarx ? Autre question : Qu’est-ce qui vous fait croire qu’un groupe aie réussi à tuer le glumarx ? »

« Et bien… je… L’œil qu’ils avaient en main, ce n’était pas celui d’un Glumarx ? »

« Peut-être que oui… Peut-être que non… Bon… Vous pouvez rentrer en ville. »

Pfiou ! Sauvé ! Il demanda aux membres de son groupe de bien vouloir le suivre, faisant un petit geste de la main alors qu’ils rentraient dans Midès. Retour dans leurs baraques pour un repos bien mérité ! Enfin… Mérité contrairement à d’autres. Il salua ses quelques compagnons, disant à Olin qu’il le verrait après pour parler un peu. Enfin bon… Maintenant, il était tranquille et il allait pouvoir dormir quelques heures.

Ses heures furent très courtes puisque moins de trois quarts d’heure plus tard, tout le monde fut forcé de sortir, Tery comme les autres. Visiblement, tous étaient revenus de la mission qui avait été la leur. Mais bon… Il ne pouvait y avoir qu’un seul gagnant et c’était ce fameux groupe de nobles. Bizarrement, aucune tache de sang ou de bataille n’était visible mais personne n’en fit la remarque. Il valait mieux ne rien dire pour ne pas avoir de problèmes.

« Contrairement à vous, certains sont capables de grandes choses. Contrairement à la majorité des personnes situées devant moi, certains peuvent espérer de devenir des soldats dans la vie ce qui n’est pas visiblement le cas de tout le monde. Puisque le glumarx a été anéanti par ce groupe, celui-ci recevra une prime pour l’accomplissement de sa mission. Le reste ? Vous n’aurez que votre salaire habituel. Que tous les lieutenants et sous-lieutenants se présentent devant moi pour donner le nom des personnes mortes au combat. »

Le nom ? Il ne les connaissait pas ! Il se tourna vers Olin, lui murmurant en douce s’il connaissait le nom des trois personnes qui étaient mortes. Celui-ci sur le même ton lui indiqua les informations dont il avait besoin. Il poussa un léger soupir, remerciant l’homme avant de se mettre en rang avec les autres lieutenants. Lorsqu’il arriva devant la maréchale Nali, il répéta les trois noms alors que celle-ci prit la parole d’une voix discrète :

« Dès que tout cela sera terminé, tu sortiras dans la nuit aux environs de minuit. Je t’expliquerais ce que tu as besoin de savoir au sujet de ces lignes. »

« Mais je… Je n’ai pas… » commença à balbutier Tery.

« Tu as terminé ? Alors qu’attends-tu pour te retirer ? D’autres attendent leurs tours ! Exécution, Tery Vanian ! Et plus vite que ça ! »

D’accord, d’accord ! Il ne dirait plus rien ! Il se demandait quand même si elle se doutait que ce n’était pas ce fameux groupe de nobles qui avait réussi à tuer le glumarx. Peut-être que oui ? Sinon… Pourquoi aurait-elle décidé de quand même lui dire tout au sujet de ses lignes noires sur son corps ? Enfin… Il allait connaître la vérité. Il se retira de la file, se dirigeant vers son groupe en leur expliquant que tout était bon. Il annonça :

« Maintenant… Je crois qu’on peut retourner dans nos chambres. »

« Comme vous le voulez, lieutenant Tery ! J’espère que la paye va arriver bientôt. »

La paye ? Ah ! C’est vrai… En un mois, il n’y avait pas réellement pensé mais ils étaient payés. C’était la première fois qu’il travaillait si on ne considérait pas sa chasse aux gnomolds avec l’Ombre. Le reste du groupe s’éloigna, saluant Olin et Tery alors qu’il prenait la parole en regardant l’autre homme :

« C’est vrai… Je me demande combien on va avoir. Tu penses acheter quoi ? »

« Ah non ! Je n’achète pas pour moi ! C’est pour ma maman et mon papa. »

Sa maman ? Son papa ? Sa façon de s’exprimer était assez spéciale mais il semblait réellement tenir à sa famille. Ah… Cet argent n’était pas pour lui. C’est vrai qu’en y réfléchissant, certains n’avaient pas forcément le choix.

« Et vous, lieutenant ? Vous allez en faire quoi ? »

« J’avais la même idée que toi. Je vais l’envoyer à ma mère… » murmura Tery avec calme.

« Vous aussi, votre père a été blessé et il ne peut plus travailler ? » demanda Olin.

« Non non… Mon père est mort. » conclut le jeune homme aux yeux verts.

« Oups ! Pardon, lieutenant Tery, je ne voulais pas… »

Il fit un petit geste évasif de la main pour dire que ce n’était pas bien grave. Olin… était vraiment quelqu’un de bien. Quelqu’un de bien mieux que lui. Mais maintenant… C’est vrai que cet argent lui était inutile. Il allait devoir écrire à sa mère aussi. Ecrire à sa mère… qui devait être morte d’inquiétude après tout ce temps. Ca faisait combien de temps justement ? Un trimestre ? Voir plus ? Il ne savait pas… Mais il était déjà parti depuis si longtemps à ses propres yeux. Olin venait de lui rappeler tout ça. Il demanda :

« Olin… Lorsque tu écriras ta lettre, tu voudras bien m’aider ? Je n’ai… pas vraiment l’habitude d’écrire et je ne saurais pas trop quoi dire à ma mère. »

« Ca serait un grand honneur, lieutenant ! » répondit aussitôt Olin.

« Hahaha. Non, pas besoin que ça soit un honneur. Bon, je rentre et dès qu’on aura notre paye, on écrira nos lettres ensembles. »

Olin inclina la tête pour dire que oui alors que Tery s’éloignait en sifflotant. Cette journée était mauvaise sur de nombreux points mais sur d’autres, c’était assez bon de savoir qu’il avait peut-être gagné la confiance d’un soldat. Lui ? Lieutenant ? A chaque fois, il n’y croyait pas. Il devait éviter… que d’autres personnes meurent dans son groupe. Ca devenait vital.

« Tu es enfin là ? Il est environ minuit dix… Tu as dix minutes de retard. »

Il s’était un peu trop assoupi cette fois-ci et il était inexcusable. Surtout qu’il venait pour une bonne raison ! Il murmura quelques excuses, espérant que la maréchale Nali les accepterait. Elle fit un petit geste de la main pour lui dire que c’était bon avant de prendre la parole :

« Bon… Que veux-tu savoir au sujet de ces lignes noires ? »

« D’où elles viennent ! Ce qu’elles font ! Et pourquoi… Il ne faut pas en parler. »

« Tu vas tout simplement te calmer, tout d’abord. Ensuite… Pourquoi ne faut-il pas en parler ? Rien ne t’en empêche mais tu ne tiens donc pas à la vie. Pour leur provenance, elles viennent de toi tout simplement. Mais si tu veux que je sois plus précise, elles sont issues de l’un des deux dieux ayant régi ce monde en des temps ancestraux. »

« L’un des deux dieux ? Depuis quand… » dit-il avant de s’arrêter, la maréchale répliquant :

« Cela se voit que tu n’as pas eu une éducation très développée sinon tu serais au courant de quoi je parle. Les lignes noires sont issues du dieu maléfique Alzar tandis que les lignes blanches sont issues de la déesse sainte Zélisia. »

Déesse sainte ? Dieu maléfique ? Il nageait en pleine guerre des religions ? Enfin non… Si l’Ombre avait des lignes blanches, alors elle avait un pouvoir issu… de Zélisia ? Mais lui alors ? Ca voulait dire que ses pouvoirs étaient…

« J’ai les pouvoirs d’un dieu ! Mais… Ces lignes… » tenta de dire Tery.

« Elles sont très rares mais tu n’es pas unique dans ce monde. Evite même de penser ça car d’autres portent ces lignes. Des femmes et des hommes que tu ne connais pas les possèdent depuis bon nombre d’années, de décennies voir de siècles. »

« Mais… Est-ce que ces lignes noires sont maléfiques ? Dangereuses ? »

« Je te laisse deviner la réponse par toi-même. » conclut la femme en armure noire.

Il contenait un pouvoir effrayant dans ses mains, dans son corps… Un pouvoir que nul ne devait trouver car il était bien trop inquiétant. Mais quand même… De là à vouloir le tuer. Il devait encore savoir ! Il devait connaître la vérité !

« Est-ce que… Ceux possédant des lignes blanches doivent obligatoirement tuer ceux possédant des lignes noires ? Et inversement ? » osa-t-il poser comme question.

« Tu me demandes donc si il est normal ou non que des pouvoirs issus des ténèbres affrontent ceux issus de la lumière ? Est-ce une blague ? »

« Non ! Non ! Juste que… Disons… Voilà… J’ai connu une personne qui avait ces lignes… blanches et au fur et à mesure… J’ai faillit me faire planter une flèche dans la tête et donc… Disons que ça s’est très mal terminé. »

« Et qu’attendais-tu pour me signaler que tu étais peut-être un dangereux fugitif ? »

« Je ne suis pas un fugitif ! La seule chose de mauvais que j’ai… Ce sont ces lignes. »

Il venait d’être blessé par les paroles de la maréchale Nali. D’abord, il n’était pas le seul à posséder ces lignes noires donc ça le réconfortait. Ensuite, il en était certain : lui et l’Ombre ne pourraient plus jamais se côtoyer à cause de leurs pouvoirs… et de ces deux dieux. La maréchale Nali l’observa quelques instants avant de soupirer :

« Et je n’en ai pas terminé avec toi. Je vais bientôt partir d’ici dans un ou deux jours. Toi et ton groupe, vous recevrez une prime issue de ma propre bourse pour la mort du glumarx. »

« Co… Comment ? Mais nous n’avons… » tenta de dire Tery.

« Ne te moques pas de moi. J’ai bien plus d’expérience dans le fait de déceler les mensonges que n’importe qui dans le royaume de Shunter. Tu ne peux pas m’avoir avec des paroles aussi grossières. De plus, le fait que le soi-disant groupe ayant réussi à éliminer le glumarx soit sorti indemne de ce combat était plus qu’étrange. Surtout pour une première fois… »

Ah… Il était content… Vraiment content d’apprendre ça. La maréchale Nali savait pertinemment qu’ils avaient tué le glumarx ! Ca lui mettait un peu de baume au cœur d’apprendre ça même si… Au final, tout n’était pas arrangé. Il restait quand même le problème de la gloire que l’autre groupe allait retirer et puis… La maréchale Nali ne semblait pas en avoir terminé avec l’histoire des lignes.

« Maintenant que tu es au courant de tout, je vais te donner un dernier conseil : évite au maximum d’utiliser cette magie sauf si tu as envie de te laisser dévorer par ces lignes noires. Alors que les lignes blanches peuvent aider leur porteur à se soigner très rapidement ou à faire diverses choses plus ou moins utiles, les lignes noires engendrent la destruction de leur porteur au fur et à mesure qu’elles sont utilisées. Si tu n’as pas envie de sombrer dans la folie, écoute ces paroles… et passe une bonne nuit. »

Une bonne nuit ? AH ! Elle était ironique, hein ? Il la regarda partir sans dire un traître mot. C’était… vraiment moche de lui dire ça maintenant. Il se sentait mal… Qu’est-ce qu’il allait devoir faire alors ? Rien… Il n’allait rien faire du tout. C’était de sa faute : il avait voulu la vérité au sujet de ses lignes noires, il l’avait eue.

La nuit se passa très bien… du moins… Il aurait aimé penser ça mais il savait pertinemment que ce n’était pas le cas. Comment aurait-il pu bien dormir ? En y réfléchissant, il se rappelait n’avoir aucun souvenir entre le moment où il avait vu l’Ombre se faire blesser et renvoyer contre un mur et celui… où il se retrouvait devant le cadavre du scorpion cyclope.

Ah… Ah… Il ne devait pas y penser, pas maintenant. Réveillé à l’aurore au petit matin, il se dirigea vers la cantine où tout le monde pouvait prendre de quoi se nourrir. Cherchant du regard si Olin était déjà réveillé, il le vit en train de manger, quelques feuilles et enveloppes posées à côté de lui sur la table. Il fit un petit geste de la main pour le saluer, se dirigeant vers lui avant de s’asseoir en face. Il lui demanda calmement :

« Bonjour, Olin. Tu as bien dormi ? Tu as déjà commencé à écrire ? »

« Non, pas encore ! Mais je crois que nos salaires arrivent aujourd’hui alors je prends un peu d’avance. Oups ! Bonjour lieutenant Tery, j’ai oublié de vous le dire. Pardon. »

Bah ! Ce n’était qu’une formalité, il n’allait pas vouloir le trucider pour ça non plus hein ? Ils déjeunèrent ensemble, parlant de tout et de rien. Comme il lui avait raconté hier, il donnait la majeure partie de son salaire à ses parents pour leur permettre de vivre. Être un soldat en ces temps très durs était un métier qui rapportait mais qui était néanmoins dangereux. C’est pour ça qu’il avait décidé de le devenir. Il lui racontait aussi qu’il n’était pas forcément très intelligent ou très éclairé et donc qu’il ne pouvait pas prétendre à un métier trop pointilleux. C’est vrai… que certains n’avaient pas toujours cette chance de choisir. Lui aussi… en quelque sorte. En y réfléchissant, il se demandait ce qu’il serait devenu s’il était resté avec l’Ombre.

Le petit-déjeuner se termina tranquillement et ils avaient leur journée pour se reposer après les scènes d’hier. Avec les nombreux morts qui étaient tombés au combat lors de la chasse au glumarx, il valait mieux qu’ils évitent de trop en faire et il trouvait que ce n’était pas de refus. Ce ne fut pas la maréchale Nali qui leur donna leur bourse contenant leur salaire mais l’un des quelques gardes qui l’accompagnaientt habituellement. Olin fut le premier surpris de voir qu’il y avait plus de pièces que d’habitude mais il lui expliqua que c’était une petite prime pour ce qu’ils avaient accompli hier. Enfin bon… Normalement, ils ne devaient pas être au courant que la maréchale avait compris le stratagème du groupe pourri jusqu’à la moelle.

« On se met à écrire maintenant ? Je peux te prendre un morceau de papier ? »

« Aucun problème, lieutenant ! Maman va être sacrément contente d’apprendre que j’ai eu une prime pour mon premier mois ici ! » s’écria Olin après lui.

« C’est ton premier mois aussi ? Ah et bien, on n’est pas si différents l’un de l’autre ! »

Il rigola un petit instant, Olin l’accompagnant dans son rire avant que les deux personnes ne se mettent à écrire. Lui, il ne savait pas vraiment quoi dire… Du genre : « Coucou Maman, tu n’as pas à t’en faire, je me suis enrôlé dans l’armée de Midès, j’ai failli mourir plusieurs fois, j’ai rencontré une personne très louche portant un masque blanc. » Hum… Ce n’était pas forcément très conseillé d’inquiéter sa mère comme ça.

Cela lui prit une bonne heure, Olin lui donnant quelques conseils alors qu’il cherchait ses mots. Il la prévenait simplement qu’il allait bien et qu’il était désolé d’être parti sans prévenir. Il lui indiqua qu’il était en sécurité dans l’armée de Midès et qu’il avait déjà trouvé des personnes appréciables ou presque pour l’épauler. Il lui parlait aussi de ses mésaventures de ses débuts, peut-être qu’il mentait assez souvent mais lorsqu’il s’agissait de sa mère, il préférait lui raconter la vérité. Il fallait dire que le mensonge horripilait sa mère et que ses fesses s’en rappelaient que trop souvent. Question de sécurité. Il lui signala aussi qu’il lui donnait une partie de son salaire pour lui permettre de mieux vivre et qu’il tentera de venir le plus rapidement possible dès qu’il aurait une permission.

La lettre partit avec celle d’Olin et il se demandait s’il allait avoir rapidement une réponse ou non. Dire que la maréchale Nali allait  combattre ailleurs… Mais combattre pour quelle raison ? C’est sûr qu’une personne hautement qualifiée comme elle devait voyager beaucoup mais il se demandait si il y avait des personnes aussi… prestigieuses qu’elle et aussi puissante. Enfin bon… Il ne devait pas se poser de questions.

Moins d’une semaine plus tard, Olin lui signala qu’il avait reçu une lettre de la part de ses parents. Il lui demanda s’il en était de même pour lui, le jeune homme aux cheveux bruns n’ayant pas été cherché son courrier. Il lui demanda d’attendre quelques minutes, le temps de se rendre dans le bâtiment principal pour les envois et les réceptions. Dix minutes après, il avait lui aussi une lettre, expliquant à Olin qu’il préférait la lire seul.

Bon… Qu’est-ce qu’elle lui disait de beau ? Il s’était enfermé dans sa chambre, ouvrant la lettre avant de la parcourir. Bon… Sa mère avait une belle écriture, très différente de la sienne. C’était bizarre en un sens mais comme il n’avait jamais été à l’école … ou à peine le minimum nécessaire. Il commença à la lire, haussant un sourcil dès les premiers mots :

« Je sais que tu vas bien, j’étais déjà au courant de ta présence dans Midès. Merci beaucoup pour l’argent que tu m’as envoyé mais tu es vraiment sûr que tout va bien ? Je n’aimerais pas perdre mon fils trop jeune alors que j’ai déjà perdu mon mari. Je ne savais pas que tu t’étais déjà fait des amis là-bas ? Tu te comportes correctement ? C’est vrai que tu es un adulte maintenant mais je n’arrive toujours pas à croire que toi, tu ais rejoint l’armée de Midès. Ton père serait fier de toi, j’en suis sûre.

Tu dois te demander sûrement comment je savais pour Midès et ton enrôlement dans l’armée ? Et bien, je dois t’avouer que je ne m’attendais pas à recevoir de tes nouvelles et j’étais morte d’inquiétude mais il y a quelques jours avant que je ne reçois ta lettre, une personne est venue. Elle avait une longue cape brune et portait un masque blanc au visage. Elle avait demandé aux gardes à me voir. Elle m’a longuement parlé de toi, de tes progrès, de tes ambitions. Je ne savais même pas que tu avais décidé d’utiliser la magie et les armes. Je suis heureuse pour toi. Par contre, cette personne m’a demandé quelque chose de bizarre : elle m’a dit de te prévenir de ne jamais te mettre à la recherche des médaillons. Je ne sais pas de quoi elle parlait mais ça semblait assez important. Bon, je n’ai pas l’habitude d’écrire mais j’espère que tu m’enverras plus souvent de tes nouvelles. »

Même pas un bisou ? Pfff… Enfin, il aurait du s’en douter. Dans la famille, dès qu’il s’agissait de montrer des gestes de tendresse, tout le monde était aux abonnés absents. Mais maintenant… Quelque chose l’intriguait… L’Ombre ? L’Ombre avait parlé à sa mère ? Et les médaillons… Est-ce que cela voulait dire qu’il allait la revoir un jour ? Ah ! Il devait arrêter de se poser des questions. Maintenant… Il devait se débrouiller pour s’améliorer. Un jour peut-être, il allait retrouver l’Ombre mais en attendant qu’il arrive, il allait devoir s’entraîner… encore plus qu’auparavant. Le glumarx lui avait montré qu’il était loin d’être doué. Une main posée sur un livre représentant un colosse de pierre, il eut un petit sourire. Oui… Il était temps d’accentuer ses efforts !

« Roi Theor, je suis de retour. Comme écrit dans la missive envoyée à sa Majesté, j’ai trouvé un porteur. Il n’est encore qu’au début de son apprentissage mais je suis sûre qu’il pourra nous être très utile dans l’avenir. D’ici un ou deux mois, nous pourrons l’envoyer récupérer les médaillons ancrés dans notre royaume. Ou alors… ailleurs. »

La femme à l’armure de plaque noire avait un genou au sol, une main posée sur le cœur alors qu’elle parlait à un homme assis sur un trône à l’armature dorée. Celui-ci avait de longs cheveux blancs, une barbe très longue de même couleur bien que ses deux yeux dorés semblaient être encore très vifs. Il portait une longue bure noire qui contrastait avec son état de roi. Il ressemblait au final… plus à un prêtre.

Chapitre 26
Troisième partie : Détresse

Chapitre 26 : De retour à l’orphelinat

« Vous voulez partir dès maintenant ? Mais… Qu’est-ce que vous avez dit à Tery ? Il est parti comme une flèche sans même me saluer. » demanda l’aubergiste.

« Disons que… Qu’il avait autre chose à faire… Et moi aussi… Combien est-ce que je vous dois ? Pour… les derniers jours. » répondit l’être masqué de blanc.

« Oh, vous avez déjà payé, vous ne vous en rappelez pas ? »

« Ah. D’accord, merci beaucoup. Je m’en vais définitivement. Je vous remercie de nous avoir hébergé pendant ces quelques semaines voir mois. » termina de dire l’être encapuchonné.

« Tout le plaisir était pour moi. En espérant vous revoir un jour, ensemble, ça serait mieux. »

Ensemble ? Ah… Quelle bonne blague… Ils n’allaient plus être ensemble. C’était terminé maintenant, complètement terminé. Il n’y avait pas de retour en arrière. Peut-être qu’elle aurait pu rester avec lui non ? Qu’est-ce qui l’en empêchait ? Son devoir ? Ses obligations envers l’Oracle ? Tout ce qui s’était passé ?

« Au revoir, je ne sais pas si je reviendrais ici par contre. »

Elle s’inclina légèrement avant de quitter l’auberge. Maintenant, il était temps de retourner voir l’Oracle, de lui montrer le médaillon qu’elle avait récupéré et de lui dire… que le porteur n’était pas mort. Elle détestait le mensonge… Elle détestait tellement mentir. C’était quelque chose qui l’horripilait. C’était pour ça… qu’elle allait poser des questions à l’Oracle.

« Hey mais… C’est toi ? Tu vas mieux ? T’as vite récupéré ! » s’écria une voix masculine.

Hum ? Ah… C’étaient les gardes… Elle s’était mise à marcher vers la sortie sans réellement savoir ce qu’elle faisait. Ah… Qu’elle était bête… Vraiment bête… Elle hocha la tête comme pour répondre muettement aux gardes avant de leur dire pourtant :

« Je suis habituée à combattre ! Il n’y avait pas à s’en faire. »

« Oui mais Tery était furieux. Un peu comme toi lorsque tu es venu le chercher. »

« C’était du passé… Il vaut mieux oublier tout ça. » murmura l’être masqué évasivement.

« Du passé ? Ca remonte à peine à quelques jours, même pas une quinzaine ! »

« C’est bon, je vous ai dit. Merci bien ! » termina de dire l’Ombre.

« Tiens en parlant de Tery… Où est-ce qu’il se trouve ? » questionna l’un des gardes.

Pfff… Elle ne sentait même pas d’humeur à leur répondre. Elle s’éloigna du groupe de gardes chargé de surveiller la porte Sud, se disant que ça ne servait plus à rien de rester plus longtemps ici. Pendant de longues minutes, l’Ombre encapuchonnée s’était mise à marcher, se dirigeant sans savoir réellement où elle allait. Tery… Son seul compagnon en dix-huit ans… Un porteur… Elle était sûre que l’Oracle le savait à la base. Elle était sûre et certaine qu’il connaissait ça depuis le début. Mais pourquoi avoir fait une telle chose ? A quoi cela lui servait de la faire souffrir comme ça ? Elle poussa un profond soupir, remarquant finalement l’endroit où elle était. Elle… était revenue à l’arbre où Tery et elle s’entraînaient.

« Pffff ! C’est vraiment trop dur ! Y a trop de mots incompréhensibles, l’Ombre ! »

« On va faire plus simple, d’accord ? Tu vas me dire quel mot tu trouves compliqué et je te l’expliquerais, ce n’est pas plus difficile que ça. » murmura la personne masquée.

Ce fut la première semaine où il s’était montré réellement intéressé pour apprendre. Elle s’en rappelait parfaitement. Auparavant, jamais quelqu’un n’avait porté un quelconque intérêt sur sa personne et pour cause… Peu de gens connaissaient à peine son existence. C’était comme ça qu’elle avait été élevée… par l’Oracle. C’était comme ça qu’elle vivait depuis tout ce temps. Elle posa une main sur l’écorce de l’arbre, soupirant longuement alors qu’elle murmurait :

« Tout ça… est vraiment futile au final, non ? L’Oracle devait forcément savoir que tout ça allait se passer. Que Tery était un porteur des lignes d’Alzar alors que moi… Je suis une porteuse des lignes de Zélisia. C’était inscrit… Est-ce que c’était une épreuve ? »

Une épreuve pour savoir si elle était capable de retirer la vie à quelqu’un qu’elle appréciait ? Quelqu’un avait qui elle avait passé du temps ? Car oui… Elle avait déjà dû tuer… dans le passé. Même avant d’être adulte mais JAMAIS… Quelqu’un qu’elle connaissait aussi bien. Tery, Tery, Tery… C’était si dur de ne plus avoir quelqu’un avec qui parler.

« Je ferais mieux de me remettre en route, j’ai perdu assez de temps. » souffla l’être masqué.

Elle retira sa main de l’arbre, l’observant quelques instants avant de venir s’asseoir contre ce dernier. Fermant ses yeux saphir, elle se laissa vagabonder dans ses souvenirs et dans ce qui s’était passé depuis le jour où elle avait rencontré le jeune homme aux cheveux bruns. Dire qu’elle avait dû le sauver alors qu’elle était en quête de l’un des médaillons, celui de Tarka. Ils étaient tellement nombreux, elle se demandait même si d’autres personnes étaient à leurs recherches. Oh… Elle savait parfaitement qu’il y en avait mais bon… Est-ce qu’ils étaient nombreux ? C’était ça la question qui la taraudait et puis… et puis…

Et puis elle s’était endormie tout simplement. Cela n’avait pas été très difficile. Son lot d’émotions, la fatigue qui serait apparente sur son visage s’il n’était pas masqué, tout… Tout était si compliqué dans sa vie. Pourquoi être née comme ça ? Pourquoi avoir fait tout ça ? Elle s’était laissée aller, voilà tout simplement. Deux heures plus tard, ses yeux bleus s’ouvrirent sous le masque blanc souriant. Elle se redressa, s’étirant quelques instants avant de dire quelques phrases pour elle-même :

« C’est bon… Ce n’est pas en restant ici que ça changera quelque chose. Ce qui est fait est fait… Voilà tout. Je n’ai pas… à me poser plus de questions. Les choix de l’Oracle ne doivent pas être contredits ou discutés. Tout ce qu’il dit est bon. »

Oui, ses sentiments personnels n’avaient pas à être pris en compte dès qu’il s’agissait d’une mission. C’était sa première mission en extérieur, c’était la première fois qu’elle quittait l’orphelinat et ses environs. C??était la première fois qu’elle allait dans un royaume. Tellement de première fois, c’était pour ça qu’elle ne devait pas faillir même si c’était déjà trop tard. Une partie de la mission avait été réussie, n’était-ce pas déjà assez pour l’Oracle ?

Elle obtiendrait sa réponse d’ici quelques jours, le temps de faire un long voyage. Elle ne se sentait pas motivée… à utiliser ça. En plus, ça la fatiguait beaucoup trop et rien ne pressait hein ? Il lui suffisait de trouver un village ou une ville, d’y écrire une lettre et de l’envoyer à l’Oracle pour lui dire qu’elle serait de retour. Oui… C’était ça qu’elle allait faire mais pas maintenant. Elle devait repartir et quitter les environs de Midès le plus vite possible. Tery… Pfff… Ce nom resterait gravé en elle, elle en était certaine.

« Tery… Tery… Ce n’est plus la même chose sans toi. » murmura l’être encapuchonné.

Elle devait partir du royaume de Shunter, elle n’avait pas cinquante mille choix ! Elle n’arrêtait pas de se dire qu’elle accumulait les bêtises, les unes après les autres. Si encore, elle avait décidé de tuer Tery, alors l’Oracle serait heureux car elle aurait remplie sa mission. Mais si elle ne l’avait pas tué et qu’elle décidait de ne plus se préoccuper de l’Oracle, alors là aussi, elle serait heureuse. Mais au final, qu’est-ce que ça avait donné ?

« Rien du tout ! RIEN DE RIEN ! » hurla la personne masquée de blanc.

Le fait qu’il n’y ait personne autour d’elle était une bonne chose sinon… On aurait pu la prendre pour une folle hystérique. Bon… Ce n’était pas le cas mais quand même, il valait mieux que personne ne sache qu’elle pouvait s’emporter aussi facilement des fois. Elle posa une main sur son masque blanc, le retirant légèrement. Elle allait se dépêcher. Plus vite elle rentrerait, plus vite elle aurait une nouvelle mission, plus vite elle oublierait alors Tery. Elle poussa un léger soupir, retirant ses gants rouges alors qu’apparaissaient des lignes blanches sur ces mains. Lentement, elle posa ses mains sur ses pieds, une lueur blanche émanant d’eux alors qu’elle repositionnait son masque blanc sur son visage. Un premier pas, puis un second et elle se mit à courir à une vitesse bien plus grande que celle d’auparavant. Dire qu’elle s’était promis de ne pas l’utiliser à nouveau pour ne pas écourter le voyage, pour ne pas perdre de temps et voilà que quelques heures plus tard, elle était en train de faire la course.

Stupide ! Elle était complètement stupide et indécise ! Elle se montrait si adulte quand il était là, elle avait l’impression d’avoir un petit animal à protéger et dès qu’il n’était plus présent, elle redevenait comme avant. Si confuse, si gênée, si… impotente. Au final, elle connaissait beaucoup de choses, elle savait les utiliser… Mais si elle n’avait personne à qui les montrer, alors elle devenait complètement inutile, voilà tout !

C’était comme ça… Elle n’arrivait pas à se concentrer si elle ne pouvait pas montrer ce dont elle était capable à quelqu’un d’autre. Tery semblait toujours aussi impressionné à chaque fois qu’elle utilisait des sorts mais… En fin de compte, elle n’était pas plus douée qu’un autre. Elle était studieuse, ça, personne ne pouvait penser le contraire mais à côté, elle n’avait pas plus de points forts qu’un autre.

Enfin… Ce n’était pas le moment de se rappeler tout ça ! Elle accéléra le pas, quitte à s’essouffler et s’épuiser inutilement, elle devait évacuer tout ses problèmes. A force de se ressasser toutes ces choses, ça n’allait mener à rien de bon ! Tery était du passé ! Tery avait décidé de rentrer dans l’armée de Midès, une armée qui allait lui causer beaucoup de problèmes d’après les dires de l’Oracle ! Donc, dorénavant, ils allaient être ennemis même si il y avait peu de chances qu’ils se revoient un jour ! Intérieurement… Elle en avait envie… Mais bon… Est-ce qu’elle pouvait forcer le destin à ça ? Et surtout, est-ce que LUI le voudrait ? C’était une question à laquelle elle ne connaîtrait sûrement jamais la réponse.

Elle avait parcouru un nombre plus qu’impressionnant de kilomètres et la nuit était déjà tombée. Où est-ce qu’elle allait dormir ? Dans sa précipitation, elle n’avait même pas cherché une ville ou un village pour dormir à l’auberge. Dans sa précipitation… Elle n’avait même pas pensé à acheter une tente. A part une simple couverture pour se réchauffer… Elle n’avait rien du tout. Même la nuit allait être longue… Très longue…

Pourquoi avait-elle aussi peu de chance ? C’est vrai non ? Pourquoi le destin s’acharnait-il sur elle ? Elle observa la plaine verdoyante où elle se trouvait. Elle n’avait aucune idée de l’endroit où elle se trouvait. Demain, elle irait chercher un village et se renseignerait à propos du chemin à suivre. Mais pour ce soir… Elle allait devoir dormir ici. Elle se coucha à même le sol, observant le ciel étoilé.

Elle ne tarda pas à trouver le sommeil, ça n’avait pas été très difficile après tout ce qui s’était passé avec sa fatigue et ses réflexions. Le lendemain matin, elle était repartie sans même se soucier de déjeuner ou non. Elle devait trouver une ville et le plus rapidement possible. Elle n’avait même pas pensé à prendre une carte. Mais pourquoi… Pourquoi s’était-elle enfuie aussi rapidement de Midès ? Elle aurait pu réfléchir pendant deux minutes et éviter de se presser ! Surtout que maintenant, elle avait oublié tellement de choses comme le sac contenant les différentes armes qu’elle avait acheté. Un sac un peu spécial, il fallait le reconnaître. Une merveille de création !

Ce sac portait le nom de sac d’abondance. Malgré sa taille, il permettait d’engouffrer cinq à dix fois plus d’objets qu’un sac normal. Tout cela était question de magie qui déformait l’espace à l’intérieur du sac pour y permettre d’y déposer tout ce que l’on désirait. Enfin, ces sacs étaient aussi légers que ceux que l’on pouvait porter habituellement. Un véritable chef d’œuvre crée par un royaume autre que Shunter… Un royaume qu’elle n’avait jamais visité… comme tous les autres en fin de compte.

« Mais pourquoi j’ai tout oublié ? Pourquoi ? L’Oracle va m’en vouloir pour la perte de sac. Déjà qu’ils coûtent horriblement chers… » murmura la personne masquée.

Elle n’avait pas réfléchir à tout ça ! Elle s’était mise à marcher avec zèle, cherchant un chemin à suivre pour arriver jusqu’à un village. Heureusement, elle eut plus de chance qu’auparavant, elle ne mit qu’une trentaine de minutes à trouver un chemin dessiné dans la terre. Elle se dit qu’au bout de ce dernier, elle allait bien trouver un village !

Et ce fut le cas… Bien que le village consistait à une vingtaine de bâtiments et encore… Mais au moins, elle n’était pas perdue et elle demanda quel était le nom de ce village et surtout où elle se trouvait par rapport à Midès. Après maintes explications, on lui signala qu’elle se trouvait tout simplement au sud-est de Midès.

Le sud-est de Midès… Elle n’était pas si loin que ça du village de Tery… Enfin, quand même si… Elle l’était sans l’être réellement ! Mais maintenant, elle savait où se diriger ! Direction le nord-est jusqu’à la frontière de Shunter ! A partir de là, elle saurait où aller. Ce n’était pas plus compliqué que ça dans l’idée. Néanmoins avant…

Direction l’auberge où elle allait pouvoir se nourrir convenablement. Il lui restait quand même quelques pièces d’or, ce n’était pas grand-chose si elle avait une folie dépensière mais ça pouvait lui permettre de s’en sortir pour les prochains jours. Elle demanda une feuille et de quoi écrire. Elle devait quand même prévenir l’Oracle à son sujet. L’endroit n’était pas inconnu, le nom non plus mais… L’Oracle savait se faire discret, c’était pour cela qu’elle écrivait avec une certaine précaution et assez rarement. Enfin bon… Maintenant que c’était fait, elle pouvait repartir. Elle n’aimait pas rester en place.

A force d’être cloisonnée pendant presque dix-huit ans, elle avait envie de bouger, de vivre et d’exister ! C’était pour ça qu’elle était aussi motivée avec Tery ! C’était pour ça qu’elle avait décidé d’être aussi joyeuse et entraînante avec lui, malgré son mauvais caractère ! Même si elle ne le montrait pas forcément, elle n’y connaissait pas grand-chose à tout ce qui l’entourait. En fait, elle découvrait en même temps que lui sauf que contrairement à lui, elle avait soif d’apprendre. Enfin… Elle avait réussi à le motiver un peu sur ce point là.

« Tery… Tery… Tery… Tu vas vraiment me manquer. » murmura la personne masquée.

Quelques têtes se levèrent, se tournant vers elle. C’est vrai qu’elle venait de parler à voix haute. Elle termina rapidement sa boisson, quittant sa table en remerciant l’aubergiste. C’était bon, elle n’allait pas se rendre encore plus ridicule qu’auparavant. Pourquoi… mais pourquoi elle se mettait à penser comme ça ? Tery, c’était son élève ! C’était quelqu’un qui connaissait très peu à la vie en-dehors de son village…

Un peu comme elle qui ne connaissait RIEN du tout en-dehors de l’orphelinat où elle avait été élevée. Mais là, elle avait vite appris à se débrouiller toute seule, à côtoyer des gens même si au départ… Elle était assez timide et réservée. En fait… Elle l’était toujours mais quand elle avait vu le caractère grognon de Tery et tout de suite, elle s’était dit que ça serait stupide de montrer sa timidité au jeune homme.

Dans ce genre de cas, si elle ne prenait pas les devants, alors ils ne seraient jamais partis du bon pied et ils n’auraient jamais progressés ! Car oui… Elle aussi avait progressé, elle le savait très bien. Sans lui, elle n’aurait jamais pu nouer des contacts assez solides avec une autre personne de son âge. Sans lui, peut-être qu’elle se serait laissée aller pendant ces quelques mois. Sans lui, elle n’aurait jamais visitée une ville aussi grande que Midès et puis découvert toutes ces choses… Ou alors, elle se cachait la vérité… Qu’est-ce qui lui en aurait empêché ? Rien du tout… Elle poussa un léger soupir.

Plusieurs jours s’écoulèrent, traversant de nombreux paysages, elle marchait pour éviter de prendre du retard pour son retour. Lorsqu’enfin, elle quitta le royaume de Shunter en passant par une frontière sérieusement gardée, elle était… heureuse dira-t-on. Elle allait bientôt revoir l’Oracle et pouvoir lui dire tout ce qu’elle avait sur le cœur et lui parler de tous ses soucis. Ca revenait un peu à la même chose mais bon…

Enfin… Le chemin disparaissait… et elle devait sortir des sentiers… Voilà qu’elle se rapprochait de l’orphelinat qui l’avait élevée pendant toutes ces années… En fait, depuis le jour où elle était née, elle habitait dans cet orphelinat. Plusieurs personnes s’en occupaient mais celui qui gérait toute la petite bande se faisait appeler l’Oracle. Un Oracle comme il n’en existait plus… Bien que… Des fois, elle se demandait ce qui pouvait lui passer par la tête. De toute façon, elle aurait ses réponses très bientôt.

Un magnifique bâtiment blanc de plusieurs mètres de hauteur fait en pierre se présentait devant elle. Son toit était fait sous la forme d’un dôme alors que deux ailes se trouvaient sur les côtés. Il était possible de remarquer que deux bâtiments se trouvaient à environ une centaine de mètres de l’orphelinat. Quelques enfants jouaient près de ces derniers. Cela devait être sûrement l’endroit où les jeunes garçons et les jeunes filles dormaient. Elle amorçait à nouveau une marche pour se diriger vers le temple alors qu’un groupe de trois enfants courait vers elle. Une petite fille aux boucles noires vint crier :

« C’est grande sœur ! Elle est de retour ! Où est-ce que tu étais passée ?! »

« Ce n’est pas grande sœur mais grand frère ! C’est un garçon ! » s’écria un garçon.

« Vous avez tord tous les deux ! C’est… C’est… Euh… Euh… Je sais plus moi ! »

« Bonjour à vous aussi, vous n’êtes pas en train de jouer avec les autres ? » demanda-t-elle.

« Et bien si ! Sauf qu’on ne pensait pas te revoir ! Les grandes personnes, elles disent que tous ceux qui quittent le temple, ils ne reviennent pas. » répondit le troisième enfant, un garçon.

« Et pourtant ? Est-ce que je ne suis pas devant vous ? En chair et en os ? »

Elle posa un genou au sol, observant les trois enfants devant elle à travers son masque blanc. Ils devaient à peine avoir sept ou huit ans au maximum. Ils étaient si jeunes et pourtant… Elle savait en quoi consistait cet orphelinat. C’était là qu’ils hébergeaient tous ceux capables un jour ou non de posséder ces fameuses lignes blanches, celles de la déesse Zélisia. Elle alla caresser de sa main gantée de rouge les têtes des enfants avant de leur dire de retourner jouer. Une voix la fit se tourner vers la gauche, une vieille femme s’adressant à elle :

« Tu es de retour, Elu ? L’Oracle a reçue ta lettre. Il t’attend de ce pas dans l’orphelinat. »

« Oui… Je suis désolé… d’être parti aussi longtemps. Et cela simplement pour un unique médaillon. L’Oracle ne risque pas d’être content. » bafouilla l’être masqué.

« Allons, allons… Vas donc le voir. Tu n’as pas à t’inquiéter pour cela. »

« Merci pour tout ce que vous avez fait pour moi, madame Elra. »

« Allons, allons, dépêche toi. Vas au plus vite à l’intérieur et fais donc ton rapport. »

La vieille femme émit un petit sourire alors qu’elle hochait la tête. Elle avait raison, entièrement raison, elle ne devait pas se faire de soucis. L’Oracle allait la comprendre et lui pardonner. Elle allait discuter avec lui de tout ça, de tout ce qui s’était passé pendant ces derniers mois et alors… Tout serait réglé. Elle espérait simplement… qu’au fond… Elle puisse retourner dans le royaume de Shunter.

Elle toqua plusieurs fois à une porte faite de bois blanc. Pendant quelques instants, aucun bruit ne se fit entendre de l’autre côté. Puis enfin, une voix lui demanda de bien vouloir rentrer à l’intérieur et de refermer la porte derrière elle. La main posée sur la clenche, elle ouvrit la porte, s’engouffrant dans la pièce pour se retrouver devant un bureau entouré par deux petites bibliothèques remplies de nombreux livres aux couvertures aussi anciennes que différentes. Deux yeux argentés se posèrent sur elle  avant qu’une voix ne dise :

« Et bien… Mon enfant… Il était temps que tu reviennes. »

« Pardonnez-moi, Oracle. Je me suis perdue en route et je ne savais pas co… »

« Cela ne fait rien, cela ne fait rien du tout. » reprit la personne en face d’elle.

Le vieil homme qui se tenait debout devant elle avait une longue chevelure blanche mais sa barbe n’était pas en reste. De même, sa moustache effilée était très bien fournie tandis que son regard était bienveillant envers l’Ombre. Par rapport à elle, il devait bien mesurer dix à quinze centimètres de plus alors qu’il portait une robe blanche qui faisait penser à celles que portaient les gens travaillant dans la religion.

« Mais parlons plutôt de toi, mon enfant. Que s’est-il passé exactement ? » demanda l’Oracle.

« Et bien… Je… Comme vous me l’aviez conseillé, je me suis rendue aux environs du village de Leskar pour y trouver un autre Elu qui n’avait pas encore été reconnu. »

« C’est exact… Peux-tu continuer ? J’aimerais connaître toute l’histoire. N’omets aucun passage s’il te plaît. Je te fais confiance. »

« Comme… Comme vous le désirez, Oracle. Ainsi… Lorsque j’ai rencontré Tery, je me suis tout de suite dit que c’était lui la personne dont vous me parliez ! Par contre, il ne connaissait rien du tout à l’art du combat et de la magie. » dit la personne masquée.

« Un véritable néophyte… Avait-il ton âge ? »

« D’après ce qu’il m’a dit, c’était le cas. Il ne m’a pas vraiment tout raconté à son sujet mais je le savais à son physique et à ses paroles qu’il disait la vérité. »

Hum… C’était une bonne chose. Elle avait donc rencontré Tery comme il le pensait. Ses visions n’avaient donc pas été faussées. Néanmoins, il restait un problème de taille et elle le savait aussi bien que lui. Mais pour cela… Il fallait qu’elle continue de parler et de lui dire ce qui s’était passé dans les moindres détails. Il l’invita à s’asseoir alors qu’il faisait de même. Il posa ses deux coudes sur le bureau, ses yeux argentés la regardant d’un air inquisiteur :

« Et au sujet des médaillons. Est-ce qu’il a réagit ? Ou non ? »

« Il ne l’a jamais touché. Je ne voulais pas prendre le risque de blesser à vie un innocent… si ce n’était pas lui, l’être dont vous me parliez. » murmura la personne encapuchonnée.

« Tu as bien fait… et tu as échoué en un sens. » termina de dire l’Oracle.

« Oui… Je le sais… Pardonnez-moi encore une fois, Oracle. »

Elle inclina sa tête plusieurs fois pour s’excuser, le vieil homme faisant un geste de la main pour dire que ce n’était pas bien grave. Oh non… Elle n’avait pas à s’inquiéter pour cela. Elle n’était qu’au début de son récit… Un récit qui avait prit plusieurs mois.

Chapitre 27
Chapitre 27 : Anonymat complet

« Si tu veux bien continuer à me raconter ce qui s’est passé. » murmura l’Oracle.

« Alors… Il était d’abord très réticent à s’entraîner. » reprit l’être masqué.

« Même devant tes nombreux combats ? Pourtant, d’après mes souvenirs, je pensais t’avoir appris bon nombre de choses. Avec ceci, tu aurais du l’impressionner. »

« Et bien… Tery était plutôt du genre à ne pas vouloir s’intéresser à tout ce qui est magie et art d’utiliser des armes. En fait, il était un véritable néophyte. »

« Tu répètes mes propres mots, mon enfant. » annonça le vieil homme.

Elle s’excusa et bafouilla quelques paroles. Ce n’était pas ce qu’elle voulait, non, loin de là ! Elle recherchait les mots qu’elle devait prononcer. En y réfléchissant bien, l’Oracle lui avait souvent parlé des porteurs adverses, ceux qui étaient considérés comme ses ennemis. Mais ce n’était pas tout…  Est-ce qu’elle devait lui dire que Tery avait essayé de la tromper ? Oui, il valait mieux tout avouer à ce sujet. La personne encapuchonnée redit :

« Enfin… Il s’est montré bien plus enclin à me suivre. »

« Quel était son élément de prédilection ? Même si c’était un Porteur… » demanda l’Oracle.

« La Terre ! Je dirais que la Terre lui convenait parfaitement ! Ou alors le Vent… »

« Hum… Je vois, je vois… Mon enfant… Tu peux continuer. »

Il semblait un peu surpris de la voir lui répondre aussi rapidement et avec autant d’excitation comme si elle connaissait Tery plus que nécessaire. En fait, c’était la manière dont elle avait parlé. Elle lui avait coupée la parole en plein de sa seconde phrase comme si de rien n’était et cela l’étonnait. De la part de l’être emmitouflé dans sa cape brune, c’était plutôt rare.

« Ainsi, il devait apprendre toutes les bases de la magie ! » s’exclama l’Ombre.

« Même les sorts les plus faciles ? Cela est étonnant. N’as t-il donc eu aucune éducation ? »

« Par contre… Ca… Je ne sais pas, Oracle. Excusez-moi de ne pas être au courant à ce sujet. Sinon, il utilisait des armes peu courantes ! » dit-elle avec amusement.

« Ah bon ? Et quelles sont ces armes ? Je ne crois pas être informé de celles-ci. »

« Des griffes. J’avoue que ça m’a étonné la première fois. Ce n’est pas des armes que l’on utilise lorsqu’on apprend à se battre. Normalement, ils sont plus aptes à apprendre à manier une épée plutôt que des griffes mais lui… »

« Lui ? Continue donc… Je ne vais pas t’arrêter à chaque fois, mon enfant. »

« Lui… Il semblait très à l’aise avec ces griffes, comme si… Elles étaient faites pour lui. Au départ, je me rappelle qu’il s’est gratté la joue bien que je tentais de le prévenir. »

Elle éclata de rire, n’arrivant pas à se contrôler en se disant que Tery avait été sacrément doué à ce moment là. Sincèrement… Des fois, elle s’était demandée s’il le faisait exprès ou non mais il fallait reconnaître qu’il avait été un compagnon des plus intéressants, surtout lorsqu’on grattait sous la couche de colère qu’il s’était crée.

« Et bien, et bien… A croire qu’il avait tout d’un Porteur de nos lignes. » murmura l’Oracle.

« Oui… Enfin… Il a quand même montré des bons côtés ! » s’exclama l’Ombre.

« Et lesquels ? Si cela n’est pas indiscret bien entendu. »

« Et bien… Je… Disons que la bourse que vous m’aviez donnée, rétrécissait peu à peu et que nous étions tous les deux à court d’argent. » dit la personne masquée avec entrain.

« Je comprend, je comprend… Continue donc mon enfant, je t’écoute. »

Comment tout raconter à l’Oracle ? Ce n’était pourtant pas très difficile mais elle ne savait pas… Les yeux argentés du vieil homme l’observèrent d’un air inquisiteur et elle se sentait tellement mal à l’aise qu’elle aurait aimé se cacher dans un trou de souris et ne plus en sortir. Elle tenta de contrôler ses légers tremblements avant de commencer à prendre la parole :

« Alors, il s’était mis en tête de venir m’aider pour trouver de l’argent. »

« Et de quelle façon a-t-il essayé ? » questionna le vieil homme.

« En tuant des Gnomolds, il avait vu une affiche comme quoi, on donnait des récompenses pour des pattes de Gnomolds ! Alors, il a décidé de m’aider de cette façon. Vous savez, au départ, il se fichait vraiment de tout ce qui me concernait puis peu à peu… Il s’est ouvert vers moi et je crois que j’ai appris à le connaître. Enfin, je ne savais pas tout non plus à ce sujet. »

« Et pourtant, on penserait que tu es capable d’en parler pendant des heures entières. Me tromperais-je, mon enfant ? » dit l’Oracle avec un petit sourire aux lèvres.

Elle s’arrêta de parler, baissant sa tête masquée en observant le sol de ses yeux bleus. L’Oracle avait raison mais il fallait la comprendre… C’était vraiment la première fois qu’elle s’était liée avec quelqu’un depuis le jour où elle était née. Elle sursauta au moment où une main ridée se posa sur son épaule. Le vieil homme au regard argenté s’était rapproché d’elle. Il lui murmura d’une voix douce :

« Et bien, mon enfant…  Tu sembles encore perdu dans tes pensées. »

« Pardonnez-moi… Oracle… C’est simplement que… J’ai un peu de mal à croire ces lignes noires sur le corps de Tery. Comment… est-ce possible qu’un jeune homme comme lui soit atteint de cette… chose ? Il n’y a pas de possibilités de le faire changer de voie ? »

« Généralement, les porteurs des lignes du dieu Alzar sont voués au déclin. Si seulement tu avais terminée ta mission, tu l’aurais soulagée d’une très grande peine. »

Pardon, pardon, pardon, ENCORE PARDON ! C’était de sa faute ! Elle le savait parfaitement mais… mais… Pourquoi lui avoir dit de faire ça alors qu’il devait se douter qu’elle n’aurait pas réussie cette mission, hein ?! Elle… Elle… Elle était dépitée.

« Oracle ? Qu’est-ce que je dois faire ? Qu’est-ce que… » balbutia la personne masquée.

« Me racontez la suite et fin de votre histoire, mon enfant ? A toi et à Tery ? »

« Si vous le désirez… Je vais vous dire… Ce que j’ai décidé de faire après que j’ai reçue votre seconde lettre, Oracle. Près de Midès, du moins, dans la capitale de Shunter, il y avait un endroit qui s’appelle Litan Deseria. »

« Oui… Je comprends… Continue donc alors… » murmura le vieil homme avec calme.

« Là-bas, une créature y vivait : un scorpion géant cyclope. »

Un scorpion géant  cyclope ? Il la regarda quelques instants avec une légère appréhension : ce genre de créatures n’était pas forcément très rare mais du genre à se terrer dans des recoins cachés et surtout à être assez puissantes si on ne savait pas se battre. Il fit un petit geste de la main pour lui dire de continuer, ayant arrêté de poser l’autre main sur l’épaule de la personne au masque blanc. Celle-ci reprit la parole :

« Et bien, Tery voulait aller le combattre car d’après ce qu’il m’avait dit, il devait se rendre là-bas et ramener la tête du scorpion cyclope pour pouvoir rentrer dans l’armée de Midès. »

« En quelque sorte, une mission suicide pour éliminer une jeune personne un peu trop ennuyeuse. Est-ce bien cela ou je me trompe dans mes dires ? »

« Non, non ! C’est ce que j’ai pensé tout de suite ! Et puis… J’ai oublié… Il y a tellement de choses que j’ai oublié d’expliquer. Je devrais revenir en arrière. » dit-elle.

« Alors, fais donc, mon enfant. Je ne suis point pressé. J’ai déjà tellement vécu… »

« Alors, c’est au sujet des Gnomolds qu’il a essayé de tuer. Il est y arrivé mais il s’est retrouvé face à un chef de clan de cette race. Vous savez, Oracle… Ceux qui n’hésitent pas à trancher les mains de leurs congénères comme preuve de leur victoire sur les autres. »

« Oui, oui, je vois très bien. Mais pourquoi est-il parti seul ? Sans toi ? » demanda l’Oracle.

« Et bien… Je… Disons… que… Voilà… »

Elle baissa le regard à nouveau, murmurant qu’il avait appris d’une certaine manière qu’ils avaient des soucis d’argent. Comme elle ne l’avait pas prévenu, alors il s’était mis en tête de tuer des Gnomolds pour pouvoir payer l’auberge. Cela partait d’une bonne intention et cela lui avait permis de voir à que Tery avait un bon fond au final mais à côté de cela… Il avait eu beaucoup de mal à s’en remettre après le combat contre le chef de clan Gnomold.

« Ensuite, nous avons été à la guilde des magiciens car la mort du chef de clan était mise sur un affiche avec une récompense au bout. Il a réussi à obtenir un livre en liaison avec l’élément de la terre ainsi que… Rien du tout. Je suis bête, pardonnez moi. »

Elle venait de mentir ouvertement à l’Oracle, ne voulant pas lui parler du petit pendentif qu’elle avait reçu de la part de Tery. C’était une chose qu’il ne devait pas apprendre ! Et dire qu’elle pensait lui dire toute la vérité, elle avait vite décidé de changer d’avis dès que cela s’avérait nécessaire… Enfin… Maintenant… Elle pouvait lui raconter la fin de cette histoire.

« Mais après ça… J’ai reçue votre seconde lettre et j’ai décidé d’appliquer ce que vous vouliez. Je préférais que cela soit considéré comme un accident plutôt qu’un meurtre alors je l’ai emmené dans la grotte de Litan Deseria pour lui faire combattre le scorpion cyclope et le faire mourir ainsi. Après… Je pensais prendre son corps… et l’enterrer quelque part où il pourrait reposer en paix, mais ça ne s’est pas passé comme prévu. »

« Et bien ? Que s’est-il passé alors ? Dois-je le deviner ? Dois-je penser que Tery a réussi à battre le scorpion cyclope ? Mais comment est-ce possible ? » questionna le vieil homme.

« Et bien… Oracle… J’ai un peu honte de le di… » tenta de murmurer l’Ombre.

« Nulle honte tu dois avoir mais simplement des regrets car tu as échoué. »

« Oui… Pardonnez-moi encore une fois, Oracle. » reprit la personne masquée.

« Continue et cesse donc de demander pardon. Cela pourrait devenir lassant si tu ne fais qu’utiliser ces paroles. As-tu tellement de choses à te reprocher ? »

Gloups… Oui… Elle avait beaucoup de choses à se reprocher, bien plus que ne pouvait le croire le vieil homme mais maintenant… Est-ce qu’il devait être au courant de tout ça ? Nullement… Mais mentir à l’Oracle… Etait-ce une bonne chose ? Elle chuchota :

« Non… Non… Enfin comme vous l’avez dit… Tery a réussi à battre le scorpion cyclope… mais en utilisant ses lignes noires… Il est devenu… une sorte d’être incontrôlé… »

« Possédé par ses propres lignes, elles le mèneront à sa destruction. »

« C’est là que j’ai décidé de l’attaquer… dès qu’il est revenu à la normale. »

« A la normale ? Comment cela, mon enfant ? » questionna subitement l’ancien.

L’Oracle sembla intrigué d’apprendre cette nouvelle. Avait-elle dit quelque chose de spécial ? Elle recommença à parler, lui expliquant mot pour mot ce qui s’était passé exactement lorsqu’elle avait décidé de s’en prendre à Tery. Et que le combat s’était très mal terminé… Enfin, là-dessus, elle s’arrêta au moment où elle avait remarqué le problème avec la mort du scorpion cyclope. L’Oracle lui demanda :

« Et bien… Ensuite ? Que s’est-il passé ? »

« Je… Je ne me souviens plus de rien. Le scorpion cyclope… Son cadavre s’est mis à émettre du poison… sous la forme d’un nuage. J’avais complètement oublié ceci. »

« Complètement oublié ? Pourtant, je t’avais mis en garde contre ces créatures capables d’utiliser de la magie. Ne m’as-tu donc point écouté pendant toutes ces années, mon enfant ? Est-ce que tous mes cours ont donc été à ce point inutile ? »

« NON ! ORACLE ! NON ! CE N’EST PAS DU TOUT CA ! »

Elle venait de lever la voix en même temps que son corps. Comment croire une telle chose ?! Seulement… Elle était tiraillée entre deux sentiments contradictoires. Le vieil homme restait suspicieux, toussant une première fois avant de demander :

« Pourrais-je savoir la raison de ces cris, mon enfant ? »

«  Je… Je… Je suis désolé… Je ne voulais pas outrepasser vos règles et vos leçons… »

« Oui mais néanmoins, tu sembles bien trop tremblante… Dis-moi toute la vérité. »

« Quand je me suis réveillée… J’étais allongée dans un lit… Le lit de l’auberge où moi et Tery avions pris résidence. » murmura faiblement la personne encapuchonnée.

« Insinuerais-tu que ce jeune homme a contrecarré le poison, traverser ce… désert, t’as donné un antidote contre le poison et t’as ramené à l’auberge, mon enfant ? »

« Oui… C’est exact… Je sais que cela parait un peu… exagéré… »

Il poussa un léger soupir, l’être encapuchonné redressant son visage masqué de blanc en l’observant. C’était bien la première fois qu’elle le voyait aussi soucieux à cause d’elle. Est-ce qu’il… se posait des questions sur sa fidélité ? Elle… lui avait menti mais elle ne savait pas s’il allait la croire ou non. Après quelques secondes, il reprit :

« Je me demandais… S’il a été capable de te soigner… mon enfant, cela voudrait-il dire qu’il a été capable d’annuler les effets psychologiques des lignes du dieu Alzar ? »

« Hein ? Euh… Attendez un peu, Oracle… Je… Je… Je n’y ai pas réfléchi sur le moment mais oui ! C’est exactement ce que vous me dites ! Lorsqu’il en a terminé avec le scorpion, il est redevenu… normal comme je vous l’ai dit mais… »

« Mais… Tu as oublié cela… Si ce jeune homme a été capable de se contrôler après s’être laissé emporter par ses lignes, cela veut dire qu’il est capable de dépasser les pouvoirs des lignes du dieu Alzar. Vois-tu où je veux en venir ? » annonça le vieil homme.

« Il est donc un Porteur… Mais… non… Je suis désolé… Je ne comprends pas. »

« Cela veut tout simplement dire que ce jeune homme est un Porteur très rare, capable de faire la différence entre ses amis et ses ennemis. »

« Qu’est-ce… Qu’est-ce… Où voulez vous en venir Oracle ? » demanda la personne masquée.

« Que je me suis trompé… Peut-être aurais-je du ne pas t’ordonner de le tuer. Mais… Cela était une mesure de précaution. Les Porteurs de la lignée du dieu Alzar sont tous très dangereux… à cause de leurs pouvoirs latents. Alors que de ton côté, tu sais très bien que tes lignes peuvent aider les gens… » dit calmement l’homme à l’âge plus qu’avancé.

« Est-ce que cela veut dire… que si je retrouve Tery, je pourrais vous le ramener ? »

« Mon enfant… Pourrais-je te poser une question qui te paraîtra rhétorique quand tu l’entendras ? Est-ce que tu penses que ce jeune homme voudra réellement te suivre ? Alors que je suis celui qui est responsable de cette demande d’assassinat ? »

« Non… C’est vrai… Pardonnez-moi, Oracle. » murmura la personne encapuchonnée.

« Néanmoins… Néanmoins… Pour l’échec de ta mission… Tu vas devoir rester ici environ deux semaines. Je pense qu’il vaut mieux que tu subisses un nouvel entraînement. »

« Un… nouvel entraînement ? Mais pourquoi ? Je suis capable de me battre, Oracle ! »

« Mais… Tu n’es pas capable de laisser tes sentiments de côté. Me tromperais-je ? »

« Non… Vous avez totalement raison, Oracle. Pardonnez-moi. » bredouilla t-elle.

Finalement, elle n’avait pas à s’en faire au sujet de Tery. L’Oracle ne s’était pas posé énormément de questions à ce sujet. Elle se leva de sa chaise, le vieil homme lui signalant en même temps qu’elle pouvait quitter la pièce. Elle pouvait se rendre dans l’endroit où elle logeait habituellement, un endroit isolé de tous les autres.

Fermant la porte derrière elle, elle poussa un profond soupir, sortant de l’orphelinat en se disant que maintenant… Elle était retournée à sa vie d’avant. Si elle n’avait pas fait trop de zèle… Si elle n’avait pas décidé de l’attaquer… Si elle ne lui avait pas laissée la vie… Tant de choses en tête et si peu d’espace pour les entreposer.

Elle observa les alentours, voyant que les enfants avaient arrêté de jouer et étaient rentrés dans les dortoirs qui leurs étaient réservés. Il n’y avait rien, rien du tout. Elle se mit à marcher sans même jeter un regard autour d’elle, se dirigeant vers l’endroit où elle serait seule… à nouveau. Une bonne dizaine de minutes de marche et elle arriva devant une modeste cabane en bois. C’était là qu’elle habitait, isolée des autres.

« C’est comme ça que tout doit se passer… hein ? Tery ? Peut-être qu’au final… Je m’étais trompé sur toute la ligne. Je ne devrais jamais… penser par moi-même. Cela ne cause que des catastrophes et des accidents autour de moi. » murmura l’être masqué.

Elle soupira une nouvelle fois, passant une main sur le sommet de son crâne encapuchonné. Elle allait pouvoir retirer cette tenue un peu plus fréquemment… maintenant qu’elle allait être seule. Retirer cette tenue et ce masque… Ca ne pouvait pas être une mauvaise chose mais… Elle était la seule personne dans le temple à porter une telle chose.

Pourquoi ? La réponse était simple, très simple. Elle était spéciale, un peu comme tout les enfants mais elle l’était encore plus. L’Oracle avait de grandes ambitions pour elle… Elle qui était capable d’utiliser les lignes de la déesse Zélisia à un meilleur niveau que les autres. Elle qui avait fait de nombreux progrès depuis qu’elle était ici… depuis très longtemps. Elle ouvrit la porte de la cabane, s’engouffrant à l’intérieur avant de refermer derrière elle.

De fenêtre ? Il n’y en avait aucune. Pourquoi cela ? Pour éviter qu’on puisse voir qui elle était réellement. A l’intérieur de la cabane, il y avait trois pièces : l’une correspondant à une salle de bain avec des toilettes, une cuisine basique et une salle pour dormir, écrire ou faire tout ce qu’elle voulait comme loisir. Ce n’était pas le grand luxe mais ça lui suffisait amplement. Pour la lumière, des boules électriques dans des demi-sphères de verre étaient présents au plafond, lui permettant de voir. Elle murmura :

« Je connais… Tery… non ? Il me pardonnerait encore une fois… non ? »

Elle se mit assise sur la chaise se trouvant devant le petit bureau. Du papier jauni, de quoi écrire… et tout était comme il y a plusieurs mois. Néanmoins, la maisonnette avait été bien entretenue… mais par qui ? A part l’Oracle, nul ne savait qui elle était réellement… à part l’Oracle et une autre personne. Oui… Ca devait sûrement être elle.

« Maintenant… C’est une séance de repos ? Hein ? Je dois me reposer… »

Enfin… Elle retira son masque blanc pour le déposer sur le bureau. Aussitôt que cela fut fait, elle parue bien plus petite… bien plus frêle. Le masque avait été façonné pour elle… des propres mains de l’Oracle. Un masque vraiment spécial puisqu’au final… Il était emprunt de magie. Lui donner une force, une allure, une stature bien différente de celle qu’elle était réellement. C’était ainsi… pour éviter de se faire repérer et pour éviter les ennuis.

« Tery… Tery… Tery… Si tu savais la vérité… Que ferais-tu ? T’éloignerais-tu de moi ? Est-ce que tu resterais avec moi ? Hein ? Je ne sais jamais… ce que les gens pensent réellement de moi… Puisque je ne suis pas réellement… moi. » chuchota-t-elle faiblement.

C’était stupide de penser ainsi mais c’était pourtant la triste réalité. Elle n’était pas ce qu’elle était. Quelqu’un toqua à la porte plusieurs fois de suite, l’être encapuchonné remettant son masque blanc sur le visage avant de demander :

« Qui… Qui est-ce ? »

« Je n’y ai pas cru quand l’Oracle me l’a annoncé mais pourtant… Tu es donc de retour ! »

Cette voix… AH ! C’était elle ! C’était vraiment elle ! Elle se leva, faisant tomber la chaise au sol avant d’ouvrir la porte très rapidement. En face d’elle se trouvait une vieille personne aux cheveux grisonnants attachés en chignon, une robe à carreaux roses avec un tablier par-dessus… et un petit corps de vieille femme. Qu’elle était bête… vraiment bête ! Bête de penser qu’elle était toute seule dans cet endroit. L’être masqué bredouilla :

« Madame Liza, je… J’avais peur que pendant… Mon absence… Vous ne soyez plus là. »

« Tu ne pensais pas qu’une personne aussi vive que moi s'endorme à jamais non ? Et toi, dans tout ça… Comment vas-tu, Neel ? »

Ah… Ce nom… Ce nom qu’elle n’avait jamais voulu donner à Tery. C’était normal… A part les personnes habitant près du  temple, personne ne connaissait son existence. A part Tery… Elle invita la vieille femme à pénétrer à l’intérieur de la maisonnette. Avec elle, la discussion sera beaucoup plus facile, oh oui. Elle pourrait parler plus librement.

Chapitre 28
Chapitre 28 : Deux noms

« Alors, Neel. Qu’as-tu de beau à me raconter ? Tu es parti pendant beaucoup trop de temps à mon goût. Néanmoins, les enfants m’apportent tellement de bonheur… »

« Je… J’ai rencontré un jeune homme. Celui que l’Oracle voulait que je trouve. »

« Et bien ? Comment est-il ? Décris le moi ! Ne perds pas un seul instant ! »

Ce qu’elle avait dit n’était pas un mensonge. La vieille femme était encore pleine de vie ! Un sourire se dessina sous le masque, un sourire invisible mais dont elle savait que madame Liza l’avait remarqué. Ce n’était pas difficile, elle connaissait l’être encapuchonné depuis qu’il n’était qu’un petit enfant. Neel reprit la parole :

« La première fois que je l’ai vu ? Disons que cela a été un véritable choc. Pourquoi ça ? Car il était en train de se faire poursuivre par un Gnomold. »

« Un Gnomold ? Mon dieu ! Mais s’enfuir comme cela… Il ne savait donc pas se battre ? »

« Pas du tout ! Et il ne savait pas lire correctement ! En fait, il ne connaissait pas du tout la magie et les armes. Oui, oui, je ne rigole pas ! »

Elle disait cela alors que la vieille femme montrait un visage consterné par ce qu’elle venait d’apprendre. Il existait réellement des personnes qui ne savaient pas se battre ou utiliser la magie correctement ? Pourtant… Neel s’était dirigé vers le royaume de Shunter, là-bas, il ne devait pas y avoir d’abstention de ce genre. Du moins dans ces deux domaines.

Neel continua à raconter à la vieille femme tout ce qui s’était passé depuis ces derniers mois. Le médaillon de Tarka, les nombreux excès de colère et bêtises de Tery, le début de son entraînement pour apprendre à se battre, le combat contre le chef de clan Gnomold et aussi la récompense qu’il avait reçue pour cette victoire. La vieille dame murmura :

« Ce pendentif… dont tu me parles. C’est un cœur élémentaire ? »

« Hein ? Je ne connais pas son nom… mais je l’ai ici. »

Tiens donc… Neel avait le pendentif reçu par Tery ? La personne au masque blanc ne lui avait pas signalé ce petit détail. C’est vrai qu’il lui manquait une partie de l’histoire mais un grand sourire se dessina sur ses lèvres de vieille dame. Et bien, et bien… Est-ce que Neel avait donné son prénom à Tery ? Elle allait très vite le savoir mais avant… Elle prit la petite pierre brune représentée sous la forme d’un cœur, celle-ci se mettant à briller.

« Un cœur élémentaire de terre. C’est un bien bel objet décoratif… et qui peut servir pour connaître son ennemi avant même qu’il n’utilise la magie. » chuchota madame Liza.

« Mais qu’en est-il… pour ceux comme moi qui peuvent utiliser tous les éléments ? »

« Le cœur réagira… mais d’une façon moindre car tu n’es pas véritablement en osmose avec la terre. Tu n’as pas à t’inquiéter pour cela mais une question me taraude, Neel. Comment as-tu obtenu cette pierre ? Puisque elle fut la récompense de Tery. Te l’a-t-il donnée ? »
« Non… Pas réellement… Ca s’est passé différemment. » bredouilla l’être masqué.

Hum ? Que voulait-elle dire par là ? Le sourire disparut alors qu’elle lui demandait de continuer et de lui raconter ce qui s’était déroulé. Cela avait surement son importance pour que la personne au masque blanc garde ce pendentif si précieusement. Elle lui expliqua que l’Oracle n’était pas au courant de ce pendentif et lui fit promettre de ne pas en parler, ce que la vieille femme lui répliqua qu’elle n’avait pas à s’en faire, elle resterait muette comme une tombe. Néanmoins… Néanmoins… Ce qu’elle lui dit avec ce combat… ne lui plaisait guère.

« J’ai une petite question : si l’Oracle ne t’avait pas demandé cela, est-ce que tu aurais quand même pris le risque de tuer ce jeune homme en sachant que c’est un Porteur ? »

« Je… Je ne crois pas… Je ne sais pas du tout, madame Liza. » murmura l’être masqué.

« Non, tu dois savoir cette réponse. Est-ce que tu aurais accepté de tuer ce jeune homme avec qui tu as passé plusieurs mois de ton existence ? »

« Mais il ne connaissait même pas mon nom ! » répliqua-t-il aussitôt.

« Et en quoi cela est-il un problème ? Rien ne t’empêchait de le lui donner, Neel ! Que je sache, tu es une grande personne, une personne adulte. Même si l’Oracle te dit telle ou telle chose, rappelle toi que tu as un cœur et qu’il n’appartient qu’à toi. Si tu as envie de dire ton nom à cette personne, ne te prives pas ! Que je sache… Tery… C’est bien cela non ? Ce Tery… Il t’a fait confiance… C’est la première personne avec qui tu t’es liée à l’extérieur, n’est-ce pas une chose très importante ? »

Si ça l’était… Ca l’était à ses yeux… Mais maintenant, c’était trop tard, bien trop tard. Elle ne pouvait pas revenir en arrière et madame Liza le savait aussi bien qu’elle ! Le choix qu’elle avait fait… avait été celui de l’Oracle et non d’elle. Elle avait décidé de lever la main vers Tery… de le menacer et d’essayer de le tuer. Ensuite, elle l’avait sauvé… mais le mal avait été fait. La main droite de la vieille femme se posa sur celle gantée de rouge, lui disant :

« Tu n’as pas à t’en faire. Les erreurs… Certaines d’entre elles sont faites pour être rattrapées. Qui te dit qu’au final, cette erreur en sera une dans quelques temps ? Peut-être que vous vous rencontrerez à nouveau non ? Un premier ami, c’est quelque chose d’important. »

« Oui… Vous avez raison, madame Liza. Comme à chaque fois. »

« Alors quand tu retourneras dans le royaume de Shunter, et je suis sûre que cela arrivera, tu essayeras de retrouver la trace de Tery et tu lui diras tout ce que tu veux… mais bref… Vous ferez la paix, toi et lui, me suis-je bien faite comprendre ? » dit la vieille femme avec autorité.

« Oui… Madame Liza… C’est exact… Vous avez totalement raison… comme d’habitude. »

« Et arrête de me parler avec cette voix si faible et mollassonne ! On dirait que tu n’es pas capable de décider par toi-même. Pourquoi tu n’irais pas lui donner ton véritable prénom ? »

Lui… Lui donner son véritable prénom ?! Mais personne ne l’appelait avec celui-ci ! Oh… La vieille femme le connaissait et l’Oracle aussi mais il y avait une interdiction de l’utiliser. Alors… Ils n’étaient que trois à le connaître mais aucun ne l’utilisait. Ses yeux bleus étaient posés sur madame Liza, tentant de comprendre où elle voulait en venir avec tout cette histoire.

« Mon prénom ? C’est à peine… si je le prononce pour moi-même. » chuchota l’être masqué.

« Je sais très bien qu’il faut que tu en portes un autre pour éviter les soupçons, néanmoins, ce n’est pas normal que tu ne puisses pas vivre à côté. Tu es une personne adulte ! Tu devrais pouvoir sortir quand tu le désires, rencontrer des personnes ! »

« Mais je les rencontre… madame Liza. Je les rencontre… »

« Le monde ne se cantonne pas à l’orphelinat ! Tu voulais revoir Tery ? Alors tu le retrouveras ! Mais arrête donc de ne penser qu’à travers les paroles de l’Oracle ! »

« Vous blasphémez… Vous voulez que je contredise ses ordres ? » murmura-t-il.

Non… Non ! Ce n’était pas ça ! Pas cela du tout. Elle ne voulait pas qu’elle trahisse l’Oracle mais simplement qu’il réfléchisse par lui-même. Ce n’était pourtant pas si dur non ? Lorsqu’il avait sauvé Tery, n’avait-il pas décidé avec son propre cœur ce qu’il devait faire. La vieille femme posa une main sur le masque blanc, murmurant :

« Je vais devoir te laisser, Neel. S’il te plaît, réfléchis simplement à ce que je t’ai dit. Un moment, tu devras retourner au royaume de Shunter non ? Je ne pense pas que tu aies terminé avec toute cette histoire. Essaye de retrouver la trace de ce jeune homme. »

« Il est rentré dans l’armée… Et il m’a dit… que l’on sera ennemis la prochaine fois. »

« Dire et faire sont deux choses différentes, je tiens à te le rappeler. Mais par contre… Ce que tu me dis est bien plus gênant, Neel. S’il est dans l’armée de Midès… Alors… »

« Oui… Je me suis tenu au courant… C’est la guerre. » murmura l’Ombre encapuchonnée.

La vieille femme s’était levée, poussant un léger soupir comme pour souligner l’évidence des paroles de Neel. La personne au masque blanc se leva à son tour, s’approchant de la porte en tenant la clenche pour l’ouvrir. Elle reprit d’une voix triste :

« Ce n’est qu’un débutant… Mais… C’est un porteur… Et les porteurs des lignes du dieu Alzar sont voués à disparaître. J’aurais aimé le revoir avant… »

« Tu le reverras ! Si tu ne crois même pas en ce que tu dis, comment veux-tu espérer le retrouver ? Mais est-ce que c’est moi ou… »

« Assez ! Taisez-vous, je vous en prie ! Je ne veux plus parler de Tery ! Pour moi, c’est de l’histoire ancienne ! Il n’existe plus depuis le moment où nous sommes séparés ! »

Et bien, et bien… C’était la première fois qu’elle voyait Neel dans cet état. Le voir crier de toutes ses forces, c’était quelque chose d’exceptionnel à ses yeux. Quelque chose de vraiment trop rare pour être oublié. Un petit sourire gêné aux lèvres, la vieille femme signala à Neel qu’elle allait le laisser tranquille. Il valait mieux pour l’être encapuchonné de rester seul… quelques heures où une journée. Cela ne lui ferait que du bien.

Après le départ de Liza, elle s’était écroulée sur son lit, sanglotant comme une enfant qui venait d’être punie. Pourquoi ? Pourquoi est-ce qu’elle lui avait dit ça maintenant ? Est-ce qu’elle voulait s’amuser avec ses sentiments ? Elle savait pertinemment que ce n’était pas le cas, que madame Liza n’était pas comme ça mais… mais… Il y avait des choses à ne pas dire ! Elle regrettait amèrement ce qu’elle avait fait.

AH ! Non… Non… Ce n’était pas possible… Des larmes… Elle pleurait ? Elle ? Neel ? L’Ombre au masque blanc ? Elle pleurait à cause de toute cette histoire ? Elle n’arrivait pas à le croire… Ce n’était… pas croyable… Non… Elle ne voulait pas… Ce genre de choses ne devait pas se réaliser. Elle ne… Elle ne… Elle ne devait pas... Et puis… Zut… Elle s’était endormie, le masque blanc en partie retiré. Elle était… trop fatiguée à cause de ses pleurs.

« Neel ? C’est moi… Tery. Neel ? Tu m’entends ? » murmura une voix.

Hein ? Comment ça ? Où est-ce qu’elle se trouvait ? Noir… Tout était noir autour d’elle. Elle était à genoux sur le sol, le visage masqué de blanc alors qu’elle cherchait d’où provenait la voix. Elle n’avait pas rêvé, c’était bien Tery qui venait de s’adresser à elle non ? Mais où ? Où est-ce qu’il se trouvait ? Elle ne le voyait pas. Une forte lumière l’aveugla, la forçant à mettre une main devant ses yeux pendant quelques instants.

« Neel… Mon enfant… Ne quitte pas le chemin de la déesse. » murmura une voix tremblante.

Le chemin de la déesse ? Elle voyait le vieil homme… L’Oracle… Il était à sa droite tandis qu’à sa gauche, dans l’obscurité, elle apercevait Tery. Le jeune homme ne semblait pas avoir changé mais ses yeux rouges étaient clairement visibles. Elle voyait même son sourire. Mais l’Oracle… Pourquoi ne parlait-il pas à Tery s’il était à côté de lui ? A quelques mètres à peine ? Elle n’arrivait pas à comprendre ce qui se passait.

« Tu sais… Je suis devenu bien plus fort depuis que je suis dans l’armée de Midès. Si tu le désires, on peut recommencer tous les deux à travailler ensemble non ? »

« J’en serais… ravi mais… Tu es un porteur, tu es un ennemi. »

« Ennemi, ennemi, c’est un bien grand mot non ? Est-ce que j’ai fais quelque chose de mal ? Enfin… Je veux dire… Maintenant ? Je suis ton ennemi car c’est ce que tu désires. »

« Ne l’écoute pas, Neel. Qui est-ce qui t’as appris tous les préceptes auxquels tu tiens tant depuis des années ? Qui a veillé sur toi pendant toutes ces années ? Ne te laisse pas manipuler par les ténèbres… par l’un de ses porteurs ! » s’écria l’oracle.

« Ecoute le donc, tu penses vraiment qu’il veut veiller sur toi ? Il veut simplement te mettre en cage et te diriger. Si tu ne décides pas de te libérer très bientôt, je ne pourrais plus rien pour toi. Rappelle toi tout ce que tu as fait pour moi. Est-ce que tu ne veux pas en faire encore plus ? Est-ce que tu ne veux pas que ça soit MOI qui t’aide ? C’est de cela dont tu as besoin… Tu as besoin d’aide…  Et je suis là pour toi. » chuchota le jeune homme avec douceur.

Il tendait une main gantée de noir, c’était la seule partie de son corps qu’elle pouvait voir avec son visage. Il gardait son sourire aux lèvres, attendant qu’elle vienne vers lui. Elle observa l’Oracle, se demandant ce qu’elle devait faire. Le vieil homme était resté étrangement muet depuis la légère tirade de la part de Tery. Il semblait réfléchir à quelque chose mais quoi ? Après quelques instants, le vieil homme prit la parole :

« Manipulation et mensonge, voilà ce que le dieu Alzar emmène à travers ses lignes. N’est-ce pas ce que Tery a fait avec toi, Neel ? Tu t’es fait manipuler depuis le début. Son entraînement… Sa force… Sa puissance… Son éveil… Tout est de ta faute. Si tu t’étais posé les bonnes questions au bon moment, tout cela ne serait jamais arrivé. Il est temps que tu répares tes erreurs, Neel. Tu dois continuer sur la voie de la déesse Zélisia. Il n’y a pas d’autre solution pour racheter ton pardon. »

« Ne l’écoute pas. Tu ne trouves pas son discours surprenant ? Il t’annonce clairement que tu es responsable de MES choix. Mais lui, il est responsable de TES choix. Au final, ça revient au même ! Tu ne me dois rien, Neel ! Rien du tout ! Mais moi, je te suis redevable ! Tout est de ma faute, de ma faute, tu entends ? » hurla Tery.

Oui… Elle l’entendait parfaitement. Le discours de l’Oracle était inquiétant en un sens mais… D’un autre côté… Elle trouvait cela bizarre… que Tery mette autant de ferveur à ce qu’il la rejoigne. C’était vraiment…  Il n’y avait pas de mot pour décrire cette sensation. Hein ? Attendez un peu ! L’Oracle… La lumière autour de l’Oracle était en train de diminuer comme si elle était aspirée. Le vieil homme murmura :

« Tu sembles avoir fait ton choix…  Mais es-tu sûr de ne pas te tromper de voie ? Tu ne pourras jamais revenir en arrière. Une erreur… peut te coûter cher. Rappelle toi quelle a été la réaction de Tery après la flèche qui a tentée de le tuer. »

« Ma réaction ? Je me suis énervé mais je n’ai pas utilisé les lignes du dieu Alzar pour la combattre car malgré ma déception et ma tristesse, Neel restait celui qui m’a tout appris. J’aurais pu le tuer mais je ne l’ai pas fait. » annonça le jeune homme.

« Hum… Et lorsque tu auras conscience de tes lignes… Quelle sera ta réaction ? Les lignes de la destruction… Les lignes d’un dieu maléfique. »

« Cela ne te concerne pas, vieillard. Je ne te connais pas mais tu me juges. Qui es-tu pour dire qui est bon ou mauvais ? Et cela à cause de ses origines ou de ses lignes ? »

« Je suis l’Oracle. Je vois dans l’avenir, je lis dans le passé, je suis celui qui a élevé Neel depuis sa naissance. Penses-tu sincèrement pouvoir en dire autant de ton côté ? Tu l’as trahi, tu lui as menti, tu t’es servi de cette personne depuis le début ! »  s’écria le vieillard.

Une continuelle dispute entre eux deux. Mais… Elle commençait à comprendre. Elle était dans un rêve… Oui… Et les deux personnes étaient les chemins qu’elle pouvait emprunter.  Mais lequel prendre ? Celui de Tery ou celui de l’Oracle ? Déjà par de nombreuses fois, elle avait décidé de ne pas suivre le chemin de l’Oracle. Lorsqu’elle avait décidé un premier temps de ne pas tuer Tery malgré l’ordre de l’Oracle… puis lorsqu’elle lui avait donné l’antidote et prêter son masque pour le sortir de la grotte, et le moment… où elle avait menti à l’Oracle… Ce moment qui était très récent ! Non… Non… Elle ne devait pas choisir entre l’un ou l’autre, elle devait réunir les deux ensemble mais… Ils étaient si différents. Est-ce qu’l y avait une petite once de chance de pouvoir ouvrir le dialogue entre eux ? Dans ce rêve, ce n’était pas possible mais la réalité était bien différente ! L’Oracle l’avait signalé : il s’était trompé sur Tery. Il était spécial avec ses lignes du dieu Alzar, très spécial ! Il pouvait peut-être venir réellement l’aider ? Si elle le retrouvait non ?

Elle rouvrit ses yeux bleus quelques heures plus tard. Ce rêve… aurait pu tourner au cauchemar mais ça n’avait pas été le cas. Son masque était retiré en partie, à quelques centimètres de son visage. Elle remarqua que le drap avait été trempé comme si… Elle avait pleuré pendant la nuit. Cela ne l’étonnait pas au final. Elle se redressa, se demandant quelle heure il pouvait être. D’un geste lent, elle se dirigea vers la porte, l’ouvrant pour observer si le soleil était levé. Visiblement… C’était déjà le cas… et depuis quelques heures. Elle sursauta légèrement en voyant le visage de la vieille femme apparaître devant elle. Elle s’était trouvée sur le côté et elle ne l’avait même pas remarqué ! Celle-ci lui dit avec un sourire :

« Et bien… Je ne m’attendais pas à ce que tu te réveilles à une telle heure, Neel. »

« Madame Liza ? Je… Je… Quelle heure est-il ? » demanda la personne masquée.

« Nous approchons des onze coups. Tu as pris certaines habitudes ces derniers mois. »

« Pardonnez moi, je vais éviter de recommencer. Dès demain, je serais levé à l’aurore. »

« J’y compte bien. Et ça sera moi personnellement qui te réveillera s’il faut ! »

Aie aie aie… Si c’était elle, elle ferait mieux de faire attention alors. Elle n’allait pas avoir véritablement le choix. Se réveiller aux premières lueurs de l’aube ou alors subir le réveil à la façon de faire très spéciale de madame Liza. Le choix était vite décidé ! Elle demanda à la vieille femme de bien vouloir pénétrer à l’intérieur, allant se laver pour quelques minutes pour ensuite partir avec elle. Maintenant, elle se sentait plus… apaisée par rapport à hier.

« Ca ne sera pas très long. Juste de quoi passer de l’eau sur mon visage et… »

« Prend donc tout ton temps. Ca ne presse pas. L’Oracle veut simplement te parler, voilà tout. Comme tu es déjà en retard, ça ne changera rien au final. » coupa la vieille femme.

« Hein ? L’Oracle ? Est-ce que c’est à cause de ce que je lui ai dit hier ? De quelle humeur il était ? Vous le savez ? Madame Liza ? Vous pouvez me répondre ? »

« Je dirais qu’au départ, il était plutôt neutre mais lorsqu’il a appris que tu n’étais pas encore réveillée… Il n’a guère apprécié cela. » reprit madame Liza sur un ton un peu amusé.

« Pardon ! Je ne le recommencerais plus, je vous le promets. » s’écria l’être encapuchonné.

Elle devait se dépêcher au lieu de trop parler avec Liza. Quelle idiote mais quelle idiote ! Déjà qu’elle avait échoué dans sa mission, qu’elle avait des idées contraires aux principes appris par l’Oracle, elle se permettait de faire la grasse matinée ? Mais qu’est-ce qui lui prenait ? D’habitude, elle n’était pas comme ça. Quelque chose avait changé… mais quoi ? Elle sortit de la salle de bain au moment où la vieille dame reprenait :

« Enfin… Trop dormir n’est jamais une mauvaise chose si cela est fait avec parcimonie. Comme cela est peut-être la première fois pour toi, je ne pense pas que cela soit néfaste pour toi. Et puis… Une bonne nuit de sommeil après quelques troubles, ça ne peut nous faire que du bien, n’est-ce pas Neel ? » reprit la vieille dame aux cheveux grisâtres.

« Vous avez entièrement raison, madame Liza. »

Maintenant, elles pouvaient partir toutes les deux. La vieille femme prit les devants, les deux personnes quittant la maisonnette dans laquelle l’Ombre habitait. Elles marchèrent pendant plusieurs minutes, discutant de tout et de rien. Contrairement à hier, Liza n’énonça pas une seule fois ce qui s’était passé pendant ces derniers mois. Oui… Il valait mieux ne pas parler de Tery, ce n’était pas le bon moment.

« Madame Liza… Vous ne m’avez pas répondu mais… Que me veut l’Oracle ? »

« Je crois savoir que c’est au sujet de ta punition pour avoir échoué dans ta mission. »

« Ma… punition ? Mais j’ai passé l’âge d’en recevoir. J’espère qu’elle ne sera pas trop violente… C’est tout ce que j’espère… » bredouilla l’être encapuchonnée.

« Tu n’as pas à t’en faire, Neel. Pas pour aussi peu. De toute façons tu es son envoyé pour récupérer les médaillons. Alors, il ne risque pas de t’empêcher de repartir à leur recherche… Néanmoins… Je pense qu’il sera bon que tu prennes plus au sérieux les consignes que l’on te donne. » dit la vieille femme avec calme.

Hein ? Par rapport à hier où alors à il y a quelques minutes, le ton semblait bien plus sérieux. Madame Liza… ne voulait pas se faire du souci pour elle. C’est vrai… C’était la vieille femme qui s’occupait d’elle depuis qu’elle était arrivée ici. Une nourrice particulière pour un être particulier, c’est ce que l’Oracle avait dit.

Dix minutes s’écoulèrent en plus et la vieille dame lui signala qu’elle allait la quitter maintenant. Elle avait d’autres enfants dont elle devait s’occuper. C’est vrai que… depuis que Neel était un adulte, il n’avait plus réellement besoin d’être materné et cela depuis déjà quelques années. Elle pénétra à l’intérieur de l’orphelinat, celui-ci était toujours aussi vide lorsqu’elle passait les couloirs mais elle savait que ce n’était pas le cas véritablement. Elle arriva devant la porte du bureau de l’Oracle, toquant plusieurs fois avant de demander :

« Oracle ? Vous vouliez me voir ? Je suis présent. »

« Neel ? Rentre donc à l’intérieur… et dépêche-toi. » murmura la voix masculine.

Gloups ! Il aurait du s’en douter. Les derniers mots de l’Oracle montraient ses sentiments actuels… et il avait vite remarqué que ce n’était pas de la joie… plutôt de la colère même. Ca ne présageait rien de bien bon s’il ne faisait pas attention. L’être au masque blanc ouvrit lentement la porte, pénétrant à l’intérieur de la pièce pour voir le vieil homme au regard d’argent. Celui-ci avait les deux coudes posés sur le bureau, les yeux dirigés vers lui.

« Neel… Je pense que tu dois te douter… de la raison de ta présence ici. »

« C’est au sujet… de mon échec, n’est-ce pas ? Je suis prêt à recevoir ma punition. »

« Soit… Alors, je vais te la donner. J’espère que tu comprendras et… Pardon. »

« Modifié: 09 janvier 2012, 19:52 par ChibiShiroiRyu »

ChibiShiroiRyu

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09 janvier 2012, 19:52
Chapitre 29
Chapitre 29 : Assassin

« Je… Je suis vraiment obligé ? » balbutia la personne masquée.

« Cela ressemblera à un véritable punition… Tu devras l’exécuter dans les plus brefs délais. Si je vois que tu as échoué, je ne pourrais pas t’excuser cette fois-ci. »

« D’accord…. Comme vous le voudrez, Oracle. Mais… Est-ce qu’il est au courant ? »

« Il s’est posé des question et les autres enfants ont commencé à l’exclure de leurs jeux. Comme tu le sais très bien, les lignes apparaissent pendant l’enfance… Cela peut aller de six à douze ans avant que n’apparaissent les premières lignes. Pour ta part, tu as été… »

« Je le sais, Oracle. Je fus l’un des cas très rares à avoir mes premières lignes blanches dès l’âge de quatre ans. Je vais devoir partir… Est-ce que… vous pouvez me répéter son nom ? Je ne veux pas faire d’erreurs. Déjà que… C’est une chose horrible. » bredouilla l’être masqué.

« Mais à laquelle tu t’es habitué. » répondit aussitôt l’Oracle.

« Oracle… Est-ce vraiment la volonté de la déesse ? De la déesse Zélisia ? »

Le vieil homme hocha la tête avant de se lever de son bureau. Oui… La déesse Zélisia lui avait ordonné un tel acte. Un acte affreux et horrible. Il répéta le nom de cette personne, le dortoir ainsi que la chambre où elle se trouvait. Elle remercia l’Oracle, lui signalant qu’elle allait accomplir sa mission dès la nuit tombée. Elle demanda à pouvoir quitter la pièce dès maintenant, devant se préparer mentalement à ce qu’elle allait accomplir.

En sortant de l’orphelinat, elle se retrouva en face de madame Liza. Celle-ci venait de quitter un groupe d’enfants qui s’amusaient entre eux. Elle avait le regard sombre… aussi sombre que le sien. Elle semblait comprendre tout de suite ce qui se passait. L’être encapuchonné se positionna devant elles, ses yeux bleus dans les siens avant de lui demander :

« Qui est Hekror ? Il me faut… le voir. »

« Encore une sale besogne ? Des fois… Je me dis que l’Oracle pourrait confier ces tâches à d’autres personnes. Cette punition t’affectera encore plus que la perte de Tery. »

Elle aurait bien voulu hausser les épaules mais elle savait qu’elle n’aurait pas réussi. La vieille femme lui désigna un jeune garçon à l’écart. Le regard posé au sol, la mine abattue, il était assis sur un banc en balançant ses deux jambes. Il devait avoir neuf ou dix ans tout au plus. Des cheveux noirs en bataille, des petits yeux bleus, il avait pourtant l’air motivé à vouloir jouer avec les autres sauf que ça ne semblait pas être le cas de ces derniers. Elle détourna le regard de ce spectacle, murmurant à Liza :

« Pardonnez moi, madame Liza mais… Je dois me préparer pour ce soir. »

« Ne te force pas… Exécute tout ceci le plus rapidement possible. » chuchota la vieille femme.

Oui… C’est ce qu’elle comptait bien faire. Elle n’allait pas s’en priver. Tout ceci devait être fait avec célérité pour en être débarrasser et ensuite… Et ensuite… Pour ne plus y penser. Elle s’éloigna en faisant un bref salut à Liza, retournant dans sa maisonnette. Elle alla s’asseoir sur l’une des deux chaises près du modeste bureau, marmonnant quelques paroles :

« Même… Même si il porte les lignes d’Alzar… Il n’a que dix ans !  DIX ! Comment peut-on m’obliger à ça ? C’est monstrueux ! Je devrais… Je devrais y être habitué… mais… mais… Urk… Je me sens mal ! Faut que j’y aille ! »

Neel se parlait tout seul, retirant subitement le masque blanc avant de se lever. Se dirigeant à toute vitesse vers la salle de bains, des bruits de vomissement se firent entendre, signe qu’il n’arrivait pas à supporter la pression qu’il venait de recevoir. Il lui fallut plusieurs minutes, de nombreux jets d’eau au visage et enfin l’action de se coucher sur son lit pour réussir à reprendre son calme. Comment… Comment pouvait-elle ? A l’époque… Elle n’avait pas compris. Mais maintenant… Maintenant ! La personne masquée s’écria :

« Je suis un adulte ! Je suis capable de prendre mes décisions ! Je suis capable de comprendre ! Pourquoi est-ce que je dois tuer un enfant ? »

Parce qu’elle n’avait pas le choix ! Parce qu’elle n’avait pas le choix, voilà tout ! C’était ça ou alors trahir l’Oracle définitivement ! Et madame Liza aussi ! Tuer… Hekror… Un enfant qui n’avait rien demandé… qui voulait simplement vivre heureux. Mais qui n’avait pas la chance d’avoir les lignes de la déesse Zélisia.

« Je déteste ça… Vraiment… Je me hais… Je me hais tant ! »

Elle se redressa dans son lit, allant s’asseoir à nouveau sur sa chaise. Elle devait préparer le plan pour cette nuit. Le problème majeur serait d’éviter de réveiller les autres garçons dans la chambre… Comment faire ? Si elle réveillait Hekror, il se méfierait. Peut-être qu’il serait au courant de ce qu’elle manigançait. Si c’était le cas, cela causerait encore plus de problèmes. Non, non et non ! Elle devait trouver une solution plus discrète.

« Je ne peux pas lui donner du poison… Je ne peux pas l’emmener dans un coin… Est-ce que je devrais me promener avec lui pendant la journée avant de l’emmener en forêt ? NON ! »

Elle tapa du poing sur la table en serrant les dents. Une telle chose… lui rappelait Tery. Lorsqu’elle s’était baladée avec lui dans la ville, récupérer quelques potions, la récompense et toutes ces choses ! NON ! Elle ne recommencerait jamais ça ! Son choix allait être fait ! Elle allait le tuer dans la nuit. Elle demandera simplement la chambre dans laquelle il se trouvera et pendant la nuit… Elle irait lui trancher la gorge !

« C’est la meilleure solution… Je devrais simplement prévenir… le personnel. Ils comprendront… Madame Liza devrait m’aider. Oui… Il faut éviter que les autres garçons ne posent des questions ou se réveillent. » bredouilla la personne masquée.

Oui, elle se répétait les mêmes paroles mais ça ne changeait rien à son état actuel. Elle détestait ce qu’elle allait faire. Elle devait se concentrer pendant toute la journée, ensuite… Vider ses entrailles sur le sol. Oui, c’était vulgaire quand on le pensait comme ça mais c’était la vérité. Elle savait qu’elle ne supporterait pas le crime qu’elle allait commettre. On parlait d’un assassinat en règle ! De la mort d’un enfant ! Elle se demanda :

« Et pour Tery… Qu’est-ce que j’aurais fait après ? »

Des idées macabres et obscures lui arrivèrent rapidement. Elle tenta de les chasser de son esprit, n’y arrivant qu’après quelques minutes. Pfff… Régler toute cette affaire et ensuite, ça serait réglé… et ensuite… Ne plus y penser… C’était le mieux qu’elle pouvait faire avec tout ça. Elle se le répétait inlassablement pour se donner la volonté d’accomplir ce qu’on lui demandait. L’Oracle… était parfois si cruel… mais elle savait qu’il ne pensait pas à mal.

Dix minutes… puis une heure… plusieurs heures… Elle avait vu le soleil se coucher, étant sorti de la maisonnette pour réfléchir et prendre un peu l’air. C’était la meilleure solution qui s’offrait à elle de toute façon. Des solutions… Des solutions à quel problème ? Etait-ce vraiment un problème à la base ? Elle ne le savait pas. L’Ombre murmura :

« C’est l’heure… l’heure d’accomplir ce que personne d’autre ne voudrait faire. »

Neel émit un petit rictus sous le masque blanc, observant le sac qu’il avait sur le dos. Oui… Il y avait bien son arc à l’intérieur. Il marmonna quelques paroles, des veines blanches apparaissant le long de ses bras bien qu’elles n’étaient pas visibles. L’arc disparu dans une poussière de petites bulles blanches alors qu’il reprenait dans un soupir :

« La nuit est belle… Mais les lunes jumelles vont se tacher de sang… »

Du sang d’un innocent… Du sang d’une âme qui va bientôt disparaître et rejoindre le dieu Alzar… Une âme qui se ternira si elle ne s’en occupait pas le plus rapidement possible. Elle marcha d’un pas lent sur le chemin conduisant à l’orphelinat et aux dortoirs dans lesquels se trouvait Hekror. Le nuit était tombée depuis déjà pas mal de temps… Il devait dormir.

« Hekror… Hekror… Hekror… »

Elle répétait inlassablement ce nom qu’on lui avait donné. C’était celui de sa future victime… car oui… C’était une victime. Une victime du destin si… horrible envers elle. Elle arriva devant l’orphelinat, il n’y avait aucun gardien. Ils se trouvaient à l’intérieur… Maintenant… Le dortoir des garçons… C’était un bâtiment normal, à deux étages, un peu comme les dortoirs des adultes mais avec des couleurs plus joyeuses. Elle s’était mise à marcher avec lenteur vers le dortoir avant qu’une voix masculine ne se fasse entendre :

« Hey ! Qui vous êtes ? Qu’est-ce que vous faites ici ? »

Ah ! Un surveillant ! Sur le coup, elle avait été surprise mais maintenant… Cela allait bien mieux. Elle vit s’approcher un homme d’une cinquantaine d’années, une lampe à la main droite pour éclairer l’horizon. Dans la lampe, il était possible de voir une flamme qui dansait, comme si elle avait sa propre conscience. Lorsqu’il vit qui il avait en face de lui, il poussa un léger soupir avant de se ressaisir. Si elle était là… alors… Le surveillant murmura :

« Vous venez pour Hekror ? Il a eu du mal à s’endormir… cette nuit. Il était nerveux. »

« Est-ce qu’ils lui ont fait… du mal ? » demanda la personne masquée.

« C’est encore pire que cela, il s’est lui-même fait du mal… Des ecchymoses sur le bras droit. Il sait que ce qu’il a sur les bras… Ce n’est qu’une chose démoniaque. Mais il ne comprend pas… Dix ans… C’est seulement son âge. Des fois, je déteste ça. »

« Et moi donc… Est-ce que vous pouvez m’emmener devant sa chambre ? »

L’homme passa une main dans ses cheveux bruns. Ce n’était pas que cela le gênait mais il avait l’impression de se montrer complice de ce qui allait se préparer et ça par contre… C’était déjà bien plus… problématique. Mais les remords devaient attendre, on parlait d’une affaire plus qu’importante. Il prit la parole :

« Comme vous le désirez mais lorsqu’on sera devant la porte, je vous demanderais d’attendre quelques instants… le temps que je m’éloigne. Je préfère ne pas imaginer ce que vous allez faire. J’espère que vous me comprendrez. »

« Aucun souci. Nous pouvons y aller maintenant ? Moi aussi, j’aimerais en terminer assez rapidement. Vous n’êtes pas le seul à détester cette chose. » murmura l’Ombre.

« Je m’en doute… Même si l’Oracle s’est occupé personnellement de vous pendant toutes ces années, je sais très bien que vous êtes attaché à cet orphelinat, Neel. »

« Bien plus qu’attaché… J’y ai vécu depuis que je suis né… ou presque. »

« Oui… Des fois… On se dit qu’on n’a pas le choix. Mais ça, vous devez souvent vous le dire non ? Ce n’est pas la première fois qu’une telle chose se produit… » souffla le surveillant.

L’être au masque blanc hocha sa tête, lui demandant de bien vouloir l’emmener au plus tôt vers Hekror. L’homme répondit par le même geste, se mettant à marcher. Ils pénétrèrent dans le dortoir des garçons, éclairés par la lumière de la lampe que tenait l’homme. Celui-ci le guida au second étage, reprenant la parole en murmurant :

« Est-ce que vous pourrez le faire… discrètement si cela ne vous dérange pas trop ? »

« Je ne comptais pas les réveiller… Vous n’avez pas à vous en faire… »

« Pfiou… Merci beaucoup. Je crois qu’ils ne poseront même pas de questions sur sa disparition. Vous savez les enfants de nos jours, ils sont bien plus intelligents qu’ils n’y paraissent. Cela est des fois assez… inquiétant. » chuchota le surveillant.

« Je vois ce que vous voulez dire… Est-ce que c’est ici ? »

Il hocha une nouvelle fois la tête d’un air positif. Oui, c’était bien le cas. Elle fit un petit geste de la main, lui signalant de s’éloigner maintenant qu’elle savait où tout cela se trouvait. C’était donc ici… Hum… Elle fit apparaître son arc, le tenant de sa main gauche avant de se préparer mentalement. Elle savait à quoi il ressemblait… Elle savait aussi que chaque chambre comportait trois lits alignés les uns à côté des autres. Mais elle avait une sensation désagréable au fond d’elle… comme si tout… ne serait pas aussi simple.

« Autant le faire maintenant. Vas-y… Neel… Prend ton courage à deux mains. »

Ce n’était pas grand-chose. Ce n’était rien… hein ? Juste tuer un jeune garçon… Neel posa sa main gauche sur le poignet de la porte, l’ouvrant lentement avant de remarquer tout de suite qu’il y avait un problème. Cette odeur… de sang était vraiment très présente !

Lorsqu’elle ouvrit la porte, ce fut pour apercevoir un spectacle des plus horribles. Des lits tachés de sang, des murs recouverts du même liquide… deux corps sans vie couchés dans leurs lits. Il ne restait plus qu’une plaie béante à la place de leur visage. Les corps avaient été lacérés sur ce dernier… Elle entendit un râle qui se répétait… un râle qui était à mi-chemin entre l’humain et la bête. Quelques secondes après et une petite voix sortie du coin de la chambre, près de la fenêtre. La voix d’un enfant… Hekror. Elle referma la porte derrière elle alors que la voix disait avec un petit tremblement :

« Je… Je… Je ne vous laisserais pas vous approcher de moi ! »

« Tu es en colère ? Non ? En colère contre les autres enfants ? Car ils ne voulaient pas jouer avec toi ? C’est cela ? Je sais très bien… » murmura doucement l’être masqué.

« NE DITES PAS CA ! NON ! Vous ne savez pas ! Ils… Ils… se moquent de moi ! Ils… Ils m’envoient des cailloux ! Moi… Moi je ne voulais pas ces lignes ! »

Hein ? En regardant plus précisément le petit être aux cheveux noirs. Du sang s’écoulait de ses deux bras… Il avait essayé de s’entailler les veines sans y arriver précisément. Dans sa main droite se trouvait un couteau, il avait sûrement dû le prendre pendant l’heure du repas et le cacher entre temps. Même… si elle ne faisait rien du tout, s’il continuait à cette allure, il n’allait pas survivre. La régénération physique était bien plus forte chez les deux types de porteur mais cela ne les rendaient pas invincibles pour autant.

« Et pourtant… Moi… Je suis dans le même cas que toi. Parce que j’ai des lignes… Je suis chargée de faire tout ça. Est-ce que tu penses que je n’aimerais pas jouer avec toi ? »

« Mensonges ! VOUS MENTEZ ! COMME EUX ! Ils disaient… Ils disaient qu’ils étaient mes amis ! Mais… Mais… Ce sont eux qui m’ont trahi ! Ils… Ils… disaient… Ils s’en fichaient mais non ! Ils rigolaient dans mon dos avec les autres ! Je… Je… Je les ai entendus ! Ils… ils… m’ont mentis ! » s’écria le jeune garçon aux cheveux noirs.

Trahir… Mentir… Neel se mit à déglutir, ayant sorti une flèche alors qu’il concentrait sa magie dans celle-ci. Trahir… Mentir… Un peu comme ce qu’il avait fait avec Tery… Tery… Ahh… Il avait l’impression de voir Tery devant lui ! Dans le même état d’hébètement ! Dans le même état d’incompréhension !

« Est-ce que tu veux… que j’achève tes souffrances ? » murmura Neel.

« Vous… Vous pouvez le faire ? Je… Je n’y arrive pas… » bredouilla l’enfant.

« Oui… Je peux le faire… Reste tranquille et ça sera rapide. » conclut l’Ombre.

Heureusement… qu’il semblait encore conscient, du moins… A moitié. Il releva son visage alors qu’il était assis dans le coin. Ses yeux bleus… l’observaient avec tristesse. Il avait des larmes à ces derniers. Elle banda son arc, prenant une profonde respiration en se disant que ce n’était qu’un mauvais moment à passer. La flèche quitta l’arc au même moment où le jeune garçon se relevait. Il s’était mis à crier :

« NON ! Vous… Vous ne me tuerez pas ! VOUS NE ME TUEREZ PAS ! »
La flèche se planta dans l’épaule gauche du jeune garçon, lui extirpant un râle de douleur alors que ses yeux étaient devenus complètement rouges. Comme… Tery… Encore avec Tery… Elle n’avait que son image en tête ! A chaque fois… Elle s’imaginait le pire avec lui ! Maintenant, elle devait tuer un jeune garçon qui était atteint par la folie des lignes d’Alzar.

« Vous êtes TOUS des menteurs ! » hurla l’enfant avec rage.

« Je pensais… que tu voulais… te laisser mourir de mes mains. »

L’être au masque blanc disait cela avec un soupir triste. C’était bien trop tard maintenant. Beaucoup trop tard. S’il était venu avant… Alors peut-être aurait-il pu mourir plus tranquillement… Hein ? Hekror était arrivé à sa hauteur, son couteau dirigé vers lui. Il allait essayer de le planter ? Il lui donna un coup d’arc au niveau du visage, le faisant chavirer sur le côté avant de reprendre la parole :

« Hekror ! Ne te laisse pas dominer par cette colère ! »

« Assez… ASSEZ… JE NE VEUX PLUS VOUS ENTENDRE ! »

« C’est… C’est quoi tout ce bruit ? » demanda une petite voix, celle d’un garçon.

« Veuillez retourner dans vos chambres, TOUT DE SUITE ! »

Ah ! Des enfants venaient de se réveiller à cause du boucan qu’il avait crée avec Hekror. Ils étaient encore dans la chambre de celui-ci mais heureusement pour lui, le surveillant semblait avoir remarqué qu’il avait des ennuis. Plusieurs portes se refermèrent alors que le surveillant demandait à travers la porte fermée :

« Neel… Est-ce que vous avez besoin d’aide ou non ? »

« NON ! Ne venez surtout pas ici ! Il… Il a tué les deux autres enfants ! »

Elle avait prononcée la dernière phrase en tentant de chuchoter. Si des oreilles indiscrètes entendaient celle-ci… Alors cela risquait d’être la panique dans le dortoir. L’homme d’une cinquantaine d’années fut pris d’un léger tremblement avant de bredouiller :

« Il… Il n’y a vraiment rien d’autre à faire ? Est-ce que je dois aller prévenir l’Oracle ? »

« Oui… Ca serait bien… AH ! » dit-elle subitement.

Elle avait roulé sur le côté, évitant la lame du couteau que tenait Hekror. Elle devait vite s’en débarrasser ! Ne plus attendre ! Elle se concentra, chargeant une nouvelle flèche d’une magie sainte. Elle n’allait pas le faire exploser ! Il ne méritait pas de mourir d’une façon aussi affreuse ! Elle devait viser le crâne… ou le cœur… Mais éviter à tout prix d’utiliser les autres éléments ! Surtout que la force du jeune garçon était bien plus grande maintenant ! Il retira son couteau du sol dans lequel il l’avait planté, se mettant à haleter en reprenant la parole :

« Ah… Ah… Vous êtes tous… des méchants ! Vous… VOUS ne nous laissez pas le choix ! Vous… Vous voulez nous tuer ! Nous n’avons… RIEN FAIT !  Simple… Simplement parce  qu’on a ces lignes noires ! Vous êtes… ceux qui doivent mourir ! »

Il avait raison… en quelque sorte. Ils ne demandaient rien au final. C’était bizarre que ça soit un garçon de dix ans qui lui dise cela… mais avec la magie d’Alzar en lui, rien ne pouvait être vraiment étonnant. Un peu comme l’aura noire autour du couteau qu’il avait. Elle savait pertinemment que si elle se faisait toucher par ce couteau, tout allait très mal se finir. Ce n’était plus une simple arme utilisée pour trancher un morceau de viande… C’était bien pire.

Sa flèche quitta l’arc, brillant d’une aura blanche alors qu’elle se dirigeait vers le crâne du jeune garçon. Celui-ci s’affaissa complètement, esquivant la flèche comme si il avait vue sa trajectoire à l’avance. Elle poussa un petit cri de rage, bandant son arc à nouveau en faisant apparaître une flèche. Il ne devait pas l’esquiver ! Le jeune garçon courut vers elle, donnant un coup de couteau dans le vide, une lame ténébreuse se créant en même temps.

Zut… Zut… Comment était-ce possible ?! Et zut ! Contrairement à son combat contre Tery, elle avait oublié que ce jeune garçon utilisait ses pouvoirs liés au dieu Alzar ! Qu’elle était stupide ! Tery ne s’était pas énervé réellement contre elle lors de leur combat ! Elle avait pris en considération sa dernière expérience de combat… et comme par hasard, ce n’était pas la bonne ! Elle fit un pas sur le côté, poussant un gémissement de douleur alors que sa cape brune se déchirait lentement, laissant apparaître un tissu rouge.

« Ah… Ah… Neel ! Je t’ai eu ! Je t’ai touché ! » dit l’enfant en rigolant machiavéliquement.

Et pas seulement lui ! Le mur derrière avait une fissure crée par la lame ténébreuse ! Rien que ça ! Ce jeune garçon… Déjà à dix ans… Sa colère envers les autres était si forte… Oui, il fallait le tuer maintenant avant qu’il ne soit trop tard ! Surtout qu’il avait déchiré une partie de sa cape ! Deux… Puis trois flèches. Voilà ce qu’il allait lui donner ! Trois flèches sur le même arc ! Ce n’était pas très facile à utiliser mais au moins l’une d’entre elles allait le toucher, il en était sûr ! Les flèches partirent toutes en même temps, Neel restant sur ses gardes, prêt à utiliser son autre arme au cas où.

La première des flèches passa à côté du jeune garçon, celui-ci l’ayant évité comme auparavant, la seconde alla se diriger droit vers son épaule droite, se plantant à l’intérieur. Le petit râle de douleur et l’arrêt de quelques millisecondes suffirent à ce que la troisième flèche atteigne son objectif : Le crâne d’Hekror. Celui-ci regarda l’Ombre au masque blanc pendant quelques instants, ses yeux montrant toute sa surprise et sa triste haine avant qu’il ne retombe en arrière. C’était… terminé.

« Neel ! Tu m’entends ? Est-ce que tu vas bien ? Neel ! »

La voix de l’Oracle… et elle comprenait ce qu’elle venait de faire. Elle ouvrit la porte à la volée, s’excusant tout en voyant le vieil homme avant de courir. Elle quitta le dortoir, une main posée sur son masque blanc, ne cherchant même pas à savoir où elle se dirigeait. Après une minute de course effrénée, elle se positionna contre un arbre, se murmurant :

« Je l’ai… Je l’ai… Je l’ai tué… Je l’ai tué… comme les autres… »

Elle retira avec vélocité son masque blanc, se mettant à vomir tout ce qu’elle avait consommé il y a quelques heures. Elle… C’était sa punition… Elle l’avait mérité… mais elle ne supportait pas… Elle n’arrivait pas à supporter ce qu’elle commettait… Ce n’était pas un crime… mais mais… C’était tout simplement horrible et ça… Elle n’en pouvait plus !

Chapitre 30
Chapitre 30 : Dernière démarche

« Mon enfant… Ouvre-moi… » murmura une voix douce et tremblante.

« Par… Pardon, Oracle… Je préférais… rester seul… »

« Neel, ce n’est pas en t’enfermant chez toi que tu pourras soigner cette blessure. Tu sais très bien que ce que j’ai fais, c’est pour toi. Je ne veux pas que tu me trahisses… Tu es important à mes yeux, très important. Tu n’es pas n’importe qui. » annonça le vieil homme.

« Laissez-moi seul… Je vous en prie… Oracle… »

« Comme tu le désires mais tu as mes félicitations pour cette mission. Il est triste qu’il y ait néanmoins des pertes civiles. Quand tu te sentiras mieux dans la journée, reviens dans mon bureau. Je te dirais ce que tu dois faire à partir de maintenant. »

ASSEZ ! ELLE EN AVAIT ASSEZ ! Elle ne voulait rien savoir de plus ! Assise sur son lit, elle avait retiré son masque blanc, l’ayant jeté au sol. La blessure qu’elle avait à la hanche avait déjà disparue tandis qu’elle sanglotait. Encore une fois… On l’avait forcé à faire ça. Encore une fois… Elle détestait… Elle détestait ces choses…

« Je me déteste… Je me déteste… Je… Je… » bredouilla t-elle.

Elle fut prise d’un soubresaut, une envie de vomir la reprenant mais elle se retenait. Elle ne devait plus y penser… Elle n’avait pas réussi à dormir de la nuit et il était déjà neuf à dix heures du matin. Elle était lasse… et vide… Vraiment vide… Une bonne demi-heure passa et elle n’avait pas bougé d’un poil. Quelques coups à la porte puis une voix se fit entendre :

« NEEL ! Je t’ordonne de m’ouvrir ! Tu ne dois pas rester seul dans ces moments ! »

« Ma… Madame… Liza ? Veuillez partir… s’il vous plaît. » chuchota l’Ombre.

« Non ! Et je resterais devant cette porte tant que tu ne m’auras pas ouvert ! Est-ce que tu te sens capable de laisser une vieille femme comme moi devant ta porte, abandonnée dans le froid de ces journées ? Non tu le sais très bien. » reprit la femme plus qu’âgée.

« C’est… C’est de la manipulation… madame… Liza… »

« Je ne dirais pas ce vilain mot si tu veux tout savoir. »

« Appelez-le comme… vous le voulez… Je ne veux pas vous ouvrir… J’aimerais être seul… Vraiment tout seul… De toute façon, ça a toujours été comme ça. »

« Tu sais très bien que ce n’est pas vrai ! Ouvre-moi maintenant… » insista madame Liza.

Elle n’avait pas le mental nécessaire pour refuser ce qu’elle lui demandait. C’était stupide… Vraiment stupide… Mais elle n’avait pas le choix…. Elle poussa un profond soupir, se relevant avant de mettre son masque blanc sur le visage. Elle se dirigea vers la porte, l’ouvrant pour laisser la vieille femme rentrer à l’intérieur. Celle-ci la remercia, l’observant quelques instants avant de voir la déchirure de la cape au niveau de la hanche.

« Qu’est-ce que c’est que cela, Neel ? » demanda t-elle.

« Ma punition pour avoir tuer un jeune garçon… » annonça l’Ombre encapuchonnée.

« Arrête de plaisanter avec ça ! Donne-moi ta cape… »

« Mais mais mais… Non… Je ne veux pas… Je veux garder cette entaille. »

Pfff… Vraiment, des fois… Neel pouvait être insupportable ! Elle poussa un petit soupir pour dire qu’elle était d’accord et qu’elle pouvait garder cette entaille mais bon… Maintenant, il fallait s’occuper de ce mental… car là… Il y avait une plaie qui ne s’était pas cicatrisée… Elle alla s’asseoir sur une chaise, invitant Neel à faire de même avant de reprendre la parole d’une voix qui se voulait douce :

« Tu dois en faire ton deuil, Neel. Ce n’est pas en restant immobile ou en te calfeutrant dans un coin que tu pourras avancer. Evite dorénavant d’échouer dans ta mission et tu n’auras plus à subir pareille torture. »

« Je sais… Je sais très bien ce que je dois faire mais c’est affreux… Je… Je ne comprends pas pourquoi on les rejette… Ils ne sont pas mauvais… C’est nous qui les imaginons ainsi ! »

« Est-ce que tu as une petite idée de ce que tu viens de dire, Neel ? » murmura la femme âgée.

« Je… Je… Je le sais très bien... mais… C’était un enfant… » bredouilla l’Ombre.

« Si tu le laissais vivre, d’ici dix ans, il serait devenu un meurtrier, il aurait détruit des villages entiers, est-ce cela que tu auras voulu pour lui ? Est-ce cela que tu aurais voulu pour ces pauvres personnes qui n’auraient rien demandé ? »

« Non… Non… Ce n’est pas ça que je voulais dire ! Je veux simplement… éviter de faire ça… On pourrait le donner à une autre personne non ? »

« Cela était une PUNITION, Neel. PU... NI… TION ! » répéta la vieille femme.

« Mais c’est une punition horrible pour moi ! L’Oracle le savait très bien ! »

Elle s’était mise à sangloter, la vieille femme venant lui tapoter le dos avec délicatesse en lui disant que ce n’était pas si grave. Maintenant, tout était terminé, c’était bon. Elle devait passer à autre chose. Elle lui signala que l’Oracle l’attendait, chose qu’elle savait déjà mais qu’il valait mieux pour elle qu’elle ne le fasse pas trop patienter. Il avait une nouvelle mission… et cela concernait le royaume de Shunter cette fois-ci.

« Tu comprends donc ce que cela veut dire ? » reprit madame Liza.

« Que j’ai… une chance… de me faire pardonner définitiveùent ? »

« Et oui ! Alors je veux que tu te lèves de cette chaise et que tu viennes m’accompagner. Je te laisse dix minutes pour te passer un peu d’eau sur le visage et ensuite, je t’emmène chez l’Oracle. Est-ce que je me suis bien faite comprendre, Neel ? Je l’espère sinon… »

« Oui, le message est très bien passé. J’y vais tout de suite. » répondit l’être masqué.

Elle se dirigea vers la salle de bains, demandant à Liza de bien vouloir patienter quelques minutes. L’eau s’écoula dans la pièce, signe qu’elle était en train de se laver. Un mal… pour un bien. S’il y avait une maigre chance de revoir Tery… Alors, elle le ferait. Plusieurs minutes après, elle se retrouva devant la vieille femme, le masque blanc posé sur son visage, ses deux yeux bleus observant Liza avant de dire :

« Je suis prêt… Nous pouvons y aller quand vous le désirez. »

« Alors dépêchons nous. L’Oracle nous attend. » dit madame Liza.

« J’espère que ce que vous avez dit est vrai… »

« Est-ce que la vieille femme que je suis te mentirais ? Allons, arrête d’être aussi pessimiste. On t’offre la possibilité de revenir dans le royaume de Shunter. »

« Oui… mais si… L’Oracle veut que je termine ma mission… et que je tue Tery ? »

Hum… Elle n’y avait pas réellement pensé à ça mais cela se tenait… Si c’était une nouvelle mission pour éliminer le porteur, alors sa remontée de moral retomberait en chute libre… Rien de bien bon donc… Mais la vieille femme reprit la parole :

« Je croyais t’avoir dit d’arrêter d’être aussi pessimiste, Neel ? Tu ne peux pas savoir ce que l’Oracle va t’annoncer avant même qu’il ne t’en parle ! Peut-être qu’il va te demander d’aller le chercher et de l’emmener ici ? »

« QUOI ?! Cela voudrait dire qu’il veut le tuer de ses propres mains ! Madame… Madame Neel ! Vous entendez ce que vous dites ? » s’écria l’Ombre encapuchonnée.

« Qu’est-ce que la vieille femme que je suis a-t-elle donc fait ? »

« Vous… Vous me faites croire qu’il y a une chance que j’emmène Tery ici mais ce n’est pas possible ! Tery est dans l’armée de Shunter maintenant ! » hurla l’être masqué.

« Et tu penses donc qu’il n’aimerait pas te revoir ? Après que tu lui aies donné quelques explications au sujet de ta mission ? »

« Vous… Vous mélangez tout ! Vous parliez d’aller le chercher et de l’emmener ici… Puis maintenant de lui expliquer tout. »

« Hahaha ! Pardonne donc la vieille dame que je suis. » rigola la vieille femme.

Elle n’arrivait pas à cerner les propos de Liza. Où est-ce qu’elle voulait en venir avec toute cette histoire ? Tery… ne voulait plus la revoir, chose normale. Elle avait essayé de le tuer ! Et puis… Et puis… Il lui avait fait une promesse bien que cela n’avait pas été prononcé de telle sorte… Mais elle ne l’avait pas oublié. Et lui aussi… Elle était sûre que si un jour, ils se retrouvaient alors… Alors… Elle ne voulait pas savoir ce qui arriverait à ce moment là. Cela serait trop affreux pour elle… bien trop affreux. Elles arrivèrent jusqu’au bureau de l’Oracle.

« Rentre… Je reste ici. Votre conversation ne me concerne pas. »

La vieille femme lui indiqua la porte, Neel toquant plusieurs fois à celle-ci avant que la voix de l’Oracle ne se fasse entendre. Il lui demanda de rentrer, chose qu’elle fit en jetant un regard à Madame Liza. Voilà qu’elle allait être seule face à l’Oracle. Elle prit une profonde respiration, refermant la porte derrière elle alors qu’il l’invitait à s’asseoir.

« Neel… Comment vas-tu maintenant ? Est-ce tu… vas mieux ? Je me posais cette question par rapport à ce qui s’est passé cette nuit. » murmura le vieil homme.

« On peut… dire que ça pourrait aller mieux, Oracle. Je… Je n’ai vraiment plus envie de faire ça ! Tu… Tuer des hommes… Je sais que je dois le faire… pour mes missions… mais tuer des enfants… C’est au-dessus de moi ! Oracle ! Vous le savez très bien ! »

Elle avait un peu d’amertume dans sa voix alors qu’elle regardait le vieil homme à travers ses yeux bleus. Elle… Elle ne comprenait pas pourquoi il ne disait plus rien ! Qu’il lui réponde au lieu de rester muet ! Elle trembla un peu sur sa chaise, cherchant à se contrôler et à se calmer. Hausser la voix contre l’Oracle… était tout aussi affreux que l’acte qu’elle avait commis dans la nuit. Après plusieurs secondes, il murmura :

« Je n’avais guère d’autre choix, Neel. C’était cela ou alors, tu ne m’aurais pas écouté dans le futur. Il faut souffrir pour réussir. Tu l’as appris d’une triste manière. »

« Oui… Je le sais… Est-ce que vous pouvez me… dire ce que vous me voulez ? »

« Est-ce que Liza t’a mis au courant ou non ? Si c’est le cas, nous gagnerons bien plus de temps et je pourrais te dire tout de suite ce que tu dois faire. »

« Oui… Je vais retourner à Shunter. Est-ce que c’est vrai Oracle ? Malgré l’échec de ma mission ? Je ne comprends pas… pourquoi… je dois y retourner. » dit la personne masquée.

« Justement… C’est à cause de cet échec que tu y retournes. »

« Ne… Ne me demandez pas ça ! » dit l’Ombre sur un ton entre l’imploration et l’énervement.

Neel s’était redressé de sa chaise, posant ses deux mains sur le bureau. L’Oracle le regarda avec étonnement : était-ce bien de la colère qu’il lisait dans les yeux bleus de l’être encapuchonné ? Hum… C’était vraiment bizarre de voir cela. Il toussa légèrement, Neel ne retirant pas ses deux mains du bureau comme pour attendre la réponse de l’Oracle. Celle-ci ne tarda pas à se faire entendre :

« Ne pas te demandez quoi ? Cela est la première fois… que je crois que tu oses… me parler ainsi, Neel. Est-ce que tu as déjà oublié… »

« Je… Je… Ne me demandez pas de le tuer… Je n’y arriverais pas… Je vous en prie, Oracle ! Tery…. Tery est la première personne avec qui je pouvais discuter… Pendant toutes ces années… Je… Je n’ai jamais… » bredouilla la personne masquée.

« Je vois ce que tu veux dire mais tu n’as pas à t’inquiéter à ce sujet. Cela ne concerne pas Tery. Calme toi donc… » murmura l’Oracle pour tenter de rassurer Neel.

« Vous êtes sûr ? Vous ne me… mentez pas ? » bredouilla l’être masqué.

« Est-ce que j’ai déjà dû mentir à tes yeux, Neel ? Ce n’est pas le cas. Rassis-toi s’il te plaît. Je vais t’expliquer exactement ce qu’il en est. Rappelle-toi pourquoi tu étais parti au royaume de Shunter. Est-ce que tu t’en souviens ? »

Elle était repartie s’asseoir, cherchant à se calmer en prenant une profonde respiration. Oui… Voilà… Ca allait mieux… beaucoup mieux. Elle n’avait pas à s’en faire. Tery n’était pas en danger à cause d’elle, ce n’était pas sa prochaine cible. Que demander de plus actuellement ? Rien du tout, voilà… Rien du tout. Elle alla dire :

« Pour les médaillons… des éléments. »

« Tu m’en as rapporté qu’un seul, n’est-ce pas ? Et combien y en a-t-il par royaume si tu t’en souviens ? Je te le répète ? » murmura le vieil homme.

« Il y en a trois… d’après vos paroles. Il existe cinq royaumes et il ne faut pas compter le sixième qui se trouve au centre de notre monde car à l’intérieur, il n’y a pas de médaillon. »

« C’est à peu près cela. J’ai appris il y a peu de temps que le roi de Shunter s’est mis en quête de récupérer les médaillons. » reprit l’Oracle avec calme.

« Mais… Mais comment ? Et pourquoi ? Qu’est-ce qu’il veut en faire ? »

« Je ne sais pas… Mais s’il met les mains dessus, cela risquerait d’être très grave. Je pense que c’est là, l’une des raisons de la guerre qu’il a lancée il y a quelques mois voir bientôt une année. Ainsi… Nous ne devons guère perdre de temps. Nous avons l’un des médaillons de Shunter… Et je sais qu’ils en ont un… Cela veut dire qu’il en reste encore un qui n’est pas dans les mains d’un humain. C’est donc une bonne… chose. »

« Ma mission consistera à aller récupérer le médaillon avant le roi, c’est cela ? »

« Oui… Mais c’est une mission très risquée, je tiens à te le signaler. Tu risquerais d’être blessé voir de ne pas en revenir. » souffla l’homme d’un certain âge.

« Qu’importe ce que cela m’emmènera, je ne peux pas rester là sans rien faire ! »

« Est-ce que tu vas donc accepter cette mission ? Si c’est le cas, tu pourras te préparer et partir dès demain matin. Il vaut mieux que tu aies une journée pour te reposer. »

« Pardonnez-moi… Mais j’ai une question… En ce qui concerne… Tery… Vous avez dit… que l’armée de Shunter s’était mise à la recherche de ces médaillons aussi ? Est-ce que cela veut dire… que je risquerais de retrouver Tery ? Et si c’est le cas… Qu’est-ce que je dois faire ? Oracle… Répondez-moi sincèrement. » demanda faiblement la personne masquée.

« Ce que tu dois faire ? Prendre le médaillon, qu’importe le prix que cela coûtera. Je ne te demande pas de le tuer mais s’il te gêne… Tu dois trouver un moyen de t’en débarrasser. Le médaillon passe avant tout le reste, d’accord ? »

Oui… Il comprenait parfaitement ce qu’il voulait dire. Il hocha la tête, se relevant de sa chaise en demandant si tout était terminé et s’il pouvait partir. L’Oracle toussa légèrement, Neel s’arrêtant de se diriger vers la sortie. Est-ce qu’il y avait un problème ? Il ne voyait pas où… mais si l’Oracle se mettait à tousser, cela voulait dire que ce n’était pas encore fini.

« Je me suis trompé quelque part, Oracle ? Pardonnez-moi… »

« N’aurais-tu pas oublié de me demander quelque chose ? Ce n’est pas très difficile en y réfléchissant bien mais cela se voit que tu es plus préoccupé par Tery que par la mission. Est-ce que tu n’aurais pas besoin d’une information de ma part ? » demanda l’Oracle.

« Je ne vois pas de quoi… vous voulez parler… Euh… Attendez un peu… En y réfléchissant bien… Je crois qu’il m’en manque une… Le médaillon ! Quel est son nom ? Et surtout… Où est-ce qu’il se trouve ? Je me disais bien que sans ça, j’aurais eu du mal à chercher le médaillon. Je m’excuse de mon idiotie… par contre… En ce qui concerne Tery… »

Non rien, il préférait ne rien dire. Il valait mieux se taire dans ce genre de cas sinon… Il risquait de s’enfoncer. Qu’est-ce que l’Oracle voulait dire par plus préoccupé par Tery ? Ce n’était pas vrai ! Enfin… Il était préoccupé, oui… mais pas autant que l’Oracle le disait. Ses yeux bleus restaient fixés sur le vieil homme, attendant que celui-ci prenne la parole. De son côté, l’Oracle était immobile, comme pour réfléchir à la question de Neel. Après quelques secondes, il murmura d’une voix calme et normal :

« D’après mes informateurs… Il est dans les environs du village de Leskar. »

« Mais ce n’est pas possible. J’ai déjà récupéré ce médaillon. » annonça l’Ombre.

« C’est exact. Je t’avais envoyé là-bas pour en récupérer un mais je ne sais pas comment l’expliquer mais le dernier médaillon se déplace assez rapidement. Je crois que la personne ou la … chose qui le possède à l’habitude des très longs voyages. Rappelle-toi, les médaillons… ne peuvent pas être récupérés normalement. Ils sont crées de telle sorte que les espèces humaines ne peuvent pas les prendre à la main… sauf avec des gants… mais ils ne pourront pas utiliser leurs pouvoirs. » répondit l’Oracle.

« Je le sais parfaitement… Oracle. Je devrais me dépêcher de partir. Je ne veux pas que le village de Leskar ait des problèmes à cause de moi. Déjà que j’ai retiré un fils à ses parents… Alors j’aimerais… éviter…  de faire encore pire. »

« C’était son destin… Cela était inscrit dans son avenir… Il devait devenir un soldat au service de l’armée de Midès. Il n’y avait guère d’autre solution. Et aussi… Qu’il était un Porteur… Mais des fois… Je me trompe… »

Se tromper ? Il s’était trompé lourdement oui. Neel voulut confirmer les propos du vieil homme mais bon… Il ne pouvait pas lui en vouloir… Enfin si… Un peu… Mais voilà… Maintenant, il devait repartir au village de Leskar pour aller chercher le dernier médaillon relié à l’élément de la Terre. Il fallait qu’il accomplisse cette mission le plus rapidement possible pour ne pas avoir de problèmes. Il ne voulait surtout pas blesser ou mettre en danger la vie des parents de Tery ! SURTOUT PAS ! Il remercia l’Oracle, quittant son bureau.

Comme il s’y était attendu, la vieille femme était restée près de l’entrée de l’orphelinat. Lorsqu’elle le vit, elle se dirigea vers lui, lui demandant ce qui s’était passé à l’intérieur. Lentement, il reprit la parole, poussant un léger soupir :

« Je vais repartir dans le royaume de Shunter dès demain. Je vais préparer quelques bagages et je me rends tout de suite là-bas. »

« Tu n’as pas l’air très heureux de cette nouvelle… Est-ce que… L’Oracle t’a demandé… »

« Non. Vous n’avez pas à vous en faire sur ce point. Ce n’est pas le cas. Je n’ai pas à combattre Tery et heureusement à mes yeux. Je ne crois pas que j’en aurais été capable… »

« Mais alors pourquoi cette tristesse ? » demanda madame Liza avec un peu d’inquiétude.

Elle ne lui répondit pas. Elle n’avait pas envie d’en parler pour l’instant. Peut-être quand elle serait rentrée dans la maisonnette. La vieille femme continua à la suivre, restant parfaitement muette en même temps qu’elle… Elle savait se taire quand cela était nécessaire. Après plusieurs minutes de marche, elles arrivèrent dans la maisonnette, Neel ouvrant la porte pour laisser Liza rentrer à l’intérieur tandis qu’elle lui disait finalement :

« La mission… se passe près du village de Leskar. »

« Et qu’est-ce qu’il y a avec ce village ? Ce n’était pas déjà le cas auparavant ? Je veux dire par là : n’était-ce pas déjà cet endroit où tu t’es rendu la dernière fois ? »

« Si, c’est exactement ça sauf que… Je ne suis pas rentré dans le village … et c’est là que j’ai rencontré Tery. Dans la forêt voisine… » reprit la personne masquée.

« Et bien ? Alors… Je ne vois pas où est le problème, sincèrement. »

« Et bien… Je ne veux pas… blesser les parents de Tery par inadvertance. Imaginez un instant que tout se passe très mal dans le village… »

« Tu commences à partir avec des idées pessimistes, ce n’est pas ainsi que tu pourras régler tes problèmes. Arrête de penser de la sorte et dis toi que peut-être que tu retrouveras Tery ? Il retournera bien un jour ou l’autre chez lui et donc, tu peux espérer le revoir. »

« Espérer… Espérer… Et lui, pensez vous qu’il espère me retrouver ? »

« Ca… Je ne peux pas le savoir. C’est à toi de le découvrir, Neel. Je vais te laisser te préparer tes affaires. Evite de partir trop tôt demain matin, je te saluerais avant ton départ. »

Comme la vieille femme le voulait, elle hocha la tête, ouvrant la porte à madame Liza pour la laisser quitter sa modeste demeure. Demain… Combien de temps allait-elle mettre pour arriver jusqu’au village de Leskar ? Beaucoup de temps… Enormément de temps même… En fait… Elle allait tout faire pour retarder l’inévitable. Donc… Il était hors de question pour elle de se dépêcher dans cette mission et cela malgré l’armée de Shunter dans les parages.

Chapitre 31
Chapitre 31 : Plusieurs semaines

« Long… C’est vraiment long… Très long… »

« Alors comme ça, vous êtes en voyage vers le village de Leskar ? » posa une voix féminine.

« Hein ? Que quoi ? Ah… Euh oui ! Oui ! C’est cela ! »

Elle releva son visage masqué de blanc, s’étant assise à une table. Où est-ce qu’elle se trouvait ? Ah oui… Dans une auberge… Elle avait perdu un peu le sens des réalités à force de réfléchir à tout ça. Elle avait trouvé un petit village en bordure du royaume de Shunter, n’ayant pas encore pénétré à l’intérieur de celui-ci. Une serveuse s’était approchée d’elle, tentant la discussion tout en lui servant ce qu’elle avait commandé.

« Vous semblez un peu rêveur… Vous voulez peut-être que j’aille demander une chambre à l’aubergiste ? Je suis sûre qu’il doit en avoir une de libre. »

« Merci… beaucoup… de votre sollicitude. » répondit l’être masqué.

La femme passa sa main sur celle gantée de rouge, les yeux bleus de Neel l’observant quelques instants s’éloigner avant qu’il ne pousse un profond soupir. Cela faisait déjà une bonne semaine qu’il était parti de l’orphelinat… Il avait prévenu l’Oracle que cela risquerait d’être plus long que prévu à cause du médaillon… Si celui-ci bougeait, alors il devait faire attention à ne pas perdre sa localisation. La serveuse revint quelques minutes plus tard.

« Voilà ! C’est fait ! Vous aurez la chambre numéro quatorze au premier étage. »

« Je vous remercie pour tout ce que vous faites pour moi… »

« Ne vous inquiétez pas, je m’appelle Elise. Si vous voulez, je termine mon service dans une heure, nous pourrons discuter. » annonça la jeune femme à Neel.

« ELISE ! Arrête de gêner les clients et ramène-toi ici plus vite que ça ! Nous n’avons pas que ça à faire de papoter ! Tu as du travail ! » cria une voix masculine.

« Oups… Pardonnez-moi. Je suis désolée… Mais le travail est le travail. »

« Faites donc… Je ne vais pas vous déranger plus longtemps. » murmura l’être masqué.

La serveuse quitta sa table alors qu’il terminait de manger. Utilisation de la magie… Toujours de la magie… La nourriture s’insinua à travers l’espace de son masque au niveau de sa bouche, lévitant au-dessus de son assiette. Personne ne devait voir son visage… Il se sentait un peu mieux… Il allait retourner à Shunter. En fait, il était tiraillé entre deux sentiments. Il était heureux de retourner dans le royaume de Shunter mais aussi très inquiet. Une seule bavure… et voilà le problème. Il se dirigea vers l’aubergiste, prenant la parole :

« Pardonnez-moi… J’aimerais la clé de ma chambre. Enfin… Dites moi le prix au départ et je vous payerai directement. Je ne reste qu’une journée. »

« Pour votre chambre, d’après Elise, vous voulez la quatorze non ? Vous n’inquiétez pas pour elle, c’est une gentille fille. Elle aime bien s’inquiéter des personnes qu’elle rencontre et qu’elle apprécie. Vous semblez avoir de graves soucis pour qu’elle vienne vers vous mais attention… Je vous interdis de la faire souffrir ! Cette gamine est sous ma protection. »

« Ne vous inquiétez pas pour cela… Je ne la toucherais pas du tout. »

« Je l’espère pour vous. Voilà… Tenez votre clé. » termina de dire l’aubergiste.

Elle ouvrit sa bourse d’argent, celle-ci ayant été renflouée pour le voyage. Elle déposa la monnaie nécessaire pour payer sa chambre, récupérant sa clé avant de jeter un bref regard à Elise. La jeune femme devait avoir dix-sept voir dix-huit ans au grand maximum, elle travaillait déjà aussi durement. Elle avait une frange de cheveux bruns, des yeux couleur noisette et une taille assez élancée bien qu’elle était petite. Sa poitrine était de taille normale mais elle n’était pas vilaine… Très loin de là même. En fait, son sourire semblait s’attirer la sympathie de toutes les personnes présentes en ce lieu et Neel se demanda si ce n’était pas des habitués… spécialement à cause de cette jeune femme.

« Oui je sais… Elle est assez spéciale… Elle met de la joie et de la bonne humeur… alors que la guerre se rapproche inexorablement. Enfin… Nous sommes à la frontière mais nous ne sommes pas dans Shunter, nous n’avons pas à nous inquiéter… Simplement… Une bonne partie des personnes ici présentes ont besoin de se faire remonter le moral car elles proviennent de Shunter… ou partent là-bas. » répondit l’aubergiste en observant Elise.

« La guerre est une chose laide… mais je n’apprend rien à personne à ce sujet. Le problème n’est pas la guerre ou les personnes qui y participent… Ce sont les raisons et les personnes qui dirigent dans l’ombre… Je vous souhaite une bonne soirée, je vais de ce pas dans ma chambre pour m’y reposer. Je compte partir au petit matin… ou alors en début d’après-midi. »

« J’espère que votre nuit se passera tranquillement ! N’oubliez pas de rester éveillé pour Elise. Si elle veut vous parler, c’est la meilleure chose à faire. »

« J’y penserais… si je ne m’écroule pas sur mon lit. » dit l’être masqué de blanc.

Finalement, elle se dirigea vers les escaliers, montant au premier étage en jetant un dernier regard vers Elise. Peut-être que discuter avec elle ne serait pas une mauvaise chose… pour quelques minutes au final. Elle arriva devant la porte de sa chambre, rentrant la clé dans la serrure avant de pénétrer à l’intérieur. C’était modeste… Vraiment très modeste… Mais c’était bien mieux que rien et surtout, c’était très bien entretenu.

« Sûrement de la part d’Elise, je parie. »

Elle avait murmuré cela en retirant son masque blanc, refermant la porte à clé derrière elle avant de jeter le masque sur le lit. Elle alla s’asseoir sur celui-ci, observant la fenêtre ainsi que la lumière de la lune qui éclairait la pièce… Il faisait noir… Elle pointa sa main droite gantée de rouge vers le plafond, visant une petite lampe attachée à celui-ci avant de faire apparaître une flammèche au bout de son doigt. La flammèche quitta ce dernier, se dirigeant avec dextérité vers la lampe avant de l’allumer. Voilà… Maintenant, la pièce était éclairée. Qu’est-ce qu’elle devait faire ? Attendre qu’Elise toque à la porte et discuter avec elle ? Elle se demandait… si elle arriverait à saisir sa véritable nature.

Une bonne heure passa et Neel était resté finalement éveillé. Son masque blanc sur le visage, il s’était dit que ça ne servait à rien de ne pas dormir. Elle n’allait pas venir… et puis… à quoi cela lui servirait de la voir venir ? A discuter ? A nouer une nouvelle relation ? Depuis quand s’attardait-il là-dessus ? Hum… Un seul mot lui venait en tête.

« Tery… Il n’y a qu’à cause de lui que je suis comme ça. »

« Messire ? Messire ? Est-ce que vous êtes là ? » demanda une voix féminine.

Ah… Elise était bien arrivée. Est-ce qu’elle devait lui ouvrir ou non ? Est-ce que c’était une bonne chose ? Lui parler de ses problèmes ? Hum… Elle se leva finalement de son lit, se dirigeant vers la porte avant de l’ouvrir d’un geste lent. Elise s’engouffra à l’intérieur avec un petit rire alors que Neel refermait la porte derrière elle. Vraiment… Elle n’attendit pas, venant s’asseoir sur le lit alors qu’elle gardait ses yeux fixés vers la jeune femme.

« C’est l’une des meilleures chambres de l’auberge ! Je m’en occupe spécialement tous les jours lorsque les gens partent. » annonça Elise.

« Que me voulez-vous ? J’aimerais… bien le savoir… »

« Non ! Ce n’est pas moi qui veut quelque chose mais vous ! » répondit aussitôt Elise.

Lui ? Comment ça ? Où est-ce qu’Elise voulait en venir ? Hum… Il ne fallait pas qu’elle se fasse des idées. Est-ce qu’Elise était de ce genre ? Hum… Non… D’après ce qu’elle voyait, ça ne pouvait pas être ça. Il y avait autre chose. Est-ce que la jeune femme voulait vraiment l’aider ? Lui laisser prendre la parole ? Peut-être…

« Je ne vois pas où vous voulez en venir, mademoiselle. » murmura la personne masquée.

« Je m’appelle Elise, ça sera bien mieux. Vous savez très bien de quoi je veux parler. Cela se lit dans votre regard ! Je ne sais pas pourquoi… mais j’ai ce don. Je suis capable de lire dans les yeux des gens et de savoir qu’ils cachent quelque chose. Je vous avoue que des fois, cela me crée quelques problèmes hihi ! Enfin, c’est un don ou presque … »

« Etait-ce moi qui devait parler ? Ou vous ? Je ne sais plus vraiment… »

« Oups ! Pardonnez-moi… messire ? Ou mademoiselle ? » demanda Elise.

« Qu’est-ce qui vous fait croire que je suis l’un ou l’autre ? »

« Vous voulez donc m’annoncer par là que vous êtes une créature asexuée ? J’aurais beaucoup de mal à le croire sauf votre respect, messire ou mademoiselle. »

Messire ou mademoiselle, messire ou mademoiselle, la jeune femme ne l’agaçait pas… ou ne l’irritait pas… En fait… Elle ne savait pas comment réagir avec elle ? Pourquoi pas ? Pourquoi ne pas parler avec elle quelques temps ? Mais elle avait l’impression que si elle en disait beaucoup trop… Elle ne découvre qui elle était réellement et si c’était le cas… Alors, cela risquait de ne pas lui plaire à ELLE… Elle sous son masque blanc.

« Je ne suis pas une créature asexuée… Simplement… Je n’aime pas parler de moi. J’en suis désolé… mais il aurait mieux fallut que vous ne me parliez pas. » répondit Neel.

« Et pourquoi ça ? Vous savez… Je ne partirais pas tant que je ne saurais pas ce qui vous tracasse. Vous semblez être du genre à ne pas beaucoup parler aux autres. Vous en avez envie… mais quelque chose vous retient et vous bloque. » annonça la jeune femme.

« Et qu’est-ce qui vous fait dire ça ? » répliqua aussitôt l’être masqué.

« Vos yeux… Ils semblent si tristes. Vous êtes à la recherche de quelqu’un ! Est-ce que je me trompe ? Ou alors, est-ce que j’ai raison. »

« Je suis désolé de vous dire que vous vous êtes… » commença à dire Neel.

« On ne peut pas être parfaite partout on dirait. Je pensais pourtant que c’était le cas… »

Neel observa Elise à travers son masque blanc. Pourtant… Elle n’avait pas tord… Pas du tout même. Cela l’étonnait… Est-ce qu’il était aussi prévisible ? Facile à lire ? C’est vrai qu’il recherchait quelqu’un… sans réellement le rechercher. C’était Tery… tout simplement. Il soupira longuement avant de dire :

« Non… Vous aviez raison… Je recherche bien quelqu’un… Mais ce n’est qu’une partie de ce que je dois faire. Et ce n’est pas le plus important. »

« Vu votre regard… Il l’est pourtant. » reprit Elise.

« Arrêtez de me regarder ! A force de parler de ça, ça devient plutôt gênant ! »

Pfff ! Elle n’arrivait pas à supporter cette jeune femme ! Elle ne lui tapait pas sur les nerfs… C’était simplement que… Elle détestait ça. Elise s’arrêta de sourire, poussant un léger soupir attriste avant de se diriger vers la porte.

« Pardonnez-moi… Des fois, je parle beaucoup trop. Mais je n’aime pas laisser des gens dans la détresse. Ce n’est pas… très joyeux quand ils ne sourient pas. »

« Ce n’est pas parce que je porte un masque figé… que mon visage l’est de même. »

« Je n’ai jamais dit cela… messire. Je disais simplement que votre masque est peut-être ce que vous voulez devenir… mais que sous ce dernier se cache un visage bien triste. »

Il ne lui répondit pas. A quoi bon au final ? Elle voulait s’amuser à ça… Elle allait la laisser continuer sur ce chemin. Il attendit pendant plusieurs minutes mais Elise restait sur le pas de la porte, comme si elle espérait qu’il la retienne. Pfff… Mais pourquoi fallait-il qu’il soit tombé sur l’unique auberge dont la servante avait ce genre de… capacités ?

« Si c’est pour un pourboire… Je suis désolé mais je ne peux pas. »

« Non… Vous savez très bien pourquoi je ne veux pas partir. » répliqua aussitôt Elise.

« C’est bon, c’est bon… Vous avez gagné… Je vais vous dire qui est cette personne que je recherche, pourquoi et ce qui s’est passé. Mais je vous préviens : un seul mot en-dehors et je serais forcé de vous tuer… Et je ne plaisante pas avec ce genre de choses. »

« Juste… Une question… Est-ce que vous êtes un criminel ? »

« Si vous savez lire dans les yeux, vous devriez connaître la réponse non ? »

« Alors je vous fait confiance… Racontez-moi tout ! Je suis toute ouïe ! »

Elle retourna s’asseoir sur le lit alors qu’il passait une main sur son masque blanc. S’il l’aurait pu le retirer, il n’y a aucun doute qu’il ne se serait pas gêné pour pousser un profond soupir tout en se tirant le visage. Vraiment… Des fois… Il s’en voulait de discuter avec les autres. Il commença à raconter son récit, omettant l’histoire en ce qui concerne le médaillon de Tarka. Elle lui expliqua tout ce qui concernait Tery, la jeune femme ne pouvant s’empêcher de prendre la parole et de dire :

« Si j’ai tout compris, vous avez appris à un débutant à se battre ? Après l’avoir sauvé ? »

« C’est plus ou moins… ça dira-t-on. » marmonna Neel.

« Et ensuite, vous avez attaqué les Gnomolds près de Midès ? Mais c’est bien la ville capitale de Shunter ? Comment est-ce là-bas ? On me dit toujours : très grand voir gigantesque ! Il paraît qu’il y a plusieurs quartiers et… »

« Êtes-vous là pour me demander des informations au sujet de mon histoire ou pour une visite vocale de Midès ? » coupa l’être masqué alors que la jeune femme s’arrêtait.

« Oups… Pardon. Je ne recommencerais plus. Continuez donc ! Après avoir affronté des Gnomolds et entraîné ce… Tery, qu’est-ce qui s’est passé ? »

Disons… Que ce qui s’est passé ensuite… Elle n’en était pas vraiment fière. Est-ce qu’elle devait continuer à raconter ? Bah… Au point où elle en était, elle n’avait plus rien à perdre. Elle lui expliqua ce que Tery avait fait pour elle, au sujet de cet argent, du chef Gnomold et aussi des récompenses. Intentionnellement, elle évita de parler du cœur de pierre brun… Pas maintenant… Ça ne servait à rien... Elise demanda après le reste des paroles :

« Ce scorpion ? Il a réussi à le battre alors que vous étiez évanoui ? Mais c’est formidable non ? Mais pourquoi… vous vous êtes séparés ? »

« Car… J’ai essayé de le tuer… Je devais le faire. »

« Le… Le tuer ? Co… Comment ça ? Vous voulez dire… tuer tuer ? » balbutia Elise.

« Il n’y a pas cinquante façons de faire mourir un homme… Enfin si. »

La jeune femme aux cheveux bruns perdit son sourire qui était revenu au moment où Neel avait commencé à parler. Le tuer ? Alors qu’il l’avait éduqué dans l’art de la magie et du combat ? Mais pourquoi une telle chose ? Neel lui en cachait beaucoup trop… mais d’un autre côté, il en avait peut-être déjà trop dit…

« Et vous voulez retourner le voir… mais pourquoi ? Ca ne semble… pas logique. Si vous avez essayé de le tuer… Est-ce qu’il s’est passé quelque chose ? »

« Vous posez beaucoup trop de questions à mon goût. Je suis là pour une autre mission mais j’aimerais simplement me faire pardonner… » marmonna l’être masqué de blanc.

« Vous avez essayé de le tuer… Vous comprenez donc que ça sera très difficile. »

« Qu’importe que cela soit difficile ou non, j’essayerai de mon mieux. Je n’ai pas pu m’expliquer correctement la dernière fois mais je vais changer tout cela. »

« Je vous souhaites la bonne chance ! Je dois aller me coucher. Il se fait tard et la vie d’une serveuse d’auberge n’est guère palpitante bien qu’elle doit se lever chaque matin à l’aurore pour servir ceux qui doivent partir tôt. » annonça la demoiselle en une seule traite.

« Faites comme vous le désirez… Je vous dis bonne nuit. Je n’ai pas besoin de vous guider jusqu’à la sortie. Vous connaissez très bien le chemin non ? »

« Hihihi ! J’espère que nous nous reverrons un jour, vous êtes une personne très très intéressante… Et je suis sûre que je n’ai gratté qu’une légère partie de la couche qui vous recouvre pour vous montrer réellement. Je suis pressée d’en savoir plus à votre sujet ! »

« Veuillez partir… Merci beaucoup et bonne nuit. » répéta une nouvelle fois Neel.

Pfff… Qu’est-ce qu’elle avait à parler de cette façon ? C’était plus que gênant… de raconter tout ce qu’elle voulait dire à Tery. Elle observa la jeune femme qui quittait la chambre en lui faisant un petit sourire. Dès qu’elle ferma la porte, Neel se leva, tournant la clé pour être sûr de ne plus être dérangé. Maintenant…

« Je vais pouvoir enfin me reposer ! » s’écria l’être encapuchonné.

Il retira son masque blanc à nouveau, le déposant sur la table de chevet avant de tirer les rideaux de sa fenêtre.  Il se coucha sur le lit, observant le plafond de ses yeux bleus avant de pousser un profond soupir :

« Cela risque quand même… d’être très difficile… Et puis… Je ne suis même pas sûr que je puisse voir Tery. Il me faudrait retourner à Midès… et je n’en ai pas envie. »

Elle n’en avait pas du tout envie. C’était quelque chose qu’elle ne pouvait pas supporter… Se retrouver en face de Tery par inadvertance… C’était affreux ! Qu’est-ce qu’elle lui dirait ? Qu’est-ce qu’elle ferait ? Elle lui dirait son nom ? Neel ? Ou alors son véritable nom ? Et puis lui ? Il réagirait comment ? Très mal, elle en était sûre. On parlait quand même d’une tentative de meurtre, tentative avortée… Et puis bon…

« Comme si il allait m’écouter… Il faut un peu de sérieux…  Si je lui disais que l’Oracle voulait parler avec lui car il a réussi à contrôler ses lignes noires… Il me prendrait pour un fou… Hé… Il irait peut-être voir l’Oracle mais je ne suis pas sûr que ça soit pour le saluer… Plutôt pour lui donner un bon coup de poing… Et si… Ils devaient se battre tous les deux ? L’Oracle… Je ne l’ai jamais vu se battre… »

Mais c’était quoi ses pensées ?! Voir l’Oracle se battre ? Voir Tery et l’Oracle se frapper tous les deux ? Ce n’était pas une bonne chose ! Loin de là même ! Il tira les draps de son lit, venant s’enfouir dessous avant d’observer maintenant le mur.  Demain… Il partira très rapidement, il n’ira même pas prendre de petit-déjeuner ou autre… Il n’avait pas de temps à perdre… Au final… Au final…

« Je vais me dépêcher d’accomplir tout ça… et je retournerais chez l’Oracle… Et je partirais dans les autres royaumes… Et j’irais… Et j’irais… »

Et il ira… Il ne savait pas où… Il ferma ses yeux bleus, se mettant à dormir en espérant ne plus rêver de Tery et de l’Oracle. C’était si bizarre… Il ne voulait pas… Cela le gênait plus que tout… Il ne devait pas rêver à tout ça… Est-ce qu’il devait aller au village de Leskar ? Peut-être parler un peu avec la mère et le père de Tery ?

« On verra tout ça… demain… On verra ce que je ferais… Rien ne presse… De toute façon… Ca ne me gêne pas d’être seul… tout seul… J’ai l’habitude. »

Largement l’habitude même… Pourquoi changer ce qui se faisait depuis des années ? Enfin, il s’endormit, se laissant emporter par les songes dans lesquels il s’enfonçait. Cette nuit avait été assez perturbante… La venue d’Elise, toutes ses questions par rapport à son histoire avec Tery. Quand même… Pourquoi parler à plus de monde ? Il ne voulait qu’un petit cercle d’amis… s’il pouvait en avoir… bien entendu. Il murmura :

« Je n’arrive pas à dormir… Je suis troublé… comme avant… Dès que je pense à Tery… et à l’Oracle… Pourquoi faire des choix ? Est-ce que je suis devenu vraiment assez grand ? Pour réfléchir tout seul ? Est-ce que c’est vraiment une bonne chose… que d’avoir sa liberté ? »

Elle ne savait pas… Elle ne savait pas du tout justement… C’était pour ça qu’elle ne voulait pas… Qu’elle préférait qu’on lui donne des missions… Que l’on évite de s’attacher à elle… et qu’elle évite de s’attacher aux autres… Et puis… Tuer des enfants…Si Tery l’apprenait, il ne voudrait plus jamais lui adresser la parole, elle en était sûre.

« Marre… J’en ai marre… Laissez-moi tranquille… Laissez-moi seul… »

Seul… Tout seul… Voilà ce qu’il devait être… Une machine sans sentiment et incapable… de ressentir quelque chose… Cela revenait à la même chose mais qu’importe… Il ne voulait plus rien ressentir, que cela soit au niveau de son cœur ou de son corps.

« Tery… Tu n’es qu’un imbécile… A cause de toi… Je me pose trop de questions… A cause de toi… Je commence à changer… A cause de toi… J’ai voulu être une personne que je ne serai jamais. Tu t’es bercé d’illusions… et tu m’as … bercé d’illusions… »

Des illusions… Voilà ce qu’elle avait vécu avec Tery. Et lui aussi?? Dire qu’il pensait qu’elle était une maîtresse d’armes mais au final… Elle n’était pas forcément très forte ou puissante… Oh… Elle avait des connaissances, le physique qui allait avec… mais bref… Elle était loin d’être très très forte… Et cela malgré toutes ces années d’entraînement. Ou alors… C’était elle qui se trompait ? Les moments avec Tery avaient été… merveilleux en un sens. Elle ne s’était jamais sentie aussi proche d’une personne… à part l’Oracle… C’était des journées comme ça… dont elle avait besoin. Finalement, le sommeil vint la chercher.

Chapitre 32
Chapitre 32 : Aux abords de Leskar

« Combien de temps s’est-il écoulé ? Ca m’a l’air si… différent. » murmura l’être masqué.

Et pour cause, le terrain devant elle semblait être saccagé. Des fissures… De très nombreuses fissures… comme si la terre s’était ouverte de l’intérieur. Pourtant, elle était partie depuis à peine… combien de temps ? Trois semaines ? Hum non ! Qu’est-ce qu’elle disait comme bêtise. Cela faisait plusieurs mois qu’elle n’était pas revenue dans cette région. C’était là que se trouvait le village de Leskar. C’était là… qu’elle avait découvert Tery la première fois. Elle s’en rappelait… Il avait été poursuivi par un Gnomold et elle s’en était occupé avec facilité. C’était… le bon vieux temps dira-t-on ?

« Ce n’est pas l’heure pour les souvenirs… Je dois aller au village et fouiller dans les environs. Je n’ai pas de temps à perdre ! » s’écria-t-il pour se donner une certaine contenance.

Elle accéléra le rythme, évitant les nombreuses failles qui ouvraient le terrain devant elle. Qui avait put causer une telle chose ? C’était vraiment énorme… Etait-ce le monstre dont lui avait parlé l’Oracle ? Celui qui avait le dernier médaillon ? Peut-être que c’était le cas… Mais alors… Elle avait de sérieux soucis à se faire, vu l’état dans lequel était le terrain. Le pire était qu’elle n’avait aucune idée de quoi ressemblait le protecteur du médaillon. Elle continua de marcher jusqu’à trouver un petit village, pénétrant dans l’auberge sans même jeter un regard tout autour d’elle. Elle se dirigea vers le comptoir, commandant une cruche d’eau sous les rires de quelques hommes. Elle ne s’en offusquait pas, cela n’en valait pas la peine. Elle n’était pas portée sur la boisson.

« Et à part une carafe… Qu’est-ce vous voulez messire ? » demanda l’aubergiste.

« Quelques informations sur les derniers évènements… Du genre… Ces nombreuses failles que l’on voit en arrivant ici. Est-ce normal ? »

« Je vous laisse trouver la réponse tout seul, z’êtes assez grand non ? »

« S’il vous plaît… Je n’ai vraiment pas envie de plaisanter. Est-ce à cause d’un monstre ou d’un groupe de créatures ?  J’aimerais bien le savoir. »

« Vous avez pas à vous en faire pour ça ! L’armée de Shunter va s’en occuper très bientôt. Ils devraient arriver d’ici deux semaines voir un mois. De toute façon, cette bête ne risque pas de venir près de chez nous. Elle nous évite soigneusement. »

« Cette bête ? Vous savez à quoi elle ressemble ? Si c’est le cas… J’aimerais bien le savoir… Et elle se trouve où actuellement ? »

« Me dites pas que vous comptez aller la voir ? C’est vrai qu’elle semble à moitié intelligente mais elle a tué tous les membres des chasseurs envoyés pour tenter de l’éliminer. Elle déteste tous les humains et les gnomolds… Quand à sa localisation… On va dire que ce n’est pas une bonne idée… Elle bouge tout le temps bien qu’elle semble tourner en rond d’après les voyageurs qui arrivent ici. Quand ils partent, ils ns reviennent plus. »

« Tourner en rond ?  Autour de quel point ? Le cercle qu’elle dessine doit sûrement dire quelque chose ! Où se trouve le centre de son cercle ? »

« Oh… Je ne sais pas si vous connaissez ce patelin, c’est un petit village paumé près d’un grand fleuve nommé l’Olian. Un chouette fleuve, plutôt beau mais souvent entouré de Gnomolds. Impossible de les déloger ! Paraîtrait même que c’est là-bas que se trouve l’une des réunions les plus importantes de Gnomolds. L’un de leurs grands chefs ou je ne sais quoi.  Z’avez fini avec vos questions ? Je peux aller servir d’autres personnes ? »

« Oui… Oui… Faites donc… Je prendrais une chambre plus tard. » murmura Neel.

« Faites comme vous le voulez… Si vous voulez perdre la vie contre cette bête, c’est à vous de voir. Au passage, vous m’avez même pas demandé le nom du village mais c’est celui de Leskar. Pas sûr que vous le connaissiez… Même pas célèbre ou autre. »

« Merci beaucoup… pour toutes ces informations. » termina de dire l’être masqué.

Neel quitta le tabouret sur lequel il s’était assis, prenant la carafe et le verre d’eau qu’il avait achetés avant de s’asseoir à une table isolée des autres. Plusieurs personnes lui jetèrent un regard intrigué alors qu’il s’était mis à boire à sa méthode, c'est-à-dire jouer avec le flux de l’eau pour le faire arriver entre ses lèvres.

« Alors, mon gars… T’es intéressé par cette sacrée bête ? » demanda une voix forte.

Hum… Voilà qu’un trio s’amusait à venir s’asseoir en face de lui. Comme si il n’avait déjà pas assez de soucis en tête, d’autres s’installaient… Une vingtaine d’années, le plus vieux devait avoir la trentaine grand maximum. Surement le chef des deux autres.

« Pas forcément intéressé… Je dirais plutôt que je me demandais à quoi elle ressemblait… Je n’en ai aucune idée… Pourquoi cette question ? Vous savez où elle se trouve ? »

« Pour sûr ! Enfin bon… On est des chasseurs et on se disait que vue ta dégaine, tu serais peut-être enclin à venir nous rejoindre. On va sûrement aller se faire un max avec cette créature si on arrive à la tuer ! » s’écria l’homme d’une trentaine d’années.

« Ne vaut-il mieux pas attendre l’armée de Shunter pour s’occuper de ce problème ? »

« Peuh ! Je crois que tu ne comprends pas ! Réussir à avoir cette bête, ça serait la gloire et la richesse assurée ! On sera célèbre ! »

« C’est donc juste cela qui vous intéresse ? Désolé, mais je ne crois pas que ça sera possible. »

« Pffff ! Fais comme tu veux ! On s’en doutait un peu qu’un gringalet comme toi craindrait pour sa vie ! Aller, les gars, on s’en va, il en vaut pas la peine ! »

« OUPS ! Ton eau est tombée… Pardon ! Héhéhé ! »

La carafe se brisa au sol sous le coup donné par le coude de l’un des deux acolytes de l’homme qui lui avait fait la proposition. Il poussa un profond soupir, ne cherchant même pas à se lever. Devant le désintérêt complet de l’action qu’il venait de faire, l’homme s’approcha de lui, tentant de lui donner un coup de poing. Il se releva de sa chaise, lui faisant un croche-pied. L’homme tomba au sol, quelques rires se faisant entendre autour d’eux.

« Je n’ai pas de temps à perdre avec ces frivolités. Excusez-moi. »

« Toi… Tu vas me le payer, petit gars ! Je vais te faire ravaler tes dents ! »

L’homme s’était relevé et Neel poussa un profond soupir. Il venait de sortir une dague pour la pointer vers lui ? Hum… Et lui ? Devait-il sortir son arc pour lui planter une flèche dans l’œil ou au beau milieu du front ? Hum… Choix cornélien. Il ne fit aucun geste, esquivant tout simplement la dague de l’homme avant de reprendre la parole d’une voix calme :

« Vous devriez éviter de vous énerver ainsi. Ce n’est pas très bon pour la santé. Qu’est-ce que j’ai fais de mal à part refuser votre proposition et éviter votre coup ? »

« Ma fierté, mon gars ! Ma fierté ! Tu vas payer pour l’avoir bafouer ! »

« L’honneur d’un rustre… Je me demande combien cela vaux. » rétorqua Neel.

« LA FERME ! JE VAIS TE… »

« Stop ! Assez ! C’est bon ! Tu arrêtes tout de suite ou je te vire ! » cria le chef.

« Mais bordel… Il s’est foutu de ma gueule ! » hurla l’homme d’une trentaine d’années.

« Tu as commencé que je sache. Alors tu préfères que je dégage ou non ? »

Tsss ! L’homme lui jeta un regard furieux, regard qu’il ignora superbement alors que le chef s’éloignait sans un mot, accompagné par l’autre homme. Il s’arrêta devant l’entrée de l’auberge, prenant finalement la parole d’une voix douce :

« Je ne sais pas qui tu es… Mais tu comprendras très bientôt que ce n’était pas la meilleure des idées que de nous provoquer. Je m’en vais mais je reviendrais. »

Une menace ? Pfff… Qu’est-ce qu’il en avait à faire de ces menaces ? Comme s’il devait les craindre. Il les observa quitter l’auberge à travers son masque blanc alors que de nombreux soupirs désabusés se faisaient entendre autour d’eux :

« Voilà qu’ils ont recommencé… C’est normal qu’ils ne trouvent personne… Déjà qu’ils veulent tenter de chasser cette créature… Mais avec le comportement des deux zigotos, ils ne risquent pas d’avoir de nouveaux compagnons. »

« Dommage… qu’il soit avec eux, ce n’est pas forcément un sale type quand on le connait. »

« Mais les deux autres sont de gros abrutis. De très gros abrutis ! »

Au moins, ils semblaient tous d’accord. Il devait avouer qu’en jetant un coup d’œil sur les trois protagonistes qui s’étaient montrés au public, le chef semblait bien plus malin que les deux autres. Alors pourquoi traînait-il avec eux ? Humpf… Peut-être une sombre histoire derrière tout ça ? Enfin… Qu’importe… Ce n’était pas son problème et il n’avait pas à s’occuper de ça. Il retourna au comptoir, demandant une chambre pour la nuit tout en sortant quelques pièces de sa bourse. Voilà qui venait d’égayer sa journée.

Le lendemain, elle remercia l’aubergiste pour la nuit passée, repartant directement de ce village sans s’y attacher. Direction le village de Leskar. Au total, combien de temps s’était-il écoulé depuis son départ de l’orphelinat ? Trois semaines ? Quatre ? Elle ne savait pas… Elle n’avait pas compté… A force… Elle ne se préoccupait de cela. Une seule idée restait dans sa tête et elle était très simple. Elle se dit :

« Eviter… que les parents de Tery ne soient en danger. Même si… Il m’en veut… J’estime que j’ai une responsabilité envers eux. Ils doivent m’en vouloir… En y réfléchissant… »

Non… Ces mois passés avec Tery… Si elle s’en rappelait bien… Elle tentait de ramener ses souvenirs les uns après les autres. En y réfléchissant correctement… Est-ce que… Elle se donna une claque sur le masque blanc, celui-ci amortissant le choc. Elle reprit :

« Mais quel idiot ! Il n’a jamais prévenu sa mère et son père qu’il était parti ! Ils doivent être morts d’inquiétude depuis ce temps ! Mais quel imbécile ! Et je ne suis pas mieux que lui ! J’aurais dû lui dire d’écrire depuis tout ce temps ! Ce n’est pas parce… »

Il valait mieux ne pas y penser. Alors maintenant… Elle savait où elle devait se diriger. Direction le village de Leskar ! Et encore… Après ça, elle allait devoir parler avec les deux parents de Tery, leur dire qu’ils n’avaient pas à se faire de souci, omettre de parler de certains points comme sa tentative d’assassinat envers lui et ses fameuses lignes du dieu Alzar. Ses yeux bleus se refermèrent derrière le masque alors qu’elle se remettait en route.

« Plus de temps à perdre. Je dois me dépêcher avant que ce monstre ne vienne détruire le village. Mais quel idiot je peux faire des fois ! » s’écria la personne masquée.

Elle s’était mise à courir à toute vitesse, prenant un pas rapide pour se mettre en direction du village de Leskar. Elle devait y arriver dans la journée ! Ou plutôt au grand maximum dans deux à trois jours ! Si cette créature se rapproche trop du village alors…

Alors cela risquerait de créer de sérieux problèmes, problèmes qu’elle aimerait éviter dans l’avenir ! Elle se dépêcha de courir, se demandant si l’armée de Shunter était déjà arrivée ou non… En y réfléchissant bien, l’armée qui allait se déplacer allait sûrement être celle de la capitale… Donc… Peut-être Tery ? Elle continua de se parler toute seule :

« Si c’est le cas… Alors… Il pourra prévenir sa mère et son père… Mais si ce n’est pas le cas… Je ne peux pas réfléchir à toutes les éventualités ! Je dois le faire quand même ! Tout seul ! Je vais prévenir que leur fils est dans l’armée. »

Oui ! C’était comme ça qu’elle allait faire ! Elle se poserait des questions APRE S !  Elle accéléra le rythme, quitte à utiliser un peu de magie pour se déplacer avec vélocité. Le résultat fut des plus spectaculaires… Des dizaines de kilomètres parcourus en quelques heures à peine… Et voilà qu’elle se trouvait devant le village de Leskar, six gardes étant positionnés devant l’entrée comme en état d’alerte. Que se passait-il ici ? Elle s’approcha calmement de l’entrée, les gardes brandissant leurs lances vers elle.

« Qui êtes-vous et que voulez vous ? » demanda l’un des gardes avant qu’un second précise :

« Veuillez décliner la raison de votre présence dans le village de Leskar. »

« Que se passe t-il ici pour que vous soyez sur le qui-vive ? » questionna Neel.

« Vous n’êtes donc pas au courant ? Vous débarquez d’où pour ne pas savoir ça ? »

« Disons que j’ai fais un voyage… long… très long… Est-ce que c’est en rapport avec la bête qui sévit dans les alentours ? J’en ai entendu parler… » reprit l’être masqué.

« Et bien, si vous le savez, ne posez donc pas la question ! Et vous êtes l’un de ces chasseurs ? Vous venez encore pour tenter de l’abattre ? Je vous dirais plutôt de reculer… et de partir d’ici. Déjà que les gnomolds sont très excités à cause de ces problèmes… »

« En fait… Je n’étais pas venu pour cela… mais plutôt pour me reposer et trouver une auberge. J’ai un message à faire passer à quelques personnes et je sais simplement qu’elles habitent ici. Peut-être que vous pouvez m’aider ? Je ne sais pas trop… »

« Ben, d’abord… Faudrait peut-être nous dire leur nom… Car vous devez sûrement l’avoir sinon ça risque d’être sacrément difficile. »

« Hum… En fait non… Je n’ai même pas leur nom de famille. » bredouilla Neel.

Les six gardes se regardèrent alors qu’elle ne savait pas où se mettre. Si elle aurait été capable de rougir, peut-être qu’elle l’aurait fait. Ils poussèrent ensemble quelques soupirs, rabaissant leur lance alors que celui qui avait parlé reprenait :

« Peut-être que tu as quand même une indication… »

« Je sais juste que leur fils est Tery… Je veux les prévenir et leur donner des nouvelles de leur fils. Je sais où il se trouve et ce qu’il fait. » dit-il avant qu’un garde ne s’exclame :

« Le petit Tery ? Vous êtes vraiment sûr ? J’espère que ce n’est pas une mauvaise blague ! »

« Sa mère est morte d’inquiétude ! La preuve, c’est qu’elle a bien perdu au moins vingt kilogrammes voir trente depuis qu’il est parti ! »

« Elle est même devenue ravissante héhéhé… » annonça l’un des gardes d’un ton las.

« Mais elle n’est pas disponible… Dommage… Enfin, j’espère pour vous que ce n’est pas une mauvaise blague de votre part. Vous pouvez rentrer dans le village mais je vous préviens… Vous la faites pleurer, vous aurez tout le village sur le dos. »

« Le message est très bien passé. Où est-ce que je peux la trouver ? » demanda Neel.

« Vous voyez la petite maisonnette sur la colline tout au fond du village ? C’est là-bas. »

« Je vous remercie encore… de votre hospitalité. Je vais de ce pas la prévenir. »

La prévenir ? En y réfléchissant bien… Ils avaient parlé de sa mère mais nullement de son père ? Est-ce que… cela voulait-il dire ? Peut-être qu’à force… Elle allait en apprendre aussi un peu plus sur Tery, ce qui n’était pas forcément une mauvaise chose … à ses yeux.

Deux petits coups… Aucune réponse… Puis deux autres coups et elle entendit la porte qui se faisait déverrouiller de l’autre côté. Enfin, la porte s’ouvrit, laissant apparaître une femme d’une quarantaine d’années, le visage tiré par la fatigue et les larmes. Elle était maigre… Bien plus maigre que l’idée qu’elle se faisait d’elle. Elle portait une robe verdâtre avec un tablier blanc par-dessus et elle avait deux yeux verts encore rougis par les larmes. La différence avec la femme d’il y a plusieurs mois était saisissante pour ceux qui la connaissait.

« Que… Que me voulez-vous ? Je… Je n’ai pas très envie… d’avoir de la visite. »

« Même si elle concerne votre fils ? Tery ? »

« Te… Tery ? VOUS SAVEZ OU IL SE TROUVE ?! » hurla soudainement la femme.

Aie ! AIE ! Ca faisait sacrément mal ! La femme aux cheveux courts et noirs avait fait apparaître ses veines brunes sur ses mains, empoignant les deux bras de Neel. Elle s’arrêta subitement après quelques instants, reprenant avec tristesse :

« Par… Pardon… Je ne voulais pas… vous faire mal… C’est simplement que… Je n’ai justement… aucune… nouvelle de Tery… Vous voulez rentrer ? »

« Cela serait avec un grand plaisir. » murmura Neel.

« Si ce n’est pas indiscret… Mon fils n’est pas en danger n’est-ce pas ? Je vous demande ça… car votre apparence… est assez inquiétante… malgré votre masque blanc. »

« Il n’est pas rare que l’on me signale ce détail mais vous n’avez pas à vous en faire. Tery n’est pas en danger, loin de là… Enfin… Je pense qu’il doit être en sécurité. Cela fait déjà un mois ou presque que je ne l’ai plus vu. »

« Nous devrions arrêter de parler. Venez donc à l’intérieur au lieu de stationner devant la porte. Vous me raconterez tout devant une tasse de… thé. »

Hum… Elle devait se douter que ce n’était pas réellement du thé qu’elle allait préparer mais pour faire comme si c’était le cas, il valait mieux se taire. Elle suivit la femme aux cheveux noirs, se disant que la couleur de cheveux de Tery ne provenait pas d’elle… donc de son père surement ? Mais elle ne le voyait pas. Est-ce que… C’était plutôt indiscret…

« Si vous voulez bien tout me raconter… pendant que je prépare… »

« Vous voulez que je commence par vous dire ce qui s’est passé depuis le début ou que je vous dise où il est actuellement ? » coupa poliment l’être masqué.

« Venez tout de suite au fait s’il vous plaît. Où est-ce que mon fils se trouve ? »

« Actuellement… Il se trouve dans l’armée de Shunter. Il a fait ses preuves pour y rentrer et je pense qu’il doit très bien se débrouiller. Cela fait environ un mois qu’il est rentré donc je n’en sais pas plus que vous après ça. » reprit Neel, voyant l’étonnement dans les yeux de la femme.

« L’armée… L’armée de Shunter… Est-ce que c’est vrai ? Je ne pensais pas… »

La mère semblait surprise par ses paroles. Pourtant… C’était la stricte vérité. Il n’y avait rien de bien étonnant ou faramineux pourtant. Mais en la regardant, elle se demandait s’il n’y avait pas autre chose derrière tout ça. Elle jeta un regard autour d’elle et de la femme aux cheveux noirs, lui demandant calmement :

« Où se trouve le père de Tery ? Je ne le vois pas du tout… Est-il au travail ? »

« Raino… est mort depuis bientôt quatorze ans… »

« AH ! Pardon ! Pardonnez-moi ! Je ne voulais pas paraître indiscret ! Je… Je… »

« Ca ne fait  rien. Comme si vous en étiez responsable non ? Enfin… Une bonne chose… C’est que vous paraissez bien moins impressionnant. » dit la mère de Tery en souriant.

« Que voulez vous dire par là ? Je ne vois pas de quoi vous voulez parler. »

« Disons simplement que le fait que vous vous comportiez comme ça retire un peu du voile de mystère qui vous entoure. Je devrais plutôt vous remercier… »

« Me remercier ? Je n’arrive pas à saisir la portée de vos paroles… » murmura Neel.

Elle fit virevolter le liquide dans la tasse blanche, l’emmenant au niveau de sa bouche à travers son masque blanc pour le boire. Elle remercia la femme aux cheveux noirs, attendant que celle-ci lui réponde. Elle semblait aller déjà bien mieux maintenant.

« Voulez-vous bien me parler de lui encore ? Je… Cet imbécile n’en fait qu’à sa tête ! J’étais morte d’inquiétude ! Je n’avais aucune nouvelle de lui ! Pourquoi ne m’a-t-il pas écrit une lettre ?! Juste pour me dire où il se trouvait ! » demanda la mère de Tery.

« Je pense qu’il n’en avait pas le temps… Je devrais peut-être me présenter ? Je ne l’ai pas fait… Je suis celui qui s’est chargé de l’entraîner pendant plusieurs mois. Dorénavant, il est capable de se battre avec une arme et avec sa magie. »

« Sa magie ? Vous voulez dire que ses lignes se sont enfin montrées ? Enfin… Je veux dire par là… Il est vraiment… capable ? Mais si vous êtes son maître d’armes… Je veux savoir votre secret ! Dites le moi ! »

« Un secret ? Mais à quel sujet ? Je ne cache… rien… Et je ne dois pas montrer mon visage, vous m’en voyez désolé. » annonça Neel avec calme.

« Je ne parlais pas de ça mais comment vous vous y êtes pris pour lui redonner envie de se battre ? Je ne veux pas dire que j’aime savoir mon fils en danger… mais il était si mou et si… isolé des autres. Il détestait tout ce qui était rapporté à la magie ou les armes. »

Ahhhh ! Ce n’était donc à son sujet qu’elle voulait en savoir mais par rapport à Tery ? Et bien… Elle pouvait bien tout lui dire… sauf bien entendu au sujet des veines noires… et aussi de sa tentative d’assassinat. Elle aurait tout le temps de lui mentir sur quelques parties mais elle pouvait bien commencer par le début… Le sauvetage de Tery. Dire qu’elle était venue au départ simplement pour lui dire qu’il allait bien…
« Modifié: 12 janvier 2012, 02:40 par ChibiShiroiRyu »

ChibiShiroiRyu

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12 janvier 2012, 02:41
Chapitre 33
Chapitre 33 : Ne pas oublier ses objectifs

« Cela me fait si… plaisir d’avoir de ses nouvelles. Vous ne pouvez pas savoir comme je suis si heureuse… d’entendre ce que vous me dites… » murmura la mère de Tery.

« Cela se comprend. Votre fils n’est pas forcément quelqu’un de très brillant intellectuellement mais il a un bon potentiel. » annonça Neel, espérant ne pas être insultant.

« Je veux bien vous croire et les vieilles personnes du village de Leskar le savent aussi. Le problème est que depuis toutes ces années, il n’a jamais montré ce dont il était réellement capable et cela fait que depuis tout ce temps, il ne s’est jamais trouvé d’ami. »

« Il ne s’est jamais trouvé d’ami ? Car il ne savait pas utiliser ses lignes ? Et qu’il ne savait pas se battre ? C’est vraiment… triste comme histoire… Très triste… »

« Je ne dirais pas triste, il l’a cherché et il n’a que ce qu’il mérite. Je ne dis pas que c’est un fils indigne car je comprends ses raisons… J’aurais simplement voulu… qu’il recommence plus tôt… mais grâce à vous, c’est le cas maintenant. Merci… Vraiment un grand merci. »

« Il n’y a pas de quoi, je n’ai fait que ce que j’avais à faire. Vous me comprendrez maintenant que je ne peux pas rester. Je suis à la recherche de cette créature… » annonça l’être masqué.

« Vous parlez de celle qui est dans notre voisinage ? Vous êtes à sa poursuite ? Si vous n’avez pas d’endroit où dormir… Je peux vous donner la chambre de mon fils… Elle est maintenant libre… et puis, ça ne sera qu’un maigre service rendu par rapport à ce que vous avez fait pour moi. Sans vous… Je ne sais pas combien de temps j’aurais tenu… »

« Surement très peu… Vous avez perdu plus de quarante kilogrammes il paraît… OUPS ! Pardonnez-moi ! Je… Je ne voulais pas dire… » bredouilla Neel.

« Vous n’avez pas à vous faire pardonner… Je le sais très bien… J’avais une corpulence très importante…  Et imposante dira t-on. »

« Pardon… quand même… Cela ne se fait pas… de parler de ça. »

Elle ne savait pas où se mettre à cause de sa bêtise. Qu’est-ce qui lui avait pris de dire à cette femme si gentille qu’elle était grosse ? Sur le moment… Elle n’avait pu s’en empêcher mais maintenant, elle le regrettait… amèrement. Elle baissa son visage masqué, ne sachant plus quoi dire maintenant qu’elle avait commise une gaffe.

« Et bien… Vous avez perdu la parole ? Ou alors quelque chose vous dérange ? »

« Disons que… J’aimerais me cacher et me faire vraiment très petit… pour ne plus me montrer… Je crois que je suis resté un peu trop longtemps ici. Je ferais mieux de partir et de me mettre tout de suite à la recherche de ce monstre. »

« Vous ne voulez vous donc pas rester ici ? Cela me ferait vraiment plaisir ! Un peu de compagnie… n’est pas gênant… Et puis… Vous connaissez Tery… Vous avez beaucoup d’anecdotes à me raconter à son sujet. Je vous en prie… Est-ce que vous acceptez ? Même si ce n’est que pour quelques journées ! J’ai besoin… d’un peu de compagnie. »

Cette femme était si désespérée sans son fils ? Hum… Elle poussa un léger soupir, se disant que Tery s’était bien gardé de la prévenir au sujet de sa mère. Fils indigne quand il s’y mettait ! Il aurait pu vraiment la prévenir. Neel reprit la parole d’une voix calme :

« Soit… Je veux bien rester quelques jours… De toute façon, cela me fera quelques pièces sur le prix de l’auberge. Et puis… Cela ne me gêne pas de parler de Tery… si c’est ce que vous voulez. Est-ce que je peux visiter sa chambre ? Et déposer mes affaires ? »

« Je vais vous y guider si vous le voulez bien. Pour éviter que vous vous perdiez… »

« Je vous suis alors. Avancez donc devant moi. » termina de dire Neel.

Elle se leva néanmoins la première, déposant tranquillement la tasse sur la table alors que la mère de Tery faisait de même. Faisant quelques pas, elle s’était mise à la guider à travers la modeste demeure. Les deux personnes arrivèrent dans la chambre de Tery, rangée correctement mais quasiment… vide. Désespérément vide même. La mère murmura :

« Oui… Tery n’était pas un jeune garçon qui aimait avoir diverses choses. Il était plutôt du genre à rester seul dans son coin et sur son lit. Très calme mais un peu rebelle. »

« Il n’avait vraiment aucune occupation ? J’aurais bien demandé s’il aimait lire… mais je sais que ce n’était pas le cas… Il n’avait pas d’ami ? »

« Disons que le fait de ne pas vouloir apprendre la magie et les armes… lui a retiré quelques portes… Lorsque les autres s’amusent avec la magie… Lui dans son coin, il ne fait rien du tout. J’espère que vous le comprenez un peu mieux maintenant ? »

« Je ne le voyais pas vraiment triste… plutôt caractériel… » dit l’être masqué de blanc.

« Il tient ça de moi ! Et aussi un peu de son père ! » répondit la femme avec amusement.

« De son père ?  Est-ce que vous… voudriez bien m’en parler un peu ? Si cela… ne vous dérange pas… trop d’en parler à un inconnu. »

« Cela ne m’embête pas le moins du monde. Vous devez être un grand ami à Tery pour vouloir savoir ce genre de choses à son sujet. »

Hein ? Mais non ! Ce n’était pas ça ! Pas ça du tout ! C’était simplement… qu’elle voulait apprendre à mieux connaître Tery. Elle balbutia légèrement :

« Est-ce que nous devrions retourner dans le salon ? Ca… Ca serait mieux pour parler du père de Tery.  Enfin… Si vous le voulez bien… »

« Aucun problème à cela. Je vais vous faire visiter toute la maisonnette. Suivez-moi… Je me demandais… N’auriez-vous pas un nom à me donner ? Cela sera plus facile pour parler. »

« Je… Je n’ai pas de nom… Je suis désolé mais je ne peux pas vous le donner. C’est une question de sécurité. Je ne l’ai jamais confié et même Tery ne le connait pas. Le seul nom dont j’étais affublé de sa part… C’était l’Ombre. »

« L’Ombre ? Tiens donc ? Et pourquoi cela ? Car vous êtes discret ? » demanda la femme.

« Je ne sais pas du tout… J’avoue que je n’ai jamais compris pourquoi il m’a appelé ainsi. »

« Des fois… Je ne sais pas ce qui se passe dans la tête de ce garçon… Enfin bon… »

Pas à pas, Neel découvrait l’habitat où avait vécu Tery. C’est vrai que c’était modeste mais on remarquait que la maisonnette était très bien entretenue. C’était une bonne chose… Une très bonne chose… Mais pourquoi Tery se comportait-il comme ça ? Sa mère ne semblait pourtant pas être mauvaise… C’était même le contraire Elle lui faisait une très bonne impression. Il lui demanda d’une voix calme :

« Mais pourquoi… Je n’arrive pas à saisir… la raison… qui a poussé Tery à être comme ça. Il était une forte tête, mais j’ai réussi à le dompter. Pourquoi ? »

« Je pense que ça doit avoir un rapport avec son père… Vous saviez… Il était au service de l’armée de Shunter… Enfin non… Pas de l’armée de Shunter mais il était le chef de la milice locale, celle chargée de protéger notre village. Vous l’avez déjà vue en rentrant ici. »

« Vous parlez des nombreux gardes positionnés à l’entrée ? » questionna Neel.

«  C’est justement ça ! Enfin bon… Mon mari… était le chef de cette milice… Et comme je vous l’ai dit… Il est mort il y a environ quatorze ans… pendant une attaque. »

« Une attaque ? Vous parlez des Gnomolds ? J’ai entendu dire qu’ils se trouvaient non-loin du village… et qu’ils étaient dirigés par l’un des grands chefs Gnomolds du royaume. Et ce sont eux qui l’ont… tué ? Mais ce village n’est pas détruit… »

« Je ne sais pas ce qui s’est passé ce jour là… Les femmes et les enfants avaient été mis à l’abri mais Tery s’est échappé…. Il voulait voir son père combattre… »

« Il… Il l’a vu mourir alors ? Vous voulez me faire croire que Tery a vu son père mourir devant ses yeux alors qu’il n’avait que cinq ans ? Mais c’est… Mais c’est normal qu’il soit comme ça ! Enfin non… Je ne sais pas exactement ce qui s’est passé. »

« Ca ne fait rien… Nous n’avons jamais compris ce qui s’était exactement passé et Tery est resté muet durant tout ce temps… à ce sujet. Lui seul sait exactement ce qui s’est passé ce jour là… mais mon mari est mort en héros… comme le reste de la milice. » annonça la femme.

« Et ce fut à partir de là que le village est bien mieux surveillé et gardé ? »

« C’est cela… Des fois, il nous faut l’aide de l’armée de Shunter comme ces dernières semaines… Vous savez, la créature que vous recherchez aussi… »

« Ce n’est pas forcément elle que je recherche mais ce qu’elle possède. D’après ce que j’ai compris, l’armée de Shunter est en route pour venir aider le village et le protéger au cas où ? Il est vrai que les Gnomolds doivent être très excités avec toutes ces choses qui se passent près du village de Leskar. Hum… Oui… C’est exactement ça qu’il faut faire. »

La mère de Tery le regarda en train de se parler à lui-même. Il était plongé dans une intense réflexion, il valait mieux éviter de trop le déranger à ce moment là. Pendant plusieurs secondes, Neel ne disait plus rien, la mère allant nettoyer les deux tasses avant qu’il ne reprenne d’une voix légèrement enjouée :

« Y a-t-il quelqu’un ou un endroit qui me permettrait de visualiser tout le village de Leskar et ses alentours ? Quand je dis quelqu’un… Je parle d’un guide… »

« Je ne sais pas trop… Pourquoi en avez-vous besoin ? »

« Pour me permettre de me repérer. Cela me serait vraiment très utile pour tenter de faire un tour d’horizon sur la situation et ainsi voir ce que je dois faire pour attraper cette créature. »

« Vous devriez aller voir la milice… Ils doivent surement avoir quelques explorateurs aguerris qui vous permettraient de vous guider puisque c’est ce que vous voulez. Vous ne connaissez pas du tout le village ? Je peux vous guider si vous le désirez… »

« Je ne veux pas vous embêter avec cela… Vous n’êtes déjà pas forcément en pleine forme alors bon… Vous comprendrez que votre santé… est importante. » bredouilla Neel.

« Justement, c’est parce qu’elle est importante qu’il est bon que je prenne un peu l’air. C’est à peine si je suis sortie ces derniers mois… Et puis… Les villageois se feront moins d’inquiétude s’ils me voient… » répondit calmement la mère de Tery.

« Comme vous le désirez… Je ne peux pas vous forcer et vous refuser ceci. »

« Alors, si vous voulez bien attendre quelques minutes, le temps que j’enfile quelque chose de plus chaud et correct. Cela ne peut que me faire que du bien. »

« Comme vous le désirez… Alors je vous attendrais sur le pas de la porte. Prenez votre temps, cela ne me gêne pas du tout de devoir attendre. » répéta en boucle l’être masqué.

La femme aux cheveux noirs hocha la tête pour le remercier. Neel était un brave homme… Et cela malgré l’impression inquiétante qu’il donnait lorsqu’on le regardait. Il quitta la maisonnette, observant le soleil qui survolait le ciel. C’était un temps magnifique… vraiment magnifique… et il ne savait pas pourquoi… Il se sentait vraiment apaisé.

« Tery devrait être vraiment fier… d’avoir une mère comme ça… »

Ah… Une mère… Hé… Héhéhé… C’était vraiment pas mal du tout d’avoir du monde qui se souciait de soi. De savoir si on allait bien, si on était en bonne santé, s’il n’y avait pas de gros problèmes. Oui… C’était pas mal du tout… Il poussa un léger soupir amusé alors qu’il attendait que la femme aux cheveux noirs fasse son apparition. Chose qui arriva rapidement.

« Pardonnez-moi de vous faire perdre de votre temps… Nous pouvons nous en aller. »

« Cela ne fait rien… Ca ne me pose aucun souci. » murmura l’être encapuchonné.

« Allons y maintenant alors ? Je vais vous faire visiter le village. »

Oui. C’était exactement ça. Elle s’était retournée pour observer la mère de Tery. Elle avait fait vraiment quarante kilogrammes de plus auparavant ? Il avait du mal à y croire… Beaucoup de mal même, il devait le reconnaître. Comment était-ce possible une telle chose ? Beaucoup trop difficile à croire même. Il se répéta ces mots dans la tête alors qu’elle lui demandait de se déplacer un peu plus rapidement s’il voulait que cela aille plus vite.

« Alors, ici, comme vous pouvez le voir, c’est la boucherie… Ici le forgeron… Et là la boulangerie. Je me dois de signaler que celle-ci est assez connue dans les alentours car notre boulanger utilise des farines et ingrédients venus des cinq pays. »

« Des cinq pays… Hum… Je vois, je vois. Ce n’est pas un très grand village néanmoins. Combien êtes-vous environ ? Cent ? Deux cents ? »

« On doit être dans ces eaux là, c’est vraiment un petit endroit mais tout le monde ici se connaît. C’est pourquoi nous nous appré… »

« Léa ! Tu es enfin sortie de chez toi ? Quelle bonne nouvelle que voilà ! »

Hum ? Neel tourna son visage vers une femme aux cheveux grisâtres. Ainsi, la mère de Tery s’appelait Léa ? C’était un joli nom, ça lui convenait plutôt bien. Léa sembla surprise par cette apparition soudaine, paraissant gênée sans savoir réellement où se mettre. La vieille femme s’approcha d’elle, lui prenant ses deux mains avant de jeter un regard vers Neel, haussant un sourcil inquisiteur. Elle ne connaissait pas cette personne, c’était normal qu’elle se fasse du souci. Léa murmura :

« Bon… Bonjour madame… Jeanne-Francine. Vous allez bien ? »

« C’est plutôt à moi de te demander cela ! Tu ne sortais à peine et discrètement de chez toi ! Nous nous faisions un sang d’encre pour toi ! » s’écria la vieille femme.

« Je… suis désolée… de vous avoir inquiéter comme cela. »

« Et qui est cette personne ? Est-ce elle qui est responsable de cette sortie ? Elle a réussi là où nous avions échoué pendant des mois. » reprit la femme ‘un certain âge.

« Cette… personne m’a apporté des nouvelles de mon Tery… Il se trouve dans l’armée de Shunter. Il paraîtrait même qu’il s’est mis aux armes et à la magie. Vous avez entendu cette nouvelle ? Je suis si contente… Je n’arrive pas à le croire. »

« Tiens donc ! En voilà une nouvelle ! Il était temps qu’il s’y mette. Il n’a plus rien toucher depuis des années. Je me demande si vous n’êtes pas un envoyé de la déesse sainte. Oh ! Ne vous préoccupez pas trop de ça… Nous les anciens, nous nous mettons en croire en cette déesse seulement lorsqu’on se fait vieux et qu’on a plus rien d’autre à penser… Allons, Léa, tu vas venir boire une tasse chez moi, il faut que je te raconte tout ce qui s’est passé pendant ton isolement. Allez, viens donc… »

« Mais je devais faire une visite… » commença à balbutier Léa.

« Cela ne fait rien. Je vais me débrouiller tout seul. Je vous retrouverais sur le pas de la porte lorsque j’aurais terminé d’observer le village. » répondit calmement Neel.

Il fit un petit geste de la main, souriant sous son masque blanc bien que ce n’était pas visible. Léa lui jeta un regard légèrement inquiet et désabusé. Elle ne pouvait même pas remercier la personne qui lui avait parlé de son fils… Les deux femmes s’éloignèrent, le laissant en plan. Pendant plusieurs secondes, il resta parfaitement immobile, ne sachant pas quoi faire. Il ne connaissait pas du tout le village… Pfiou… Il poussa un profond soupir, se remettant en route. Il ne devait pas perdre plus de temps qu’il n’en avait. Comment dire… Il se sentait un peu heureux et déboussolé par tout ce qui se passait. La mère de Tery était contente et cela lui convenait parfaitement. C’était une belle chose… d’avoir une famille.

« Ce n’est pas le cas… de tout le monde… Héhéhé… » murmura-t-il avec un rire nerveux.

Ca ne servait à rien de s’en rappeler de toute façon. Il commença à vagabonder à travers les petites routes de terre. C’était vraiment un village tout ce qu’il y avait de plus normal et basique. En regardant de plus près, il semblait même assez ancien contrairement aux autres qu’il avait déjà visités dans le passé. C’était vraiment bizarre… A croire que ce village était hors du temps et des dernières avancées magiques. Mais bon, pas de temps à perdre, il devait trouver un guide et visiter les environs. Le problème était néanmoins là : il ne savait rien du tout sur la créature qui portait le dernier médaillon, même pas à quoi elle ressemblait. Il pouvait toujours essayer d’aller voir les Gnomolds qui semblaient bien excités mais ce n’était guère une bonne solution.

Une bonne heure passa et il s’était mis à vagabonder en essayant de noter mentalement tous les bâtiments qu’il voyait autour de lui. Oui… Le forgeron faisait du travail de qualité même si cela n’avait rien de bien fantastique. Oui… Le boulanger… Hum ? Oui… Il s’était fait une petite pause et il avait récupéré de quoi se sustenter. Il était vrai que la nourriture de la boulangerie était assez spéciale. Un pain dont la mie restait chaude même à l’intérieur du ventre et il avait tout de suite compris que les ingrédients provenaient d’un autre pays. Hum… Ce n’était vraiment pas mauvais du tout. Encore qu’il… était assez suspect avec son masque blanc. Il n’avait pas pu manger tranquillement avant de se trouver un coin isolé des autres. Même les quelques enfants ou les jeunes adultes s’éloignaient de lui.

Ah… Il n’était pas vraiment un paria mais ce n’était pas le contraire non plus. Il avait bien trouvé un groupe de gardes qui lui avait répondu poliment. Oui, il y avait deux ou trois personnes chargées de faire visiter aux touristes les alentours du village de Leskar, oui… Mais elles n’étaient pas présentes actuellement. Elles étaient parties pendant quelques jours pour aller à Midès. Bon… Alors… Il n’avait rien à faire malheureusement. Il retourna vers la petite maisonnette de Léa, dos contre le mur, le visage baissé vers le sol en croisant les bras.

« Mes… Messire ? Messire ? Vous… Vous dormez ? » murmura une voix féminine.

Hein ?! Il se redressa subitement contre le mur, voyant le visage de la femme aux cheveux noirs devant lui. Du Messire ? Sur le moment… Il avait été surpris… Très surpris… L’appeler comme ça… Ce n’était pas une… paysanne qui devait s’adresser ainsi. Ou alors, elle avait été très bien éduquée. Elle recula de quelques pas après qu’il se soit redressé, cherchant ses mots. Comment est-ce qu’il … AH ! Il s’était endormi pendant combien de temps ? Léa lui fit un petit sourire avant de lui répondre que cela faisait environ deux heures. Il s’était endormi contre le mur pendant deux heures ? Qu’il était ridicule ! Vraiment plus que ridicule. Il ne savait même plus où se mettre. Néanmoins, la mère de Tery reprit la parole, demandant :

« Est-ce que votre visite s’est bien passée ? Avez-vous trouvé ce que vous vouliez ? »

« Oui… Mais ils ne sont pas encore là. Je vais devoir attendre quelques jours avant qu’ils ne reviennent. Je suis désolé de déranger autant. »

Ca ne faisait rien du tout ! Elle l’invita à rentrer, lui demandant s’il avait faim ou non. Il hocha la tête négativement en annonçant que non, signalant qu’il allait tout simplement se coucher quelques temps si cela ne la gênait pas trop. Pourquoi… Pourquoi pensait-il qu’il y avait quelque chose qui clochait ? Le portrait de sa mère que Tery avait donné était bien moins élogieux que celui qu’il voyait en face de lui. Hum… Il préférait ne rien dire, cela valait mieux. Il poussa un nouveau soupir, saluant brièvement Léa avant de se diriger vers la chambre où Tery dormait habituellement.

« C’est désespérément… vide… ici. Il devrait vraiment mettre un peu plus d’objets dans sa chambre… du genre… des livres ? Enfin, qui suis-je pour parler de cela alors que ma propre cabane n’est guère mieux au niveau du décor. » murmura l’être masqué.

Il referma la porte derrière lui, venant se coucher sur le lit en observant le plafond à travers son masque blanc. Les murs étaient blancs, il n’y avait qu’un simple bureau avec une plume, du papier et un pot d’encre fermé. C’était à même de se demander s’il avait été déjà ouvert pendant tout ce temps. Il prit une profonde inspiration, fermant ses yeux sans regarder plus longtemps autour de lui. Qu’importe… Il n’avait pas… à se demander… pourquoi tout ceci se passait ainsi et pourquoi toutes ces choses se déroulaient de la sorte…

Dormir. C’était bizarre de dormir dans un lit qui n’était pas le sien… et de savoir que quelqu’un veillait sur vous… Enfin, veiller, ce n’était pas exactement ça et ce n’était pas déplaisant, loin de là. Dormir avec quelqu’un, dans le même lit, ça lui rappelait les moments où Tery s’était retrouvé salement blessé à cause du chef Gnomold. Quelle aventure à ce moment-là. Il avait été héroïque… Il fallait le dire… Mais il avait tout gâché avec ses actes inconsidérés. Dire qu’il n’avait jamais pensé un seul instant à ce que les lignes du dieu Alzar puissent être inversées et se calmer…

Si Tery se présentait à lui, comment devrait-il réagir ? Bien ? Mal ? Il ne savait pas.  Il ne savait pas du tout. Et si sa mère apprenait ce qu’il avait fait à son fils ? C’est vrai… Il avait quand même essayé de le tuer puis de le sauver ! Les faits étaient néanmoins là : une tentative de meurtre sur Tery. S’il était possible de revenir… en arrière, est-ce qu’il réitérait son choix ? Rien n’était moins sûr.

C’était impossible de dormir dans de telles conditions ! Il se retourna plusieurs fois dans le lit, cherchant le sommeil sans arriver pourtant à le trouver. Pourquoi, pourquoi fallait-il toujours que ça se passe ainsi ? Il n’accomplissait que des mauvais choix ! Sauf peut-être ce dernier. Oui, savoir que Léa, la mère de Tery était si heureuse. Cela lui suffisait à oublier tous ses déboires pour quelques temps. Finalement… Tout n’était pas si laid.

Il était las, vraiment las de tout ça. Il voulait se reposer et fermer les yeux et ne plus penser à tout ça. La mère de Tery lui avait écrit à son sujet et deux sentiments contraires l’habitaient au même moment : d’un côté, il se demandait quel serait la réaction de Tery en apprenant qu’il était chez sa mère et de l’autre, il avait peur, peur de lui. Mais était-ce à cause de ses lignes ? Ou alors de la personnalité du jeune homme ? Il n’avait aucune explication, plongeant dans son sommeil sans même s’en rendre compte.

Chapitre 34
Chapitre 34 : Se sentir bien

La nuit s’était mieux passé qu’elle ne l’aurai cru. Il s’était levé tranquillement, faisant attention à son masque toujours posé sur son visage même quand il dormait. Question de sécurité puisqu’il n’était pas seul. Il faisait confiance à la mère de Tery mais quand même. Pendant le reste de la journée, il ne fit rien, rien du tout même. Il n’avait même pas cherché à se promener dans le village. Il ne savait pas pourquoi mais il ne s’était pas senti motivé à faire une telle chose. C’est pourquoi il était resté avec Léa toute la journée. Du moins, avec … Juste dans la maisonnette. Il avait passé la majorité de son temps dans la chambre de Tery, pensant à celui et essayant de deviner un peu comment s’était déroulée son enfance. Finalement, la voix de Léa lui demanda de quitter la chambre pour venir la rejoindre. Celle-ci l’attendait dans la cuisine, un sourire tendre aux lèvres. Il s’installa sur une chaise, ne disant rien du tout jusqu’à ce que la mère de Tery ne prenne la parole :

« Vous semblez songeur… J’espère que ce n’est pas de ma faute… »

Il hocha la tête d’un air négatif avant de poser un coude sur la table, lui signalant qu’il mangerait dès que ce serait prêt. Il retourna dans ses pensées, se demandant ce qu’il comptait faire. Il ne devait pas rester ici, c’était beaucoup trop dangereux. Peut-être quelques jours encore, peut-être quelques heures… Mais après ? Il ne valait mieux pas se poser trop de questions et attendre trop longtemps. Il prit une profonde respiration, sursautant légèrement alors que Léa posait une posait une assiette devant lui :

« Voilà, c’est prêt… Messire… Vous ne voulez vraiment pas me donner votre nom ? Ça serait bien plus simple… pour s’exprimer. »

« A force, je me demande si ça ne serait pas une meilleure solution. Je… Je m’appelle… Ah… Je ne peux pas vous le dire. Votre fils ne le sait même pas et je n’ai pas envie qu’il le sache. Donc je ne sais pas si… »

« Vous n’avez pas à vous en faire. Je resterais muette. Il y a tellement de secrets dans ce monde. Moi-même, j’en porte un alors vous voyez … »

Elle ? La mère de Tery avait un secret ? Il la regarda d’un air dubitatif, se demandant s’il devait la croire ou non. Enfin si. Ce n’était pas impossible mais ce secret valait-il la peine d’être gardé ? Il y avait peu de chance mais bon… Contrairement à son secret personnel, il y avait tout un fossé… ou peut-être que non ? Etait-ce plutôt son secret qui était risible ?

« Je m’appelle… Neel… » murmura-t-il faiblement.

Hein ?! Ses mots avaient dépassé sa pensée alors qu’il tremblait subitement. C’était… C’était la première fois qu’il disait son nom à une personne autre que madame Liza et l’Oracle. C’était… affreux ! Comment avait-il pu faire une telle chose ?! NON ! Il la regarda avec effarement, la femme aux yeux verts semblant surprise de sa réaction. Avec délicatesse, elle posa sa main sur la sienne gantée de rouge, lui disant doucement :

« Je ne dirais rien sur ce nom, je vous le promets… Neel. »

« Sincèrement. Ne le dites à personne. Je… Je ne veux vraiment pas vous tuer. Comprenez-moi… Je déteste tuer des personnes… que j’apprécie. »

« Je ne comprends pas mais je peux accepter cette décision. Je vous le jure, je resterais muette. J’ai déjà mon propre secret mis sous sceau. » reprit la femme aux cheveux noirs.

« Ne le répétez à personne… Je ne devais pas le donner mais ma langue a fourché. Je pensais être plus capable  que cela et je vois que je me suis trompé. Je ne suis… »

« Personne n’est parfait. Tout le monde est faillible. Vous autant qu’un autre. »

Oui mais… Mais… Il ne devait pas être perfectible… Ce n’était pas comme ça que l’Oracle l’avait élevé ! Il devait être parfait ! Ne jamais parler de lui, de ce qu’il était, garder sa mission secrète. Garder sa mission secrète. Non ! Ça, c’était une bêtise. Car sinon, il aurait échoué depuis le départ, dès le moment où il s’était adressé à Tery ! Encore que maintenant, c’était déjà trop tard. Peut-être qu’ils devaient manger ? A force de discuter, ils en oubliaient les raisons qui les avaient fait venir dans la cuisine.

Léa commença à préparer le repas tandis qu’il restait plongé dans son mutisme, n’ouvrant plus la bouche pour s’adresser à elle. Qu’est-ce qui… Qu’est-ce qui lui avait pris de parler de tout ça avec elle ? Il n’arrivait pas à comprendre pourquoi il lui avait donné son nom ! Il ne l’avait jamais fait auparavant ! Même pas à Tery ! Pourtant, il aurait bien voulu… Il aurait même voulu lui dire plus… mais à cause de ses bêtises, il n’avait rien pu faire. Est-ce qu’il se sentait plus en confiance avec elle ? Peut-être…

Pendant qu’il était plongé dans ses réflexions, Léa était en train de préparer la table. Les assiettes, les couverts, tout fut déposé les uns après les autres. Finalement, Neel vint réagir en se redressant de sa chaise, bredouillant quelques excuses :

« Pardonnez-moi ! J’aurai dû vous aider au lieu de rester assis à ne rien faire ! »

« Ce n’est pas bien grave. Restez donc plongé dans vos réflexions. Le repas ne sera prêt que dans quelques minutes. » répondit avec douceur la femme aux cheveux noirs.

Et pendant ce temps, il n’allait rien faire ? Il en était hors de question ! Mais comment est-ce qu’il pouvait aider la mère de Tery ? Car elle n’allait pas vouloir de changer d’avis par rapport aux couverts sur la table. Hmm …. C’était quand même gênant, très gênant même. Un coude posé sur la table, l’être au masque blanc observa la femme qui s’affairait à préparer de quoi se sustenter pour la journée. Le temps s’écoula sans que l’un ou l’autre n’ouvre la bouche, jusqu’à ce qu’elle prenne une assiette. Finalement, elle vint dire :

« Bon appétit, messire Neel. Au moins, dorénavant, vous aurez un prénom… »

« Si vous pouviez… essayer de l’utiliser le moins possible… Je vous en remercierais. »

Elle hocha la tête pour lui dire qu’elle avait bien compris, commençant à lui servir son repas tandis qu’il se mettait à manger de la même façon qu’il buvait, c'est-à-dire à travers son masque. De cette façon, il était peut-être ridicule mais au moins, personne n’arrivait à voir ce qu’il y avait dessous. Ils mangèrent tranquillement, chacun allant se coucher dans sa chambre tandis qu’il plongeait dans ses songes… Tery allait-il venir dans son village ?

Peut-être… que oui… Peut-être que non… Tery était quand même la première personne extérieure à l’orphelinat avec qui il s’était lié, c’était quelque chose de vraiment important à ses yeux. Cela comptait énormément et il ne pouvait le nier… C’était pour ça qu’il regrettait amèrement tous les gestes commis dans la grotte de Litan Deseria. Demain serait un autre tour de toute façon. Il resta plongé dans ses pensées, son masque se retirant très légèrement, laissant voir une mèche de cheveux blonds se positionner devant son œil droit. Fatigué. Tellement fatigué. Il devait se préparer à partir de toute façon.

Lorsque le lendemain arriva, il remarqua tout de suite que quelque chose avait changé… Mais quoi ?! Il se redressa complètement, voyant son masque blanc qui tombait de son visage. NON ! Il n’était pas attaché ? Et cette couverture ? Comment cela se faisait-il qu’elle soit aussi bien placée sur lui à son réveil ? Ah… Qu’il arrête de penser comme ça… Sinon, il allait sombrer dans la paranoïa, ce n’était pas la meilleure des idées.

« C’était juste une petite erreur… Rien de bien grave… Ce n’est pas comme si… »

Et si c’était le cas ? Et si… Léa avait vu son visage ? NON ! Si c’était le cas, la décision était irrémédiable. La mort. C’est ce qui l’attendrait ! Mais ce n’était pas possible ! Il n’allait quand même pas lui poser de questions à ce sujet. Peut-être qu’en observant la réaction de Léa pendant les prochaines heures, il allait tout de suite savoir si quelque chose avait changé ou non ! Il repositionna correctement son masque devant lui avant de se diriger vers la cuisine. Lorsqu’il arriva, la mère de Tery le salua et il fit de même.

Rien. Rien de bien différent. Elle semblait être la même qu’auparavant. Peut-être qu’il se faisait des illusions. Oui. Ça devait être ça. Ça devait être comme ça. Il n’y avait pas d’autres solutions toute façon. Il poussa un léger soupir, Léa lui demandant s’il y avait un problème. Il lui répondit que non, que tout allait bien et qu’il allait passer la journée à faire ses explorations bien que cela servait à rien. Elle s’écria :

« Ne dites pas cela ! Vous n’allez pas abandonner maintenant ! Je vous l’ai pourtant répété ! Si vous avez quelque chose à accomplir et que cette chose est importante, vous devez TOUT faire pour y arriver ! Est-ce bien compris ? »

« Et si… cela mènera à la perte d’une personne que l’on apprécie ? Est-ce que je devrais quand même continuer ? Est-ce que vous pensez que cela en vaut la peine ? »

« Là… Je… Je pense qu’il faut peser le pour et le contre. Mais surtout laisser de côté tout ce qui concerne les personnes autour de nous. J’ai dû prendre des décisions très graves dans le passé, quitte à tout abandonner. Mais tout ce qui m’importait était MON bonheur et celui de l’homme que j’aimais. C’est pourquoi j’ai pris la décision qui me pensait être la meilleure. »

« Je me demande si j’ai fait le bon choix à ce moment. Des fois, j’aimerais vraiment revenir en arrière. Je pars tout de suite, je ne mangerais pas. » annonça l’être masqué.

HEY ! Mais… Mais… Il devait se nourrir correctement ! Elle alla le retenir par le bras, des veines brunes apparaissant sur sa main droite, la forçant à s’asseoir alors que Neel paraissait surpris par une telle puissance. En fait, c’était même la première fois qu’il la voyait ainsi. Pourquoi une telle femme se trouvait dans un village de ce genre ? Il retira légèrement son bras, se le massant avant de baisser la tête.

Forte. Cette femme savait parfaitement utiliser sa magie. Ce n’était pas quelque chose que l’on utilisait occasionnellement. Cette femme était vraiment inquiétante. Il y avait de quoi l’être. Méfiance. Il devait réellement se méfier d’elle aussi. Cette personne était loin d’être normale. Le reste de la journée se déroula sans lui, il était parti pour tracer peu à peu une carte des environs. Puisqu’il ne pouvait pas avoir d’informations sur l’endroit où se trouvait précisément cette créature, pourquoi ne pas se créer une carte en notant quelques mots dessus… Peut-être qu’à partir de là, il pourrait tracer un parcours régulier l’emmenant jusqu’à cette créature ou alors dans l’endroit qu’elle préférait…

Enfin bon, ça ne changeait rien du tout à tout ce qui allait se passer. Il était encore très loin d’avoir de bons résultats. En fait, son gros problème était plutôt le fait qu’il avait l’impression de ne pas avancer car il restait là, à discuter avec Léa de tout et de rien. Parfois, ils sortaient tous les deux de la maisonnette mais en même temps, il n’avançait pas dans ses recherches. Il prenait beaucoup trop de temps … et il le savait parfaitement. Il devrait avoir honte de ce qu’il était en train de faire … ou plutôt de ne rien faire. Le temps allait s’écouler inexorablement tandis qu’il allait échouer dans sa mission.

« Co… Comment ça ? » bredouilla l’être masqué de blanc.

« Si ! Si ! C’est la vérité ! Regardez cette lettre, messire Neel. » annonça Léa.

Plusieurs jours s’étaient écoulés depuis la petite scène où elle lui avait pris le bras avec force. Mais combien de temps était-il resté ici ? Cela faisait déjà plusieurs semaines non ? A force de ne pas partir en expédition, il n’avait jamais remarqué qu’il s’était habitué… à vivre ici. Mais bon… Toute chose avait une fin n’est-ce pas ? Heureuse ou non, ça ne changeait rien.

Léa lui tendait la lettre avec un grand sourire. Il récupéra le papier, le parcourant brièvement du regard. C’était bien l’écriture de Tery. Du moins, d’après ce qu’il se rappelait. Cela faisait tellement … longtemps … Oui. Tellement de temps. Il la lut  à haute voix :

« Elle est vraiment là ?! Je n’arrive pas à y croire ! Peut-être que c’est le Destin Maman ! Tu veux savoir quelque chose ? Je suis dans la troupe qui se dirige vers le village de Leskar. Je me demande comment vont réagir les villageois lorsqu’ils me verront. Par contre, je n’ai pas d’armure scintillante, je suis peut-être un lieutenant mais je ne suis qu’un débutant. Je n’ai pas encore les muscles pour prendre de gros morceaux de métal sur moi. Enfin bon, tout ça pour te dire que je te présenterais l’un de mes amis, Olin. Il n’est pas forcément très malin mais c’est le premier à venir aider dès qu’il y a besoin d’un coup de main. Préviens l’Ombre de rester à la maison, j’ai à lui parler. Je ne peux pas t’envoyer d’argent par contre, ça ne fait pas encore un mois pour la nouvelle paye, pardon. »

Après avoir terminé de lire, l’être masqué de blanc paru un peu gêné par les écrits de Tery. Non … Ca ne servait à rien. Il ne fallait même pas y penser. C’était tout simplement absurde d’imaginer une telle chose. Il ne pouvait pas … C’était impossible ! Impossible pour lui !

« Rester ici ? Je ne peux pas… Je dois partir… Je m’en excuse. »

Il avait prononcé ces quelques paroles d’une voix confuse  alors que Léa arrêtait de sourire. Il lui rendit sa lettre, la femme aux cheveux noirs fronçant les sourcils comme si quelque chose la gênait. Elle lui demanda d’une voix calme :

« Qu’est-ce que vous comptez faire ? Vous ne semblez pas vouloir que mon fils vous revoie… n’est-ce pas ? Alors, vous allez quitter le village ? Quelles sont réellement vos… relations avec mon fils ? Neel ? »

Plus de messire ? AH ! Il n’avait pas à s’expliquer. Il soupira longuement, fermant ses yeux bleus derrière son masque sans lui répondre. Il hocha simplement la tête. Il s’excusa avec une pointe de tristesse dans la voix, lui disant qu’il ne pouvait pas rester plus longtemps… Ce n’était pas à cause de Tery mais de lui. Même s’il n’avait rien dit au sujet de sa tentative de meurtre sur Tery, il se sentait mal envers Léa.

« Je vais prendre… mes affaires et m’en aller maintenant. Au revoir… madame Léa. »

Il évitait d’avoir des trémolos dans la voix, c’était simplement que … Il ne savait pas comment l’exprimer. Il s’était simplement senti parfaitement bien ici. Il retourna dans la chambre, prenant ses affaires tout en essayant de ne plus penser à toute cette histoire. Lorsqu’il quitta la chambre, Léa était là, le visage triste.

« Vous êtes sûr de votre choix, Neel ? » demanda-t-elle faiblement.

« Je ne peux pas voir votre fils … J’en suis désolé mais c’est une question de sécurité. »

« Une question de sécurité ? Et pour quelle raison cela devrait-il être une sécurité ? Expliquez-vous donc au lieu de toujours chercher à fuir. »

… … ... Il ne pouvait pas. C’était aussi simple que ça. Il passa à côté d’elle, se dirigeant vers la sortie de la maisonnette. Il quitta celle-ci, regardant derrière lui alors que Léa était sur le pas de la porte. Tery … Si Tery savait qu’il était ici, ça serait trop grave. Il ne pouvait pas prendre le risque mais en même temps … En même temps …

« En même temps, qu’est-ce que j’y perds ? Non. Je ne dois pas penser de la sorte. »

Sans se retourner, il s’éloigna de la maisonnette. Il allait sûrement trouver une auberge pour dormir aujourd’hui. Ce village devait en posséder un. Il n’était pas aussi pauvre que ça quand même non ? Le village bien entendu, pas lui.

D’ailleurs, pourquoi est-ce qu’il se posait la question ? Il avait visité le village avec la mère de Tery alors il savait qu’il y avait une auberge. Mais en même temps, peut-être qu’il tentait d’oublier cela ? D’oublier qu’il savait ?

« Hum ? Vous n’êtes pas avec Léa, aujourd’hui ? C’est étonnant. »

Hein ? La vieille femme qui avait emporté avec elle la mère de Tery la première fois. Qu’est-ce qu’elle faisait là ? Ah ! Elle portait un cabas qui semblait bien lourd pour une si frêle femme. Aussitôt, l’être masqué de blanc prit le cabas avant de dire :

« Laissez-moi donc vous aider, madame.  Et oui, aujourd’hui, la mère de Tery ne m’accompagne pas. Pourquoi une telle question ? »

« Oh … Car depuis que vous êtes là, elle est toujours avec vous. Vous semblez en savoir tellement sur son fils qu’elle est presque accrochée à vous pour en apprendre toujours plus. C’est une bonne chose … puisqu’elle ne sortait plus depuis plusieurs mois. »

« C’est ce que j’ai cru comprendre. Mais quand même, elle aurait pu se déplacer un peu non ? Ce n’est pas comme si ne pas avoir de nouvelles de Tery était si dramatique que cela. »

« Vous ne savez pas … Vous ne voyez pas à quel point il est difficile pour une femme de perdre son mari alors que leur enfant était en bas âge. La seule personne qui lui restait fut alors son fils, Tery. A partir de là, la chose la plus importante dans son monde n’était que son jeune garçon. C’est pourquoi il est alors facile de comprendre sa préoccupation quand Tery a décidé de partir sans même la prévenir. Sans vous, elle n’aurait peut-être jamais eu de nouvelles de son fils. Mais vous êtes arrivé et alors, à partir de là, elle a recommencé à vivre. Mais la plus grande joie de Léa serait de retrouver son fils, qu’il vienne lui donner de ses nouvelles en personne. Oui … Ça serait la meilleure chose à faire. »

« Je … Je vois … » murmura l’être masqué de blanc sur un ton gêné.

« Je vais vous laisser tranquille dès maintenant alors … Merci de vous occuper d’elle en attendant que son fils revienne. Je suis sûre qu’elle est heureuse que vous soyez là. »

« Je ne sais pas vraiment … Enfin, je l’espère. »

Pourtant, la vieille femme semblait réellement convaincue par ses propres paroles. C’était aussi simple que ça d’y croire ? Elle ne savait pas … pas du tout même. C’était un peu étonnant mais en même temps, peut-être qu’elle avait fait une bêtise. Peut-être qu’elle devait retourner là-bas ? Et lorsque Tery reviendrait, elle disparaîtrait comme par magie, sans même laisser de traces de sa présence.

« Merci pour tout. » dit la personne encapuchonnée à la vieille femme qui s’était déjà éloigné. Elle avait parlé assez fort pour qu’elle puisse l’entendre.

Mais la vieille femme ne se retourna pas, ne faisant qu’un petit geste de la main pour la saluer. D’accord … Elle comprenait parfaitement ce qu’elle avait à faire. Faisant demi-tour sur elle-même, la personne masquée se dirigea vers la modeste demeure de Léa. Celle-ci l’attendait sur le pas de la porte, un sourire aux lèvres.

« Messire Neel, vous avez oublié quelque chose ? » demanda-t-elle avec douceur.

« Euh … Vraiment … Je ne peux pas dire ça comme ça … Enfin bref … »

« Oui ? Si vous avez quelque chose à dire, dites-le au lieu de tourner autour. »

« Si ça ne vous dérange pas … J’aimerai savoir si je peux revenir ou non … en attendant que Tery revienne. Après, je ne sais pas ce que je ferai. » chuchota l’être masqué de blanc, baissant la tête sur un ton plus que confus.

« Hum … Je dois y réfléchir. Je ne sais pas, vous êtes partie comme un voleur, vous ne croyez pas ? Ainsi, je ne suis pas sûre que ça soit… Hé ! Qu’est-ce que vous faites ? Je ne faisais que rire ! Bien entendu que vous pouvez revenir ! »

Ah ? Il s’était déjà apprêté à partir sans même demander plus que ça. Mais si Léa avait le sens de l’humour, c’était alors qu’elle allait réellement mieux. Il n’était jamais réellement sûr par rapport à la femme aux cheveux noirs.

« Je pensais que vous étiez … sérieuse, je suis désolé. »

« Pour la première fois depuis longtemps, je suis soulagée grâce à vous. Vous ne pensiez quand même pas que j’allais refuser que vous veniez non ? »

« Je ne sais pas … Je n’ai pas l’habitude de l’humour ces derniers temps. Disons que je préfère éviter dans de telles circonstances mais merci … de bien vouloir m’accueillir à nouveau. » murmura l’être masqué.

« Et vous attendez que je vous prenne la main pour que vous puissiez rentrer ? »

Elle continua de lui sourire alors qu’elle se positionnait sur le côté pour l’inviter à rentrer dans sa modeste demeure. L’être masqué hocha la tête avant de pénétrer à l’intérieur. La femme aux cheveux noirs referma la porte derrière eux, disant :

« Rendez-vous donc dans la cuisine, je pense que nous avons encore à parler longuement de tout ce qui s’est passé, n’est-ce pas ? »

« De tout … ce qui s’est passé ? » bredouilla Neel.

« Exactement. Car je ne compte pas vous lâcher après cette petite scène où vous vouliez partir sans même me donner d’explications. »

Gloups … Elle n’allait pas le lâcher sur cette histoire. Il en était sûr et certain. Il valait mieux pour lui qu’il accepte cela car sinon, il était mal barré. Il accompagna la mère de Tery dans la cuisine, celle-ci lui désignant une chaise pour qu’il vienne s’asseoir.

Pourquoi est-ce qu’à chaque fois qu’il voyait la mère de Tery … ou du moins, quand elle prenait la parole … Il avait l’impression qu’il valait mieux pas la contredire. Elle faisait preuve d’une telle autorité … C’était assez effrayant en soi. Il valait mieux ne pas l’embêter, loin de là car sinon … Gloups.

« Euh … Alors de quoi est-ce que vous voulez parler, madame Léa ? » demanda-t-il après quelques minutes, un peu intimidé.

« Hum ? Maintenant, vous me donnez du madame ? J’ai l’impression de revoir mon fils quand il est effrayé par moi. Sauf que chez lui, c’est un peu ironique. »

« Tery est un peu une tête brûlée. Je vous ai déjà raconté son combat contre un chef de clan gnomold ? Quand il a décidé de partir tout seul ? C’était tout simplement fou et stupide de sa part ! Mais au moins, ça montrait qu’il avait un bon fond. »

« Vous me l’avez déjà raconté … mais je suis toujours disposée à l’écouter une nouvelle fois. » annonça la femme aux cheveux noirs tandis que Neel reprenait la parole. Si tout pouvait être aussi simple … si seulement la tentative d’assassinat ne se serait jamais déroulée, elle aurait pu rester ici bien plus longtemps … oui.

Chapitre 35
Chapitre 35 : Une lettre et une disparition

« Bonjour ! Est-ce que vous avez bien dormi aujourd’hui ? » demanda Léa.

« Encore… Encore… Quel jour sommes-nous si ça ne vous dérange pas trop ? »

La femme aux cheveux noirs lui répondit avec un grand sourire alors qu’elle allait s’asseoir à la table de la cuisine. Elle avait tellement envie de retirer son masque  devant cette femme mais elle ne pouvait pas. Cela lui était interdit et elle le savait très bien. Elle ne devait plus y penser. Elle observa quelques instants l’assiette devant elle puis Léa. Pendant ces quelques jours, elle avait eut l’impression que cette femme n’était pas la mère de Tery. Que tout cela était faux mais pourtant elle savait très bien que c’était le cas.

« Vous semblez songeur, messire… Ne vous inquiétez pas, vous trouverez rapidement ce que vous cherchez dans les alentours. Qu’est-ce que vos recherches ont donné ? »

« Rien de rien… A part quelques Gnomolds, je n’ai rien trouvé. Je ne sais plus du tout par où commencer. Cela fait déjà une semaine mais je n’ai pas avancé d’un poil. »

« Il ne faut pas perdre espoir ! Vous trouverez bien ce que vous cherchez en temps et en heures. Je ne peux pas vous laisser abandonner maintenant ! » s’écria la mère de Tery.

« Ne vous en faites pas pour cela. Je n’ai jamais parlé d’abandonner quoi que ce soit. Je vais simplement intensifier mes efforts et tout faire pour y arriver. Je vais arrêter de me reposer. Je pars tout de suite, je reviendrais dans la soirée. »

Elle s’était levée, son masque blanc sur le visage avant de pousser un léger soupir. Elle s’inclina devant Léa, la femme aux cheveux noirs la regardant quitter la cuisine puis la maisonnette avant de passer une main sur son front, ses yeux posés sur l’assiette remplie de Neel. Elle murmura pour elle seule :

« Mais vous… n’avez rien mangé du tout. Tery a vraiment rencontrée une étrange personne. »

Plus qu’étrange même, il fallait se l’avouer. Peut-être que lorsqu’elle allait revenir, elles allaient avoir une discussion un peu plus poussée. Elle n’était pas d’un naturel curieux mais le fait que Neel porte ce masque en permanence même quand elle dormait, cela était quelque chose d’intriguant. Et puis le fait de dire qu’elle était simplement le maître d’armes et de magie de Tery, cela l’étonnait. Il y avait quelque chose de plus profond entre eux mais quoi ?

« Il me faudra bien m’en dire plus ou alors lorsque Tery reviendra, il me racontera exactement ce qui s’est passé. Mais pour cela, il faudrait que j’aie des nouvelles de lui. Les entendre de la part d’une personne que je ne connais pas est une chose, l’entendre de voix propre ou alors les lire, c’est déjà autre chose. Oh. Voilà que je me mets à parler toute seule. Vraiment, tout est vide sans mon fils … ou son ami. » murmura la femme aux cheveux noirs.

Vraiment vide. C’était comme ça depuis qu’il était parti. C’était bizarre mais elle avait pris l’habitude d’être seule. Déjà sentimentalement avec la mort de son mari, elle n’avait jamais eu l’audace et l’idée de refaire sa vie amoureuse. Elle était fidèle à un seul homme et celui-ci reposait en paix dans le cimetière. Ah, que Tery revienne vite. C’était tout ce qu’elle voulait. Elle voulait se faire pardonner d’avoir été aussi autoritaire avec lui. Elle voulait simplement qu’il soit présent ici. Qu’il remette de la vie dans cette maisonnette, dans le salon même s’il ne faisait rien d’autre.

Rien. Rien de rien. Rien du tout. Et pourtant, elle n’avait essayé mais même en inspectant le sol ou les grottes avoisinantes, interrogeant à sa manière les Gnomolds, il n’y avait aucune information ! Mais où est-ce que cette créature se trouvait ? Elle n’était pas partie, elle le savait très bien. La raison ? Divers groupes arrivaient dans le village, les uns après les autres. Celui-ci connaissait un petit moment de prospérité et cela avait de quoi faire plaisir aux différents marchands du village. Une réparation d’arme chez le forgeron ? Quelques herbes pour éviter les problèmes pendant une expédition ? Tout était disponible ! Du moins, ce n’était pas de la qualité la plus grande et même si les groupes ne revenaient pas après être partis, cela ne gênait guère les commerçants.

Mais ce n’était pas là le problème. Elle ne portait aucun intérêt aux personnes qui allaient courir à une mort certaine. Peut-être qu’elles étaient aguerries mais ce n’était pas pour cela qu’elles étaient capables de faire quelque chose contre une bande de Gnomolds complètement fous et une créature que nul ne connaissait réellement. C’est vrai ! Même en passant une heure ou deux dans l’auberge, les seules nouvelles, ce fut pour annoncer l’arrivée d’ici quelques jours de l’armée de Shunter. AH ! La même annonce d’il y a déjà quelques jours ? L’armée de Shunter était plutôt lente à la détente. Très lente même. Elle eu un petit sourire, assise sur de l’herbe alors qu’elle voyait le village du haut de la colline où elle se trouvait. Elle se coucha dans l’herbe, observant le ciel en se demandant si Tery allait venir… Peut-être que oui ? Il allait prendre des nouvelles de sa mère si c’était possible ?

« Quel idiot… Tu es un véritable idiot, Tery. Ta mère s’inquiète pour toi et toi, tu ne penses pas à elle. Même si elle était si dure avec toi, ce n’est pas une raison pour lui faire ça ! Un peu de sérieux, Tery ! » cria la personne masquée.

A qui parlait-elle encore ? A personne mais s’il elle avait eu le jeune homme en face d’elle, il y avait de fortes chances qu’elle lui tire les joues pour avoir créé autant de soucis à sa mère. C’est vrai ! Elle n’avait plus que lui au monde et lui … lui causait que des ennuis. Bon ! Ce n’était pas l’heure de ressasser les pensées. Elle devait se remettre à fouiller les plaines et la forêt, et surtout trouver des informations sur cette bête !

Plusieurs heures s’écoulèrent et ce fut avec dépit qu’elle retourna dans la maisonnette où Léa l’attendait. La femme aux cheveux noirs n’avait pas quittée la maison mais Neel avait remarqué qu’elle avait eu de la visite, la preuve étant visible sur la table avec les quelques tasses posées dessus. Quatre tasses. Et puis aussi une lettre ? Léa tenait une lettre dans sa main et elle semblait si radieuse, si joyeuse…

Qu’est-ce qui s’était passé ici pour que la mère de Tery soit aussi contente ? Elle préférait ne pas le savoir, du moins pour l’instant. Mais la femme aux cheveux noirs l’arrêta, lui faisant un grand sourire avant de lui tendre la lettre. Une lettre pour elle ? Non. Ce n’était pas possible. Il n’y avait aucune raison que l’Oracle lui envoie une lettre maintenant. De toute façon, il ne savait pas exactement où elle logeait et elle ne lui avait pas écrit. Non. Cette lettre… Elle l’ouvrit lentement avant d’être surprise. Non ! Et pourtant, c’était bel et bien le cas. C’était une lettre de Tery ! Une lettre du jeune homme ! Enfin ? Maintenant ? Est-ce que sa pensée était plus forte qu’elle ne l’aurait cru ? Peut-être que oui mais alors… Non, ce n’était qu’une coïncidence. Mais devant le visage ravi et les larmes de joie de la part de Léa, elle était sûre qu’elle était comblée.

« C’est donc une très bonne nouvelle n’est-ce pas ? » murmura la personne encapuchonnée.

« Bien sûr que oui ! Et vous savez quoi ? Il m’a aussi envoyé une bourse d’argent. Il m’a signalé qu’il voulait que je puisse mieux vivre ! Comme si l’argent pouvait m’apporter du bonheur. Dire que je me suis débarrassée de ça. C’est vrai qu’il ne sait rien mais au final, je suis heureuse de savoir qu’il va très bien. Je vais aller de ce pas lui écrire ! J’espère que je n’ai pas oublié avec tout ce temps. »

« Je ne penses pas que vous avez besoin de moi pour cela, non ? »

Elle hocha la tête en lui faisant un grand sourire. C’était une affaire familiale et Neel ne put s’empêcher de soupirer de joie et de tristesse. Tery était donc bel et bien vivant. C’était tant mieux car … Il avait peur qu’en le laissant seul … Mais cela faisait combien de temps qu’il était rentré dans l’armée de Midès ? Et s’il décidait de venir ? Qu’est-ce qu’il devait faire ? Comment réagir ? Il devait se dépêcher d’accomplir sa mission mais celle-ci était bien plus dure que prévue ! Ah … Ah … Et si elle avait Tery en face ? Comment réagir ?

« Comme si j’étais capable de lire l’avenir. Il ne manquerait plus que Tery se présente à sa mère lors d’un petit moment de repos et si c’est le cas… »

Si c’est le cas, elle devait se préparer rapidement à partir et à faire ses adieux à Léa. En un sens. Cela lui faisait plutôt souffrir d’abandonner la femme aux cheveux noirs. Elle se dirigea vers la chambre de Tery. Elle avait besoin de compagnie mais elle était sûre qu’avec la nouvelle de son fils vivant, la lettre qu’elle venait de recevoir pour confirmer les dires de Neel, bref elle n’avait plus besoin d’elle. MAIS… Elle pouvait toujours rester quelques jours de plus non ? Couchée sur le lit, elle tendit une main vers le plafond avant d’émettre un sourire.

« Tery. Tu es donc vivant et en pleine forme. Tu as donc réussi à abattre un Glumarx ? Je ne sais pas à quoi cela ressemble mais vue la façon dont tu en parles. Héhéhé… »

Elle s’était mise maintenant en boule, ses deux mains posées sur ses genoux, ses yeux bleus maintenant dirigés vers le bureau et la fenêtre qui laissait irradier un soleil merveilleux. Tery s’était fait des amis, il était devenu lieutenant dans l’armée de Shunter. Il réussissait bien. Très bien même et cela malgré ses lignes noires, c’était merveilleux. Vraiment merveilleux. Elle se répétait ces mots dans la tête avant de se murmurer pour elle :

« Des amis. Des amis. Il ne faut pas gâcher ces choses précieuses d’aucune façon. Il ne faut vraiment pas gâcher ces relations. »

« Messire Neel ? Vous vous parlez tout seul ? » demanda une voix féminine.

AH ! Elle s’était redressée sans sa cape brune, observant Léa qui était rentrée dans la chambre. Quelle idiote ! Elle avait oublié de fermer la porte à clé ! Hum, en y réfléchissant… Elle n’avait pas réellement à fermer la porte puisqu’elle n’était pas chez elle mais voilà. Elle voulait un peu d’intimité. Personne ne devait savoir ce qu’elle était réellement. Qu’est-ce que Léa lui voulait ? La réponse ne tarda pas à venir :

« Cela fait une bon heure que vous êtes monté et je commençait à m’inquiéter. J’ai écris à mon fils et je lui ai parlé de vous, de tout ce que vous avez fait et… »

« Vous lui avez parlé de moi ? Vous avez vraiment fait ça ? » s’écria Neel.

« Oui. Je ne devais pas ? Par contre, je n’ai pas voulu le déranger avec tous nos soucis de Gnomolds et de cette créature… »

« Je pense qu’il doit déjà être au courant de ce qui arrive ici. Il se pourrait même qu’il vienne très bientôt au village s’il doit être envoyé en mission. »

« Vous… Vous le pensez vraiment ? Vous pensez vraiment que Tery va revenir ici ? Je serais si heureuse ! Je me dois de l’accueillir ! »

« Ce ne sont que mes suppositions. Je ne suis pas sûre de cela, loin de là même. »

« Mais soit… Arrêtons de parler de mon fils ! Vous voulez bien venir ? Je vais préparer le repas d’ici quelques minutes. Cela ne sert à rien de rester. Je me demandais une chose : Je ne m’en rappelle plus mais est-ce que vous m’avez déjà donné votre âge ? Je crois que vous en avez parlé quand vous m’avez raconté au sujet de mon fils… »

« Je vais sur mes dix-neuf ans. Enfin, j’ai environ dix-huit ans et demi. »

« Vous êtes vraiment très jeune, messire. Pourtant, votre langage me fait penser que ce n’est pas le cas. Mais je ne pense pas que vous me mentez. Ca ne vous servirait à rien. »

« Vous avez entièrement raison mais assez bavardé… Allons donc à la cuisine. »

Il était las, vraiment las de tout ça. Il voulait se reposer et fermer les yeux et ne plus penser à tout ça. La mère de Tery lui avait écrit à son sujet et deux sentiments contraires l’habitaient au même moment : d’un côté, il se demandait quel serait la réaction de Tery en apprenant qu’il était chez sa mère et de l’autre. Il avait peur, peur de lui. Mais était-ce à cause de ses lignes ? Ou alors de la personnalité du jeune homme ?

Et après réflexion, il était déjà trop tard puisque le jeune homme était au courant de sa présence dans la demeure de sa mère. Il devait juste alors trouver le moyen de partir sans que cela n’attriste Léa. A la base, cela ne devrait pas lui poser de problèmes, non ? Mais il fallait quand même qu’il y aille avec des pincettes au cas où. Question de sécurité … car il ne voulait pas attrister plus que ça la femme aux cheveux noirs.

« Madame Léa … Est-ce que je peux vous dire quelque chose ? »

« Hum … Dites-le toujours. » répondit la mère de Tery.

« Cela serait au sujet de ce que je vais faire. Je vais quand même devoir quitter votre demeure, que vous le désiriez ou non. »

« Il me faudra alors une très bonne explication car je serai au regret de refuser votre départ. » annonça aussitôt la femme aux cheveux noirs.

« Si Tery doit revenir, je préfère ne pas être là. Si nous ne sommes plus ensemble, c’est bien parce qu’il y a eu une raison à cela, non ? Je ne peux pas vous dire laquelle par contre. »

« Je vois, je vois … Ce que vous voulez dire. Mais si vous partez, cela serait dommage. Est-ce que ce qui s’est passé entre vous deux est impardonnable ? » demanda Léa.

« Impardonnable dans quel sens ? L’acte commis était quand même … assez violent. Mais en même temps, il n’y a pas tenu réellement compte. C’est pourquoi je ne peux pas vraiment vous répondre car je ne sais pas du tout ce qu’il en pense de son côté. Je suis vraiment désolé … de ne pas pouvoir vous en dire plus. »

« Vous êtes désolé … ou réellement désolé ? Car ce sont deux choses bien différentes. »

« Je suis réellement désolé. J’aimerai réussi à m’exprimer plus clairement mais je ne peux pas malheureusement. Si c’était aussi simple que cela … Je … Je le ferai. » murmura l’être masqué avant de baisser la tête.

Il valait mieux pour lui qu’il se prépare à partir d’ici. Il ne voulait pas être un poids et surtout, il n’avait pas le courage de tenir tête à Tery. Il ne saurait pas quoi lui dire, il ne saurait pas quoi lui annoncer. Pourquoi est-ce qu’il était venu voir sa mère et toutes ces choses ? C’était la question que Tery lui poserait en priorité. Et ce n’était pas ce qu’il avait écrit dans la lettre qui allait le rassurer, loin de là même.

« Bon … Il vaudrait mieux que je me prépare. Le plus tôt je serai parti, mieux le monde se portera. Pardonnez-moi, madame Léa. »

« Je ne pardonne rien sans raison. Donnez-moi une bonne raison de vous en vouloir … et aussi une autre de vous pardonner. » répliqua sèchement la femme aux cheveux noirs.

… … … D’accord. Elle voyait où la femme voulait en venir. Elle comprenait parfaitement son point de vue. Elle ne pouvait pas lui en vouloir de ce côté. C’était parfaitement normal … parfaitement normal, oui. Ah … Elle se leva du lit de Tery, reprenant ses modestes affaires avant de passer à côté de Léa. Celle-ci murmura :

« Je ne vous pensais néanmoins pas aussi couard … messire Neel. »

« De la couardise ? Pourquoi dites-vous cela ? Je n’ai pas peur … »

« Peur d’affronter mon fils qui est pourtant bâti comme une allumette. Oh … Je reconnais amplement qu’il a quand même une grande bouche quand il le veut mais sinon, il n’y a pas de quoi avoir peur de lui. Il n’est pas bien méchant. »

« Ce n’est pas ça ! Je n’ai pas peur de Tery ! » s’écria la personne encapuchonnée de brun.

« Alors … Pourquoi me répondre de cette façon ? Avec autant de contradiction ? Vous êtes vraiment difficile à comprendre, le savez-vous ? »

« Ce n’est pas ça … C’est juste que … Tery et moi, c’est tout simplement impossible. Je voulais juste vous tenir au courant et voilà le résultat … Pendant plusieurs jours voir même des semaines, j’ai profité de votre hospitalité. »

« Vous n’avez pas tiré profit de cela. J’ai tout simplement accepté votre présence. C’était la moindre des choses après m’avoir apporté des nouvelles de mon fils. »

Oui, peut-être … Il ne savait pas. Il ne voulait pas savoir plutôt … C’était ça. Il n’avait pas envie de savoir. C’était compliqué, beaucoup trop compliqué. Il se compliquait l’existence alors qu’il suffisait simplement d’affronter Tery. Affronter dans le sens où il fallait lui faire face pour être sûr de dialoguer entre eux deux.

« Qu’allez-vous faire alors ? Vous enfuir ? Ou attendre la venue de mon fils ? Sachant que vous n’aurez plus de toit ou dormir alors … si vous décidez de partir. »

« Je vais y réfléchir … Tery n’est pas encore prêt d’arriver, n’est-ce pas ? » questionna l’être masqué bien qu’il connaissait déjà la réponse.

La femme hocha la tête positivement. Bon … C’était décidé. Elle allait encore rester deux ou trois jours pour se motiver et se préparer mentalement à quitter cet endroit. Tout était dans sa tête … A partir de là, elle pourrait alors partir sereinement.

Elle s’éloigna de la maisonnette tandis qu’elle quittait le village pour quelques heures. Cette fois-ci, elle se motivait à explorer les environs pour être sûr de trouver un indice. Le gros souci, c’est que les gnomolds étaient plus que présents. Et surtout, elle ne trouvait rien du tout par rapport à cette créature qui possédait le dernier médaillon de Shunter.

Elle rentra en début de soirée, bredouille comme à son habitude. Pourtant, la mère de Tery vint l’accueillir avec le sourire, ayant déjà préparé à manger. C’était aussi simple que cela ? Même si elle échouait, Léa était contente de la revoir ? C’était trop simple … beaucoup trop simple. Ce n’était pas normal que ça soit aussi simple, pas du tout même.

Mais pourtant, ça lui convenait. Ce n’était pas si mal … de se dire que l’échec était permis. Comme cela avait été le cas avec Tery. Il fallait faire la paix avec lui, lui expliquer pourquoi elle avait dû faire une telle chose. Pourquoi est-ce qu’elle avait été « obligée » de le tuer et toutes ces choses. Se sentir plus sereine, ensuite, lorsqu’il arriverait, ils discuteraient pendant quelques heures s’il le fallait.

Oui … Ce n’était pas une mauvaise idée quand c’était dit de la sorte, loin de là même. Peut-être que dans le fond …Il fallait y réfléchir posément et calmement. C’était peut-être cela qu’il fallait faire … Elle ne savait pas, elle ne savait plus, elle ne se posait plus réellement de questions à ce sujet. Du moins, sur le moment.

Après, peut-être que … Peut-être que … Rien du tout. Non, il ne fallait pas se bercer d’illusions. Le courage n’était pas son point fort dès qu’il s’agissait du social. Alors … Autant abandonner dès maintenant. Pourtant, elle ne le signala pas à la femme aux cheveux noirs, lui souhaitant la bonne nuit avant d’aller se coucher.

« C’est dans ce lit que dormait quotidiennement Tery. J’ai l’impression qu’il y a encore son odeur … C’est vraiment saugrenue comme idée. »

Très saugrenue et assez perturbant de penser de la sorte. Il ferma ses yeux bleus à travers son masque, cherchant le sommeil en espérant que le lendemain, son cœur sera plus soulagé de tout cela … même s’il n’y avait que peu de chances que ça soit le cas.

Ou non. Pendant toute la nuit, il fut à nouveau torturé par tout cela. Chaque jour, chaque nuit, il s’imaginait cinquante scénarios qui se déroulaient tous de façon dramatique. Il avait quand même essayé de tuer le jeune homme ! De le tuer !  Et ça, ce n’était pas possible à effacer ! C’était pourquoi il fallait prendre une décision. Une décision horrible en soi … mais il fallait la prendre. Tery allait bien venir un jour ou l’autre et pour cela, il fallait se préparer déjà à partir maintenant. Se relevant du lit, l’être encapuchonné retira son masque, passant une main sur ses yeux bleus.

« Je suis beaucoup trop émotif … beaucoup trop. » se dit-il à lui-même.

Il appréciait Léa, il l’appréciait grandement même mais … mais ... Voilà, les évènements firent que c’était impossible de continuer de la sorte. Neel se dirigea vers la fenêtre de la chambre, l’ouvrant en grand avant d’observer par celle-ci.

« Ah … Vraiment. Je n’aime pas faire ça mais j’y suis bien obligé. »

Bien obligé oui. On ne pouvait pas toujours avoir le choix malheureusement dans la vie. Bon … Bien qu’elles n’étaient pas visibles à cause de sa tenue, des lignes blanches apparurent sur ses jambes avant qu’elle ne se jette dans le vide. Avant qu’elle ne touche le sol, un léger vent vint ralentir sa chute, la faisant atterrir avec douceur.

« Pardonnez-moi, madame Léa. J’y étais obligé … Vos repas me manqueront. » souffla l’être masqué avant de quitter la modeste demeure de la mère de Tery. Cette mère … Tery devait vraiment la chérir au lieu de l’inquiéter pour un rien.

Il fit quelques pas pour s’éloigner l’endroit où se trouvait la maisonnette de Léa. En la regardant, isolée des autres, elle faisait peine à voir. Pourquoi est-ce qu’elle n’avait pas décidé de vivre avec les autres ? En étant aussi éloignée, c’était normal alors que Léa n’avait pas beaucoup de personnes qui venaient la voir.

Enfin, elle en avait toujours quelques-unes comme cette vieille femme qui s’inquiétait drôlement pour elle alors que ce n’était pas du tout son rôle. Enfin bon, maintenant, ce n’était plus son problème. Peut-être qu’elle allait devoir dormir dehors ? A la belle étoile ? Ça ne pouvait pas lui faire du mal, loin de là, elle en était sûre.

« Mais à quoi est-ce que je pense ? » chuchota la personne encapuchonnée de brun.

Le changement allait être trop radical. Elle allait devoir juste s’y habituer. C’était aussi simple que ça … n’est-ce pas ? Aussi simple … Aussi simple. Une main posée sur son cœur, Neel quitta le village pour se diriger dans la forêt. Pourquoi aller dans la forêt et nullement dans une auberge ? Oh, la raison était facile à deviner.

« Il ne manquerait plus que madame Léa vienne me chercher à l’auberge. Je ne peux pas prendre ce risque. Je ne veux pas paraître ridicule. »

A qui est-ce qu’elle se parlait ? A elle-même tout simplement. Elle voulait se convaincre qu’elle faisait le bon choix. Elle n’avait eu aucun mal à quitter le village malgré la présence de la milice. Ce n’était pas la première fois qu’elle se déplaçait aussi discrètement. Désolé pour Tery mais il n’allait pas pouvoir la voir.

Chapitre 36
Dernière partie : Blanc et noir

Chapitre 36 : Retour à la maison

« Je… Je n’ai pas vraiment l’habitude de prendre des transports. » bredouilla Tery.

« Ca se voit, Lieutenant ! Vous êtes tout pâle ! »

Il se sentait un peu mal. Il fallait dire que même s’il se retrouvait dans une charrette, celle-ci était tirée par deux chevaux bicéphales et à la crinière de feu. Ils étaient peut-être une dizaine dans cette charrette et il y en avait quatre autres à côté d’eux. A cause des routes parsemées de cailloux, la charrette était parcourue par de nombreux tremblements et ce fut cela qui gênait Tery. Le jeune homme aux cheveux bruns hoquetait quelques fois, une main posée devant sa bouche alors qu’Olin était assis à côté de lui.  C’est vrai qu’il était pâle… si pâle… comme s’il avait envie de vomir. Néanmoins, il se retenait pour ne pas répugner les quelques personnes autour de lui.

Pourquoi se trouvait-il dans cette charrette et où se dirigeait-elle ? C’était simple, très simple. Elle allait vers le village de Leskar, SON village natal ! Son village qu’il avait quitté depuis plusieurs mois ! Il s’était contrôlé difficilement lorsqu’il avait lue cette lettre de sa mère. L’Ombre était chez elle. Il n’y avait pas cru au départ mais maintenant s’il pouvait la revoir, alors tout changeait ! Mais avant cela, il y avait encore pas mal de choses à faire. Comme la mission pour laquelle on l’avait envoyé.

« Dites, lieutenant, ça fait quoi de retourner chez soi ? »

« Comment ça ? Qu’est-ce que ça me fait ? Disons que, je ne sais pas. Je sens que je vais me faire secouer comme un prunier par ma mère lorsqu’elle me reverra. Peut-être que je lui ai envoyé de l’argent mais ce n’est pas pour ça qu’elle me pardonnera je pense. Je suis quand même parti pendant tellement de temps et sans la prévenir. Je pense qu’elle doit être sacrément en colère. En fait, je me demande ce qui me fait le plus peur : la raison de notre envoi à Leskar ou alors ma propre mère. »

« Faut pas dire ça, Lieutenant ! Votre maman vous aime beaucoup ! J’en suis sûr ! Dommage que les autres n’aient pas pu venir avec nous. »

« Ils sont envoyés dans d’autres endroits. Shunter ne résume pas à Midès et Leskar, ça me fait penser que je devrais voir un peu mieux la carte de notre royaume. Dites, vous avez une carte de la région ? Ou de notre royaume ? Qu’importe ! Tant que c’est une carte. »

L’une des personnes observa les autres avant d’émettre un petit rire, lui envoyant une carte tirée d’un jeu. Une carte représentant un Gnomold avec le chiffre deux au-dessus de lui. Rapidement, d’autres rires se firent entendre quelques instants plus tard alors qu’il se mettait à soupirer, un sourire aux lèvres, reprenant d’une voix calme :

« Plus sérieusement ? Vous n’en avez pas une ? Ca me serait vraiment utile. »

Quelques secondes plus tard, il se retrouva avec un rouleau de papier jauni dans les mains, le dépliant tandis qu’Olin et lui se mettaient à le lire avec un certain intérêt. C’était donc une carte de Shunter. Avec les grandes villes marquées dessus. Comme il aurait dû s’en douter, il n’y avait pas le village de Leskar. Mais à côté, il savait maintenant que Midès se trouvait vers le côté ouest du royaume. Tiens, c’était lui où il n’y avait même pas le nom des frontières avec les pays voisins de Shunter ? C’était pour cela que l’Ombre lui avait dit que Midès était la capitale monde ? Car Shunter était l’unique ville plus qu’importante sur cette carte ? Mais il était sûr et certain qu’il y avait d’autres pays ! Enfin bon, ce n’était pas le moment de penser à ça. Donc Midès sur le côté Ouest… HEY ! Olian !  Il y avait le fleuve Olian vers le sud-est de la carte ! Il n’était pas à la frontière mais il fallait se dire qu’il n’en était pas loin … En fait, il continuait même sa route hors de la carte ?

« Olin, tu vois ce fleuve ? Olian ? Et bien, c’est près de là que j’habite. Le village n’est pas marqué mais ce n’est pas forcément très grave ou important. » annonça le jeune homme.

« Olin… Olian… Faudra que je demande à Maman et Papa s’ils m’ont appelé comme ça à cause de ce fleuve. Peut-être qu’ils savaient que j’allais manier l’eau ? »

« Je ne peux pas répondre à leur place. Enfin bref… Donc le village de Leskar se trouve près du fleuve mais il nous est interdit d’accès car il y a une très grande tribu de Gnomolds pas très loin du fleuve. Il faut vraiment y faire attention, celui qui dirige cette tribu est connu de tous et de toutes, j’en suis sûr et certain ! » reprit Tery avec entrain.

« Euh… C’est quoi son nom, Lieutenant Tery ? Car moi, je ne le connais pas. »

Heu. Il observa Olin à travers ses yeux verts, comme pour réfléchir à la question. Est-ce qu’il se rappelait du nom de ce chef ? Cela était difficile, très difficile mais il faisait de son mieux pour ressasser ses souvenirs, s’il voulait bien sûr qu’ils reviennent. Il fronça légèrement les sourcils, se tenant la tête entre les deux mains avant de pousser un petit cri de désespoir :

« Non ! Vraiment ! Ca ne me dit rien du tout ! Je suis désolé, Olin mais je pense qu’on aura notre réponse que lorsque nous arriverons à mon village. Il n’y a pas trente six mille solutions de toute façon. Bon. Recommençons la lecture de cette carte, ça ne peut pas me faire du mal à la base. C’est à peine si je connais l’endroit d’où je proviens. »

« Faut pas dire ça, lieutenant Tery ! Moi non plus, j’y connais pas grand-chose vous savez ? »

« Si tu le dis. Enfin bon. Continuons voir cette fameuse lecture… »

Le royaume de Shunter n’était qu’un simple royaume. Il ne semblait pas y avoir de comtés ou de régions pour définir telle ou telle partie. La seule autorité semblait être celle du roi et son armée. Hum, bien entendu, il y avait quelques petits groupes armés comme la milice de son village mais ils devaient payer un droit d’exercer cette profession. Ce droit pouvait être nul si le groupe travaillait pour une ville ou un village. En quelque sorte, cela semblait être une délégation de pouvoir militaire pour éviter de trop s’embêter avec toute cette histoire. Mais ce qui était le plus étonnant, ce fut d’avoir ces informations sur une carte. Il y avait plusieurs noms comme la Confrérie des lames flamboyantes, la guilde des chapeaux éthérés et diverses autres choses. Il se tourna vers l’homme qui lui avait donnée la carte, lui demandant avec interrogation :

« Pourquoi il y a tous ces noms ? Ca gâche la moitié de la carte. »

« C’est simplement pour me souvenir des différents groupes que je connais, rien de plus. J’en ai fait partie de l’un ou deux donc je devais juste me rappeler de tout cela en temps et en heure à certains moments. Il n’y a rien de bien surprenant au final. T’as fini avec ma carte ? »

Oui. C’était bon. Il avait simplement vu les quelques grandes villes, le nom des organisations ou guildes chargées de faire régner l’ordre et la justice et aussi de remarquer que Midès se trouvait plus à l’ouest voir nord-ouest du royaume de Shunter qu’il le pensait. Enfin bon par rapport à Leskar, c’était assez compliqué mais est-ce que le royaume était plus petit qu’il ne le pensait ? Ou alors cette carte était très mal dessinée ? Et est-ce que l’Ombre l’avait réellement emmené jusqu’à Midès ? Pendant tout ce temps ? Il était sûr de se trouver dans la capitale mais tout était si bizarre. Est-ce que l’Ombre lui avait menti sur toute la ligne ? Peut-être qu’elle l’avait endormi pendant plusieurs jours ? Une telle distance en aussi peu de temps. Ou alors … pfiou… Il ne comprenait plus grand-chose à tout ce qui se passait autour de lui. Il devait y réfléchir mais plus tard.

« On arrivera d’ici quelques jours non ?  Je me demande quelle sera sa réaction. »

« De votre mère, lieutenant ? C’est vrai que d’après ce que vous dites, elle n’a pas l’air commode. Mais bon, ça, c’était avant votre départ, non ? »

« Hein ? Ma mère ? Que quoi ? Euh… » bredouilla le jeune homme aux cheveux bruns.

« Ben oui, votre mère ! Vous rêvassez, lieutenant Tery ! »

Il bafouilla quelques excuses, passant une main dans ses cheveux bruns. Ce n’était pas vraiment qu’il rêvassait. En fait, il s’était trompé de personne. Il pensait plutôt à la réaction de l’Ombre lorsqu’elle allait le revoir. Depuis qu’il avait quelques informations au sujet de ses lignes noires comme leur origine. Il se disait qu’il pouvait un peu comprendre les gestes qui avaient poussé l’Ombre à l’attaquer. C’est vrai quoi. Le temps passa et Olin vint crier :

« Hey ! Lieutenant Tery ! On est arrivés à l’auberge pour la nuit ! »

« Hein ? Ah oui… Tu as entièrement raison. Bon ben, je ne suis pas contre le fait de descendre de cette foutue charrette ! Ce n’est pas que ça me fait mal au dos, mais ça n’en est pas loin. Bon. Je pense que je vais encore passer sur la boisson ce soir. »

« Mais je n’ai même pas propo… » commença à dire Olin.

« Simple mesure de précaution, Olin.  Je vais plutôt aller dans ma chambre et continuer à préparer ma magie terrestre. Je ne peux pas perdre plus de temps que ça… »

« Comme vous le voulez. C’est un peu triste mais on ne peut pas vous forcer. »

« Merci bien. Amusez vous, de toute façon, on se reverra demain matin à l’aube. »

Olin le salua d’un geste de la main alors qu’il se dirigeait dans l’auberge, demandant sa chambre. Comme il était un lieutenant, il avait sa propre chambre, c’était tant mieux. On lui donna une petite clé, le jeune homme aux cheveux bruns montant les marches tout en sortant un livre de son sac de voyage. Ce livre. Dire qu’il avait commencé à l’étudier sérieusement depuis le jour où la maréchale Nali lui avait dit de s’y intéresser.

Et pour cause ! Ce livre était diablement utile. Comment créer son propre golem. Pour cela, il fallait avoir une prédisposition à l’élément terrestre, un peu comme lui. Enfin, il était prédisposé à tous les éléments dans son cas précis, c’était donc une bonne chose. Ces derniers jours, depuis qu’il avait appris que l’Ombre était présente chez lui, il avait passé la majorité de son temps libre à bouquiner et à faire de son mieux. Les résultats étaient plutôt mitigés. Il arrivait bien à créer un golem mais minuscule ! Il faisait bien une vingtaine de centimètres à peine, il tenait à peine sur ses jambes faites de terre mais au moins, il était vivant et capable de se déplacer. Il n’avait pu s’empêcher de pousser un cri de joie la première fois qu’il avait réussi. C’était comme avoir un animal de compagnie.

Déposant ses affaires sur le modeste lit, il ouvrit son livre, observant où il en était exactement. D’après ce qu’il lisait, ce n’était qu’un livre de base pour des choses bien plus grandes mais cela lui permettrait déjà d’avoir de solides connaissances. Comme quoi, il existait différentes sortes de golem suivant les matériaux utilisés. Néanmoins celui de terre ou plutôt d’airain était le plus simple. Mais d’après ce qu’il lisait, l’airain étant beaucoup trop fragile, cela n’avait servit à rien de garder ce dernier comme matériau de base et il devait passer directement aux golems de terre. En y réfléchissant bien. Cela semblait assez normal ou alors, était-ce encore un livre survalorisant l’élément de la terre par rapport aux autres ?

« Pfff. Tery, arrête donc de t’imaginer de ces choses. Comme si ces livres ne pensaient qu’à cela. Bon, on va recommencer, j’ai du pain sur la planche ! » dit-il avec entrain.

Il retroussait ses manches, déposant finalement son livre sur la table de chevet qui était à côté de lui avant de sortir un sac plus petit et de l’ouvrir vers le sol. Plusieurs morceaux de terre tombèrent sur le plancher, émettant un bruit assez conséquent pour signaler qu’ils étaient loin d’être légers. Il reprit son livre, se disant que cela n’était pas si grave si son golem était ridiculement petit au départ, il fallait simplement être patient.

Se redressant pour se diriger vers la porte, il observa s’il avait bien fermé cette dernière à clé avant de tirer les rideaux de l’unique fenêtre dans la chambre. Allumant une petite lampe pour être sûr d’y voir clair, il se concentra enfin sur son expérience. Des veines noires commencèrent à apparaître le long de ses bras, ses yeux verts s’étant fermés tandis qu’il s’approchait des morceaux de terre. L’heure était venue de donner vie.

Pendant deux à trois bonnes heures, il s’était mis à faire de son mieux. Puisqu’il ne pouvait pas encore jouer sur la taille, il essayait de consolider les appuis de son golem. Comme il avait pu le remarquer, celui-ci avait du mal à tenir correctement debout mais cela était de l’histoire ancienne ou presque. Il était devenu quand même plus fragile pour une liberté de mouvement plus grande. Vraiment. Il y avait tant de paramètres à appliquer ! Et tout cela pour une créature qui ne savait même pas parler.

« Je ferais mieux d’aller me coucher. De toute façon, ce n’est pas en quelques semaines que j’arriverais à faire quelque chose de réellement bon. »

Cela prenait plusieurs mois voire plusieurs années mais. Est-ce que c’était la bonne voie pour lui ? Dire qu’il avait cru être au départ intéressé par l’élément du vent, il s’était lourdement trompé ou non ? Enfin peut-être qu’il devait faire pas par pas. D’abord commencer par tout ce qui concerne la terre, ensuite le vent, puis le reste. De toute façon, ce n’était pas le moment de réfléchir. Il ne prévoyait jamais sur le long terme.

Les journées s’écoulèrent depuis sa réponse envoyée à sa mère mais il se rapprochait peu à peu du village de Leskar. Ils avaient plusieurs raisons d’être sur le terrain : cette créature qui semblait malmener le village et ses environs, le clan de Gnomolds, les nombreux groupes qui arrivaient dans le village, repartaient le lendemain et disparaissaient à jamais. Vraiment. Il y avait beaucoup trop de travail pour les pauvres soldats qu’ils étaient.

« Lieutenant Tery ! Lieutenant Tery ! Je crois qu’on arrive dans votre village ! »

« Hum ? Laisse-moi voir si tu ne racontes pas n’importe quoi, Olin. »

Et ce n’était pas le cas. Le jeune homme aux cheveux bruns ne cacha pas la surprise qui parue sur son visage à ce moment là. Le village était animé de partout ! Des touristes, des troupes armées aussi bien voir mieux que la milice locale. C’était à se demander si le village n’était pas en plein essor.

« Mais c’est… Léa … Elle n’avait pas menti. » murmura une voix autour d’eux.

« Il semble si différent… du fainéant d’autrefois. »

Visiblement, en sortant de la charrette dès que celle-ci s’était arrêtée, il était loin de passer inaperçu. Dommage pour lui. Il passa une main dans ses cheveux bruns, paraissant gêné par la situation avant d’annoncer aux autres gardes qu’il allait saluer sa famille puisqu’ils étaient dans son village natal. Les autres gradés lui rappelèrent qu’il ne devait pas oublier qu’ils étaient en mission et donc que dormir chez soi était bien peu conseillé surtout de la part d’un lieutenant. Il hocha la tête pour dire qu’il avait bien compris le message tout en soupirant légèrement. Il ne pouvait pas faire abstraction à la règle pour une fois ? Enfin. Il n’était là que depuis un mois et quelques semaines. Ce n’était pas comme s’il était un ancien. Vraiment. Il arriva devant sa maisonnette, ayant marché sous les regards étonnés des personnes autour de lui. Il donna quelques coups à la porte, une voix féminine disant :

« Qui… Qui est-ce ? »

Aie ! Il restait planté là, immobile comme une statue. Cette voix était bien celle de sa mère bien qu’elle semblait légèrement différente. Il ne savait pas quoi dire. Comment devait-il s’adresser à elle ? Un petit « Bonjour, Maman, c’est moi ! » ? Non ! C’était trop direct ! Comment lui parler ? La voix reprit :

« Il y a quelqu’un devant la porte ? »

RAHHHHHHH ! Elle n’avait qu’à ouvrir pour le savoir ! Il lui suffisait simplement d’ouvrir cette fichue porte et de le voir ! Après, il réagirait en conséquence !  Non mais qu’est-ce qu’elle pouvait être idiot. Il ne savait pas du tout où se mettre. Il nageait en pleine confusion. Comment lui parler ? Il revenait de plusieurs mois de fugue. Elle devait être furieuse.

« Maman. C’est Tery. Je suis revenu. » murmura-t-il faiblement.

Il baissa la tête, s’en voulant d’avoir pris la parole. Maintenant, c’était fait. Un petit cri lui signala que sa mère ne croyait pas ce qu’elle venait d’entendre. Pourquoi n’était-il pas rentré tout simplement à l’intérieur ? Qu’est-ce qui l’en empêchait ? Il n’avait qu’à ouvrir cette fichue porte et…

« TERY ! C’EST BIEN TOI ! TERY ! » hurla une voix de l’autre côté de la porte.

HEIN ?! C’était quoi cette femme ? Cette femme vraiment maigre qui venait de se présenter à lui ? Il fut emporté avec entrain à l’intérieur de la maisonnette, le faisant crier de surprise avant de se retrouver enlacé avec tendresse par cette femme qu’il ne connaissait pas. Où alors… c’était pourtant la voix de sa mère. Il n’avait pas rêvé.

« Aie, aie, aie ! Ca fait mal,  très mal. Vous me serrez trop fort. »

« Depuis quand est-ce que tu vouvoies ta mère ? Je ne suis pas une inconnue ! »

Un petit regard sur les mains de la femme et il remarqua les veines brunes. Elle utilisait la force de la terre pour l’étreindre plus que de raison. Après plusieurs secondes, il fut enfin libéré tandis qu’il reprenait sa respiration. Il avait presque senti ses os se briser alors qu’il la regardait avec inquiétude. Cette femme, c’était vraiment…

« Qu’est-ce qu’il y a mon fils ? On dirait que tu me vois pour la première fois de ta vie. »

AH ! Maintenant ! Il s’en souvenait ! Il s’en souvenait parfaitement ! Il se rappelait où il avait déjà vue cette femme ! Devant l’air complètement étonné de son fils, Léa fronça les sourcils alors qu’il commençait à balbutier :

« Ma, maman, c’est bien… toi ? Mais qu’est-ce qui… »

« Qui veux-tu que ça soit d’autre ? Ahhhhh ! Tout ces mois passés ne t’ont pas rendu plus intelligent, mon fils. Est-ce que tu ne veux pas venir un peu dans la cuisine ? Pour parler ? Ou alors, tu comptes rester planté là en attendant que je te traîne ? » demanda-t-elle.

« Non ! Non ! C’est bon ! Ma… man. Je ne sais pas comment réagir, c’est tout. Tu ressembles vraiment au dessin mémorisé. » bredouilla le jeune homme.

« Tiens. Tu l’as donc remarqué ? Je pensais que tu mettrais plus de temps. »

Même si le ton était ironique, le sourire qu’elle lui lança était plus que chaleureux et ravi. Son propre fils s’en rappelait. Et dire qu’elle pensait tout le contraire. Ah ! Elle venait même de le lui dire. Elle lui prit lentement la main, l’emmenant vers la salle de repos où elle l’installa sur un fauteuil avant de s’éloigner de lui.

« Maman ? Qu’est-ce qui s’est passé ? Pour que tu sois à nouveau comme ça ? »

« Je me suis simplement faite un sang d’encre pour mon idiot de fils qui est parti sans me prévenir. Pendant des mois, je n’ai pas eu une seule lettre de sa part et il a fallut que ça soit une personne encapuchonnée de brun et au masque blanc qui me signale qu’il était encore en vie, chose dont je n’étais pas certaine après tout ce temps passé ! »

Elle prit une profonde respiration après sa longue tirade, le jeune homme baissant la tête d’un air confus sans lui répondre. Elle marquait un point. Il toussa légèrement, préférant se taire et rester muet sur ce coup. Elle revint vers lui après quelques minutes, lui montrant un tableau qu’il reconnu après tout ce temps... Dans une petite pièce en bois, un homme aux cheveux bruns assez courts d’une vingtaine d’années ou plus serrait la main d’une jeune femme aux cheveux noirs et aux yeux verts. On pouvait voir qu’ils étaient habillés plus que correctement mais ils souriaient. L’autre main de la jeune femme était posée sur son ventre arrondi tandis que Tery savait parfaitement qui était ces deux personnes.

« C’est bon. Je l’ai assez vu. On peut ranger ce tableau. »

« Je ne comprendrais jamais pourquoi tu… » commença à dire Léa avant d’être coupé.

« Je ne veux pas en parler, Maman. Est-ce que tu vas mieux ? Je veux dire… Comment… Pfff, est-ce que tu crois que tu vas redevenir grosse maintenant ? »

Elle s’immobilisa, tenant le tableau entre ses deux mains alors qu’il se demandait ce qui se passait. Avec délicatesse, elle posa le tableau contre un mur, se tournant vers son fils en émettant un grand sourire amusé. Mais contrairement à ce qui aurait dû se passer, il ne semblait pas aussi amusé que sa mère. Non, c’était plutôt le contraire. Il semblait terrifié. Il s’engouffra dans son fauteuil, comme s’il ne pouvait pas s’enfuir.

« Mon fils. Est-ce que tu insinues que je devrais être plutôt grosse et laide à tes yeux ? »

« Je n’ai jamais dit ça maman. Je ne le pensais pas ça. Je te le promets ! »

« Promettre est une chose. Remplir ses promesses en est une autre ! »

Elle était à sa hauteur, ses veines brunes réapparaissant sur ses deux mains alors qu’il sentait sa dernière heure arriver. Il se cacha le visage comme pour se protéger avant de se faire soulever par sa mère, celle-ci venant le serrer avec tendresse contre elle. Elle lui murmura dans un trémolo :

« Tery … Ne me rend plus inquiète comme ça ! Et morte d’inquiétude … s’il te plaît. Je … Je ne veux pas te voir disparaître. J’avais l’impression de ne plus avoir de famille. »

« Ce n’est pas vrai, Maman ! Je ne suis pas mort ! Je ne suis pas prêt à mourir maintenant ! »

« Tu ne comprends pas, Tery ?! TU ES L’UNIQUE PERSONNE QUI ME RESTE ! »

« Maman… Je… Pardon… »

Il ne pouvait pas s’en empêcher. Il était fautif, de A à Z. Peut-être qu’elle le montrait d’une manière un peu spéciale mais il en était certain et ils le savaient aussi bien l’un que l’autre : Ils s’aimaient… Chacun était la seule personne qui leur permettait d’être encore une famille.

« Je repartirais avec l’armée de Midès mais je te promets de ne pas mourir. Je t’en fais la promesse ! Moi aussi, tu es la seule. Maman je t’aime. »

Il s’était mis à sangloter en posant ses mains sur le dos de la femme aux cheveux noirs. Bien sûr qu’il l’aimait, comment cela aurait-il pu être différent ? Ils restèrent ainsi pendant plusieurs minutes, chacun heureux de revoir l’autre après tout ce temps.
« Modifié: 12 janvier 2012, 02:43 par ChibiShiroiRyu »

ChibiShiroiRyu

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12 janvier 2012, 02:44
Chapitre 37
Chapitre 37 : Cache-cache et indices

« Alors, Lieutenant Tery, vous et votre groupe, vous allez vous occuper de cette partie de la montagne. Lieutenant Lano, vous allez… »

Chacun était assigné à sa place, le capitaine du régiment s’étant mis à donner des ordres dans tous les sens tandis que Tery poussait un léger soupir. Il était resté quelques minutes dans les bras de sa mère puis ils avaient discuté de tout, de rien et de l’Ombre. L’Ombre… Ah ! Rien que le fait d’y penser lui apportait de la mélancolie. Il ne savait pas pourquoi mais il se sentait triste. Sa mère l’avait rencontré et elle ne semblait pas avoir changé après cette apparition. A part physiquement, bien entendu. Néanmoins, sa mère avait été surprise de l’entendre l’appeler comme ça et il s’était demandé si elle ne connaissait pas plus de choses au sujet de l’Ombre que lui-même.

« Lieutenant Tery, lieutenant Tery ? Vous dormez encore sur place ! » cria une voix.

« AH ! Olin ! Pardon, pardon. J’ai la tête dans les nuages, je suis désolé. »

« Ca ne fait rien, je vais pas vous embêter plus que ça ! Moi et les autres, on attend vos ordres avant de partir. On ne voudrait pas commencer la recherche sans vous. »

« Aucun problème, aucun problème. Bon, suivez-moi, on se met tout de suite en route. On ne va pas perdre plus de temps que ça. » murmura Tery.

Il toussa, passant une main dans ses cheveux avant de se dire mentalement de ne pas être malade. Cela ne devait pas se produire en mission ! Surtout pas dans son village natal. Il devait quand même montrer ce qu’il était devenu et ce n’était pas en étant allongé sur un lit, malade comme un chien. Il observa combien de personnes il avait avec lui et il poussa un petit soupir : une dizaine. Comme avant contre le Glumarx. A part Olin et lui-même, il n’y avait personne qu’il connaissait, chose normale. L’armée était très grande et surtout assez dispersée. Il était rare que les personnes restent ensemble, sauf lorsqu’il s’agissait de combattre en-dehors du royaume. Combattre en-dehors de Shunter ? Hum. Il n’y avait jamais réellement réfléchi. Il connaissait à peine son royaume alors les autres…

« Euh lieutenant, que faisons-nous ? » demanda Olin.

« Hein ? Que ? Euh, je l’ai dit pourtant, nous nous en allons maintenant. »

Il avait l’impression de se répéter mais visiblement, c’était lui qui était en faute. Il semblerait qu’il avait eu encore une petite absence. Cela devenait un peu trop fréquent à son goût. Etait-il vraiment en train de perdre la tête ? Il préférait éviter d’y penser mais est-ce qu’il avait le choix au final ? Loin de là.

« Bon, on va faire comme le capitaine l’a dit mais on reste tous ensemble. Il vaut mieux ne pas se perdre. Les Gnomolds de cette région sont bien plus dangereux que ceux près de Midès ou de vos villages. Je le sais très bien. »

Oh que oui. Il le savait plus que bien. Ces Gnomolds étaient horribles et puissants. Rien à voir avec ceux de Midès ou de la région. Non, il s’était trompé. Ce n’était pas ceux de la région, le problème. C’était ceux non-loin de Leskar. Les plus dangereux qu’il connaissait. C’était pour ça qu’il préférait faire ses recherches à pas de loup et discrètement. S’ils devaient tomber sur ces Gnomolds, les ennuis arriveraient à la vitesse grand V.

Ah ! L’air de la montagne. Depuis combien de temps n’avait-il pas pu le respirer ? Il  se posait la question alors qu’il servait plus de guide envers le reste de son équipe que de lieutenant. Oui, il connaissait quand même l’endroit où ils allaient, ceux où les Gnomolds ne mettaient jamais ou trop rarement les pieds. C’était ainsi depuis que son père était mort et qu’il préférait ne plus chercher à se battre ou à s’entraîner.

« La première chose qu’il faut se dire, c’est qu’il existe des petites parties de la montagne où la végétation est importante. Certains pans sont recouverts d’arbres et même si ils vous font peur car ils sont penchés dangereusement en avant, il ne faut pas s’inquiéter. Les racines sont solidement ancrées dans le sol et  il n’y a pas avoir peur que les arbres vous tombent sur la tête. » murmura le jeune homme aux cheveux bruns.

« Vous semblez vraiment vous y connaître, lieutenant. » répondit Olin.

« Que veux-tu que je te dises ? J’ai vécu ici pendant des années, c’est normal non ? Bon, suivez-moi, on est encore loin d’en avoir terminé si on doit faire toute une partie. Par contre si vous le pouvez, surveillez donc les traces de pas au sol. »

« Pour voir si des Gnomolds sont déjà passés par là. »

Il hocha la tête d’un air affirmatif pour dire que c’était bien le cas, le groupe se dirigeant vers une verte prairie se trouvant à l’est du village de Leskar. Là-bas, l’air était souvent parcouru par une odeur de sang animal. Le sang des pauvres créatures qui rencontraient les Gnomolds. Ah ! Ce n’était pas l’heure de s’apitoyer ! Plusieurs heures passèrent et la journée était maintenant bien avancée, au contraire de leurs recherches.

Il n’y avait rien : rien du tout, aucune information, aucune trace de pas ou autre pour leur donner la moindre miette d’information au sujet de cette créature. Il poussa un profond soupir de désarroi, avant que l’un de ces hommes ne pousse un cri. Enfin hommes, c’était plutôt une femme dans ce cas précis. Tous s’étaient retournés vers elle, s’approchant pour voir ce qui se passait.

« Des traces de pas ! Ce sont… des… » balbutia t-elle.

« Oui, des traces de pas, je confirme mais il n’y a pas besoin de s’exciter ainsi non plus hein ? Ce n’est pas les premières que l’on découvre. » répondit un autre soldat.

« Attendez... Ce sont des traces de pas humain et elles sont fraîches. Or, normalement, nous sommes les seuls à être ici. Et je ne crois pas que nous soyons passés par là auparavant. Du moins pas récemment… » murmura Tery.

« Qu’est-ce que cela veut dire, lieutenant Tery ? »

Qu’est-ce que cela voulait dire ? C’était simple. Très simple. Quelqu’un était en train de se balader dans la montagne et d’après les pas, il était seul. Ce n’était pas vraiment le bon moment pour ça ! Surtout que les Gnomolds étaient dans un état d’excitation et d’énervement bien plus grand que d’habitude d’après les villageois de Leskar.

« Bon changement de plan. On va essayer de retrouver ce pauvre fou qui se balade dans la montagne avant qu’il ne soit trop tard. Les autres auront surement plus de chances de trouver des informations sur notre mission. D’un autre côté, on s’ennuie, faut pas se mentir alors bon, ça nous occupera. Y a aucun problème à ça ? »

Olin et les autres hochèrent la tête pour acquiescer à ses propos tandis qu’ils se remettaient en route, suivant les traces de pas humain de la meilleure façon possible. Pfiou. Des traces aussi visibles, cela était presque une erreur de la part de cette personne de les laisser. Soit, elle n’était pas au courant qu’elle laissait des traces, soit c’était un piège. Autant imaginer le premier, ça serait moins stressant.

« Pourquoi, pourquoi a-t-il fallut qu’elle le dise à Tery ? Pourquoi ? »

Elle marchait d’un pas vif sur le flan de la montagne, s’étant juste préoccupée de ne pas partir dans la même direction que ces groupes de gardes. Ils étaient bien une cinquantaine d’après le rapide calcul qu’elle avait fait ! Rien n’allait ! Elle devait se dépêcher de trouver ce médaillon, le plus rapidement possible et ensuite de partir du village ! Dire qu’elle ne pouvait même pas se rendre dans une auberge ! Un type avec un masque blanc sur le visage, ça n’allait pas passer inaperçu ! Elle tapa dans un caillou, l’envoyant au loin tout en poussant un profond soupir. Non, vraiment, elle n’avait pas de veine ! Elle se retrouvait dans une petite partie boisée, elle n’avait même pas remarqué qu’elle avait pénétré dans cet endroit. Et voilà qu’elle était presque perdue.

« Les traces continuent jusqu’ici, lieutenant Tery ! » cria un soldat.

« Faites attention. Je ne voulais pas le dire mais c’est peut-être un traquenard. »

« Mais ce ne sont pas des traces de Gnomolds. » reprit un second soldat.

« Je ne veux pas dire ça. Mais peut-être que certains groupes ne sont pas aussi clairs qu’on pourrait le penser. Enfin faites attention, c??est tout. »

Que … Que ? Tery était là ? Elle tourna brièvement sa tête vers l’endroit d’où provenaient les voix, remarquant le jeune homme aux cheveux bruns. Il n’avait pas changé. Enfin si. Il semblait plus sérieux et plus calme mais qu’est-ce qu’elle faisait là ? Elle n’allait pas se présenter à lui ! Elle se retourna vivement, faisant quelques pas avant d’entendre un craquement. Baissant la tête, elle remarqua qu’elle venait de marcher sur une brandille. Rapidement, tout le groupe de soldats s’était mis à réagir.

« Qu’est-ce… qu’est-ce que c’est que ça ? » demanda un soldat.

« Ca provenait de là ! J’y vais ! » s’écria un second.

« Hey ! Restez tous ensemble ! Et mer… Dépêchez vous ! On le suit ! »

La dernière voix était celle de Tery alors qu’elle s’était mise à courir à toute allure, entendant les bruits de pas derrière elle. Pourquoi ? Pourquoi autant de malchance sur le moment ? Elle n’avait rien fait de mal pourtant ! Pourquoi la déesse la faisait tellement souffrir ? Plus les secondes s’écoulaient, plus la distance se réduisait entre elle et ses poursuivants.

L’Ombre. C’était l’Ombre ! Il l’avait reconnue dès l’instant où il l’avait aperçue. Cette démarche, cette façon de courir. Tout ! Même sa cape brune ! Il l’avait reconnue si facilement ! Cela faisait à peine un mois voire un peu plus qu’ils ne s’étaient plus vus mais il s’en rappelait comme si c’était hier L’Ombre était là !

« Qu’est-ce que type a à s’enfuir comme ça ? » cria un soldat.

« C’est clairement louche comme attitude ! Je vais l’arrêter avec un petit javelot de glace ! »

L’une des femmes posa deux doigts au niveau de sa bouche, des veines bleues apparaissant sur le dos de sa main alors qu’un petit souffle glacé sortait de ses lèvres. Quelques instants plus tard, un pieu de glace avait fait son apparition, fusion d’un air froid et glacial combiné à de l’eau sortie de ses doigts. Tery s’écria subitement :

« Mais qu’est-ce tu fous ? On n’est pas là pour la blesser ! »

« Je veux simplement l’arrêter ! Je ne vais pas tenter de le tuer, simplement de l’immobiliser et de lui faire peur, lieutenant Tery ! » répondit la femme.

« NON MAIS ARRÊTE ! » hurla-t-il en tentant de l’arrêter.

C’était déjà trop tard et le pieu quitta la main de la femme, se dirigeant à toute allure vers l’être à la cape brune. Celui-ci se retourna vivement, laissant voir son masque blanc à Tery et au reste de la troupe. Ses yeux bleus se posèrent quelques instants sur Tery et il cru discerner un sourire invisible sur ses lèvres. Neel fit un pas de côté, évitant le javelot de glace tout en commençant à faire quelques mouvements. Tery cria à nouveau :

« Faites attention ! Cachez vous les yeux maintenant ! »

Il connaissait assez facilement ce qu’elle comptait faire. Il se rappelait de tout ! C’était ainsi qu’ils échappaient aux Gnomolds quand ils étaient trop nombreux ! Du moins, c’était la technique qu’elle utilisait … Il se retourna rapidement, Olin faisant de même ainsi que deux autres personnes de son groupe. Une flèche partie dans les airs, brillant d’une forte lumière avant d’éclater en morceaux. Elle aveugla le reste du groupe qui poussa des cris tandis qu’il retirait la main de ses yeux. L’un des soldats dit :

« Désolé. Mais ça s’arrête ici. Rends-toi et nous ne te ferons aucun mal. »

« C’est à moi d’être désolé. Je n’ai pas de temps à perdre. La prochaine fois, je ferais tout simplement plus attention à mes pas. » murmura la personne masquée.

« Olin. Accompagne-moi ! Les autres, occupez vous donc de ceux qui se sont fait aveugler. On ne va pas la laisser s’échapper ! » répondit Tery.

Hey ! Elle aurait du s’en douter. Tery avait bien appris ses leçons. Il savait parfaitement que dès l’instant où elle sortait son arc, elle utiliserait la magie. Etait-elle aussi prévisible que ça ? Elle se le demandait mais avant, elle devait s’éloigner ! Elle reprit sa course, ne se préoccupant plus des militaires et de Tery, faisant disparaître son arc comme auparavant. Bon ! Maintenant qu’ils étaient occupés ou presque, elle quitta le petit bois, observant brièvement derrière elle pour voir si Tery et le dénommé Olin s’étaient mis à la suivre.

Malheureusement, c’était le cas et elle poussa un léger soupir de désarroi. Qu’ils étaient collants quand ils s’y mettaient ! Elle s’arrêta, leur faisant face tandis que Tery et Olin faisaient de même. Le jeune homme aux cheveux bruns sortit ses deux griffes, observant Neel longuement. Ah, s’il n’y avait pas eu Olin, il y aurait longtemps qu’il se serait déjà arrêté de combattre. Il reprit la parole :

« On s’est assez amusés. Maintenant, si tu veux bien venir avec nous. »

« Comme je l’ai dit, il y a quelques instants, je ne suis pas encore prêt à… »

« Est-ce que vous vous connaissez tous les deux ? »

Tery s’immobilisa, tournant brièvement son visage vers Olin qui avait posé cette question. Est-ce qu’ils se connaissaient ? AH ! Plus que ça ! Sa relation avec l’Ombre était bien plus grande qu’il ne pouvait jamais le penser ! Mais cela ne devait pas être connu du public. Il alla lui répondre d’une voix calme :

« Malheureusement, non. Mais quelqu’un qui s’enfuit, qui nous aveugle et qui cherche à nous éviter, je ne pense pas que ça soit un enfant de chœur. »

« Il y a bien des choses auxquelles vous ne pensez pas… » souffla Elen.

« Tiens donc… Et qu’est-ce donc alors ? » murmura le jeune homme aux cheveux bruns.

Ils se regardèrent en chiens de faïence pendant de longues secondes, Olin ne sachant que faire à ce moment là. Son lieutenant se comportait bizarrement face à ce type au masque blanc. Peut-être qu’il avait un problème avec lui ? Si c’était le cas, alors …

« Vous vous ne vous en prendrez pas au lieutenant ! Je vous en empêcherais ! »

« Qu’est-ce qu’il… HEY ! Ton camarade s’excite un peu trop ! » cria Neel.

« Olin ! Arrête-toi au lieu de commettre une bêtise ! »

Mais c’était visiblement impossible de le stopper. Le jeune mais imposant homme aux cheveux noirs s’était mis à courir vers Neel, son épée longue en avant dans sa main droite, des veines bleues apparaissant sur son poignet. Neel alla réagir au quart de tour, sortant son arc en le pointant vers Olin. Tery cria de toutes ses forces en lui demandant de ne pas faire cette bêtise mais déjà, l’arc se banda avec une flèche.

Olin s’écroula au sol, un léger filet de sang s’écoulant de son front tandis qu’au niveau de ses pieds se trouvait une petite flaque verglacée. Il était tombé à cause de cette dernière, percutant une pierre au niveau du front. Il était tout simplement évanoui et sa blessure au front n’avait rien de grave. Plus de peur que de mal sauf…

Sauf que l’Ombre venait de faire quelque chose qui ne lui plaisait guère. Se redressant après avoir vérifié l’état d’Olin plongé dans l’inconscience, il serra les dents, cherchant les mots qu’il allait prononcer. Il aurait aimé que cela arrive à un autre moment mais bon. Finalement, il alla dire d’une voix qui se voulait neutre :

« Ca va ? Ca faisait longtemps, non ? »

« Qu’est-ce que c’est que ces paroles, Tery ? Tu me parles comme à un bon ami ? »

« Calme, calme-toi. Disons que j’ai réfléchi un peu à tout ce qui s’est passé. Et je suis au courant pour mes lignes noires. » répondit le jeune homme.

« Au courant ? A quel sujet ? Qu’est-ce que tu sais ? »

Est-ce quelqu’un lui avait parlé au sujet de ces lignes ? Cette personne devait être sacrément renseignée et courageuse pour oser discuter de ces lignes sauf si elle les possédait elle-même. Est-ce qu’elle ne voulait pas paraître surprise mais sa voix trahissait ses pensées ? Elle tremblait légèrement avant de bredouiller.

« Alors qu’est-ce que tu sais, Tery ? Ne me force pas à me répéter. »

« Les lignes du Dieu Alzar pour moi et les lignes de la déesse Zélisia pour toi. Est-ce que je me trompe ou alors j’ai raison, l’Ombre ? »

« Totalement raison. Tu as totalement raison et après ? Qu’est-ce que cela te fait de savoir ça ? Qu’est-ce que cela t’apporte ? »

« Rien du tout. Simplement, je comprends un petit peu mieux pourquoi tu as fait ce geste envers moi. C’est normal lorsqu’on sait ce que je suis. »

Qu’est-ce qu’il voulait ? Qu’elle le prenne en pitié ? C’était hors de question. Il devait simplement éviter de rester trop longtemps ici. Par simple mesure de précaution. Elle devait le mettre en garde contre tout ce qui allait lui tomber dessus s’il continuait sur cette voie. Elle ne voulait pas que Léa soit triste de perdre le dernier membre de sa famille.

« Tu ferais mieux de partir de cet endroit et d’emporter ta mère avec, Tery. »

« Hum ? C’est vrai que tu as fait connaissance de ma mère. Je tiens à te signaler qu’elle était vraiment différente de ce qu’elle est maintenant. Tu lui rajoutes trente à quarante kilogrammes et c’est à peu près ce que je voyais tous les jours. »

« Essaye d’avoir un peu plus de respect pour elle ! Elle, Elle t’adore ! » cria Neel.

« Et tu crois que je ne l’aime pas ? Mais pourquoi on parle de ça ?! Ca ne te concerne pas ! Je ne sais même pas ce que tu fais ici réellement ! Raconte pourquoi tu es dans mon village, tu dois bien avoir une raison non ? »

« Car je suis à la recherche du dernier médaillon qui se trouve dans le royaume de Shunter. Et devine quoi ? Il y a de fortes chances que la créature qui le possède soit la même qui vous cause des soucis. C’est pourquoi je suis ici. Je ne pensais pas vraiment que j’allais tomber dans ton village mais il risque d’avoir de sérieux ennuis d’ici quelques temps. Vu l’attroupement tout autour du village, ce n’est plus qu’une question de jours avant… »

« Que les Gnomolds deviennent complètement fous. Je le sais très bien. »

« Non. C’est encore pire que cela. Si utilisé à mauvais escient, le médaillon peut conférer une puissance bien trop grande pour la créature qui la porte. C’est pour cela que je suis l’une des seules personnes capable de prendre le médaillon et d’utiliser ses pouvoirs. »

« Comme par hasard. Enfin, on en est au même point non ? » dit le jeune homme.

Neel hocha la tête pour dire que oui avant de se retourner. Il s’apprêtait à partir, il valait mieux pour lui qu’il ne reste pas plus longtemps ici. Il se sentait mal à l’aise avec Tery dans les parages. Celui-ci s’était agenouillé, passant une main sur le sang séché d’Olin alors que des voix se faisaient entendre derrière eux.

« Ils sont en route. Ils arriveront bientôt. » murmura Tery.

« Ne te met pas en travers de ma route, Tery, c’est tout ce que je te demande. »

« Si ce sont les ordres de l’armée et du royaume de Shunter, j’y obéirais. »

« Quitte à devenir un monstre, c’est cela ? Tu es tombé bien bas, Tery. »

« Non, nous avons simplement pris des voies différentes. Je te l’ai pourtant dit. Même si je t’ai pardonné pour ton geste, tu as quand même essayé de me tuer, l’Ombre. »

« Et heureusement, je n’y suis pas arrivé. » souffla l’être masqué.

Hum ? Il paru surpris par la dernière phrase mais Neel s’était mis à sortait une main gantée de rouge de sous sa cape, la posant sur ses deux pieds. Une légère lueur blanche et dorée alla entourer ses chaussures alors qu’il ne comprenait pas ce qui se passait. Qu’est-ce qu’il allait faire maintenant ? Disparaître comme ça ? Et ce fut pourtant le cas. A une vitesse prodigieuse, Neel s’était mis à courir à toute allure, se retirant au loin alors que Tery voulait lui crier quelque chose sans y arriver. C’était ainsi que ça devait se terminer ? Déjà, la troupe qui accompagnait Olin et Tery se présenta derrière eux :

« LIEUTENANT  TERY ! LIEUTENANT ! Vous allez bien ? »

« De mon côté ça l’est mais Olin est légèrement blessé au front. On rentre. »

« Mais cette personne, ce type au masque blanc, où est-ce qu’il est passé ? »

« Je ne crois pas que ça soit le moment de le chercher. On retourne à l’auberge. Il faut s’occuper de ceux qui sont blessés ou aveuglés. Enfin, ça doit être terminé de ce côté non ? Vous n’avez plus mal aux yeux ? » demanda le jeune homme.

Les différentes personnes visées hochèrent la tête d’un air négatif pour dire qu’elles ne souffraient plus tandis qu’il demandait de l’aide pour soulever Olin. L’Ombre. Il l’avait finalement revue après plus d’un mois ? Son caractère avait changé complètement. Ce n’était plus réellement la personne enjouée qu’il connaissait. Etait-ce parce qu’ils étaient maintenant ennemis ? Il eut une petite pointe au cœur, le groupe se dirigeant vers l’auberge.

Chapitre 38
Chapitre 38 : Le dernier médaillon

« Alors… Comment vas t-il ? Ce n’est pas trop grave ? Non ? »  demanda Tery.

« C’est juste mineur. Je lui ai appliqué les soins primaires mais ça ne laissera aucune séquelle. Mais quand même, tomber de cette manière… » murmura un homme.

« Il n’a pas eu de chance. Nous étions en train de poursuivre une personne et celle-ci nous a  échappé. Enfin, je lui mettrais volontiers la main dessus dès le moment où je la trouverais. »

« Ca me fait penser. Quelqu’un vous recherchait lieutenant Tery. Il a signalé qu’il avait été mandaté par l’armée de Shunter voir le roi en personne. Je n’y ai pas cru au départ mais il m’a montré le cachet prouvant ce dernier et donc … Je ne sais pas ce que le roi vous veut ou ses conseillers mais je vous félicite ! »

Ah mais le féliciter de quoi ? C’était une bonne question. Il laissa partir l’homme qui avait soigné Olin, celui-ci étant encore évanoui après le mauvais coup reçu de la part de l’Ombre. Qui voulait donc le voir ? Et surtout où le voir ? La réponse ne tarda pas à se montrer alors qu’il retournait dans sa propre chambre. Il remarqua tout de suite que quelque chose avait changé et pour cause : un être encapuchonné de bleu se trouvait sur son lit, portant un masque noir. Instinctivement, il eut un sourire qu’il ne cacha pas avant qu’une voix ne sorte de sous le masque, parlant froidement :

« Tery Vanian, c’est bien cela ? »

« Oui, pour vous servir. On m’a dit que vous me recherchiez, pourquoi ? »

« Vous êtes au courant pour le médaillon de Tarka, n’est-ce pas ? »

Hum ? Comment ça ? Le nom de ce médaillon, cela faisait bien longtemps qu’il ne l’avait plus entendu mais… comment cela se faisait qu’ils connaissent ça ? Plus il observait cet être, plus il se disait qu’il ressemblait à l’Ombre. Mais, ce n’était qu’une vague ressemblance non ? Rien de bien méchant n’est-ce pas ?

« Vous savez aussi que vous possédez les lignes du Dieu Alzar. » reprit l’être masqué de noir.

« Assez ! Qu’est-ce que vous me voulez ? Je ne crois pas avoir raconté ma vie pourtant ! »

« Je sais bien plus de choses que vous ne le pensez. »

« Arrêtez de tourner autour du pot. Dites moi simplement ce que vous faites ici. »

« J’ai bien été envoyé par le Roi. Du moins, ses conseillers. Je pense que vous vous doutez de la raison qui me pousse à vous parler des médaillons. »

« Car il se pourrait qu’il y en ait un près de mon village, sur la créature qui terrorise les villageois et qui met les Gnomolds dans un état proche de la furie ? »

« Hum. Tu es bien plus malin que la maréchale Nali ne me l’avait dit. Je vois que tu réfléchis très rapidement. C’est exact. Nous avons en notre possession l’un des trois médaillons se trouvant dans le royaume de Shunter. Le second est porté disparu car quelqu’un l’a déjà récupéré. Le médaillon de Tarka pour être précis. Le troisième et dernier médaillon du royaume se trouve sur la créature en ce lieu. » souffla la personne encapuchonnée.

« Et en quoi est-ce que cela me concerne ? Je ne suis pas très porté sur l’histoire de ces médaillons. Je suis désolé mais… »

« Tu en as déjà vu un. Mais nous nous doutons que tu n’en connais pas son utilisé réelle. »

Nous ? C’est vrai qu’il avait été envoyé par les conseillers du roi. Il ne devait pas l’oublier réellement mais à côté il ne savait rien du tout de la personne qu’il avait en face de lui. Pour connaître au sujet des lignes des dieux et des médaillons, est-ce qu’il parlait à quelqu’un d’aussi intelligent que l’Ombre ? Du moins à la connaissance aussi grande qu’elle ? En y réfléchissant bien, cette personne était passée du vouvoiement au tutoiement comme si de rien n’était. Après les présentations, il n’y avait plus besoin   Il tremblait un peu alors que la voix reprenait de sous le masque noire :

« Tu vas nous aider à récupérer le dernier médaillon et pour cela,  je vais t’aider. Regarde ce qui est posé sur le bureau. C’est un petit cadeau de ma part. »

Un cadeau ? Il tourna son visage vers le bureau, remarquant qu’un masque noir se trouvait à sa surface. Un masque comme celui de cette personne ou de l’Ombre ? Il approcha avec anxiété sa main du masque noir, le prenant alors que l’être drapé de bleu disait :

« Tu peux le toucher, il ne va pas t’exploser entre les mains. A partir de maintenant, tu n’es plus Tery. Tery est reparti à Midès sous ordre du roi. »

« Mais qu’est-ce que je fais avec ce masque ? Je le mets sur mon visage ? Mais on reconnaîtra ma voix ! Et mon physique aussi ! » signala le jeune homme aux cheveux bruns.

« Ce masque n’est pas qu’un simple objet. A partir de lui, tout ton physique va se modifier. Tu paraîtras plus grand, plus imposant et ta voix se modifiera. Seuls tes yeux resteront indemnes. De même, tu devras porter la même cape bleue que moi. Elle se trouve dans le tiroir de ta table de chevet. A partir de là, tout ce que tu feras ne sera qu’à peine visible. Même tes deux griffes disparaîtront pour n’apparaître qu’au moment où tu le décideras. »

« Mais qu’est-ce que c’est que toute cette magie ? Je n’ai jamais entendu parler de cela ! »

« Tu n’as pas besoin de le savoir. Dis-toi simplement que la magie en ce monde ne se résume pas qu’à faire apparaître des pierres ou des boules de feu. Simplement, certaines personnes sont capables de créer des objets magiques. Cette cape bleue et ce masque noir en font partie. Tu as d’autres questions ? Ou je peux partir ? »

« Je ne crois pas en avoir même si perdre mon identité ne me plaît pas vraiment. »

« Tu n’as pas le choix et ce n’est pas perdre son identité, juste en adopter une autre temporairement. Ce n’est pas grand-chose. Beaucoup de personnes vivent ainsi. »

S’il le disait, ça ne pouvait être que vrai. Il le laissa partir sans un mot, l’observant s’éloigner dans le couloir avant de refermer la porte derrière lui. Se faire passer pour une autre personne ? Ironiquement, cela lui rappelait l’Ombre. Peut-être qu’il devait le faire ? Non, il n’avait pas le choix ! Il prit une profonde respiration, mettant le masque noir sur son visage alors qu’il se sentait déjà en train de changer. Quelques heures plus tard :

« C’est pour cela que le lieutenant Tery est donc retourné à Midès sous ordre du roi. »

« Mais alors qui sera notre cinquième lieutenant ? » demanda un soldat.

« Cela ne se voit-il pas ? Je serais votre cinquième lieutenant à compter d’aujourd’hui. »

« Comment doit-on vous appeler, lieutenant ? »

« Comme vous le désirez, appelez moi l’Ombre ou l’Homme, cela m’importe peu. »

L’Ombre ou l’Homme ? Ce type avec sa cape bleue et son masque noir avait une allure assez effrayante mais ils préféraient ne rien dire. Ils n’étaient pas là pour juger les personnes que le Roi envoyait. Seul Olin semblait un peu réticent à toute cette histoire. L’être encapuchonné s’approcha de lui, reprenant la parole :

« Il y a un problème ? Est-ce que ma présence te dérange ? »

« Non Lieutenant l’Ombre. Simplement que je ne m’attendais pas à ça. »

« Personne ne s’y attendait ! Bon, que tout le monde se prépare, je vais parler avec les autres lieutenants et le capitaine pour savoir les zones que nous inspecterons dans la journée ! »

Les soldats le saluèrent, même Olin faisait un effort pour cela. Pfff, c’était quoi ça ? Jouer un rôle différent du sien ne l’amusait guère. Il avait l’impression de leur mentir et ça ne lui plaisait guère. Il se dirigea vers la table des lieutenants, les saluant d’un bref hochement de tête avant de s’asseoir sur une chaise. Que ça soit eux ou les soldats, ils n’étaient guère convaincus par sa venue dans Leskar. Seul le capitaine semblait n’en avoir rien à faire. Il fut le premier à prendre la parole :

« Bon, les gars. D’après ce qu’on m’a dit hier, le lieutenant Tery et son groupe sont tombés sur un type vraiment louche. »

« Je confirme, y a le soldat Olin qui a encore quelques bandeaux sur le crâne. »

« Ouais et c’est pour ça que je vous ai réunis ici. Faites attention où vous mettez les pieds aujourd’hui ! On ne sait pas sur quoi on va tomber ! On a pas encore perdu de type, ce n’est pas pour que ça commence maintenant ! »

« Et pour les Gnomolds ? Hier, on a du en affronter quatre ou cinq et heureusement qu’un autre groupe n’était pas si loin de nous, sinon, nous serions déjà morts. Ils sont vraiment plus coriaces que ceux de Midès. » demanda l’un des lieutenants.

« Evitez les au possible, nous ne sommes pas là pour les affronter ou faire une chasse au Gnomold, simplement pour nous occuper de cette fichue créature ! Quand à toi, le nouvel arrivant, tu t’occuperas bien sûr du groupe séparé du lieutenant Tery. Pfff ! Il n’a même pas osé dire au revoir à sa propre mère, c’est n’importe quoi cette histoire ! »

Il savait parfaitement ce qu’il avait à faire, ce n’était pas cet homme qui allait lui dire ce qu’il avait à accomplir. Il se releva comme les autres lieutenants, chacun partant vers son groupe pour leur donner les consignes du jour. Peut-être qu’aujourd’hui serait une meilleure journée qu’hier. Ça ne pouvait pas être pire de toute façon ! Enfin, ça restait à voir. Il ne manquait plus que les Gnomolds partent dans tous les sens et cela pouvait très mal se finir.

« Olin, tu vas bien ? Tu te sens capable de nous suivre ou tu préfères te reposer ? »

« Ca peut aller, lieutenant l’Homme ! Vous en faites pas pour moi ! »

« Je ne m’en fais pas pour toi mais pour le groupe. Si tu es une plaie et une tare, il vaut mieux pour toi que tu restes en arrière plutôt que de nous gêner en te mettant dans nos pattes. »

OUILLE ! Ca faisait sacrément mal de dire ça au premier homme dans l’armée de Midès qui avait bien voulu de lui ! Mais… Il n’avait pas le choix ! Continuer à jouer son jeu jusqu’au bout. Olin resta interdit pendant quelques secondes, baissant la tête comme si il cherchait la réponse à une question qu’on ne lui avait pas posée.

« Je crois que finalement. Je vais rester ici. » murmura faiblement le jeune homme imposant.

« Cela vaut mieux oui. Bon ! Si tout le monde est prêt, on part dans moins d’une heure ! »

Les soldats le saluèrent alors qu’il retournait dans sa chambre, fermant celle-ci à clé avant de retirer son masque noir. Dès le moment où celui-ci fut posé sur le lit, il se sentit tout de suite mieux, bien mieux. C’était ça que l’Ombre ressentait à chaque fois ? Il avait envie de crier à la face du monde qui il était !

« C’est décidé ! Dès que je la retrouverais, je la forcerais à retirer ce foutu masque ! Quitte à perdre un bras dans l’affaire ! »

C’était décidé ! Il en était sûr et certain ! Il allait porter ce masque noir et voir à quel point l’Ombre souffrait en silence ! Lui aussi devait maintenant travailler sous une identité secrète ! Mais dès le moment où il la verrait, il allait briser ce masque et la voir sous sa véritable apparence, ses véritables pensées, TOUT ! Plusieurs coups arrivèrent à la porte, le capitaine parlant de l’autre côté :

« L’est l’heure, lieutenant ! Votre troupe vous attend à quelques mètres de l’auberge ! »

« Je termine une dernière chose et je descends tout de suite. » annonça Tery.

« Faites comme vous voulez mais dépêchez vous, mandaté par le Roi ou non. »

Pfff ! Il n’avait même pas le temps de souffler un peu ! Il reprit son masque noir, le mettant correctement su son visage avant de s’observer quelques instants dans le petit miroir posé sur la table de nuit. Vraiment, ce n’était pas son genre de jouer au justicier masqué. Il n’aimait guère se cacher de la sorte mais les règles étaient les règles. Et il devait les respecter. Il préférait éviter une nouvelle séance de fouet si possible, même si cela faisait déjà quelques temps, certains souvenirs restaient « vivaces » en lui.

Après une bonne dizaine de minutes, ils étaient maintenant en route pour inspecter la forêt avoisinante. Oui. Une simple mesure de précaution pour éviter de retomber sur cet homme masqué et blesser plus de personne. Le but n’était quand même pas d’emmener tout le monde à une hécatombe ensanglantée ! Ils ne remarquèrent pas qu’ils étaient suivis.

Cet homme. Qui était cet homme au masque noir ? Elle ne l’avait jamais vu auparavant ! Il était arrivé depuis quand ? Hier ? Et Tery ? Où était-il maintenant ? Elle n’avait aucune information à ce sujet et cela la mettait dans un état de stress difficile à contrôler. Et cet homme était inquiétant. On aurait pu croire à son Némésis. Cape bleue, masque noir. Il semblait si bizarre contrairement à elle.

« Je ne sais pas ce qu’il veut mais si. Non, ce n’est pas possible ! »

En y réfléchissant bien, l’Oracle lui avait déjà parlé de cette histoire ! D’autres personnes recherchaient les médaillons et elles étaient au service de personnes importantes comme le roi de Shunter. Celui-ci avait décidé d’attaquer le reste des pays du monde pour obtenir les différents médaillons. Dire qu’il y en avait une quinzaine au total, trois pour chaque pays. Mais ce n’était pas ça le plus important dans cette affaire.

« Ca sent l’humain par ici ! » murmura une voix criarde.

« Même un peu trop ! Ils sont là depuis pas mal de temps, héhéhé ! »

ZUT ! Des Gnomolds ! Elle grimpa à un arbre, se mettant de telle sorte qu’elle ne se fasse pas repérer par ces derniers. Elle vit passer au-dessous d’elle cinq Gnomolds, remarquant très vite la différence avec ceux qu’elle connaissait habituellement. Ces Gnomolds étaient recouverts d’armures de cuir et portaient des casques de même matériau. Au niveau des armes, cela était assez diversifié avec deux arcs, deux épées longues et des boucliers ainsi qu’une hallebarde pour celui qui semblait être le chef. Ce n’était pas normal.

« Ceux de la dernière fois. Non, la première fois. »

La première fois qu’elle avait rencontré Tery. Le Gnomold avait été si pathétique. Si vite mort, peut-être à cause de la surprise ? Ou alors elle était tombée sur le seul Gnomold un peu trop faible du clan ? Cette sensation bizarre. Ces Gnomolds n’étaient pas aussi pathétiques et idiots que les autres ! Léa lui avait pourtant dit non ?

« Ils, ils se dirigent vers ces hommes. »

Qu’est-ce qu’elle devait faire ? Si elle devait se débarrasser de quelques gêneurs en plus, cela ne l’embêtait pas mais de l’autre côté. Cela s’appelait de l’abandon pur et dur et elle n’aimait pas vraiment cette idée là ! C’était contraire à ses principes ! Elle commença à sauter d’arbre en arbre, n’ayant guère de mal à se déplacer à travers ces derniers. Cela requérait de l’entraînement et elle l’avait !

Enfin. S’ils avaient besoin de son aide à la base car elle ne s’était pas attendue à une telle chose de la part de ce groupe. Non, sincèrement, même si un des hommes était mort, les Gnomolds avaient été littéralement exterminés de part et d’autres. Le plus inquiétant était cet homme au masque noir. Ses sorts étaient puissants ! Des pieux de terre s’étaient plantés dans les deux archers tandis qu’il n’avait même pas cherché à sortir son arme. Même les soldats étaient impressionnés par cet homme.

« Euh Lieutenant, qu’est-ce qu’on fait maintenant ? » demanda l’un des hommes.

« On s’occupe seulement des intrus ou plutôt des espions. Il y a une présence près de nous. J’arrive même à la sentir ! LA ! » s’écria l’homme masqué de noir.

Il pointa une main vers un arbre, faisant apparaître un pieu de pierre qui alla se planter dans l’écorce de l’arbre. C’était quoi ça ? Comment avait-il fait pour le repérer ? Ce n’était pas un homme normal ! Neel se mit à sauter d’arbre en arbre, s’éloignant le plus rapidement de cet endroit en faisant attention à ne pas être suivi.

« Qui était-ce ? Lieutenant l’Ombre ? C’était un Gnomold ? »

« Je ne sais pas mais il ne nous importunera plus dorénavant. » répondit calmement Tery.

« Vous avez réussi à le tuer ? Vous êtes vraiment précis ! » annonça un second soldat.

« Il en est rien. Je l’ai simplement mis en garde. Il évitera de nous suivre. Bon, nous nous remettons en route, nous n’avons pas de temps à perdre. Il faut que nous trouvions absolument quelque chose à rapporter pour ce soir. Il n’y aura pas une minute de repos, je tiens à le signaler. Avançons. Et pour les Gnomolds, laissez leurs cadavres. Cela servira de messages pour les prévenir de ne pas nous provoquer ou nous menacer. »

Il avait réussi à mettre le maximum de distance entre lui et cet homme. Comment ça ? Non ! Sa main droite tremblait. Ses deux mains tremblaient ?! Cet homme, il était effrayant. Encore plus que les demandes de l’Oracle. Si cet homme était son ennemi alors il n’avait que peu de chance d’arriver à le battre. Son ennemi comme les soldats du roi de Shunter. Tout un royaume contre lui. Heureusement qu’il était encore assez discret pour l’instant mais pour combien de temps ?

Cette sensation de puissance. Il savait pertinemment qui il avait réussi à viser. L’Ombre le suivait mais il avait osé l’attaquer ? C’était… Il ne savait pas comment l’exprimer. Avec ce masque noir, il avait l’impression d’être si puissant. Rien à voir avec sa magie défaillante. Enfin, il faut dire aussi qu’à la base, il s’était quand même amélioré depuis le temps mais la différence était visible. Face à ce groupe de Gnomolds, ça s’était très vite terminé.

Qu’est-ce qu’il devait faire ? Retourner là-bas et recommencer à les suivre ? C’était maintenant très risqué,, bien trop risqué. Mais il avait le sentiment que cet homme savait où il devait se rendre. Le médaillon était proche, très proche, à portée de main. Ce qu’il devait faire consistait simplement à les prendre de vitesse. Bon ! Il n’avait pas le choix ! Partir à leur poursuite et dès qu’ils trouveraient des indices, les récupérer à son compte !

Pourquoi depuis qu’il avait ce casque noir sur le visage, tout lui semblait si clair ? Il se disait que le médaillon ne devait pas être n’importe où. En y réfléchissant bien, perdre son temps à rechercher le médaillon était une mauvaise idée. Il suffisait simplement de se mettre à la recherche des Gnomolds. Comme ils connaissaient mieux les environs, ils devaient surement être au courant de tout ce qui se passait.

Maintenant, il suffisait de repérer simplement les traces de Gnomold, chose bien plus simple que de trouver des traces d’un être qu’ils ne connaissaient pas. Il signala ce qu’il comptait faire aux autres soldats, ces derniers hochant la tête d’un air craintif. Ils préféraient ne rien dire après les quelques démonstrations qu’il avait exécuté. Il était vrai qu’il avait été assez effrayant sur le moment.

« Cela ne devrait pas être trop long… » murmura faiblement Tery.

« Tout dépend, lieutenant. Si nous suivons toutes les traces de Gnomold que nous trouvons, nous allons perdre beaucoup de temps. » répondit un soldat.

« Inutile de me proposer de nous séparer. Contrairement à moi, il y a de fortes chances que vous ne soyez pas capables de vous débrouiller seuls si vous vous faites attaqués. »

« Je, je n’ai jamais dit ça, lieutenant ! » bredouilla le même soldat.

« Non mais il est facile de le penser, il vaut mieux prévoir à l’avance. »

Il soupira légèrement, accélérant le pas. Les traces de Gnomolds étaient de plus en plus nombreuses et il était sûr qu’ils s’approchaient de l’antre de ce monstre. Et il avait raison puisque des cris se firent entendre tout autour d’eux, des cris vite repris par un ou deux soldats qui semblaient apeurés.

« Qu’est-ce qui se passe ici ? »

« Ce sont des Gnomolds ! Ils sont tout autour de nous ! » hurla un second.

« Calmez-vous. Ils ne sont pas là pour nous. Je crois que nous avons trouvé ce que nous voulions. Regardez-moi ça. » murmura l’être masqué de noir.

Il s’avançait à pas de loup vers une clairière, du moins, un endroit où il semblait que les arbres s’arrêtaient de pousser. Et pour cause ! Une sorte de trou dont la profondeur n’était pas à douter se trouvait au beau milieu de la clairière. Un trou dans lequel de nombreux Gnomolds descendaient, des escaliers et des échelles de fortune ayant été crée pour leur permettre de ne pas atterrir au fond d’une façon douloureux.

Ce fut à ce moment qu’un bruit effroyable se produisit, provenant du trou. Plusieurs Gnomolds furent expulsés de ce dernier, retombant tout autour, leurs corps brisés et sans vie tandis que les autres s’étaient mis à trembler, paralysés par la peur. Paralysés comme eux. Paralysés comme lui. Il n’arrivait pas à y croire. C’était quoi ça ?! Qu’est-ce qu’il y avait à l’intérieur ?!  Il murmura d’une voix faible :

« On s’éloigne d’ici et vite. On prend toujours le même chemin. Que l’un d’entre vous tente de nous repérer. Je crois que nous venons de le trouver et autant dire que cinquante soldats ne seront pas suffisants et les Gnomolds vont être de la partie. Il va falloir que l’on prévienne l’armée de Shunter. Les renforts risquent d’être nécessaires et obligatoires. »

 Le groupe s’éloigna peu à peu de cet endroit, faisant attention à ne pas rencontrer de Gnomolds sur son chemin. L’Ombre ne devait pas découvrir cet endroit. Surtout pas. C’était beaucoup trop dangereux pour cinquante personnes alors pour une seule.

Chapitre 39
Chapitre 39 : Préparation et soupçons

« Alors, d’après ce que vous me dites, ce que nous recherchons se trouve à cet endroit précis ? Est-ce que vous confirmez ceci ? »

Le capitaine pointa du doigt un endroit sur la carte, un endroit recouvert de verdure. L’homme au masque noir hocha la tête pour signaler qu’il parlait bien de cet emplacement, reprenant la parole d’une voix calme et neutre :

« Il va falloir appeler des renforts. Nous ne pourrons pas nous occuper des Gnomolds et de cette créature en même temps. »

« Savez-vous au moins à quoi elle ressemble ? Ou vous n’avez aucune idée ? »

« Aucune idée.Nous n’avons pas pu nous approcher sinon, nous nous serions faits repérés. Il vaut mieux ne pas perdre plus de soldats. » signala Tery.

« En parlant de pertes de soldats, quatre d’entre eux sont morts pendant de nombreuses attaques de Gnomolds. Vous n’avez eu aucun problème de ce côté ? »

« Juste une petite attaque de rien du tout. » répondit le jeune homme masqué de noir.

« Il as éliminés les cinq Gnomolds à lui tout seul ! »

Hum ? Le capitaine haussa un sourcil aux paroles d’un des soldats accompagnant Tery, celui-ci restant parfaitement immobile et stoïque comme si de rien n’était. Plusieurs murmures traversèrent la salle tandis que quelques rires se firent entendre :

« Je ne sais pas ce que tu as consommé mon gars, mais je crois que l’alcool, ce n’est pas ton fort ! Tu devrais plutôt te remettre à boire de l’eau. »

« Il blague pas ! Nous étions là aussi !  Tu devrais voir comment il utilise la magie terrestre ! Les deux Gnomolds qui tenaient des arcs n’ont même pas eu le temps de bander ! »

« Un peu comme toi lorsque tu es avec une pucelle ! » répondit une troisième voix.

De nouveaux rires fusèrent dans toute la salle alors que le second soldat qui avait confirmé les dires du premier baissa la tête en ne sachant plus où se mettre. L’homme au masque noir s’était relevé, signalant qu’il allait dans sa chambre puisque l’heure n’était plus au bilan de la mission. S’ils avaient besoin de lui, ils savaient où le trouver.

Il pénétra dans sa chambre, poussant un profond soupir. Voilà pour sa première journée de travail en tant que nouvelle Ombre comme il aimait s’appeler intérieurement. Il observa le masque noir qu’il venait de retirer de son visage. Ce masque était plus que spécial, il n’y avait pas d’autres mots pour en parler.

« Mais qu’est-ce qu’ils ont mis dans ça ? C’est la première fois que je sentais ma magie se transmettre dans mes doigts aussi rapidement ! »

Ce  masque était surprenant mais en y réfléchissant bien. L’Ombre, était-elle vraiment aussi forte sans son masque blanc ? Un petit souvenir vint lui rappeler le moment où il avait été sauvé par elle après la mort du scorpion. Elle avait réussi à le porter jusqu’en dehors de la grotte donc cela voulait dire qu’à la base, elle était déjà assez forte.

« Enfin bon. Ce n’est pas l’heure de réfléchir à tout ça. Plutôt à savoir comment faire pour cette fichue créature. On avance à grand pas mais n’est-ce pas pour s’enfoncer dans un précipice ? Je me le demande sincèrement. »

Mais l’heure n’était pas à se poser des questions et il déposa le masque sur la table de chevet, fermant les yeux en se disant qu’il avait correctement fermé la porte à clef. Tant mieux pour lui ! Il se laissa emporter dans le pays des songes, se disant que cela ne servait à rien de se triturer la tête pour l’instant. Demain serait un autre jour.

Comment c’était possible. Lui qui avait mis tellement de temps. Qui était là depuis des semaines ! Il n’avait pas trouvé le moindre indice sur cette créature et eux, en deux jours, ils venaient de mettre la main sur l’endroit où la créature était localisée ! Pourquoi cela devait arriver maintenant ? Qu’est-ce qu’il avait fait de mal ! PFFFF ! Il observa le village de l’arbre où il était situé. Un arbre aussi grand que les autres, lui servant de tour de guet et qui lui permettait de se repérer.

« C’est vraiment pas sympathique de dormir dehors mais est-ce que j’ai le choix ? Malheureusement, non. Vivement que tout ça soit terminé. Mais pourquoi Tery a-t-il du rentrer maintenant ? Ce n’est pas normal et logique ! Est-ce … » bredouilla l’Ombre.

Et si c’était ça ? Et si, ils étaient au courant pour ses lignes noires ?  Alors, si c’était le cas, cela ne présageait rien de bon et il allait devoir sérieusement le tuer la prochaine fois qu’ils se verraient. L’Oracle avait été clair : Shunter était un ennemi. Ce royaume était un ennemi ! Un ennemi qui s’attaquait aux autres peuples et qui devait être détruit s’il se mettait en travers de sa route ! C’était ça qu’il devait faire ! Mais pourquoi avoir décidé de rentrer dans l’armée de Shunter ? Sincèrement, quel idiot il avait été à ce moment-là. Tery aurait pu être sauvé s’il avait décidé de ne pas l’attaquer la dernière fois.

« Je n’ai pas à m’en vouloir. Je n’ai fait que ce dont l’Oracle m’avait ordonné. Ce n’est pas de ma faute. Il faudrait que j’arrête de me ressasser ces mots à chaque fois. Cela devient vraiment gênant et ennuyeux. »

Oui. Gênant car il n’arrivait pas à se retirer Tery de sa tête. Cela devenait une obsession dont il devait se débarrasser le plus rapidement possible mais comment faire ? Peut-être qu’il existait des potions qui permettaient d’oublier ? Mais si par oublier, cela revenait à un lavage complet de cerveau alors non merci.

De toute façon, il n’avait pas le choix. Il devait réagir sur le moment et non plus prévoir dans le futur trop lointain ! Qu’il était bête de vouloir réfléchir à tout ça ! Il avait d’autres choses à faire non ? Comme savoir ce qu’il allait faire justement. Il descendit de quelques branches, fermant les yeux se collant contre l’arbre

« Je pourrais toujours rejoindre l’armée de Shunter et faire croire que je suis un soldat. Avec ce masque blanc, oui, je pourrais toujours faire ça. Mais non, ce n’est pas possible. Ils ont déjà vu mon visage, enfin mon masque. Peut-être qu’en changeant de cape ? Non, elle est magique. Mais qu’est-ce que je dois faire ? »

Ah ! Il ne savait pas ! Pas du tout ! Il pouvait peut-être proposer son aide aux Gnomolds ? Se mettre de leur côté ? AH ! Il faudrait plus qu’une bonne raison pour qu’ils veuillent bien de lui ! Peut-être qu’en les prévenant que les humains se rapprochent de cette créature et de leur camp ? Qu’est-ce qu’ils avaient à y gagner ? Rien du tout. Non, il ne fallait pas penser à eux non plus. Mais alors à qui ? Il commençait à avoir mal au crâne à force de réfléchir à toutes ces choses ! Voilà ce qu’il allait faire ! Il allait profiter de la confusion générale pour se diriger vers l’antre de la bête et s’en occuper lui-même. A partir de là, il récupère le médaillon et s’enfuit en les laissant s’entretuer ! Quelle merveilleuse idée que voilà ! Pourquoi ne pas y avoir pensé plus tôt ? Car il était trop occupé à essayer d’imaginer s’il pouvait se faire aider par d’autres, voilà tout.

Bon, maintenant, il devait se trouver un endroit pour dormir cette nuit. Il descendit complètement de l’arbre, atterrissant au sol avec facilité avant de regarder autour de lui. A cette allure, la nuit allait tomber très rapidement. Il n’avait aucun problème pour se nourrir ou dormir en toute tranquillité. Loin de là même. Mais bon, ce n’était pas pareil. On va dire que dormir dans un lit était bien mieux que dormir sur un sol assez dur. Il alla se coller contre un arbre, fermant ses yeux bleus tout en murmurant quelques paroles. Après celle-ci, il reprit d’une voix faible :

« Maintenant, je ne serais plus dérangé. Bonne nuit, Neel. »

Autant se le souhaiter à soi-même, personne n’allait le faire à sa place. AH ! Maintenant, il devait chercher le sommeil, chose bien plus compliquée qu’il n’y paraissait. Ce fut seulement au bout de plusieurs minutes qu’il arriva à trouver le sommeil, se faisant emporter par ce dernier au pays des songes. Demain serait un autre jour.

« Alors que faisons nous aujourd’hui, capitaine ? » demanda un soldat le lendemain.

« Simplement de l’exploration pour repérer correctement les lieux dans la forêt. Nous n’aurons pas besoin d’être séparés en groupes puisque nous savons où nous rendre. »

« Donc nous partons avec tous les soldats disponibles, c’est ça ? » questionna un second.

« Plus ou moins. Appelez tout le monde et les retardataires ! »

« Oui, mon capitaine ! Je vais le faire tout de suite ! »

Le soldat s’éloigna en courant, quittant l’auberge pour réveiller ses camarades. Il fallait se dire que la majorité d’entre eux ne dormaient pas dans l’auberge. Et oui, par manque de place ou de statut, certains étaient tout simplement mis de côté et dormaient ailleurs, dans des endroits bien moins logés. Quand à Tery ? Celui-ci restait couché dans son lit, observant le plafond bien qu’il été réveillé depuis pas mal de temps. Il était simplement descendu avec son masque noir sur le visage pour parler au capitaine. Qu’est-ce qu’il lui avait dit ? Oh, tout simplement qu’il restait dans sa chambre et qu’on vienne uniquement le chercher lorsqu’ils auraient besoin de lui. Rien de plus, rien de moins. Une voix l’interpella :

« Lieutenant ? Vous êtes réveillé ? Lieutenant ? Veuillez descendre s’il vous plaît. »

« J’arrive d’ici quelques minutes. Veuillez prévenir le capitaine. » répondit-il.

« Je vais le faire tout de suite, messire. »

Tiens ? On lui donnait du messire maintenant ? Ce masque était vraiment plus qu’utile. Sans lui, peut-être qu’il n’aurait jamais eu ce qualificatif durant toute sa vie. Mais maintenant, c’était bien différent. AH ! Cela était presque drôle et pathétique en même temps. Avoir besoin d’un masque pour se croire différent des autres et spécial. Pfff. Il se détestait légèrement avec tout ceci. Il reprit son masque noir, le posant sur son visage avant de dire d’une voix lente et à lui-même :

« Bon et bien, allons-y maintenant alors. »

Avec lenteur, il se dirigea vers la sortie de sa chambre, quittant celle-ci avant de descendre les escaliers pendant que les soldats commençaient à se réunir tout autour du capitaine, attendant les ordres de celui-ci. L’homme toussa légèrement avant de dire :

« Bon aujourd’hui, en bref nous allons simplement encore faire une exploration détaillée et minutieuse de la forêt. »

« Nous avons la possibilité d’éliminer les Gnomolds s’ils se mettent en travers de notre chemin ? Ou on évite les échauffourées avec eux ? »

« La question ne se pose même pas. Éliminez-les dès que vous le pouvez. Ils ne doivent pas nous gêner plus que ça.  En fait non, dès que vous les trouvez… »

« Tuez les tous quitte à les poursuivre. Cela servira d’exemple aux autres Gnomolds et nous aurons le champ libre pour continuer notre mission. »

L’homme au masque noir avait prit la parole, coupant celle du capitaine qui haussa un sourcil de désapprobation. Il n’aimait guère ce genre d’actes de la part d’un type inconnu au bataillon. Enfin bon, il préférait ne rien dire mais il n’allait pas se laisser marcher sur les pieds, surtout pas même. Il était dans l’armée depuis une bonne quinzaine d’années et même si ce type avait un masque noir, ses paroles étaient encore celle d’un jouvenceau ! L’un de ces foutus nobles qui se croyait important sans l’être réellement.

« Mouais, enfin bon, comme l’a dit ce lieutenant, on va faire comme ça. Tuez les Gnomolds que vous trouvez, n’en laissez aucun s’échapper. Néanmoins, nous allons nous séparer seulement en deux groupes aujourd’hui. Nous devrions ainsi éviter les attaques surprises vu le nombre important que nous serons. Vous avez quartier libre jusqu’aux alentours de treize heures. Nous partirons à ce moment-là. J’ai des choses plus importantes à faire en attendant. Lieutenants, veuillez me suivre. Vous aussi, masque noir. »

Tiens ? Un nouveau surnom ? Il eut un sourire invisible, contrastant avec les lèvres tristes de son masque noir sur son visage. Sincèrement, c’était une chose remarquable. Ce masque était une bénédiction tout en étant une malédiction. Il lui permettait d’être un autre homme, bien plus fort, bien plus prestigieux, bien plus lui. Oui, peut-être qu’il perdait son identité mais à côté, il était vraiment fort et cela l’amusait plutôt bien. Il se dirigea avec le reste des lieutenants vers la table où le capitaine leur avait demandé de le rejoindre.
Lorsqu’il arriva en dernier, l’ambiance semblait être encore plus tendue qu’auparavant et il se demanda ce qui se passait pour mettre autant de tension à cette table. Avait-il manqué quelque chose ? Il ne le savait pas mais le capitaine prit la parole :

« J’ai envoyée la lettre hier soir en ce qui concerne des renforts. D’après les propos du lieutenant au masque noir, nous risquons d’avoir de gros soucis. »

« Ils sont bien trop nombreux et nous ne pouvons pas nous permettre d’être attaqués sur deux fronts, c’est pour cela que ça me semble être la meilleure idée. » murmura Tery.

« Elle n’est pas mauvaise, loin de là même. »

« Mais, quelque chose vous tracasse. » reprit le jeune homme masqué de noir.

« Si les Gnomolds arrivent à abattre cette créature, je pense que cela va nous ridiculiser aux yeux des citoyens de ce village. Disons que nous n’avons guère une bonne réputation. »

«  Pas de votre faute capitaine, nos échecs dans les royaumes ennemis, on y participe pas. Je ne verrais pas pourquoi ça serait de votre faute. »

Ah oui. Les royaumes ennemis, il oubliait que Shunter était en guerre contre les quatre autres royaumes. Ce n’était guère réjouissant mais pourtant, c’était la réalité. L’armée de Shunter n’était guère appréciée et cela pouvait se comprendre. De nombreuses défaites et dire que l’armée de Shunter et principalement celle de Midès était considérée comme l’une des plus puissantes dans ce monde, du moins, d’après ce qu’il pensait quand il voyait la maréchale.

« Enfin bref, on ne peut pas se permettre de perdre cette bataille. »

« Cette bataille ? Contre qui ? L’avis des gens ? Les Gnomolds ? Cette créature ? »

« Contre tout ! Peut-être que tu as été envoyé par le Roi mais je vais te remettre en place tout de suite. Je suis dans l’armée depuis vingt voir vingt-cinq années, donc peut-être que tu n’étais qu’un gamin à  l’époque voir à peine dans le ventre de ta mère. » déclara le capitaine.

« Ah bon ? Et donc pour vous, l’honneur de l’armée est la seule chose qui vous importe, c’est cela ? Sans savoir pourquoi le roi a lancée cette guerre ? » annonça Tery.

« Les ordres du roi ne sont pas contestables. Est-ce que tu es vraiment sûr d’être envoyé par ce dernier ? Je me le demande bien. » souffla le capitaine entre ses dents.

« Est-ce que vous essayerez de contester la lettre avec le sceau de ce dernier ? »

« Si vous pouviez éviter de vous battre … » bredouilla un lieutenant.

« Nous ne pouvons pas nous disperser maintenant. » continua un second.

Pfff. Le capitaine était exactement le genre de personnes qu’il n’appréciait pas. Toujours à s’intéresser sur les on-dit. Comme si il n’y avait que ça dans la vie ! Pfff ! Il évita de montrer son dégoût pour le capitaine à travers le masque noir. Même si lui-même n’était pas forcément très au courant de ces choses là, il n’aimait guère les guerres.

Euh, non, ce n’était pas logique ça. Il ne pouvait pas détester les guerres et être un membre de l’armée de Midès. C’était complètement illogique même ! Qu’est-ce qui lui prenait de penser de telles choses ? Pfiou ! Peut-être qu’il avait besoin de sérieusement se reposer ou quelque chose du genre. Enfin, penser ça, c’était stupide alors que ça faisait à peine qu’un mois et demi qu’il était dans l’armée. Il avait peut-être prit une décision trop hâtive. Une décision qu’il allait regretter plus tard ?

« Combien de temps allons-nous devoir attendre ? » demanda Tery.

« Avant qu’ils n’arrivent ? J’envisage environ une semaine au grand maximum. »

« Donc nous allons devoir rester ici une semaine au minimum voir deux. »

« Est-ce que cela te dérange ? » questionna le plus haut gradé.

« Je n’ai jamais dit cela que je sache. Je vais prendre un peu l’air en attendant que tout le monde soit prêt pour l’expédition de cette journée. Toute façon, nous avons la matinée pour nous donc autant flâner dans notre coin. »

« Tant mieux. » souffla le capitaine entre ses dents.

Hum ? L’homme au masque noir tourna son visage vers le capitaine qui s’était adressé dans le vide bien que ses propos le visaient directement. Il émit un léger sourire invisible avant de se lever de sa chaise, se dirigeant vers la sortie de l’auberge. Il ouvrit la porte, quittant le bâtiment tout en se dirigeant à travers le village.

« Tiens ? Il est de sortie ? Je sais que je ne devrais pas… »

Oh que oui, c’était plus que risqué mais elle n’avait pas le choix avec tout ça. Elle devait obtenir le maximum d’informations sur cette personne. Mais elle, elle ne devait pas se faire repérée non plus, chose plus difficile qu’il n’y paraissait. Elle s’était mise à le suivre, observant ses moindres mouvements jusqu’à ce qu’elle le voit s’arrêter devant la maison de Tery. Tery ? C’était lui ? Sous ce masque noir ?

« Hahaha ! Quelle idée stupide. Comme si Tery pouvait porter un tel objet. »

Comment aurait-il pu obtenir le matériel nécessaire à ça ? C’était complètement stupide d’imaginer une telle chose. Elle ne devait pas penser à ça. Elle vit que l’être encapuchonné de bleu s’était remis en marche, se dirigeant vers la sortie du village. Et zut ! Ce n’était pas possible ! Il ne pouvait pas s’arrêter un court instant ?

« Vous êtes de l’armée de Shunter ? » demanda l’un des gardes qui surveillaient le village.

« Oui. C’est exact. Vous m’avez déjà vu non ? »

« Non, non, c’est pas ça. C’est simplement qu’une autre personne est rentrée dans le village aujourd’hui. Enfin, elle était là depuis déjà pas mal de temps mais elle portait une cape brune autour d’elle. C’est un peu bizarre. Vous n’êtes pas une secte, j’espère ? »

« Non, je ne penses pas faire partie d’une telle organisation. Si vous revoyez cette personne au masque blanc et à la cape brune, signalez-la-moi le plus rapidement possible. »

« Nous le ferons avec joie si nous la retrouvons ! »

Tiens donc. Ainsi, l’Ombre était toujours dans le village ? Elle en avait du cran, il fallait l’avouer. Ce n’était pas rien que de rester dans le village alors qu’ils étaient tous aux aguets… Surtout qu’ils savaient pertinemment qu’ils recherchaient une personne au masque blanc. Enfin… Les militaires le savaient, les gardes, c’était autre chose.

Il quitta le village, commençant à parcourir la forêt tout seul mais contrairement à la dernière fois. Celle où il avait quitté son village il y a plusieurs mois, il n’était plus aussi crédule et simplet. La rencontre avec l’Ombre s’était faite ici. Ah non ! C’était plutôt vers là. Hum… Ou alors, plutôt vers ici ? Il gardait son sourire sous son masque noir alors que l’Ombre apparaissait devant lui, ayant sauté d’un arbre.

Finalement, elle ne savait pas ce que ce type voulait. Mais s’il était seul, c’était peut-être mieux pour discuter posément ou non ? Il resta parfaitement immobile tandis que l’être encapuchonné de brun se mettait en face de lui, l’observant de ses yeux bleus. Elle alla sortir son arc, le bandant vers lui alors qu’il restait imperturbable.

« Qu’est-ce que je peux faire pour vous ? » demanda Tery avec calme.

« Simplement me donner quelques informations. Comme le fait de vous voir avec un masque sur le visage. Cela n’augure rien de bon généralement. »

« Tiens donc, un peu comme le vôtre alors ? »

« Ne jouez donc pas sur les mots, je déteste cela. Qu’est-ce que vous venez faire ici ? »

« La même chose que vous : récupérer le dernier médaillon. Celui qui le possède aura gagné la partie, n’est-ce pas ? Car je sais très bien que vous en possédez un, du moins plus personnellement, je m’en doute. »

« Tsss. Je ferais mieux de vous tuer maintenant avant que vous ne me causiez des soucis ! »

« Est-ce que vous vous en sentiriez capable ? Et surtout, est-ce que cela vous faciliterait pour réussir votre objectif ? Je n’en suis pas si sûr. »

Pfff !  Voilà que cette personne au masque noir jouait avec ses phrases. Elle n’appréciait pas vraiment ça. Elle rangea son arc, le faisant disparaître comme seules les personnes comme elle en étaient capables de le faire. Elle murmura d’une voix lente :

« Qu’est-ce que tu veux au final ? Tu avais l’air de m’attendre. »

« Ce que je veux ? Je ne sais pas trop. Qu’est-ce que tu voudrais ? »

« Que vous disparaissiez, toi et les autres porteurs d’Alzar. Le reste n’a pas vraiment d’importance à mes yeux. Je vais simplement répéter ma question : qu’est-ce que tu me veux réellement ? Tu savais très bien que je te suivais alors parle ! »

Chapitre 40
Chapitre 40 : Un marché imprévu

« Parler ? Pourquoi pas ? De quoi veux-tu que l’on parle ? Peut-être de l’idée que j’ai en tête ? Tu es quelqu’un qui réagit des fois sur le moment… Ce n’est pas forcément une bonne chose, n’est-ce pas ? Qu’en penses-tu ? » demanda Tery d’une voix calme à travers son masque noir.

« Je ne vois pas de quoi tu veux parler mais tu as l’air de bien me connaître. Pourtant, je ne crois pas avoir déjà vu un masque noir. J’ai simplement été mis au courant de vos agissements au service du roi de Shunter, n’est-ce pas ? »

« Ca me semble à peu près correct. Que sais-tu de plus que ça ? »

Il jouait avec l’Ombre pour une bonne raison : elle semblait plus en savoir sur lui et son masque noir que lui-même il n’en savait. Cela parlait d’agissements et d’être au service du roi de Shunter. Il s’en doutait un petit peu mais bon.

« Je ne vois pas pourquoi je t’en parlerais. Tu devrais être au courant d’une telle chose sauf si tu n’es qu’un débutant qui vient d’arriver. » murmura-t-elle dans un souffle tout en restant sur ses gardes. Elle restait méfiante quand même.

« Dommage dommage. Tu sais, j’aurais pu te proposer de nous accompagner. »

« De vous accompagner ? Où cela ? Vers le médaillon ? Est-ce que tu te moques de moi ? Ou est-ce que tu me prends pour un imbécile pour tomber dans un piège aussi grossier ?! »

« Et pourquoi serait-ce un piège ? Nous pouvons faire un petit concours….D’abord nous nous entraidons, ensuite nous nous combattons pour savoir qui aura ce médaillon. Qu’en penses-tu ? N’est-ce pas là une très bonne idée pour régler nos différends ? » annonça Tery.

« Sérieusement, est-ce que tu me prends pour un idiot ? Moi seul contre toute votre armée de Shunter, je n’aurais aucune chance ! De toute façon… »

De toute façon quoi ? Elle ne termina pas sa phrase, la laissant en suspens alors qu’il restait immobile. Elle voulait lui dire quelque chose mais elle s’était ravisée au dernier moment. Elle attendit que plusieurs secondes s’écoulent avant de reprendre :

« Donne-moi une véritable bonne raison de te suivre. »

« Tu n’aurais plus vraiment de soucis avec l’armée de Shunter, du moins, pour l’instant. »

« Et à part ça ? Car vous ne me posez guère de problèmes à l’heure actuelle. »

« Je n’en suis pas si certain. Sinon, tu éviterais de m’espionner, n’est-ce pas ? Ou alors, je me trompe sur mon propre compte ? Je t’intéresse. »

« Je crois que tu te vantes un peu trop. » dit-elle avant de ressortir son arc, le bandant en présentant trois flèches.

De son côté, il se demandait ce qui lui passait par la tête pour faire une telle proposition à l’Ombre. C’est vrai, il n’avait pas l’autorisation de faire une telle chose. Hum ou alors, peut-être qu’en magouillant un peu, pourquoi pas ? Il n’avait rien à perdre. Ou alors plutôt tout le contraire. C’était assez compliqué dans le fond.

« Je m’occupe de faire croire que tu es l’un des nôtres et aussi de convaincre ceux que tu as attaqués que tu n’es pas cette personne justement. » annonça l’homme masqué de noir.

« Laisse-moi y réfléchir. Combien de temps ai-je pour donner une réponse ? »

« D’ici une semaine je dirais car le reste de l’armée arrivera en même temps. OH ! Je viens de prévenir par inadvertance que nous allons avoir des renforts. »

« Tsss ! Tout ça pour me prévenir que je n’aurais pas le choix d’ici une semaine. »

« Peut-être que oui, peut-être que non. Quel est ton nom ? » lui demanda t-il.

« Je n’ai pas à te l’annoncer. Vas t’en avant que je ne décide de changer d’avis. »

« Nous nous reverrons de toute façon d’ici une semaine. Même endroit ? Spécial non ? »

Elle ne lui répondit pas, le regardant partir en serrant les dents. Ce type lui était antipathique. Il semblait manier d’une main de maître tout ce qui se passait autour de lui. Elle en était sûre : ol allait lui poser de gros soucis ! Elle resta immobile pendant quelques secondes avant de s’écrouler à genoux, poussant un profond soupir :

« Et là, je suis sensé faire quoi ? Accepter n’est-ce pas ? Je le hais ! Je le hais ! »

Et elle avait de bonnes raisons de le détester ! Pfff ! Ca l’énervait de ne pas avoir le choix ! Ca lui rappelait trop les ordres de l’Oracle et autant dire que ce n’était pas forcément une bonne chose. Elle poussa un léger soupir, se mettant en quête de nourriture pour le déjeuner.

« Vous êtes de retour ? Est-ce que vous pensez vous échapper encore ? »

« Je parlais simplement à un indicateur du Roi. Celui-ci a besoin de quelques menues informations pour nous rejoindre très bientôt. » signala Tery au capitaine.

« Et cet indicateur se trouve où ? » questionna le haut gradé.

« Je n’ai pas à vous signaler ce que je dois dire ou faire… Capitaine. »

Ce dernier émit un petit rictus alors que Tery remontait dans sa chambre, confiant et vainqueur de cette courte discussion entre eux deux. Il en était sûr et certain. Enfin, avec ce masque noir, il se sentait beaucoup mieux. Il alla dans sa chambre, fermant la porte à clef avant de retirer son masque noir.

« Je n’arrive pas à croire ce que j’ai fait. Je viens de proposer à l’Ombre de m’accompagner pour cette mission. Hahaha ! »

Oui, c’était drôle car jamais il n’aurait pensé faire ça. Le problème, c’est que ce n’était pas prévu par cette autre personne. Qu’il prenne un ennemi comme allié. Enfin un allié comme allié. C’était plutôt compliqué car personne ne savait qui était l’autre réellement.

Les journées s’écoulèrent les unes après les autres, le capitaine et lui-même restant en froid sans s’adresser la parole plus que le strict minimum. Enfin une semaine passa et il se retrouva à nouveau dans l’endroit où il avait connu l’Ombre pour la première fois. Celle-ci l’attendait, dos contre un arbre, les bras croisés.

« Alors, tu as pris ta décision ? Ta réponse est donc ? »

« J’accepte, j’ai calculé le pour et le contre. Et j’ai donc pensé que c’était la meilleure chose à faire pour moi. Mais je te préviens : dès que je le peux, je n’hésiterais pas un seul instant à te trahir et tes amis aussi. »

« Oh mes amis, mes amis, tu sais. On leur dit pas mal de chose à mes amis hein ? Alors, on est partenaires ? » lui demanda t-il en tendant sa main d’un air amical.

« Partenaires ? Je ne sais pas si on peut s’appeler comme ça. Je déteste les personnes qui s’amusent à contrôler les autres et à les manipuler. » lui répondit-elle en serrant sa main.

« Manipuler est un mot un peu trop violent à mon goût. Je ne pense pas te manipuler puisque tu es courant de notre petit arrangement non ? Comment devrais-je t’appeler ? L’Ombre ? Masque Blanc ? »

L’Ombre ? Sur le moment, elle serra avec plus d’insistance la main de l’être au masque noir. Sur le moment, elle avait cru entendre la voix de Tery. C’était impossible ! Ca ne pouvait pas être lui ! Il ne lui parlerait pas ainsi ! Il n’aurait pas changé en aussi peu de temps ! Et puis bon, pourquoi aurait-il rejoint ce groupe ?

« Tery ? Est-ce que c’est toi ? » murmura-t-elle avant de tirer avec violence la main vers elle.

« Qui est ce Tery dont tu parles ? » demanda calmement l’être masqué de noir.

Il s’était laissé faire, se faisant ramener à la hauteur de l’Ombre avant de lui faire un croche-pied. L’être encapuchonné de brun se retrouva allongé au sol, sa tête écrasée par le pied de Tery alors que celui-ci reprenait :

« On évite les petites familiarités, d’accord ? Je croyais que nous n’étions même pas partenaires. Considérons-nous comme des collègues de travail. Nous faisons le même boulot mais nous ne nous aimons guère. Le message est-il bien passé ? »

« Attend que je me relève et je te le ferais payer amèrement ce que tu viens de faire ! On ne joue pas avec mes paroles ! » grogna-t-elle en tentant de se libérer.

« Moi ? Jouer ? Mais je ne faisais guère cela. C’est toi qui as voulu me tirer. Bon, si tu veux bien me pardonner, j’ai du travail qui m’attend. Ah mais non, tu dois rester avec moi. Il faut que je te présente. Relève-toi donc. »

Dès qu’il retira son pied, elle se redressa, se jetant sur lui mais il esquiva au dernier moment la personne au masque blanc. Voilà une bonne chose de faite. Du moins, c’est ce qu’il aurait du penser et ce n’était pas le cas. Il n’aimait guère voir l’Ombre se ridiculiser de la sorte. En fait, plus le temps passait et plus il avait l’impression qu’elle perdait de sa grandeur.

« Ces masques sont souvent ridicules. Ils ne donnent qu’une simple illusion de nous-mêmes. Nous ne valons pas mieux que ces masques. » marmonna t-il en esquivant un nouveau coup.

Elle s’arrêta finalement de tenter de le toucher, l’observant quelques questions. Lui aussi n’aimait pas son masque ? Ou alors il y avait autre chose ? La voix qui s’adressait à elle était légèrement modifiée comme la sienne. Elle le savait très bien mais le ton restait le même. Elle poussa un léger soupir, ses yeux bleus posés sur l’être devant elle.

« Ces masques ne sont pas ridicules. Ils sont simplement la preuve que nous pouvons faire de grandes choses. Le problème est que vous vous trompez de chemin. »

« Ou alors peut-être est-ce le cas chez vous ? Qu’est-ce qui vous fait croire que ce que nous faisons est mauvais ? Qui êtes-vous pour définir de telles choses ? »

« Je, je, je ne sais pas. Je sais très bien ce que je fais ! »

« Mouais. De toute façon, on n’est pas là pour parler. Veuillez me suivre maintenant que vous avez terminé de vous exciter ainsi. »

Elle ne rêvait pas ou il venait de la vouvoyer ? Maintenant qu’elle était plus calme, ils pouvaient s’en aller oui. Sans un mot, elle commença à le suivre, se demandant ce qu’elle devait faire. Suivre ses ennemis, ce n’était guère la meilleure idée qu’elle avait eu mais cet homme était bizarre.

« Quel est ton nom ? Si tu peux le donner. » demanda-t-elle.

« Je ne vois pas pourquoi je le ferais alors que tu as essayé de m’agresser et que tu as refusé catégoriquement de me donner le tien. »

« Je m’appelle… Je m’appelle… Je ne vois pas pourquoi je te le dirais ! »

« Hahaha ! Et dire que tu m’as posé la question. Enfin bon, fais comme tu le veux. Ne me quitte pas d’une semelle, cela vaut mieux. » annonça t-il dans un petit rire alors qu’ils arrivaient à la vue du village.

Les gardes se retournèrent vers eux après son passage, remarquant qu’il avait réussi à retrouver cette personne tandis qu’ils restaient tous les deux muets. Tant mieux, cela allait causer moins de problèmes. Il se dirigea vers l’auberge, pénétrant à l’intérieur alors que toutes les têtes se tournaient vers lui et son compagnon. Il mit rapidement une main devant lui avant de dire d’une voix calme et sereine :

« Non, ce n’est pas la personne que nous recherchons. Elle ressemble à la description de cette dernière mais ce n’est pas le cas. Je vous présente donc celui qui nous aidera. Il est un peu du même genre que moi donc vous n’avez pas à vous en faire. »

« Et comment est-ce qu’on peut l’appeler celui-là ? Toi, c’est l’Homme alors lui, ça sera quoi ? La Femme ? Encore qu’on ne sait jamais ce qui a sous ce masque. » grogna l’un des soldats. Visiblement, ce n’était pas la première fois qu’il rencontrait quelqu’un de ce genre.

« Appelez là l’Ombre. Ca lui ira parfaitement je dirais. » dit-il en la désignant d’un doigt.

« Et c’est pour ça que vous êtes parti pendant plus d’une heure ? Alors que les nouveaux effectifs allaient arriver ? Vous n’avez pas remarqué les tentes sur le chemin ? » marmonna le capitaine en s’adressant à lui.

« Hum. Je ne crois pas. Enfin, nous pouvons partir dès maintenant. »

« HEY ! Tu te calmes directement ! Comme ils viennent d’arriver, on va simplement faire quelques tours d’horizon pendant deux ou trois jours, rien ne presse. »

Tery haussa les épaules, demandant à la personne derrière lui de bien vouloir la suivre alors qu’ils montaient les escaliers. Ils pénétrèrent dans sa chambre, l’être encapuchonné de bleu signalant que c’était ici qu’elle allait dormir dorénavant.

« Je ne crois pas que certains te feront confiance, c’est pourquoi tu dormiras dans la même chambre que moi. Je verrais avec l’aubergiste si on peut avoir une couverture ou autre chose en plus car je ne pense pas. »

« Hors de question de dormir dans le même endroit que toi. Pourquoi est-ce que je n’aurais pas ma propre chambre ? En quoi est-ce que c’est un problème ? »

« Comme je te l’ai dit, certains ne te font pas confiance. Tu préfères peut-être te retrouver avec un poignard planté dans le dos ? »

« Personne n’osera entrer dans ma chambre si j’y dors. » rétorqua Neel.

« Oh que si. Tu ne le sais peut-être pas mais tu es très recherché dans ce village. Du moins, grâce aux paroles d’une patrouille. Tu as même blessé un homme nommé Olin. »

« Tsss, d’accord. Mais je dors dans le lit, est-ce que c’est clair ? »

« Tu n’es pas en position de donner tes ordres, je tiens à te le signaler au cas où. Mais peu m’importe, tant que tu ne bouges pas d’ici pendant la nuit. De toute façon, je le saurais, j’ai un sommeil très léger malheureusement. »

« Comme si cela m’intéressait de le savoir, tu crois que je vais essayer de te tuer pendant ton sommeil ? Je ne suis pas comme ça contrairement aux personnes de ton genre. »

« Personne de mon genre ? AH ! C’est bien beau ce que tu dis. Bon, dépose tes affaires là où tu le désires, ensuite, on descend. »

Il ne semblait pas plus inquiet que ça. Visiblement, elle ne l’impressionnait pas beaucoup. De son côté, elle semblait un peu surprise de voir que ce type n’était pas très apprécié de son capitaine. Visiblement, le problème avec l’autorité n’était pas que chez Tery. Chez d’autres personnes, cela semblait être aussi le cas. Son autorité à elle ? L’Oracle ? Elle aurait bien aimé être un peu plus problématique des fois comme refuser quelques ordres mais bon, elle ne pouvait pas y faire quelque chose.

La journée passa par une phase d’exploration, Tery et Neel restant groupés avec le reste de la troupe pour faire l’exploration et montrer aux nouveaux arrivant les endroits qu’ils allaient devoir traverser d’ici quelques jours. Neel remarqua très rapidement que le visage de l’homme au masque noir était souvent tourné vers lui comme pour être sûr qu’il n’était pas trop loin. Qu’est-ce qu’il croyait ? Qu’il allait s’enfuir ? Il n’était pas comme ça !

Pfiou, c’était bizarre de se dire que c’était lui qui protégeait l’Ombre et non l’inverse cette fois-ci. Il restait près de lui pour être sûr qu’aucun des soldats ne commette de bêtise. Il avait remarqué le visage surpris mais un peu colérique d’Olin lorsqu’il avait vu l’Ombre mais il l’avait prévenu. Ce n’était pas la même personne. Bien que tout cela était faux bien entendu. Ah, vraiment, il trouvait ça amusant en un sens.

« Je peux savoir pourquoi est-ce que tu me regardes ? » demanda Neel.

« Oh. Pour rien, pour rien. Je me disais quelque chose, je rigolais dans ma tête. »

« Je t’interdis de te moquer de moi, je te préviens. Je ne suis que… »

« Alors qu’est-ce que vous faites ? Avancez un peu ! On va perdre le reste du groupe à cette allure. Contrairement à vous, on ne sait pas ce que c’est que cet endroit paumé ! »

« Cet endroit paumé s’appelle le village de Leskar. Ne l’oublie pas. » marmonna Tery avec un petit grognement dans la voix, répondant au capitaine.

Oh ? Il savait aussi se mettre en colère ? Quel était ses rapports avec ce village ? Visiblement, il n’appréciait pas que l’on parle de Leskar comme d’un endroit perdu au milieu de nulle part. Pourtant, c’était la vérité et il devait le savoir aussi bien que les autres. Intéressant, c’était peut-être un point faible à utiliser à un autre moment.

« Et maintenant, pourquoi est-ce que tu me regardes, toi ? » annonça Tery en s’adressant à lui.

« Est-ce que c’est interdit ? Je ne le savais pas. »

« Ne fait donc pas le malin avec moi, l’Ombre. Je vais t’appeler comme ça dorénavant. »

« Fais comme tu le désires. Nous ne sommes… » commença à répondre Neel.

« Tu ferais mieux de ne pas terminer ta phrase, je t’ai pourtant prévenu ce qui risquerait de t’attendre si tu parlais un peu trop. »

« Vous pouvez pas vous taire tout les deux ? On n’avance pas à cause de vous ! »

Tery poussa un petit rire en entendant les cris du soldat derrière lui, accélérant le pas en signalant à Neel de faire pareil que lui. Celui-ci ne savait plus vraiment quoi faire dans toute cette histoire. Qu’est-ce que cet homme voulait au final ? Il se le demandait. Il ne prenait pas son rôle au sérieux ? Il aurait aimé faire pareil que… NON ! Il n’aurait jamais aimé faire pareil que lui ! Hors de question ! Il ne fallait pas rêver !

La première journée d’exploration passa plus facilement que son début tandis que les deux personnes se taisaient. Il valait mieux pour éviter de rallumer les flammes de la colère entre elles. Lorsque la nuit fut finalement tombée, ils rentrèrent dans l’unique chambre qui allait leur servir de dortoir pour les prochains tours. Il s’en alla pendant quelques minutes, revenant avec une couverture gracieusement offerte par l’aubergiste.

« Donc tu dors dans le lit et moi à même le sol ? »

« Hum. Oui, oui. » murmura Neel tout en le regardant brièvement.

Neel cacha quelque chose sous sa cape brune. Cet homme en face de lui n’était pas n’importe qui. Oh, il avait les lignes d’Alzar mais surtout il semblait être lié à l’élément de la Terre. C’était quelqu’un de ce royaume. Enfin, la majorité des humains du royaume de Shunter était doué pour cet élément. Mais d’autres encore plus. Mais lui avait une affinité avec cet élément. Il serra son pendentif sous sa cape brune avant de reprendre :

« Alors maintenant, on va aller se coucher, c’est ça ? Je ne dormirais que d’un œil. »

« Et moi des deux si ça ne te dérange pas. Peut-être que tu préfères l’insomnie au sommeil réparateur car tu es paranoïaque mais ce n’est pas mon cas malheureusement. »

« Oui, oui, oui. Je n’ai même pas faim. Et interdiction de faire une bêtise que tu regretterais, l’Homme. Tu es prévenu ! »

« Oui, oui, oui. Ne t’en fais donc pas pour ça. Je ne toucherais pas à ton masque et inversement. Je sais à quel point ces choses sont très importantes. » annonça t-il en haussant les épaules avec nonchalance.

Tant mieux s’il comprenait, cela allait faciliter la discussion. Mais quand même, dormir avec l’ennemi ? Qu’est-ce qui lui prenait de prendre autant de risques ? Etait-ce à cause du fait que Tery n’était plus là ? Qu’il n’avait même pas pu lui parler plus qu’il ne l’aurait voulu ? Tout ça à cause de cette fichue histoire !

L’Ombre semblait bien différente de qui elle était il y a pas mal de temps. Enfin, il ne la connaissait pas plus que ça mais c’était si bizarre de la voir se comporter ainsi. Visiblement, tout cela changeait suivant la personne qu’elle avait en face. Elle était peut-être assez lunatique au final. Il eut un léger rire qui fit frissonner Neel :

« Qu’est-ce qui te fait rire comme ça ? »

« Moi ? Mais rien du tout, rien du tout, loin de là même. » annonça Tery sous son masque.

« Ne te moque pas de moi, je déteste ça ! Si tu as quelque chose à dire, dis-le ! »

« Oh. Si tu le désires tant, je te souhaite la bonne nuit ! »

Il bouillonnait de rage : ce type jouait avec ses nerfs. Le pire était le fait qu’il n’était même pas ironique dans ses propos. Il marmonna un bonne nuit de son côté, s’enfouissant dans le lit en gardant les yeux ouverts. Interdiction de dormir ! Il n’allait pas se laisser avoir de la sorte. Tsss … L’Ombre murmura :

« Je te surveille … Tu le crois bien. »

ChibiShiroiRyu

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14 janvier 2012, 10:56
Chapitre 41
Chapitre 41 : Dans l’antre de la bête

« Hey, l’Ombre, c’est l’heure de te réveiller. » murmura une voix masculine.

« Tery, qu’est-ce qui te met dans cet état de si bonne … »

Neel s’arrêta subitement de parler. Non, ce n’était pas Tery ! C’était ce type au masque noir ! Il se redressa subitement dans le lit, sa main posée sur son masque blanc.  Non ! Ce n’était pas Tery. Il ne devait pas se laisser avoir par cette fausse idée ! Sur le moment, comme un automatisme. A croire que ces quelques mois avec lui avaient suffit à créer une légère accoutumance au jeune homme qui ne le reconnaissait plus.

« Tery, Tery, Tery, je n’entend que ce nom à chaque fois. Je vais finir par croire que tu y es sacrément attaché. C’est le nom de qui ? »

« Cela ne te concerne pas ! Je n’ai pas à te répondre, est-ce que j’ai bien été clair ? Où est-ce que l’on est ? Enfin quelle heure il est ? »

« L’heure de se lever malheureusement. Bon, je te laisse la chambre, j’ai déjà finit de me laver contrairement à toi. Dès que tu es prêt, descend, je pense qu’aujourd’hui, on va y aller. Tu devrais être content d’apprendre cette nouvelle, je parie ! »

« Vas t’en avant que je m’énerve et que je passe mes nerfs sur toi. »

L’homme au masque noir éclata de rire avant de quitter la chambre, refermant la porte derrière lui. Ce type était trop enjoué pour être sincère. Il y avait quelque chose qui clochait avec lui mais il ne savait pas quoi.

Une bonne dizaine de minutes après, il descendit les escaliers, remarquant qu’il n’y avait que les lieutenants et le capitaine assis à une table. Le capitaine fit un petit mouvement de la main pour l’inviter à venir à la table. Lui ? Il pouvait venir ? Pourquoi pas ? Il fut néanmoins obligé de s’asseoir à côté de Tery tandis que le capitaine reprenait la parole :

« Aujourd’hui, nous devons réfléchir à ce que nous allons faire pour cette créature. Comme nous l’avons remarqué il y a quelques jours, les gnomolds semblent très rancuniers par rapport à cette dernière. »

« Il nous faut donc nous occuper des gnomolds et de cette bête en même temps. » signala un lieutenant.

« Donc, nous devrions couper nos forces en deux ? Une partie qui sera chargée de sécuriser le périmètre tandis que l’autre descendra dans ce trou pour affronter cette créature en espérant qu’elle ne soit pas partie depuis le temps. » répondit un second lieutenant.

« C’est pourquoi nous avons appelé des renforts. » signala le capitaine.

« Nous sommes combien d’hommes alors au final ? » demanda l’homme au masque noir.

« Environ cent cinquante voir deux cent. Je pensais à quelque chose comme cinquante pour surveiller et arrêter les Gnomolds et cent cinquante pour affronter cette bête. »

« Hum. Ca peut être bon mais mieux vaut soixante-quinze et cent-vingt-cinq, une simple mesure de précaution. Les gnomolds dans cet endroit sont vraiment très très farouches. Et plutôt nombreux,  c’est une simple mesure de précaution. » reprit l’homme au masque noir.

Le capitaine poussa un léger soupir, réfléchissant aux paroles de Tery. Il n’aimait pas être d’accord avec lui, un peu comme cet homme au masque blanc mais il fallait reconnaître que les gnomolds semblaient créer de gros soucis. Il toussa avant de reprendre :

« Alors c’est décidé ! Soixante-quinze pour les gnomolds et cent-vingt-cinq pour cette créature.  Puisque tout est fait, nous pouvons partir dès maintenant ! »

Le capitaine se leva, les lieutenants faisant de même avant de quitter la taverne. Tery alla se lever à son tour tandis qu’il entendait le ventre de Neel gronder :

« Mange un petit quelque chose avant de partir. Cela vaudra mieux. Demande à ce que l’on te sert. De toute façon, on a bien dix à quinze minutes le temps que toutes les troupes se placent correctement avant de bouger. »

« Je n’ai pas besoin de tes conseils ! Mais merci quand même. » murmura t-il.

C’est vrai. Il ne savait pas comment prendre ce type qui s’éloignait. Comme un ennemi ou un ami ? Les masques noirs étaient ses ennemis. Comme lui était l’ennemi des masques noirs. C’était une chose si normale, si ancrée dans sa tête. Il ne pouvait pas réfléchir à autre chose qu’à ça ! Il le regarda partir avant de demander à être servi.

Vingt minutes plus tard, lorsqu’il sortit de l’auberge, il se retrouva en face d’un homme aux cheveux noirs et plutôt d’une grande taille. Hum, ce n’était pas une idiotie ou alors c’était bien celui qui s’était retrouvé allongé au sol à cause de ce qu’il avait fait ? Qu’est-ce qu’il lui voulait ? Avec calme, Neel demanda :

« Est-ce que je dérange ? »

« Nous nous sommes pas déjà vu quelque part, toi et moi ? »

« Je ne crois pas. Pourquoi cette question ? Y a-t-il un problème ? »

« Non non. C’est juste que votre tête me dise quelque chose. Enfin, le type avec son masque noir m’a dit de venir vous chercher car vous êtes un peu en retard. »

« Mais de quoi est-ce qu’il se mêle ? PFFFFF ! Bon, je vous suis, nous pouvons y aller quand vous le désirez. Je suis prêt à partir. » rétorqua l’être masqué de blanc.

« Bon ben alors, si tout est bon, on y va maintenant, y a plus de soucis. »

Il s’était mis à marcher à une vitesse assez rapide, prenant de l’avance par rapport à Neel qui devait faire de grand pas pour tenter de le suivre. C’était quoi ce type ? Il avait eu l’impression de remarquer qu’il savait qu’il était celui responsable de sa blessure. Enfin, il semblait aller mieux donc il n’avait rien à se reprocher dans l’histoire. A part le fait qu’il se trouvait entouré d’ennemis potentiels, voire d’ennemis tout court.

« Vous voilà donc, l’Ombre ? On vous attendait. » dit l’homme au masque noir.

« Merci bien et désolé d’être en retard, j’étais un peu occupé dans l’auberge. »

Elle répondait au tac-à-tac avec l’homme au masque noir, celui-ci lui signalant que tout le monde était prêt et que par mesure de sécurité, il allait rester auprès de lui pendant le voyage. Ils étaient vraiment deux cent personnes. C’était assez spécial et énorme. Il n’avait pas l’habitude de voir autant de monde réuni en un seul endroit. Alors qu’est-ce que cela devait être dans les champs de bataille comme ceux que menait l’armée de Shunter. Le capitaine prit la parole, criant de vive voix :

« Je vous rappelle de prendre une extrême précaution à ne pas vous séparer. Nous sommes en un nombre tellement important que les gnomolds vont nous repérer obligatoirement. Nous ne pouvons pas nous permettre de voir le groupe se dissiper ! Est-ce que j’ai été clair ? »

« OUI CAPITAINE ! OUI ! » s’écrièrent les soldats en chœur.

« Bien ! Et je tiens à rappeler que si l’un d’entre vous reste en arrière, il risquerait de le payer de sa vie ! Les gnomolds ne nous laisseront aucun répit ! Est-ce que j’ai été clair à nouveau ? Ou il faut que je me répète ? »

« NON CAPITAINE ! NON ! »

Neel vit l’homme au masque noir pousser un petit rire sans comprendre la raison de celui-ci. Qu’est-ce qu’il avait de drôle ? Le capitaine n’avait rien dit de bien marrant non ? Ce type était vraiment bizarre, vraiment trop bizarre même. Il valait mieux ne pas continuer à s’intéresser à lui sinon, il risquerait de fini comme cet homme.

« Hey, l’Ombre. Le temps qu’on arrive jusqu’à cet endroit, je peux te poser une question ? Ca concerne un peu ta personne. »

« Je ne suis pas obligé d’y répondre mais pose-la donc. »

« Quel est ton élément de prédilection ? Tu dois bien en avoir un que tu gères mieux que les autres non ? Ca pourrait nous être utile. » demanda Tery derrière son masque.

« Je ne vois pas pourquoi je te répondrais donc non. Je suis désolé mais tu n’as pas à le savoir. Peut-être que si tu veux m’en dire un peu plus sur ton élément à toi. »

« Je maîtrise assez la terre. Je suis un garçon du pays quoi. Après, j’aimerais bien réussir à manier l’élément du vent. Il m’intéresse assez, je dois l’avouer. »

« L’élément de la terre ? Hum, c’est une nouvelle intéressante. Je sais manier un peu l’électricité tout particulièrement. Mais tu dois te douter que nous sommes capables de manier tout les éléments. C’est cela notre particularité. »

Il hocha la tête d’un air positif alors qu’il prenait un peu d’avance en suivant toute la troupe. De son côté, Neel l’observa quelques instants avant de plonger la main sous sa cape brune. Elle en sortit le petit pendentif brun, se concentrant dessus pour tenter de l’utiliser. Ce pendentif qui lui avait été offert par Tery. Il ne l’avait pas oublié. Mais maintenant, avec ses suspicions, il devait voir si c’était vraiment le cas ou non, ou du moins le conforter dans cette idée. Il se concentra du mieux qu’il le pouvait, le médaillon se mettant à briller, faisant apparaître une petite aura brune autour de quelques soldats et du type en cape bleue ! En fait, l’aura brune autour de cet homme était bien plus importante que les autres. Qu’est-ce que l’homme avait dit lorsque Tery avait reçu ce médaillon ? Que ce médaillon permettait de se lier plus rapidement aux personnes avec l’essence de la terre en eux. Est-ce que ça voulait dire qu’avec cette personne à la cape bleue, il était déjà fortement lié ?

« Tery. J’en étais sûr. C’était bien toi. Mais des explications vont être nécessaires lorsque nous serons seuls tout les deux. »

« Tu te parles encore tout seul ? Tu ne vois pas que tu prends du retard par rapport aux autres ? Avance donc un peu, ça serait bien mieux ! »

« Hein ? Oui, oui ! Je me dépêche, je me dépêche ! » s’écria l’être masqué de blanc.

Il avait posé son regard sur l’homme au masque noir. Derrière ce masque se cachait Tery avec un comportement pourtant différent. Et si tout ça n’était qu’une illusion ou un mensonge ? Peut-être qu’il se trompait au final ? Il ne le savait pas et il ne voulait pas le savoir. Il valait mieux pour l’instant. Après, il réglerait son compte avec lui.

Plusieurs cris se firent entendre autour d’eux, parfois des grognements, parfois des bruits de course, bref, ils étaient présents. Présents autour d’eux et ce n’était guère réjouissant. Quelques têtes se tournaient vers les environs des bois mais personne ne quittait le rang. Tant mieux, ils écoutaient correctement.

« Nous nous en rapprochons ? Hey, vous êtes sûrs que c’est par là ? » demanda un gradé.

« Oui, oui, j’en suis sûr et certain, ne vous en faites pas, nous sommes sur la bonne voie. »

Tery venait de répondre au capitaine qui semblait légèrement anxieux. Pour quelle raison ? Nul ne le savait exactement. Enfin bon, après plusieurs péripéties dans la forêt, ils arrivèrent à un endroit où les cris et grognements des Gnomolds se faisaient bien plus nombreux. Deux soldats s’avancèrent, servant d’éclaireurs avant de revenir après quelques instants. L’un d’entre eux alla dire :

« Ils sont bien présents. Ils sont plutôt nombreux. Qu’est-ce que l’on fait ? »

« C’est fort simple. Bon, les deux types masqués, vous venez avec moi. On aura surement besoin de votre aide pour cette sale bête. Ensuite, on va vous séparer comme prévu, je veux parler aux soldats là, est-ce que c’est clair ? » déclara le capitaine.

« Oui, capitaine, oui ! »

Ils parlaient à voix basse mais cela était normal lorsqu’on savait qu’ils n’étaient plus très loin du trou où logeait la bête. Pendant cinq bonnes minutes, les soldats étaient dispersés, la tactique se mettant en place. Tout était fort simple : le groupe de soixante-quinze soldats allait passer devant, servant de bouclier et surtout d’appâts pour distraire les gnomolds tandis que l’autre groupe allait descendre dans ce trou en attendant.

« Si tout est prêt… Allons-y MAINTENANT ! »

Des cris fusèrent en même temps que les soldats, le premier groupe partant comme prévu en direction du trou. Rapidement, tout cela se transforma en bataille, les premiers gnomolds tombant au sol sans rien comprendre à ce qui tombait sur eux. De l’autre côté, le second groupe restait en retrait, le capitaine murmurant :

« J’ai oublié de poser cette question. Mais il y a des manieurs de l’élément du vent ? »

Plusieurs voix se levèrent pour dire que oui alors que le capitaine soupirait de joie. Tant mieux, car là, ils risquaient d’avoir besoin d’eux très rapidement. Après cinq minutes où la bataille faisait rage, il reprit très rapidement :

« Nous allons y aller ! Comme nous n’avons pas pu vérifier ce qui se trouve exactement dans ce trou, je vous demanderais d’être prudents ! Je pense que les Gnomolds ont surement dût construire des échelles ou des escaliers pour descendre mais méfiez vous de tout ça ! De même, pour les manieurs de vent, faites tout pour éviter que vos camarades tombent. Une chute de cette hauteur nous emmènerait à une mort certaine ! Or j’aimerais espérer que l’on revienne tous vivants ! Est-ce que j’ai été clair ? »

« OUI ! CAPITAINE ! OUI ! » s’écrièrent les soldats.

« Tant mieux alors ! MAINTENANT ! »

D’autres cris et voilà que le second groupe sortait des bois, arme à la main. Tery, Neel et Olin restaient peu éloignés les uns des autres tandis qu’ils avançaient à travers les combattants. Les gnomolds s’arrêtèrent quelques instants, surpris de voir une autre troupe se ramener avant que plusieurs d’entre eux ne s’enfuient. Certains soldats, sûrement ceux qui géraient le premier groupe, crièrent à leurs compagnons de tuer le maximum de gnomolds pour laisser le champ libre au seconde groupe. Un lieutenant hurla :

« On s’occupe de ça ! Descendez ! Il y en a pas mal dans le trou d’après le regard que j’ai pu jeter à l’intérieur ! Faites gaffe ! Certains semblent capables d’utiliser de la magie ! »

« Tsss. Même des aberrations comme ça en sont capables. Mais ils se croient ensuite à l’égal de nous. Il faut juste leur montrer que nous sommes supérieurs ! » cria le capitaine avant de demander aux autres personnes de se rapprocher du trou gigantesque.

A l’intérieur de celui-ci, comme l’avait signalé le lieutenant, de nombreux escaliers fait maison se trouvaient sur les bords. Certains escaliers laissaient place à des cordes ou alors à un système qui consistait en deux seaux géants rattachés entre eux grâce à une corde et une poulie. C’était un système qui permettait de descendre très rapidement sans possibilité de remonter. En quelque sorte, les gnomolds, cela était…

« Plutôt malin de leur part. On ne dirait pas, mais ils savent réfléchir. » murmura Tery.

« On va pas les complimenter maintenant ! On n’est pas là pour ça ! Que tout le monde trouve un coin pour descendre ! Faites gaffe, ils doivent sûrement se douter qu’on est là maintenant que c’est le bordel en haut ! » hurla le capitaine.

« AHHHHHHHHHHHHHH ! » cria une voix de toutes ses forces.

L’un des soldats venait de se prendre le carreau d’une arbalète en plein bras. La douleur fut-elle qu’il ne remarqua pas où il mettait les pieds, les autres soldats ne l’arrêtant pas à temps avant qu’il ne pousse un cri strident, tombant dans le vide. Le capitaine passa une main sur son front avant de dire :

« Mais quel imbécile ! Avec ça, on est maintenant sûrs de s’être fait repérés. »

« Je pense pas qu’il a eu le temps de réagir à ça avant de se prendre un carreau. » murmura l’homme au masque noir alors qu’il commençait déjà à descendre, accompagné de la personne au masque blanc.

« Si on reste trop longtemps ici, on va seulement perdre notre temps. »

Pfff ! Quel duo d’imbéciles ! Ils partaient en premier, laissant les autres en plan. Quelle bonne idée que voilà ! La suite se passa avec brutalité et violence. Certains gnomolds usaient de la magie, d’autres attaquaient les soldats à distance avec des arcs et des arbalètes tandis que les derniers attendaient sagement qu’ils soient au corps à corps pour se jeter sur eux.

Après plusieurs péripéties, le groupe de cent-vingt-cinq soldats venait de diminuer d’un tiers de son effectif et le capitaine pesta contre eux et les personnes encore vivantes mais il ne tarda pas à s’arrêter en voyant trois gnomolds qui sortaient subitement en courant d’un autre trou dans un mur ?  Ce trou devait faire sept à huit mètres diamètre et semblait être creusé de manière non-artificielle. Ainsi, il y avait donc une grotte dans le fond de cet endroit ? Les gnomolds furent rapidement recueillis et éliminés par la troupe tandis que le capitaine reprenait :

« Bon, les gars, je crois qu’on est tombés au bon endroit. »

« Sans aucun doute. C’est si rare que les gnomolds prennent la fuite. » souffla Tery.

« C’est ça qui me fait penser que nous sommes là où se trouve cette saleté. Bon, vous cinq, pénétrez en premier dans la grotte, vous savez manier le feu non ? Vous allez nous éclairer, on vous suit de près. » déclara le capitaine.

Les cinq soldats ne se sentaient pas vraiment rassurés mais s’exécutèrent. Dès qu’ils pénétrèrent à l’intérieur, d’autres commencèrent à les suivre mais le capitaine leur signala de rester à leur position. Quelques instants plus tard, des cris effroyables se firent entendre alors que la faible lumière dans la grotte s’éteignait. D’une voix calme, le capitaine reprit :

« Cette bête est à l’intérieur. Il n’y a aucun doute. »

« Vous avez dit à ces hommes… » commença à murmurer l’homme au masque noir.

« Cela s’appelle un sacrifice. Maintenant, nous avons la confirmation qu’il y a bien quelque chose à l’intérieur. Ces hommes étaient inutiles, autant qu’ils servent pour la fin. Bon, maintenant, il faut faire sortir cette bête de son antre. Quelqu’un sait manier les boules de feu ? Si c’est le cas, qu’il se présente et en envoie deux ou trois dans la grotte. »

Rien ne se passa. Enfin, personne ne bougea. Visiblement, personne ne voulait se sacrifier à son tour. Neel observa l’homme au masque noir, celui-ci restant parfaitement immobile aussi. Oui, personne n’avait envie de se sacrifier.

« Que quelqu’un se décide à venir, sinon j’en choisi un au hasard et il va dans la grotte appâter la bête avec son propre corps, c’est à vous de décider. »

« Je, je vais le faire, capitaine. »

L’un des soldats s’était présenté en tremblant, le capitaine saluant son courage alors que l’homme se positionnait devant l’entrée de la grotte. Il ferma ses yeux tout en tendant une main, créant une boule de feu de taille moyenne avant de l’envoyer directement à l’intérieur de la grotte. Un puissant cri se fit entendre alors que le sol se mit à trembler. Tout de suite, l’homme recula avant qu’une bouche remplie de crocs ne se fasse voir dans la grotte. Une bouche gigantesque qui devait bien faire trois mètres de hauteur.

« C’est, c’est quoi ce monstre ?! »

Aussi vive que l’éclair, la bouche sortie, la créature se montrant complètement sous la forme d’un gigantesque ver à la peau rougeâtre et dont la bouche laissait s’écouler un suc verdâtre au sol. Tous les soldats commencèrent à reculer à leur tour, celui qui avait lancé une boule de feu tentant de bouger sans y arriver. Paralysé par la peur, il murmurait :

« Aidez… Aidez-moi… Aidez… moi… »

« Essaye donc de te mouvoir ! Fais quelque chose ! » cria le capitaine.

« J’Y ARRIVE PAS ! JE NE PEUX PAS BOUGER ! »

« Et merde ! Que quelqu’un aille l’aider ! Vite ! Dépêchez-vous ! »

Comme si quelqu’un allait risquer sa vie là ?! C’était courir au suicide ! Ni une, ni deux, la gigantesque bouche alla se refermer sur l’homme, l’avalant complètement tandis que le monstrueux ver se mettait à bouger ce qui lui semblait être sa tête. Sachant que celle-ci n’était composée que d’une unique bouche. Tery prit la parole, s’adressant à Neel tandis que les autres étaient trop occupés à observer la bête :

« Celui qui arrive à la tuer récupère le médaillon, ça te convient comme règle ? »

« Pourquoi ? Tu penses que l’on va survivre ? Cela me rappelle une mauvaise expérience avec un scorpion géant. Mais il n’était pas aussi affreux que ça. »

« Un scorpion géant ? C’est marrant comme histoire. »

Il voulait voir sa réaction mais visiblement, il n’en avait pas plus que ça. A quoi ça lui servait de lui cacher la vérité ? Il savait pertinemment que c’était Tery ! Ou alors, il faisait fausse route depuis le départ. Cela pouvait être aussi possible. Mais l’heure n’était peut-être pas à se poser des questions mais plutôt à tuer cette affreuse créature ! Et dire qu’elle était longue de plusieurs mètres. Une bonne quinzaine à vue d’œil !
 

Chapitre 42
Chapitre 42 : Avec ça, un petit ver

« Bon, l’ombre, on fait quoi ? » demanda l’être masqué de noir.

« Tu m’en poses de ces questions ! Que tout le monde se mette autour de… »

« QUE TOUT LE MONDE COURT ! » cria Tery et le capitaine en chœur en comprenant ce que le ver allait faire.

Celui-ci balaya tout simplement ce qui se trouvait devant lui, repoussant une trentaine d’hommes contre les murs du trou, leurs os se brisant sur le coup comme ce n’était qu’une simple boîte d’allumettes. Olin, le capitaine, Tery et Neel avaient eu plus de chances, ayant réagit au bon moment. Tery fut même surpris de la réaction d’Olin.

« Que tout le monde l’attaque maintenant ! Ne laissez pas souffler cette abomination ! » cria la capitaine alors que tout les hommes et femmes s’élançaient vers cette créature.

De multiples flèches, carreaux, lames partirent dans tout les sens. Certains étaient enflammés, d’autres parcourus d’arc électriques, tandis que certains étaient même recouverts d’une plaque de terre. Tery de son côté s’était mis dans un coin, l’Ombre et Olin se tournant vers lui. L’être au masque blanc fut le premier à crier :

« Mais qu’est-ce que tu fais bon sang ? Ce n’est pas l’heure de ramasser de la terre ! »

« Essayez de tenir bon ou de l’occuper assez longtemps ! Je vais faire quelque chose dont je suis loin d’être sûr que ça marche ! Tu devrais y arriver non ? Tu es comme moi ! »

« C’est bien beau de balancer des trucs comme ça ! JE NE SUIS PAS COMME TOI ! »

« DITES, vous pourriez éviter de vous disputer maintenant ? » demanda Olin alors qu’il observait le combat contre ce titan qui venait de dévorer deux nouveaux soldats.

PFff ! Qu’est-ce qu’il comptait faire ? Il se le demandait, ses yeux bleus posés sur l’homme au masque noir qui réunissait de la terre devant lui. PUIS ZUT ! Ce n’était pas le moment de se préoccuper de ce type ! Il annonça à Olin qu’il partait aider les autres, faisant apparaître son arc en même temps que trois flèches. Celles-ci s’enflammèrent alors qu’il criait :

« QUE TOUT LE MONDE S’ELOIGNE ! CA VA EXPLOSER ! »

Les soldats se tournèrent vers lui, reculant le plus possible alors que les trois flèches partaient vers le ver géant, explosant à son contact alors que certains morceaux venaient se planter dans les soldats les plus proches ?! C’était quoi comme morceau ? Des écailles ? Cette créature était recouverte d’écailles ? Mais maintenant, la chair était à vif ! Et derrière cette carapace rouge se trouvait une partie molle et rose.

« Que tout le monde vise cette partie ! Les archers et les arbalétriers, reculez le plus possible ! » hurla le capitaine tout en remerciant d’un hochement de tête Neel.

Ah ! Il s’était attendu à plus de résultat de sa part avec ses flèches. Et le pire restait le fait que le ver ne semblait guère avoir apprécié ce qu’il avait fait avec elles. Aie, aie, aie ! Il tourna son visage vers Tery, observant ce qu’il était en train de faire. De la pâte à modeler ? Non ! Ca ne pouvait pas être Tery ! Il ne se comporterait pas aussi imbécilement en plein combat ! Pas après ce qui s’était passé dans la grotte ! Ce n’était pas lui !

« Il faut que je me fixes cette idée en tête ! Mais quel idiot ! Mais quel idiot ! »

« Pourquoi est-ce que tu te parles tout seul ? » lui demanda Olin en le regardant.

« Hein ? Non rien. Je réfléchissais à quelque chose. On doit se concentrer plutôt sur ce ver. Plus vite, on l’abat, mieux c’est. »

« Fais comme tu veux, fais juste gaffe à toi hein ! » lui signala Olin avant de s’éloigner de lui. Neel poussa un léger soupir avant de se dire que ce type pataud était quand même sympathique en soi. Arriver à s’inquiéter en plein combat, ce n’était pas à la portée de n’importe qui. Non, sincèrement.

Dur, c’était assez dur quand il savait que son temps était compté ! C’était bien loin d’être facile ! Tout le contraire quoi ! Hum ! Bon, il avait tous les ingrédients dira-t-on pour pouvoir commencer son œuvre. Il se demandait si avec son masque sur le visage, ses pouvoirs allaient être amplifiés. Si c’était le cas, alors peut-être qu’il allait pouvoir créer un véritable monstre golemique ? Pourquoi pas ?

« Héhéhé ! Ca va être bientôt prêt, je dirais ! » annonça l’homme masqué de noir.

« Oui, et bien, dépêches-toi ! Ca ne serait pas du luxe d’avoir de l’aide ! »

« Je fais de mon mieux ! Toujours à se plaindre, pfff ! » répondit-il à Neel.

Comme si il avait le choix à la base hein ?! Bon ! Lui faire gagner encore un peu de temps. Le type au masque noir était en train de faire une sorte de statuette miniature en terre pour représenter un homme ou il ne savait quoi. Ce n’était pas l’heure de vérifier ses prouesses artistiques de toute façon !

Le ver semblait ne pas apprécier les nombreux morceaux de fer qui pénétraient dans le simple endroit où il était à nu, le montrant clairement d’une façon des plus redoutables. Alors qu’auparavant, il ne faisait que rentrer  des soldats dans sa bouche, il en ressortait maintenant une sorte de liquide verdâtre et acide, celui-ci allant asperger une bonne quinzaine d’hommes et femmes qui poussèrent des cris d’effroi, leur peau se mettant à fondre comme neige au soleil.

Et dire qu’en moins de dix minutes, il déjà perdu la quasi-moitié de ses effectifs ! Ca s’annonçait bien trop dur. Beaucoup trop dur. Il ne savait pas quoi faire ! Il pensait que ces deux types masqués étaient plus puissants que les autres mais il s’était trompé sur celui au masque noir. Celui avec son masque blanc par contre. Il semblait puissant mais il n’utilisait guère sa réelle force à l’heure actuelle.

« On doit en profiter ! On doit profiter qu’il soit affaibli ! MERDE ! Mais qu’est-ce qu’un monstre comme lui fait ici ?! » cria le capitaine avec énervement.

« Ca, je n’en sais pas grand-chose, capitaine ! Tout ce que je sais, c’est que je ne veux pas mourir maintenant ! Ma mère serait triste ! » cria Olin pour lui répondre.

Le capitaine poussa un profond soupir désespéré, se disant qu’il aurait préféré avoir un autre commentaire que celui-là. Enfin bon, il allait néanmoins se contenter de ça quoi. Il demanda aux soldats encore en vie et capables de se battre de se focaliser sur la blessure du ver et de faire surtout TRES attention à ses crachats et à ses mouvements.

« Ca y est ! Vas-y maintenant ! Vite fait bien fait ! »

Le sol s’était mis à trembler alors que toutes les têtes se tournaient vers l’homme au masque noir. Devant lui se trouvait une imposante créature humanoïde et faite de terre d’environ deux mètres de hauteur. Un golem ! C’était un véritable golem ! Un peu basique et rudimentaire mais c’en était bien un !

« Comment est-ce que t’as fait ça, toi ?! Enfin, on s’en fout ! Que ton golem vienne nous aider à faire du mal à cette sale bête ! » cria le capitaine.

Même si cela allait peut-être être inutile, l’apparition d’une créature de leur côté semblait galvaniser les soldats autour du golem. Seule la personne au masque blanc restait de marbre devant ce spectacle ! Non ! C’était une blague hein ? C’était une blague ?

C’était Tery ou ce n’était pas Tery ?! Ce type venait tout simplement d’invoquer un golem. Et qui pouvait créer un golem ?! TERY ! Du moins, il avait un livre pour lui permettre ça mais à côté, en un mois et demi, ça relevait du miracle de créer un tel monstre. Ou non. Avec un masque, c’était loin d’être impossible. Il recula, bandant son arc pour se préparer à attaquer à nouveau alors que le golem venait escorter les soldats.

Dès le premier coup donné, le ver géant sursauta, comme surpris d’une telle chose avant de voir qui était à l’origine de ce dernier. Une créature différente des humains ? Tsss ! Ce n’était rien du tout ! Un coup et il allait éclater en morceaux ! Déjà, sa longue queue s’était préparée à faire mal plusieurs nouvelles flèches allèrent exploser contre son corps, mettant une nouvelle partie complètement nue de toute carapace.

« Plus je ferai de trous, mieux ce sera ! Que tout le monde vise les endroits où je tire ! »

« Tu devrais faire attention à ne pas trop t’épuiser aussi. » souffla Tery sous son masque.

« Ne te mêle pas de ça et laisse moi me battre. Je suis le seul capable de briser cette carapace. Plus il y aura de parties à nue, mieux ce sera ! On doit tuer cette sale bête ! »

« Comme tu le veux ! Alors, je vais essayer de t’aider ! »

Ah ? L’aider ? Mais l’aider à quoi ? Qu’il reste dans son coin et qu’il continue de jouer avec son golem mais qu’il ne vienne pas mettre ses pieds dans les siens. Il allait s’occuper d’éliminer ce ver et récupérer le médaillon ! Il jeta un petit regard en biais à l’homme au masque noir, l’observant quelques instants avant de pousser un profond soupir. En quoi voulait-il l’aider ? Il n’avait même pas sorti ses armes…

« Si tu veux te rendre utile, demande à ton golem de frapper aux nombreux endroits que ‘ai mis à découvert, ce n’est pas plus dur que ça ! Tu penses y arriver ? »

« Je vais faire de mon mieux. Bon … »

« BESOIN D’AIDE ET VITE ! » cria le capitaine alors qu’Olin avait crée un jet d’eau pour l’envoyer dans la bouche du ver géant.

A quoi cela allait-il servir ? Nul ne le savait à part celui à l’origine de cette action. Néanmoins, le ver géant se calma légèrement pendant quelques instants avant de redresser le haut de son corps, un sang de couleur vert commençant à s’écouler de son corps. Voilà ! Il était finalement salement touché ! Il commençait à en baver !

Mais visiblement, ça ne lui plaisait pas et il le signala d’une façon assez spéciale. Le haut de son corps alla s’abattre violemment sur le sol, provoquant de nombreux tremblements et fissures dans le sol. Les fissures s’agrandirent sous les pieds de certains soldats, en emportant sous terre tandis que d’autres recevaient des pierres de différentes tailles sur le crâne. Qu’est-ce que tout cela voulait dire ?! Ce n’était pas difficile à savoir pourtant. Avec les tremblements, certains pans des murs du trou dans lequel ils se trouvaient avaient tout simplement décidé de se relâcher et de tomber sur eux.

« Ca commence sérieusement à sentir le roussi ! Il devient de plus en plus énervé ! »

Et Tery alla signaler que son golem venait de perdre son bras gauche et une partie de son torse. Quoi de mieux comme bonnes nouvelles ? Aucune ! Il n’y avait rien qui allait leur permettre de calmer cette créature ! Et ce n’était plus d’Olin qui allait leur être utile. Néanmoins, elle souffrait et cela était une bonne nouvelle. De l’autre côté, en parlant de nouvelles, ils en avaient aucune en rapport avec ce qui se passait au-dessus d’eux.

Peut-être qu’ils étaient tous morts ? Non. Ce n’était pas possible sinon, les Gnomolds n’auraient pas attendu pour venir les rejoindre. Et puis, ce n’était pas la première priorité pour l’instant, il fallait d’abord s’occuper de ce ver ! Et de l’autre côté… Il devait reprendre son souffle et se calmer, c’était la meilleure chose à faire. Lui aussi avait besoin de calme.

« Vous ne pouvez pas essayer d’utiliser vos pouvoirs en même temps ?! Je ne sais pas ! L’un d’entre vous ne sait pas manier le vent pour faire que les flammes soient encore plus grandes ?! Si c’est le cas, faites-le ! Plus on perdra de temps, pire ce sera ! »

Le capitaine continuait de crier sans cesse. Il ne s’arrêtait donc jamais ?! C’était à se le demander ! Néanmoins, Olin signala qu’il allait préparer une attaque de son côté. Sa lame se recouvrit d’une aura bleutée, de l’eau commençant à s’écouler le long de la lame, passant par la pointe jusqu’à arriver au début de la garde. Tiens ? Depuis quand est-ce qu’il portait des gants sur ses deux mains ? Et il tenait son épée longue à deux mains ?

Il courut à toute vitesse vers le ver géant, plantant la lame dans la chair flasque de la créature, hurlant à plein poumons que quelqu’un envoie tout ce qu’il pouvait en électricité sur sa lame. Cela ne tarda pas, trois soldats se concentrant pour commencer à faire parcourir de l’électricité sur l’arme d’Olin. Celui-ci poussa des petits gémissements, ses gants se mettant à fumer alors que l’électricité pénétrait la peau du ver, celui-ci se mettant à se débattre avec violence. La lame d’Olin se brisa, l’homme aux cheveux noirs relâchant son épée avant de mettre ses deux mains en croix devant lui, se faisant violemment propulsé contre un mur en même temps que les trois autres soldats.

« OLIN ! MERDE ! »

Qui, qui venait de dire ça ? La voix avait été furieuse et Neel s’était retourné vers l’homme au masque noir. C’était lui qui venait de prononcer ces paroles ? Qu’est-ce qui lui prenait de se mettre dans cet état ? Il alla courir vers Olin, celui-ci s’étant évanoui bien qu’il n’était pas en danger de mort. Malheureusement, les trois autres soldats n’avaient pas eu cette chance.

« Mais que quelqu’un l’arrête ! Ca ne sert à rien de s’énerver maintenant ! »

« Quitte à ce que tu exploses, vas-y ! » cria Tery en hurlant à son golem de foncer vers le ver géant. Il n’allait pas laisser passer cela ! Pas un tel acte !

Le poing pénétra dans la chair molle de la créature, celle-ci hurlant de douleur avant de venir croquer complètement le golem, quelques morceaux de dent tombant au sol alors qu’il recrachait les restes de ce qui avait été le golem. De son côté, l’homme au masque noir avait sorti ses deux armes. Deux griffes ?!

Il devait se retenir de crier son nom, ce n’était pas le plus important ! Maintenant, il en était sûr et certain ! C’était Tery ! TERY ! SON TERY ! Pourquoi il pensait à SON ?! Car il avait décidé de se cacher aux yeux des autres mais qu’aux siens, il était toujours le même ! Héhéhé ! Maintenant que la surprise était passée, il était temps de montrer ce qu’ils savaient faire tous les deux et surtout de voir les progrès de Tery !

« Je vais charger quelques flèches explo... »

« Ne fais pas ça et tente plutôt de voir si les autres vont bien ! Il s’affaiblit ! »

Qu’est-ce qui lui permettait de penser ça ? La réponse ne tarda pas à se montrer sous le geste du ver géant qui se dirigeait pour se rétracter dans sa grotte ? Mais de multiples pieux de terre se dirigèrent vers les rochers au-dessus de la grotte, les faisant s’écrouler devant l’entrée alors que l’homme au masque noir reprenait :

« Non, non ! Tu ne comptes pas t’enfuir maintenant ! PAS APRES TOUT CA ! »

« Fais simplement attention à ne pas te prendre un mauvais coup ! » continua Neel.

Plus de la moitié des soldats étaient morts et l’autre moitié était blessée. Bref, rien de bien réjouissant et cela n’allait qu’empirer si le combat continuait plus longtemps. Profitant de la confusion du ver géant, Tery s’était jeté sur lui, plantant ses deux griffes recouvertes d’une épaisse couche de terre et rocailleuse dans le corps mou et déjà meurtri de la créature.

Celle-ci n’avait plus la force de riposter violemment et il put esquiver facilement le corps du ver qui tentait de le balancer contre un mur. Plusieurs fois, il recommença, plusieurs fois, il toucha son corps. Devant la réussite de ses attaques, les soldats encore en état de se battre se jetèrent dans la bataille, la créature s’effondrant peu à peu sous l’assaut répété des soldats. Quand elle arrêta de bouger, un cri de joie se fit entendre de part et d’autre dans le trou, tous pouvant se sentir fiers et heureux d’en avoir terminé avec ce monstre.

« On a bien mérité quelques minutes de repos, non ? » murmura Tery au capitaine.

« Je dirais que oui. Mais on ne sait pas si les Gnomolds vont nous tomber dessus. On prend cinq minutes grand maximum. Même-moi, je suis exténué. Tous ceux capables de porter leurs congénères le feront. Du moins, ceux qui sont vivants bien entendu. Il faut vérifier qui l’est et qui ne l’est pas. »

Tery alla s’asseoir contre un mur, observant l’être au masque blanc qui s’avançait près du cadavre de l’imposant ver avant de reculer pour éviter une projection de suc gastrique. Non, il valait mieux attendre quelques instants à côté. Il alla s’asseoir à côté de Tery, comme si de rien n’était alors que le capitaine se tournait vers eux :

« Qu’est-ce que vous faites ? Levez vous ! On débarrasse le plancher ! »

« On doit rester ici. On a encore quelque chose à faire de notre côté. » déclara Neel.

« Ah ouais ? Vous faites comme vous le voulez, mais faudra pas vous plaindre si vous vous faites attaqués par les gnomolds ! On s’en va ! »

Le capitaine observa les morts une nouvelle fois alors que tout le monde remontait peu à peu. La bataille au-dessus semblait être terminée. Les deux êtres masqués restèrent ainsi sans rien faire pendant plusieurs minutes avant que Tery ne se lève en premier, Neel faisant de même tout de suite avant de dire d’une voix calme :

« Désolé mais tu ne sais même pas où est le médaillon alors pars d’ici et rentre chez toi. »

« Il en est de même pour moi, je suis désolé mais je dois le récupérer. »

« Héhéhé. Alors, je vais m’amuser à t’observer chercher le médaillon. »

Comme il le voulait. Il haussa les épaules, pénétrant à l’intérieur de la grotte en pensant que le médaillon se trouvait à l’intérieur. Neel eut un petit rire qu’il cachait. Sincèrement, il pensait vraiment que le médaillon était dedans ? Libre à lui. Il resta immobile en attendant une bonne minute avant de dire à voix haute :

« Tu es vraiment stupide. »

Neel s’approcha du corps du ver géant, faisant apparaître des lignes blanches le long de son cou avant de pointer une main gantée de rouge vers le cadavre. Celui-ci s’était mis à luire légèrement vers le milieu de son cadavre alors que la voix de Tery se fit entendre :

« Pas tant que ça au final. Je t’en remercie. »

Il était ressorti de la grotte et malgré son masque qui arborait un visage triste, il était sûr et certain que l’homme derrière celui-ci était en train de sourire. Il avait tout simplement attendu qu’il se dirige vers le médaillon.

« Il faudra m’expliquer comment tu as fait ça. »

« Tu peux toujours rêver. Pars d’ici avant que je ne décide de te blesser. »

« Et si je refuse ?  Tu vas me faire quoi ? » demanda Tery sous son masque noir.

Qu’il devine donc. Il brandit son arc, faisant apparaître une flèche tout en reculant, créant une légère explosion à l’endroit où se trouvait la lumière dès l’instant où la flèche quitta son arc. L’homme au masque noir cacha n’émit pas un seul mouvement, attendant que Neel insère sa main dans le cadavre pour y extirper un nouveau médaillon. Celui-ci s’était mis à briller d’une plus forte lumière que celui de Tarka, Neel murmurant :

« Le médaillon de Terno. Le troisième médaillon. »

« Celui que tu vas me donner gentiment, n’est-ce pas ? »

« Tu peux toujours rêver, Tery. »

L’homme au masque noir poussa un profond soupir, relevant sa cape bleue avant de brandir à nouveau ses deux griffes en sa direction. Les deux personnes se regardèrent en chiens de faïence avant que Tery ne reprenne la parole :

« Encore ce nom. Je ne vois pas pourquoi tu n’arrêtes pas de le prononcer. Il y a un problème avec ce type ? A croire que tu es sacrément accro à ce dernier ! »

« Tu peux arrêter de plaisanter ? Et de te voiler la face ? A quoi ça te sert de me mentir plus longtemps ? Je sais très bien que c’est toi. Tu portes des griffes. » souffla Neel.

« N’importe qui en porterait. Tery n’est pas le seul à se battre avec ces armes. »

« Tu peux invoquer un golem, assez réussi d’ailleurs. »

« La création de golems n’est pas quelque chose d’unique en son genre. » répondit Tery.

« ASSEZ ! TU M’ENERVES TERY ! JE BRISERAIS CE MASQUE ! »

Ohla ! Il se mettait en colère ! Ca avait quelque chose d’assez drôle ! Et bizarre en un sens. En quoi cela l’intéressait tant de savoir que c’était bien lui derrière ce masque noir ? Il pouvait le retirer mais cela lui causerait sa perte donc… NON ! Il ne savait même pas l’utilité de ces médaillons, il savait juste qu’il devait récupérer celui que l’Ombre avait dans sa main. En le regardant de plus près, la pierre brune semblait plus grosse que celui de Tarka, du moins dans ses souvenirs.

« Alors, tu veux donc te battre, c’est ça ? Vue ton excitation. » souffla l’être masqué de noir.

« Je ne devrais pas m’énerver pour toi. Je ne devrais pas. »

Mais le voir se cacher la vérité, ça le répugnait ! Pourquoi est-ce qu’il ne voulait pas lui montrer clairement que c’était Tery ?! Qu’est-ce qui l’en empêchait ? Non ! Ce n’était pas quand même à cause du fait  que lui-même n’avait jamais montré son visage ou donner son nom à Tery ? C’était peut-être ça. Peut-être ça oui. Mais lui ne pouvait pas le dire ! Rien n’empêchait Tery de retirer son masque !

Chapitre 43
Chapitre 43 : Briser ces masques

« Alors, qu’est-ce que tu attends ? Ah ! Peut-être que c’est … MOI ! » s’écria t-il tout en se lançant vers elle, ses deux griffes croisées au niveau du torse.

Il tenta de planter sa griffe en sa direction mais elle l’évita en roulant sur le côté, reprenant finalement ses esprits tout en tendant son arc. Sa flèche partie aussi rapidement qu’elle était apparue, l’homme à la cape bleue faisant un geste de la main avant de créer un léger souffle qui fit dériver la flèche de sa destination initiale.

Le mur à côté de lui explosa alors qu’il sifflait. Elle n’y allait pas de main morte on dirait bien ! Elle n’allait pas hésiter à le tuer à cette allure ! Dire qu’il prenait ce combat comme une partie de rigolade, il s’était complètement trompé visiblement. S’il devait se mettre à combattre sérieusement, alors il allait combattre sérieusement ! Ses griffes commencèrent à s’entourer d’une épaisse couche de roche avant qu’il ne donne un coup au sol juste devant Neel. Celui-ci s’était mis à reculer alors que de nombreux éclats de pierre étaient projetés.

« Alors, qu’est-ce que tu en penses ? » demanda l’être masqué de noir en rigolant.

« Que tu ferais mieux de te taire si tu ne veux pas avoir des problèmes. »

« Wow ! Aussi agréable qu’une porte de cachot. »

Sympathique, il le mettait au même niveau qu’une porte. Il devait le prendre comment ? COMME CA ! Trois flèches apparurent alors qu’il bandait l’arc. Quand on savait manier aussi bien la magie, cela ne servait à rien d’avoir un carquois. Surtout quand on possédait les lignes de la déesse avec soi ! Les lignes blanches étaient apparues sur ses deux gants alors que les flèches commençaient à briller.

Ca sentait le roussi ou presque ! Il n’allait pas utiliser ses lignes contre lui. C’était complètement de la folie et puis comme l’avait dit la maréchale Nali, ces lignes étaient démoniaques et allaient causer sa perte ! Alors hors de question de les utiliser ! Ce qu’il devait faire ? Il ne le savait pas mais il refusait cette idée de blesser l’Ombre de cette façon !

Il esquiva les trois flèches en courant tout simplement vers la personne à la cape brune, celle-ci semblant surprise de tant d’audace, relâchant bien trop tôt les flèches qui passèrent à côté de Tery. Il allait lui retirer ce masque, comme ça tout allait être résolu dès maintenant ! Il arriva à sa hauteur, une griffe tendue vers le masque blanc.

« Qu’est-ce que tu comptes faire ?! ON NE TOUCHE SURTOUT PAS ! »

« Tu m’as l’air vraiment très gêné. Est-ce parce que sans ce masque est si important ? »

« Tu sais très bien que sans ça, nos pouvoirs décroissent ! »

« Et alors ? Tu es si faible que ça sans ton masque ?! SI… VULNERABLE ?! » s’écria t-il alors que Neel donnait un coup de pied dans sa griffe pour la repousser, son arc tombant au sol en disparaissant. Il poussa un petit cri de surprise, s’écroulant en arrière alors que du sang se mettait à couler d’une plaie au niveau du torse ? Une ligne de sang était tracée alors qu’il apercevait deux dagues dans les mains de l’Ombre.

« On cache bien son jeu à ce que je vois, l’Ombre ! Je ne savais pas que tu te battais au corps à corps aussi. Ca rends tout ça bien plus intéressant ! »

« Je ne suis pas n’importe qui. Je suis celui qui doit s’occuper des nombreuses missions données par l’Oracle. Si j’étais incapable de me battre au corps à corps, je serais bien trop faible. Puisque l’arc ne marche pas contre toi, autant se battre ainsi. »

« Comme tu le désires, l’Ombre ! Mais cette fois-ci, on sera à armes égales ! »

« Cette fois-ci… CETTE FOIS-CI ?! TERY ! QU’EST-CE QUI T’AS PRIS ?! »

Il rigola légèrement, heureux de voir l’Ombre furieuse ainsi. C’était vraiment quelque chose d’assez exceptionnel. Pourtant, il ne venait pas de confirmer qui il était réellement mais elle y croyait dur comme fer. Comme quoi. Même si cela n’avait duré que quelques mois ?  L’Ombre semblait très bien se rappeler de lui. Les deux lames des dagues ripèrent sur le sol alors qu’il donnait un coup de pied dans le ventre de l’Ombre, la repoussant de quelques centimètres tout en reprenant :

« Je ne vois sincèrement pas de quoi tu veux parler. Est-ce que tu es capable de mieux t’exprimer ? Et aussi de me donner ce médaillon ? »

« Ne fais pas l’innocent ! POURQUOI EST-CE QUE TU PORTES CE MASQUE ?! »

« Et pourquoi TU portes ce masque ? Je pourrais te retourner la question, l’Ombre. »

« Je travaille pour l’Oracle, tu le sais très bien ! »

« Et moi je travaille pour le roi de Shunter, ça ne se voit pas ? Visiblement, les lignes du dieu Alzar ne sont guère réjouissantes. Il paraîtrait qu’elles mènent à la destruction de la personne qui les possède. » soupira Tery bien qu’il ne dévoilait toujours pas son visage.

« C’est exactement ça ! Et porter ce masque n’arrangera pas les choses ! Alors, retire ce masque complètement stupide ! »

« Je ne le ferais pas. Pourquoi est-ce que j’irais retirer mon masque ? Celui qui me l’a donné avait une idée en tête sûrement. Prendre ce masque me permet de m’accepter comme je suis. De me dire que mes lignes peuvent être utiles à quelque chose. »

« Quitte à te faire manipuler comme un pantin ? » déclara la personne masquée de blanc.

« ET CE N’EST PAS PAREIL POUR TOI ?! »

« Je… Je… » murmura t-il en faisant quelques pas en arrière, surpris par les cris de Tery.

Qu’est-ce qui lui avait pris de se mettre dans cet état ? Il était dingue ou quoi ?! Et puis, ce n’était pas pareil justement ! Il ne servait pas les profits d’un roi maléfique contrairement à Tery ! L’Oracle était bon ! L’Oracle était… L’Oracle lui ordonnait de tuer des enfants. Alors bon, il n’avait pas totalement tord… MAIS NON ! L’Oracle savait parfaitement ce qu’il faisait ! Ce n’était pas la même chose ! Loin de là même ! Il murmura :

« Mais au moins… Tu reconnais que tu es Tery ? Non ? »

« Je reconnais tout ce que tu veux mais je ne retirerais pas ce masque… »

« Alors il me faudra l’extraire par la force à ce que je vois. » rétorqua Neel.

« Il en est de même pour moi ! »

Au moins, il assumait parfaitement le fait qu’il était Tery, c’était déjà une bonne chose… Mais ce n’était pas suffisant ! Ses dagues rencontrèrent les deux griffes de Tery, celui-ci se mettant à repousser peu à peu Neel grâce à sa force. L’être au masque blanc fait quelques pas en arrière, serrant les dents sous son masque tout en reprenant :

« Vraiment mais quel idiot tu es ! Comment est-ce que tu peux faire ça ?! »

« A cause d’une personne, j’ai décidé de ne plus vraiment croire aux autres. Je me demande à qui la faute ? Tu as une petite idée ? »

« Si tu cherches à me donner des remords, tu peux déjà abandonner. »

Il eut un petit rire sous son masque avant de tenter de lui faucher les deux pieds, Neel sautant dans les airs tout en tendant sa main gantée de rouge vers lui, créant une petite sphère de feu. Il se coucha sur le sol, évitant la boule de feu tout en se redressant, courant vers Neel pour le repousser en arrière, son bras au niveau du ventre.

Qu’est-ce qu’il comptait faire ?! AH ! Il pensait vraiment qu’il allait tomber dans ce piège aussi grossier ? Mais mais mais, pourquoi est-ce qu’il n’arrivait pas à bouger ?! AH ! Il allait lui planter les deux dagues dans le dos pendant qu’il le faisait reculer ! Serrant ses armes dans ses mains, il s’arrêta un court instant. Tuer Tery ? Déjà qu’il n’avait pas réussi la première fois. Il poussa subitement un cri, son dos venant de rencontrer le mur rocheux derrière lui alors qu’il posait un genou au sol.

« Tu n’as même pas essayé de réagir. Tu es bien devenu bien faible, l’Ombre. »

« Tu vas voir qui est faible, Tery ! » s’écria Neel.

« Qu’est-ce que tu en penses maintenant ? Cela fait bizarre de se combattre d’égal à égal, non ? Et plus de maître à élève. »

« Maître à élève ? Tu te considérais comme tel ? »

« Bien sûr ! J’ai arrêté d’apprendre le combat et la magie pendant des années et toi, en quelques jours, tu m’as redonné envie ! Tu crois que… Puis zut ! » marmonna Tery.

« Si tu me considérais vraiment comme ton maître, tu arrêterais ce combat ! »

Il hocha la tête d’un air négatif, retirant à moitié son masque tout en lui tirant la langue. Il était désolé mais il ne pouvait pas. Il remit correctement son masque, glissant les lames de ses griffes les unes contre les autres. Neel se releva, serrant les deux dagues dans ses mains. Encore une fois, il se demandait pourquoi ça devait se terminer comme ça. Tery n’était même pas sérieux dans son rôle ! Ou alors c’était l’inverse ? Qu’est-ce qu’il devait faire ? Il ne le savait pas du tout et ça l’énervait ! Ou du moins, il voulait s’énerver. Avoir une véritable et bonne raison de se battre !

« Maintenant que j’ai ce masque, je suis à ton niveau. Si tu ne te donnes pas à fond… »

« C’est tout simplement pour ça  que tu portes ce masque ? Pour être de force équivalente ? Juste pour montrer que tu es puissant ? » murmura Neel.

« Hahaha ! Je n’ai jamais dit ça. Oui, peut-être mais non, tu verras bien. Mais pour ça, il faudrait réussir à me battre, l’Ombre. »

« Ca ne sera pas très difficile. Si tu veux que je sois sérieux, je vais l’être mais c’est à tes risques et périls, Tery. »

« Alors tant mieux, j’aime prendre des risques ! » dit le jeune homme avec ironie.

Il eut à peine le temps de terminer sa phrase qu’il dut croiser ses deux griffes pour parer les dagues de Neel. Celui-ci s’était relevé avec une vitesse telle qu’il avait l’impression que ce n’était plus la même personne. Il fit plusieurs pas en arrière et sur les côtés, mais ça ne servait à rien, l’Ombre était toujours là, en face de lui, ne lui laissant pas un instant de répit.

« Tu cachais vraiment bien ton jeu. » murmura Tery.

« Que veux-tu que je te dise ? C’est toi qui l’as voulu. Tu mérites donc que je te combatte sérieusement puisque tu le désires… TANT ! »

Le coup qu’il venait de donner fit tomber Tery en arrière, celui-ci faisant une roulade pour se redresser le plus rapidement possible. Il n’avait rien vu venir ! C’était quoi ce délire ?! C’était plus pareil ! Ce n’était plus du tout la même chose ! AH ! AH ! Il projeta des petits pics de terre en direction de Neel mais celui-ci les repoussait de ces dagues pour la majorité, d’autres se gelant avant de retourner vers Tery.

« Les masques d’Alzar et de Zélisia ont des propriétés qui accroissent nos pouvoirs magiques. Quiconque n’ayant pas ces lignes ne peuvent porter ces masques. Nous sommes spéciaux, Tery. Vraiment spéciaux mais tu n’es qu’un néophyte, qu’un débutant. Tu ne t’entraînes pas depuis des années. Tu es tombé dans ça sans réellement comprendre. Et c’est à moi de mettre un terme avant que tu ne souffres trop à cause d’Alzar ! Je suis désolé mais cette fois-ci, Tery… »

Elle allait en terminer. Il savait que Tery était complètement dépassé par les évènements. Il le voyait dans les yeux verts du jeune homme, il y lisait l’incompréhension. Il ne savait pas. Il ne savait rien et pourtant. Il le voyait en train de parer ses coups de dague. Il le voyait en train de tenter de l’attaquer sans le toucher. C’était affreux, affreux ! Il ne voulait pas !

Comment c’était possible de se faire battre aussi facilement ? Il pensait pourtant qu’avec ce qui s’était passé pendant ce dernier mois avec la maréchale Nali, il serait plus fort ou alors avec le Glumarx ! Ou même ce ver. Mais ça, c’était l’Ombre et face à elle, il semblait si chétif et faible. Il était complètement à la ramasse !

Plus le combat se déroulait et plus il se retrouvait avec des entailles sur les bras et sur les hanches. Oh, ce n’était pas des entailles très profondes, juste de quoi faire couler un peu de sang mais elles étaient de plus en plus nombreuses. Il pouffa sur le coup de pied qu’il venait de se prendre au niveau du ventre avant d’émettre un râle. Réagir ! VITE ! Il courut en direction de Neel mais celui-ci le repoussa une nouvelle fois avant de murmurer avec une voix plaintive et triste :

« Désolé Tery. Je suis vraiment désolé. »

Tout se déroula en un instant. Les dagues étaient tombées au sol alors qu’il aurait voulu s’arrêter, comprenant ce qui se passait. L’arc apparut à nouveau alors qu’il voyait une flèche se présenter à la corde. Celle-ci se tendit tandis que Neel le regardait de ses yeux bleus sans cligner. La flèche partit directement pour aller se loger au beau milieu du masque noir, le jeune homme tombant en arrière.

« Cette fois-ci. Je suis sûr que c’est fait. » murmura l’être masqué de blanc.

Il avait un pincement au cœur alors qu’il voyait des filets de sang qui coulaient sous le masque noir. C’était de sa faute ! Pourquoi est-ce qu’il lui avait d’être sérieux hein ? Son arc disparu alors qu’il observait le médaillon. Tout ça pour ce bijou. En parlant de bijou, il était normal de rendre ce qui appartenait à Tery.

« Merci pour ce pendentif même si je ne sais pas si je méritais de le garder. »

Ce pendentif qui continuait d’émettre une aura brune autour du corps de Tery. Du cadavre de ce dernier. Il arriva à la hauteur du jeune homme masqué de noir, observant quelques instants la flèche plantée dans le masque. Elle la retira lentement, observant le filet de sang qui sortit de la fissure. Il avait les yeux fermés. Peut-être qu’il pouvait lui retirer son masque ? Pour graver son visage dans sa mémoire ? Il déposa le pendentif sur le torse du jeune homme tout en murmurant :

« Je sais que c’est vraiment stupide mais… »

Il approcha avec un peu de tremblement la main en direction du masque noir avant de la retirer subitement. Non. Ce n’était pas comme ça ! Il retira le gant rouge de sa main droite, la posant finalement sur le masque noir. Celui-ci émit quelques craquements alors qu’il reculait à nouveau sa main. Le masque était en train de se fissurer sur sa totalité ?

« Qu’est-ce qui se passe ici ?  Non, ce n’est pas dramatique, c’est normal même. »

Oui. C’était normal que la masque noir se fissure et explose en morceaux, mais ce n’était pas encore le cas. Encore une fois, sa main s’approcha du masque au même moment où les yeux verts de Tery s’ouvrirent, un grand rire sortant de sa bouche :

« C’est à moi d’être désolé, j’attendais ce moment depuis le début ! » cria t-il en agrippant son bras de sa main gauche, redressant le haut de son corps tandis qu’un pieu de terre assez petit apparut dans sa main droite.

« TERY ?! Tu n’étais pas… » dit-il avant d’être coupés alors que le pieu de terre venait s’enfoncer dans son propre masque blanc.

Il lui donna un coup de pied pour libérer son bras de l’étreinte de Tery tout en reculant. Le jeune homme s’était redressé, son masque tombant en morceaux alors qu’il était possible de voir son front ensanglanté. La pointe de la flèche l’avait bien touché mais pas assez profondément. Visiblement, le masque avait été assez solide. De l’autre côté, il ramassa le pendentif pour le garder près de lui tout en criant :

« Non, je suis au regret de t’annoncer que je ne suis pas mort ! Est-ce que cela te gêne ? Mon masque m’a protégé, je suis simplement resté parfaitement immobile en attendant que tu t’approches de moi. Visiblement, j’ai bien fait. La prochaine fois, essaye de voir si l’autre respire avant de t’en approcher. »

« Tery, tu, tu utilises ce genre de tactiques maintenant. »

« Que veux-tu que je te dises. Il faut de tout pour réu… »

Il s’arrêta de parler alors qu’il voyait le corps de l’Ombre. Celui-ci était parcouru de tremblements tandis qu’elle portait une main à son masque blanc. Celui-ci était aussi en train de se fissurer et Neel continuait de trembler.

« Mon…  Mon masque ! TERY ! MON MASQUE ! »

« Et alors ? Qu’est-ce qu’il a ton masque ? Il se brise, je ne vois pas où est le problème ! Ne trouve pas d’excuse ! Maintenant, on va se battre à nouveau à armes égales ! »

« TU NE COMPRENDS PAS ! PERSONNE NE DOIT… PERSONNE NE DOIT ME VOIR SANS MON MASQUE ! » hurla Neel alors qu’un morceau du masque tombait au sol.

Et là. Il sentait déjà le changement dans sa voix et dans les quelques sanglots qu’il entendait. C’était bien différent d’auparavant. L’arc de Neel était tombé au sol alors qu’il s’approchait de lui mais il eut un petit geste de recul alors que Neel reprenait :

« TU ES UN IDIOT ! JE PORTAIS CE MASQUE DEPUIS DES ANNEES ! »

« Tu as tellement de choses à cacher ?! C’est ça ?! Qu’est-ce qu’il y a à cacher  de si important ? C’est bon ! Je n’ai pas honte de me montrer… MOI ! » hurla Tery.

Mais lui ! Lui c’était différent ! Il tomba à genoux, cherchant d’une main à rassembler les morceaux d’une partie de son masque, l’autre main tenant ce qui restait sur son visage. Avec cette cape brune, il était impossible de voir son visage s’il ne se trouvait pas en face de soi.

« C’est bon ! Tu me fatigues, l’Ombre ! JE VAIS TE FORCER A TE DEVOILER ! »

Des lignes noires étaient apparues au moment même où il sentait la colère l’envahir pendant quelques instants. Une violente bourrasque se fit sentir, la cape brune se faisant emporter en même temps que le reste du masque blanc de Neel.

« NONNNNNNN ! NOOOON ! NON ! Non… Non… Je… »

La voix avait maintenant une parfaite tonalité féminine. Celle-ci était douce mais parcourue de trémolos comme si elle n’arrivait plus à se contrôler alors que Tery ne savait plus quoi dire. Les réactions de l’Ombre. Il s’en était douté. Du moins, il n’en avait eu aucune preuve jusqu’à aujourd’hui. Mais en y réfléchissant bien. C’était logique. Vraiment logique.

« Ne me regarde pas ! NE ME REGARDE SURTOUT PAS ! »

« Euh… Sincèrement… Je ne vois pas pourquoi tu te mets dans tous tes états hein ? »

Il aurait bien aimé se passer une main derrière le crâne mais avec ses griffes, c’était déconseillé. L’Ombre était en train de pleurer. Non pas l’Ombre. La jeune femme. Elle devait avoir son âge, c’est vrai. Il la regarda longuement, la décrivant des yeux alors qu’elle tentait de cacher son corps sous sa cape brune. Ah… Sans la magie… C’était bien différent.

« J’arrive pas à voir pourquoi est-ce que tu pleures… »

« PERSONNE NE DEVAIT ME VOIR COMME CA ! »

« Euh… Ouais… Je ne vois pas pourquoi… Ce n’est pas comme si t’étais affreuse dessous hein ? On croirait presque tu te prends pour un monstre. » marmonna Tery.

« Personne. Personne à part l’Oracle et madame Liza… » bredouilla Neel.

« Et bien, tu rajouteras dorénavant une troisième personne au compteur. »

C’est vrai quoi. Elle exagérait complètement ! Elle portait un justaucorps rouge, une ceinture bleue autour de la taille ainsi que le haut d’une armure rouge recouvrant sa poitrine assez généreuse et ses deux épaules. A côté, elle avait des yeux bleus assez jolis et plutôt purs. Comment pouvait-il le dire clairement ? Malgré les larmes, on pouvait voir à l’intérieur et tout cela montrait à quel point l’Ombre était quelqu’un de pur dans un certain sens. De l’autre côté, sa coiffure était blonde et ressemblait un peu à la garçonne mais avec des épis qui partaient dans tout les sens sans pour autant que cela paraisse négligé.

« Non, non. Snif… Ce n’est pas possible d’en rajouter une troisième ! Là, là, je ne peux pas te laisser… Vraiment pas même si… Sans mon masque… »

« N’importe quoi. Et maintenant, est-ce que tu veux bien me dire ton nom ? »

« Tu n’en as pas assez ? Ca… Ca ne te suffit pas ?! Je m’appelle Neel ! »

Elle se releva finalement, passant une main sur ses yeux bleus pour essuyer ses larmes avant de reprendre son arc en main.  Tery lui disait qu’il avait du mal à croire qu’elle s’appelle Neel. Elle ne voulait pas … Elle ne voulait pas être vue comme ça par lui ! Elle murmura :

« Neel n’est pas mon véritable prénom… C’est seulement celui que l’Oracle m’a donné… »

« Alors quel est ton véritable prénom ? Puisque je vois ta véritable apparence ? »

« Elen…  Mais tu l’emporteras dans la tombe, Tery. »
 

Chapitre 44
Chapitre 44 : Un souvenir en commun

« Ah ! C’est déjà ça de gagné. Mais maintenant, tu veux bien me donner ce médaillon ? »

« C’est la dernière chose que je ferais avant de mourir si cela devait arriver. »

« Que tu es méchante quand tu t’y mets. Ca ne se dit pas. »

Il eut un petit rire amusé alors qu’elle ne semblait pas du tout du même avis.  La jeune femme aux cheveux blonds fronça les sourcils, lui offrant un regard meurtrier alors qu’elle reprenait ses deux dagues en main, disant d’une voix peu calme :

« Je vais te tuer… Encore te tuer… Toujours… JE DOIS LE FAIRE ! »

« Elen ? Tu te répètes mais tu n’y arrives pas. Tu sais, t’es peut-être un peu trop sensible au final hein ? Ce n’est pas une mauvaise chose mais sincèrement, tu n’as pas ta place au combat. Tu devrais gentiment me donner ce médaillon et arrêter de suivre l’Oracle. Pourquoi est-ce que tu ne m’accompagnes pas ? Mais maintenant, plus de relation de maître à élève, c’est à toi de voir. » déclara le jeune homme en haussant les épaules.

Hein ? Elle le regarda avec étonnement. Qu’est-ce qu’il venait de dire ? Qu’elle vienne avec lui ? Pourquoi faire ? Pourquoi est-ce qu’elle devrait le rejoindre ? Ce n’était pas parce qu’il était la première personne avec qui elle se liait réellement qu’il pouvait considérer  qu’elle allait le suivre partout !

« Tu n’es pas sérieux quand même. Pourquoi… est-ce que tu me demandes ça ? » posa-t-elle d’une voix légèrement tremblante, contrastant avec ce qu’elle avait quelques minutes avant.

« Je ne sais pas. Je pensais que c’était une bonne idée. Et puis, on avait l’habitude d’être ensemble, je ne vois pas ce que ça changerait maintenant. Mais comme je l’ai dit, c’est à toi de voir. Réfléchis bien à la situation. Tu ne seras plus obligé de suivre les idées de cet Oracle. Je sais très bien que tu n’en as pas envie. »

« C’est de la pitié que tu m’offres ? Car je suis une fille ? C’est ça ? » demanda t-elle.

« Hein ? Mais non ! C’est quoi le rapport entre le fait que tu sois une fille et ce que je dis ?! »

Il venait de crier, serrant les poings alors que ses griffes étaient tournées vers le sol. Elen fit un pas en arrière : elle se sentait si faible et vulnérable sans sa cape brune et sans son masque blanc. Elle était si fragile… malgré ses paroles.

« Car maintenant que tu sais que je suis une fille. Tu vas changer complètement de comportement. Tu crois que je ne le sais pas ? »

« HAHAH A ! Si c’est ça le problème … JE VAIS VITE LE REGLER ! »

Il fit un simple geste de la main, un pieu de terre bien plus petit que les précédents passant à côté d’Elen, entaillant très faiblement sa joue alors qu’elle montrait sa surprise. Il venait de l’attaquer ? Pourquoi est-ce qu’il venait de faire ça ?

« Tu crois que parce que tu as de la poitrine, je vais être plus gentil envers toi ? Non ! Tu peux rêver ! C’est simplement parce que je t’apprécie ! Tu n’arrives pas à te loger ça dans le crâne ? Pourtant, tu devrais t’en douter ! C’est toi qui m’as remotivé et je ne te remercierais jamais assez ! Tu ne peux pas savoir comme je te dois tout… »

Il termina sa phrase avec une petite pointe de tristesse. Néanmoins, il était sérieux, très sérieux et elle pouvait l’entendre dans sa voix. Il pensait sincèrement à ce qu’il disait et elle le savait. Mais, ce  n’était pas comme si c’était vrai ce qu’il disait.

« Je ne vois pas où tu veux en venir Tery. »

« Ne fais pas l’innocente, Elen. Tu le sais très bien lorsque tu m’as vu la première fois. J’étais loin d’être doué, très loin. Et puis les moments où je m’en suis pris à toi, tu t’en rappelles non ? Ce n’est pas si loin que ça ! »

« Je me rappelle aussi de la porte que je me suis pris et aussi de ta trahison verbale lorsque j’ai appris que ce n’était pas pour moi que tu t’entraînais. » murmura la jeune femme.

« Je t’ai pourtant signalé après que c’était le cas. Je voulais simplement ressembler à ces personnes qui m’ont sauvé la vie. Je trouve que c’était normal. »

« Tu te comportais comme un enfant. » soupira Elen avec tristesse.

« Et je me comporte toujours comme tel si c’est ça que tu te demandes. » annonça t-il d’une voix qui se voulait calme bien qu’il avait du mal à s’exprimer correctement.

Ils arrêtèrent de parler pendant une bonne minute, se regardant longuement alors qu’elle reprenait son arc en main, bandant l’arme tandis qu’il ripait ses griffes l’une contre l’autre. Le combat semblait inévitable mais pourtant chacun voulait retarder ce moment.

« Je ne suis pas fait pour être ta maîtresse d’armes, Tery. Tu le sais très bien. Je n’ai pas le caractère fait pour… »

« Alors soyons amis ! Je sais que c’est stupide dit de cette façon et même si nous ne sommes plus des enfants. J’aimerais bien ne pas te considérer comme une ennemie, Elen. »

« Et moi alors ?! Qu’est-ce que tu crois ? Que j’en ai envie ? Si l’Oracle n’avait pas été aussi formel, rien de tout ça ne serait arrivé ! Tu veux savoir ce qui est le plus triste dans cette histoire, Tery ? C’est que si je n’avais pas décidé d’attenter à ta vie, nous serions toujours à Midès, à faire nos petits entraînements ensembles. »

« Ca, c’est le passé, Elen. On ne peut pas revenir en arrière malheureusement. »

« Non. Tu ne comprends pas, lorsque j’ai parlé de toi à l’Oracle, il m’a signalé que ton cas était vraiment rare. Tu es capable de revenir en arrière même après t’être laissé emporter par les lignes d’Alzar. Il aurait bien aimé te voir au final. »

« Et me tuer pendant que je dors ? Je ne suis pas vraiment tenté par tout cela, je suis désolé. Tu comprendras que je fais bien moins confiance à l’Oracle qu’à toi. » dit-il d’une voix un peu amusée alors qu’elle détournait le visage d’un air gêné.

« Pourtant, si tu décidais d’arrêter tout, de tout quitter maintenant, tu pourrais venir avec moi chez l’Oracle. Nous pourrions aller là-bas… ensemble. » murmura-t-elle en reposant ses yeux bleus sur ceux verts de Tery.

« Héhéhé. Tu n’as pas remarqué quelque chose, Elen ? Quelque chose de vraiment stupide et qui nous concerne, toi et moi. Tu veux que je te le dise ? Est-ce que tu as envie de te battre contre moi ? Sérieusement ? »

Elle baissa son regard, lui répondant par ce simple mouvement de tête pour dire que ce n’était pas du tout son envie, loin de là même. Le jeune homme eut un petit rire avant de reprendre la parole :

« Et bien. Comment te dire. Eh bien pour moi, c’est pareil ! Surtout pas maintenant que je sais ce qui se cache sous ce masque blanc. »

« Qu’est-ce que tu veux dire par là, Tery ? » bredouilla Elen.

« Oh, pas grand-chose ! Rien du tout même ! Est-ce que tu ne veux pas qu’on quitte cet endroit  plutôt que de rester ici ? Si les gnomolds nous tombent dessus. »

Elle hocha finalement la tête pour lui dire qu’elle était d’accord. Il poussa un profond soupir de soulagement : cette fois, elle s’était ralliée à sa cause. Par contre, il ne voyait pas comment elle allait cachait son visage maintenant.  Il soupira une nouvelle fois avant de lui tendre sa cape bleue pour aller avec celle de couleur brune d’Elen.

« Comme ça, tu peux rester camouflée. Suis-moi, d’accord ? »

« Merci beaucoup Tery. Nous discuterons comme des gens civilisés alors… »

« Je trouve seulement un peu dommage que tu caches ton visage sous un masque. »

Hein ? Qu’est-ce qu’il voulait dire par là ? Elle allait lui poser la question mais il valait mieux ne rien demander. Il laissa passer la jeune femme aux cheveux blonds devant lui, prétextant la galanterie alors qu’elle ne savait pas comment réagir. De la galanterie ?

« Je voulais te demander, Elen. Si tu es une fille, enfin non, tu l’es. Ce n’est plus une supposition. Mais puisque tu en es une, pourquoi est-ce que tu parles de toi comme ça ? »

« Car cela fait longtemps que je m’exprime ainsi. Tu peux dire tout ce que tu veux, je ne me considère pas très féminine de mon côté. Donc je parlais ainsi. »

« Oh, tu sais, si tu te laissais pousser les cheveux et que tu commençais à parler comme une fille. Du moins, à accorder tes mots au féminin, je suis sûr que tu serais pas mal. »

Pas mal ? Elle allait lui donner un coup de pied s’il continuait à parler d’elle comme ça. Elle ne savait même plus où se mettre avec toute cette histoire ! Ils arrivèrent au bord du trou, la jeune femme aux cheveux blonds tendant sa main pour aider Tery à monter à son tour. Il la remercia tandis qu’elle jetait un regard autour d’elle, assez confuse.

« Ils sont déjà tous partis et regarde-moi tous ces corps. »

« C’est un véritable carnage, Elen. Un véritable carnage ! Mais ce n’est pas le dernier que je verrais alors je m’y habitue. » marmonna Tery.

« Tery, tu me considères vraiment comme une amie ? Malgré tout ce que je t’ai fait ? Et tout ce que je t’ai dit ? La gentillesse a ses limites. Je le sais. »

« BON ! Tu sais quoi, Elen ? Je crois que j’ai compris ton problème. Tu as un manque de confiance, vraiment flagrant et énorme. Ça, c’est un gros souci mais avant… »

Il s’arrêta de parler, tendant l’oreille comme si il venait d’entendre un bruit singulier. Un cor ? Elen sursauta légèrement en écoutant ce bruit alors que Tery poussait un profond grognement de colère. Du tout au tout, son caractère changea complètement :

« Elen, tu vas partir avec le médaillon. »

« Hein ? Que quoi ? Pourquoi est-ce que tu dis ça ? Qu’est-ce qui t’arrive ? »

« Tu vas partir ! Je te l’ordonne ! TU PARS TOUT DE SUITE ! » hurla Tery.

« Mais qu’est-ce qui te prend de me crier dessus ? Tu es complètement fou ou quoi ?! »

Il la poussa subitement, la jeune femme émettant un cri alors qu’elle se tournait vers lui. Il lui envoya le pendentif tout en reprenant :

« Vas t’en maintenant ! Et ne reviens plus jamais ici ! »

« Mais qu’est-ce qui t’arrive, Tery ?! Tu ne t’es jamais comporté comme ça avant. »

« Je n’ai pas le temps de t’expliquer, écoute-moi et quitte cet endroit. C’est bon, tu peux prendre le médaillon et partir d’ici ! Par contre, on ne se reverra plus. »

« Si tu le prends comme ça, tu ne cherches même pas à t’expliquer.  Et puis si tu veux tout savoir, maintenant que j’ai le dernier médaillon, je ne remettrais plus les pieds ici, c’est bien compris ? Alors on se dit adieu ! »

Elle était en colère, autant que lui mais pas pour les mêmes raisons. Elle ne comprenait pas du tout pourquoi il s’était énervé mais quand même ! Il hocha la tête pour lui dire que oui alors qu’elle serrait le poing, celui-ci contenant le pendentif du jeune homme. Quel idiot mais quel idiot ! Il ne lui disait même pas adieu ! Elle prit une profonde respiration avant de le regarder une dernière fois, s’engouffrant dans la forêt alors qu’il poussait un léger soupir.

Ce cor. Il l’avait tout de suite reconnu et il savait pertinemment ce qui l’attendait. C’était pour ça qu’il avait demandé à la jeune femme de partir. Hahaha ! L’Ombre était une jeune femme ! Une jolie jeune femme en fait ! Mais elle ne le savait pas. Pas du tout et c’était vraiment dommage en un sens. Fort regrettable même. Elle ne savait pas ce qu’elle était réellement. Bah, s’ils se revoyaient, il le lui dirait même si c’était bien moins sûr maintenant et dorénavant, il allait au-devant de graves problèmes.

Le cor se fit entendre une nouvelle fois, la forêt devant lui se mettant à trembler alors que des grognements résonnaient dans ses oreilles. Ils étaient là. IL était là ! Il était si facile pour lui de reconnaître ce son ! Des Gnomolds, les uns après les autres. Ils apparaissaient alors qu’il s’avançait. Les Gnomolds ne l’attaquaient pas.

« Yerk ! Yerk ! Voilà l’humain ! » dit l’un d’entre eux en ricanant.

« HEY ! Le monstre est mort ! Et y a plein de cadavres d’humain ! »

« Ils ont réussi à l’abattre ?! Pas mal pour des humains ! »

Les gnomolds discutaient entre eux, tout en l’entourant alors qu’il rangeait ses griffes. Ca ne servait à rien de toute façon. Comme si il avait une chance de pouvoir s’enfuir. Ils étaient combien ? Vingt ? Trente ? Cinquante ? Ce chiffre semblait le plus réaliste alors que déjà, il se mettait à froncer les sourcils. Oui. C’était bien lui ! Une voix se fit entendre entre les arbres, bien qu’il n’était pas possible de lui donner un visage :

« Qu’avons-nous là alors ? On m’a prévenu que les humains décidaient de venir en quantité plus qu’importante et sur quoi je tombe ? Un seul humain ! »

Un seul humain ? Cela voulait-il dire qu’Elen avait réussi à s’enfuir ? Il l’espérait sincèrement et visiblement, cela ne passa pas inaperçu puisque l’un des Gnomolds reprit :

« On aurait quand même dû s’occuper de l’autre qui courait. »

« Pas que ça à perdre ! Laissez-moi voir c’est quoi cet humain ! »

Ah ! Voilà qu’il se présentait enfin à lui ! Et ce n’était guère réjouissant. Chaque pas était signe d’un cliquetis métallique. Un Gnomold  bien plus grand que les autres. Il devait mesurer bien deux têtes de plus qu’eux. En fait, il était presque à la taille de Tery. Néanmoins, il portait une lourde  armure rouge sur lui, que cela soit au niveau de ses mains, de ses pieds ou même de ses bosses dans le dos ? Une armure faite sur mesure. On pouvait voir aussi que l’œil gauche n’existait plus, seule une cicatrice étant visible. De l’autre côté, son œil droit brillait d’une lumière dorée comme si elle était capable d’envelopper le jeune homme pour le faire disparaître. Sur son dos était accroché un imposant maul mais qui ne semblait néanmoins pas déranger le Gnomold. Celui-ci prit la parole :

« Qu’avons-nous là ? Il a l’air bien calme pour un humain. »

« Il veut même pas nous attaquer ! Il a tout de suite rangé ses armes ! »

« Tiens donc, il préfère mourir comme ça ? Sans même se défendre ? Snif, drôle d’odeur. »

« Tu ne me reconnais pas ? Pourtant, je n’ai jamais oublié ta sale face. »

Sale face ? Ohhhh ! Il n’avait pas peur en fait ! Il jouait même le fanfaron ? Le Gnomold en armure s’approcha de lui, deux autres le mettant à genoux pour qu’il puisse se retrouver bien moins grand. Le Gnomold en armure souleva son visage pour l’avoir en face de lui et l’observer. Cet humain lui tenait tête. Cet humain, ses yeux verts.

« On se serait pas déjà vu quelque part ? Ta tête me dit quelque chose ! »

« Tiens, je pensais que tu t’en souviendras plus facilement, abruti de  Rokar ! »

La lame d’une épée se planta dans son bras gauche, le faisant crier de douleur alors qu’elle s’extirpait après quelques secondes. Visiblement, les gnomolds n’appréciaient pas qu’on insulte l’un de leurs chefs. C’était tout à fait normal. Mais Rokar émit un rire gras avant de prendre la parole :

« Tu connais mon nom ! C’est déjà pas si mal pour un humain ! Tu viens de Leskar ?  Ton odeur te trahit. Je le sens très bien ! »

« Ouais, je suis de Leskar, ça te pose un problème ? Tu m’avais dit que tu me laisserais la vie ! Tu ne t’en rappelles pas ? C’était inhabituel de la part d’un Gnomold ! »

« C’ETAIT TOI LE MARMOT ! HAHAHA ! Je m’en rappelle parfaitement de ton père. »

Il émit un petit mouvement pour le repousser, les autres Gnomolds commençant déjà à se préparer à le planter de toutes parts mais Rokar fit un nouveau geste pour leur dire de ne rien faire. Il donna une violente claque métallique à Tery pour le faire tomber au sol :

« Je me demande envers qui tu avais le plus de haine mon gaillard ? Ton père ? Ou son meurtrier ? C'est-à-dire  moi. Quel plaisir de voir son visage se tordre de surprise après ce qu’il m’a dit. Tu veux que je te le répète ? »

« J’en ai pas besoin non merci. Tues-moi maintenant. » marmonna le jeune homme.

« Pourquoi est-ce que je devrais te tuer ? » déclara Rokar.

Hein ? Même les membres de son espèce semblaient surpris par les paroles de Rokar. Ne pas le tuer ? Encore une fois ? D’après ce qu’ils avaient compris. Enfin, certains Gnomolds connaissaient aussi le jeune homme quand il n’était qu’un enfant.

« D’après ce que j’ai cru comprendre, t’étais avec un autre type et tu as décidé de servir d’appât non ? Tu sais ce que je vais faire ? Je vais lancer tout mes gars et prévenir les autres clans Gnomolds ! On a sa description, on sait à quoi il ressemble. Je suis sûr que tu me haïras encore plus. Héhéhéhé ! »

« NON ! Arrête ça ! ELLE… » commença à dire Tery.

« Elle ? En plus, c’est une femelle. Et vu comme tu réagis, ça sera encore mieux. Laissez-le là ! Mais avant… »

Rokar s’approcha de lui avant de lui donner un violent coup de tête, faisant s’évanouir le jeune homme sans qu’il ne puisse réagir. Plusieurs rires se firent entendre tout autour de lui alors qu’il n’était plus conscient, les Gnomolds l’abandonnant dans cet endroit. Il… Elen… Zut… Il ne pouvait pas… Il devait… Ah… Zut… Pourquoi… Rokar… Non…

Où il était ? Il ne s’en rappelait pas. Il se souvenait juste de ce qui s’était passé avant et lorsqu’il avait pu ouvrir les yeux, on lui avait demandé pourquoi il se trouvait ici. Il n’avait pas pu répondre et puis, il se rappelait que l’on avait décidé de l’endormir une nouvelle fois. Où il fut emmené ? De nouveau à Midès.

« Hum ! Je vois qu’il a échoué puisqu’il n’a pas le médaillon. »

« Il fallait s’en douter. Cela était une trop grande mission pour quelqu’un comme lui dont les pouvoirs sont latents. »

Il ne savait pas pourquoi mais il avait entendu ces deux voix. L’une d’elle était féminine tandis que l’autre était masculine. Néanmoins, il n’arrivait pas à les reconnaître et il se sentait transporté. Il devait sûrement être emmené dans la salle des soins de l’armée.

« Qu’est-ce que nous devons faire ? Puisqu’il a échoué, cela va retomber sur nous. »

« Nous ne pouvons nous en vouloir qu’à nous-mêmes. Néanmoins, nous n’oublierons pas de prévenir que cela n’est guère de notre faute. »

« Faire porter le chapeau, c’est astucieux mais bon… » murmura la voix féminine.

« Nous n’avons pas vraiment le choix de toute façon ! »

« Déposons-le dans sa chambre, ses blessures ne sont pas importantes, nous préviendrons les soigneurs pour qu’ils s’occupent de lui. »

« Tant qu’ils pensent qu’il était toujours à Midès, il n’y a aucun problème. »

Qu’est-ce que ces deux voix fomentaient ? Il n’arrivait même pas à ouvrir les yeux. Il aurait bien aimé que la voix féminine soit celle d’Elen mais non, il n’y arrivait même pas. Il était simplement plongé en léthargie, sans possibilité de faire ne serait-ce qu’un mouvement ou de parler… Il aurait bien aimé avoir son mot à dire mais il n’en avait pas la possibilité.

Combien d’heures s’étaient écoulées ? Il ne le savait pas du tout mais il aurait bien aimé connaitre la réponse. Lorsqu’il ouvrit les yeux, ce fut pour voir qu’il avait un bandage sur le front et quelques bandages sur le reste du corps, à cause de ses blessures. Ah. Il avait échoué, réellement échoué. C’était difficile à croire mais c’était la vérité

« Enfin réveillé ? L’entraînement a été plus dur que prévu ? Ou c’était une mission, lieutenant Tery ? Vous savez, vous devriez éviter de trop en faire. »

« Je vous remercie de vous préoccuper de moi mais ne vous en faites pas. » répondit-il tout en se tournant vers la personne qui s’était occupée de lui.

Maintenant, il ne verrait plus jamais l’Ombre ou plutôt Elen de son vrai nom. Elle n’allait plus jamais mettre les pieds dans le royaume de Shunter et donc plus jamais le voir. Il ne pouvait s’empêcher d’être triste à cette idée. Mais bon, c’était comme ça la vie. Il devait se dire qu’Elen aurait une certaine place dans son cœur : cette jeune femme lui avait permis d’être ce qu’il était actuellement : un soldat de l’armée de Shunter. Cette jeune femme … Il n’arrivait pas à le croire mais oui … Elle en était une.

ChibiShiroiRyu

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14 janvier 2012, 10:57
(Et voilà le dernier chapitre du premier tome. Si un jour, je suis publié (faut toujours rêver), je serai obligé d'effacer tout ça)

Chapitre 45
Chapitre 45 : Envoyé vers d’autres horizons

« Que devons-nous faire de lui ? Il a échoué… »

« Est-ce que vous avez une raison pour expliquer son échec ? »

« Il semblerait qu’une seconde personne ayant un masque blanc aie été de la partie. Le pire dans toute cette histoire est que c’est notre envoyé qui a accepté cette personne dans l’armée de Midès. Pensez-vous qu’il soit au courant ? » demanda la première voix.

« Je ne pense pas. Il n’est pas assez intelligent pour cela. Quelqu’un d’autre a du s’occuper de le manipuler. S’il portait un masque blanc, cela veut tout simplement dire qu’il a décidé de s’en mêler. » murmura la seconde voix.

« Déjà qu’il nous a causé quelques problèmes en récupérant le premier médaillon. Maintenant, il en possède deux sur notre propre royaume ! »

« Cet Oracle nous cause de trop grands soucis, grand prêtre Salanos. »

Un homme encapuchonné de rouge et portant un masque noir se tenait devant le vieil homme aux longs cheveux gris et aux yeux dorés. Celui-ci fit un petit geste évasif de la main, marchant en faisant les cent pas devant l’homme avant de dire d’une voix calme :

« Ce n’est pas un problème. Loin de là même. Il nous reste encore douze médaillons à récupérer…  C’est même pour cela que le roi Theor attaque les autres royaumes actuellement. Hum… Je viens d’avoir une idée. »

« Laquelle, grand prêtre Salanos ? Si une simple personne comme moi peut mériter de connaître cette réponse. » murmura l’homme au masque noir.

« Un petit séjour dans d’autres contrées lui fera le plus grand bien. Je vais donc voir avec le roi Theor et la maréchale Nali pour savoir où je vais l’emmener. »

« Soit. Je vais donc vous laisser maintenant, grand prêtre Salanos. »

L’homme au masque noir s’inclina devant le grand prêtre avant de se redresser. Il se retourna, faisant quelques pas pour quitter la pièce tandis que le grand prêtre reprenait pour lui-même :

« La maréchale Nali. Hum, puisque c’est elle qui m’a envoyé ce jeune homme, je devrais peut-être le faire intervenir sur le front où elle se trouve. »

C’était une bonne idée. Une très bonne idée même. Il allait devoir simplement discuter avec le roi Théor de ce projet. Ce projet qui n’était encore qu’à son commencement, qu’à son début. Ce projet qui avait commencé il n’y a peine que quelques mois. Le vieil homme toussa légèrement, avant de s’éloigner à son tour, murmurant une dernière fois :

« Le Dieu Alzar. La déesse Zélisia. Ah ! »

Que c’était comique d’en parler, vraiment comique. Encore un combat, toujours des combats. Pour un Dieu, pour une Déesse.

« Tery Vanian, comment allez-vous aujourd’hui ? »

« Un peu mieux. Je ne sais pas vraiment ce qui s’est passé. » bredouilla le jeune homme.

« On vous a retrouvé allongé en pleine forêt  près du village de Leskar. »

« Ah ? C’est vrai ! Je devais quitter le village car le roi m’avait appelé. »

Mais bon, d’après ses souvenirs, il n’y avait pas que ça normalement. Il y avait aussi d’autres choses. Il avait sûrement été récupéré près du trou causé par le ver géant à côté des cadavres de Gnomolds et d’humains. C’était quelqu’un, sûrement l’homme au masque noir. AH ! Il avait échoué ! Son sourire disparu alors que le soigneur le regardait avec un peu d’inquiétude :

« Il y a un problème ? Vous semblez être légèrement perturbé. Vous feriez mieux de vous reposer, c’est un conseil que je vous donne. »

« Je crois que je vais vous écouter, c’est la meilleure chose à faire. »

« AH ! Et quand vous irez mieux, vous avez une lettre de la maréchale Nali à lire. »

De la maréchale Nali ? Il semblait encore plus surpris de ce qu’il venait d’entendre, remerciant le soigneur qui l’abandonna enfin en le laissant seul dans sa chambre. En fait, il y avait deux lettres même. L’une était fermé par un sceau, l’emblème dessus représentant une goutte rouge tandis que la seconde était tout ce qu’il y avait de plus normal. Il tenta d’ouvrir celle avec le sceau mais remarqua que ce n’était pas possible même en tentant de la déchirer  sur les côtés ? Drôle de lettre. Il ouvrit alors la seconde, lisant ce qui était marqué à l’intérieur, une belle écriture, une très belle écriture même :

« Si tu veux pouvoir lire l’autre lettre que tu recevras très bientôt, il te faudra payer le prix de ton propre sang. »

Payer le prix de son propre sang ? Qu’est-ce que ça voulait dire ? Il poussa un profond soupir, se demandant où voulait en venir cette femme en armure de plaques noires. Ah mais attendez un peu ! C’était elle qui lui avait parlé de ses lignes noires. Cela voulait dire que cette lettre était peut-être très importante. Payer le prix de son sang, payer le prix de son sang. Il se mordillait le pouce pour chercher la réponse avant de pousser un petit cri. Mais bien sûr ! C’était évident même ! Bon, quelque chose ! Quelque choseAh ! Voilà, ça serait parfait ! Il prit la plume posée sur son bureau, positionnant la pointe sur le bout de son index avant de la planter dans celui-ci. Il eut un léger gémissement de douleur, observant la goutte de sang avant de la faire tomber sur le sceau. Une petite fumée rouge se fit voir tandis que le sceau était en train de se consumer pour disparaître complètement. Il pouvait maintenant ouvrir la lettre ? Et de tous les côtés ? Il y avait tellement de choses magiques ! Il ne connaissait même pas ce genre de lettres ! Visiblement, il avait beaucoup de choses à apprendre si il voulait devenir quelqu’un de bien plus utile pour le royaume de Shunter et au cas où, enfin pour avoir l’infime chance de revoir Elen. Hahaha ! Quelle surprise cela avait été lorsqu’il avait découvert la vérité. Mais assez perdu de temps, il devait lire cette lettre.

« Si tu commences à lire ces mots, cela veut dire que tu as parfaitement compris le message de la précédente lettre. Cela fait environ trois voir quatre jours que tu as dû recevoir la première lettre. Ainsi, je vais donc pouvoir… »

Il ne termina pas la phrase qu’il était en train de lire. Trois à quatre jours ? Alors pourquoi est-ce qu’il avait reçu les deux lettres en même temps ? Il se leva, quittant sa chambre pour essayer de retrouver le soigneur. Celui-ci se retrouvait dans la pièce réservée à son travail, Tery lui demandant :

« Pardonnez-moi mais j’ai été convalescent pendant combien de temps ? C’est au sujet des deux lettres que j’ai reçues. J’aimerais savoir quand elles sont arrivées. »

« Environ une semaine, je dirais. La première lettre a été mise de côté mais une seconde est arrivée quelques jours plus tard. Cela a dû se passer deux jours après votre arrivée pour la première lettre. Est-ce que vous avez besoin d’autre chose, lieutenant Tery ? »

« Non. Merci beaucoup pour vos réponses. »

« Quand même, recevoir une lettre de la part de la maréchale Nali, cela doit être très important. Vous feriez mieux d’y répondre le plus rapidement possible. »

« Je ne comptais pas m’attarder. Déjà entre vous et moi, elle ne m’appréciait pas plus que cela, je peux vous l’avouer. » bredouilla le jeune homme aux cheveux bruns.

« Oh, vous savez, elle est comme cela avec tout le monde. Ce n’est pas récent, depuis qu’elle est maréchale voir même bien avant. Elle est venue un jour et depuis, son titre de maréchale n’est pas là pour rigoler. » annonça le soigneur d’un ton neutre.

« Au moins, une femme forte, c’est toujours ça de bon. Cela mettra un peu de plomb dans la cervelle de certaines personnes. »

« Je ne vous le fait pas dire. Avec elle, tout le monde marche au pas. Enfin, si vous n’avez plus rien à me demander, je dois retourner travailler. » déclara le soigneur.

« AH ! Pardonnez-moi. Je ne vous dérange pas plus que cela. »

Il quitta la salle de soins, se dirigeant vers sa chambre pour s’enfermer à l’intérieur. Ah ! Donc cela faisait une semaine qu’il avait été dans cet état ? Et il ne s’en rappelait même pas ! Il reprit la lettre de la maréchale Nali, recommençant à la lire tout en se disant :

« Quand même, pourquoi m’avoir envoyé une telle chose ? Je ne crois… Et zut ! Si elle attend une réponse, je suis déjà en retard ! »

Il allait se faire taper sur les doigts, il en était sûr. Pris d’un peu d’énervement, il fit tomber la lettre au sol. Il la récupéra finalement après quelques tentatives infructueuses, poussant un petit soupir d’énervement. Maintenant, il devait réellement se mettre à la lire. Ah, elle écrivait vraiment bien. Elle devait être une noble. De toute façon, ce n’était pas un paysan comme lui qui arriverait à accéder à ce titre. AH ! Il s’imaginait de ces choses des fois. Il se faisait vraiment peur en y réfléchissant bien. Il reprit sa lecture :

« Ainsi, je vais donc pouvoir te l’écrire clairement : tu es un imbécile. Tu as les lignes d’Alzar en toi et tu te permets d’échouer dans ta première mission confiée. J’avoue que je suis extrêmement déçue d’apprendre cette nouvelle. Tu as les capacités et malgré cela, tu as réussi à échouer. Les lignes d’Alzar ne sont pas là pour faire joli, saches-le clairement. Ces lignes montrent que tu as un potentiel magique important mais visiblement, tu ne sais pas l’utiliser du tout. »

Héhéhé ! C’était lui ou alors la maréchale Nali venait de le complimenter sur sa magie ? Enfin, à côté, il se faisait insulter et traiter d’imbécile, ce n’était pas forcément une bonne chose. Bah… Ce n’était pas non plus dramatique ! Il alla se dire à lui-même :

« Je suis comme une pierre précieuse qui doit être polie pour briller de mille feux ! »

Bon ! Ce n’était pas l’heure de se vanter mais il devait continuer la lettre. Ce n’était pas qu’elle avait écrit un roman mais visiblement, elle avait des choses à dires. Il reprit calmement, se concentrant pour lire plus posément :

« Enfin bon, tu as échoué et en cela, tu n’es pas excusable. C’est pourquoi tu vas officiellement quitter l’armée de la capitale Midès pour rejoindre celle de Shunter et aller sur le front. Ainsi, d’ici une semaine, tout au plus, tu rejoindras la cargaison qui sera envoyée vers le front. Prépares-toi donc à affronter tes pairs si on peut les appeler ainsi. Bon courage, tu en auras besoin surtout si je t’ai à nouveau en face de moi. Maréchale Nali. »

Gloups ! Ca ne sentait pas très bon. Aller sur le front. Cela voulait dire qu’il allait prendre part à la guerre qui se déroulait non-loin de leur royaume ?! Mais il n’était pas. Si, il l’était. Il était préparé à se battre pour son royaume mais quand même pour combien de temps il allait partir ? Et puis, combattre des humains n’était pas la même chose que combattre des monstres. Bien que…

« D’après mes souvenirs, les autres peuples ne nous ressemblent pas. »

C’est vrai.  Depuis que le roi Theor était à la tête du royaume, les autres peuples étaient interdits dans Shunter ou presque. C’était une mesure radicale et l’une des premières choses qui avait emmené le royaume dans une guerre contre les autres peuples. Où est-ce qu’il allait se battre ? Il ne le savait même pas ! Il recommença à lire la lettre, espérant trouver une réponse mais visiblement, rien de tout ça. Peut-être qu’en questionnant les autres personnes ? De toute façon, il n’avait pas le choix.

« Je vais aller me renseigner. Ca sera la meilleure chose à faire. »

Il referma sa lettre, mettant les deux enveloppes dans sa poche pour éviter qu’un autre ne les lise. Il ne manquerait plus qu’ils soient au courant pour ses lignes noires. Sincèrement, en y réfléchissant bien, il ne devait pas être le seul. Du moins, il y avait peut-être une organisation qui regroupait les adeptes d’Alzar ? Encore qu’adeptes était un bien grand mot. Il ne connaissait pas plus que cela l’histoire du dieu Alzar et il n’était pas plus intéressé que ça par cette dernière. Non, lui, ce qui l’intéressait, c’était de savoir si Elen faisait partie d’une telle organisation. Avec un nom comme l’Oracle, il y avait de fortes chances. Mais vu comment Elen détestait le royaume de Shunter, il était sûr et certain que cet Oracle ne se trouvait pas ici. Sinon, il lui aurait déjà mis la main dessus !

Il quitta sa chambre, descendant les escaliers en attendant que les autres soldats arrivent de leur entraînement. Il fallait dire que de son côté, il n’avait pas pu y participer à cause de son état. Une bonne heure passa et il s’ennuyait réellement, poussant plusieurs fois quelques soupirs avant que les soldats n’arrivent enfin pour se reposer pendant quelques minutes. Olin alla s’approcher de lui, lui faisant un grand sourire avant de lui demander :

« Vous allez enfin bien, lieutenant Tery ?! »

« Disons que ça pourrait aller mieux. Vous venez enfin de terminer ? Je ne sais même pas quelle heure il est. Ça m’embête tout ça. »

« Nous reste encore une série d’entraînements et ça sera tout pour aujourd’hui ! »

« Bien bien, est-ce que je peux te poser une question ? » demanda le jeune homme.

« Si je connais la réponse, je serais ravi de vous la donner ! »

Heureusement qu’il était là. Toujours plein d’entrain et il semblait aller mieux. Il n’avait même plus le bandeau sur le front. Enfin, il allait pouvoir lui poser la question bien que les soldats parlaient bruyamment autour d’eux :

« J’aimerais savoir quelques petites choses au sujet de la guerre. Enfin celle que le royaume fait avec les autres. Où est-ce que l’on se bat actuellement ? »

« Vous êtes pas au courant, lieutenant ?! C’est vrai ça ? Je pensais pourtant… »

« S’il te plaît, répond juste à ma question, Olin. » murmura Tery en lui demandant de parler moins fort. Ils n’avaient pas forcément besoin que les autres sachent cela.

« Alors euh. Je crois que d’après ce que je sais, nous sommes en guerre au nord-est et au sud-est. D’un côté, nous allons… »

« Est-ce que c’est vrai qu’ils ne sont pas humains comme nous ? » coupa Tery en regardant Olin avec ses yeux verts, le jeune homme ne semblant pas gêné de ce qu’il venait de faire.

« Ben ben, c’est ce que ma maman m’a dit. Ils paraitraient que les gens des autres peuples nous ressemblent sans nous ressembler ! Ils sont humaino… euh… »

« Humanoïdes ? C’est ça que tu veux dire ? » murmura Earnos doucement.

Olin hocha la tête pour lui répondre par l’affirmatif alors que Tery soupirait une nouvelle fois sans raison apparente. Il remercia Olin, lui signalant qu’il allait retourner dans sa chambre tout en lui annonçant qu’il allait partir au front, c’était pour cela qu’il voulait se renseigner. Le jeune homme plus grand que lui fit une mine dépitée avant de dire :

« Quand même. Vous êtes à peine là depuis pas si longtemps que ça et vous allez déjà vous battre là-bas ? Vous devez être quand même sacrément fort non ? »

« Je ne pense pas que ça soit la raison qui aie poussé les généraux à me faire rejoindre les troupes installées au front. De toute façon, peut-être que d’ici quelques temps, ça sera à toi d’aller là-bas, pourquoi pas ? »

« Vous le pensez vraiment ? Ca serait super ! »

Oui, super. C’était une façon de le dire, il fallait se l’avouer. Olin était un garçon très sympathique, il le reconnaissait mais il se demandait comment il avait fait pour survivre aussi longtemps dans ce monde. Enfin, ce n’était pas forcément son problème. Il salua le jeune homme avant de retourner dans sa chambre, il allait devoir préparer ses affaires. Ah mais non ! Il ne partait que dans une semaine grand maximum. Pas de quoi s’affoler. Mais quand même, il allait devoir peut-être prévenir sa mère et lui écrire une lettre.

« Faut éviter qu’elle ne s’inquiète, au moins,  je me bats pour elle. »

Ah ! Au moins, il avait une bonne raison de se battre. Mais en y réfléchissant bien : a part pour l’Oracle, est-ce qu’Elen se battait pour quelqu’un d’autre ?Il n savait rien d’elle. C’était vraiment dommage. Il aurait pu lui poser des questions mais il fallait dire que le moment et le lieu étaient très mal choisis ! Bon, ça ne faisait rien, il verrait plus tard de toute façon ! Il devait se préparer pour d’ici quelques jours.

Pendant la semaine qui s’écoula, il avait décidé de s’entraîner deux fois plus qu’à l’accoutumée. Son départ avait été annoncé mais cela n’étonna guère de personnes puisque d’autres allaient l’accompagner. Enfin, au moins, avec ça, il était sûr d’être en parfaite forme ! Ou presque mais il devait se donner à fond ! Mais ce fameux jour arriva et il remarqua qu’ils étaient assez nombreux. Du moins de ce côté. Une bonne centaine ? En comptant ceux qui étaient déjà dans les charrettes.

« Il n’y a pas un autre moyen de locomotion ? » demanda t-il au conducteur de l’une d’entre elles, celui-ci se tournant vers le jeune homme.

« Pour de simples soldats, on préfère éviter d’utiliser nos ressources. Grimpe-dedans et tais toi au lieu de poser des questions de ce genre. Je vous jure. »

L’homme poussa un profond soupir alors que Tery grimpait à l’intérieur, saluant les quelques personnes ainsi qu’Olin qui restait au sol. Oui, il n’avait pas été envoyé là-bas. C’était peut-être une bonne chose. Cette fois-ci, il serait un homme parmi les autres, parmi des milliers d’autres ? Maintenant, il avait une petite boule dans le creux de l’estomac. Arf !

« Dire qu’ils vont nous envoyer là-bas. » murmura un soldat.

« On va mourir de chaud dans nos armures, je vous le jure ! Je sens qu’on va avoir du mal à porter nos armures. Elles vont nous coller à la peau ! » annonça un autre soldat.

« Je déteste ce pays du feu. Beaucoup trop chaud, bien trop. » alla dire un troisième.

« Le pays du feu. Oui, c’est vrai. » termina finalement Tery.

Même si il ne savait pas de quoi ces types parlaient, il voulait simplement se donner une légère contenance. Ainsi, ils allaient vers le pays du feu ? C’était vrai. Il y avait cinq pays, cinq zones, voire même six. Mais bon, comme il n’avait jamais réellement suivi les cours, il n’était pas forcément très au courant de tout ça. Il fronça les sourcils, fermant les yeux pour tenter de se rappeler de quelques petites choses. Le feu était au nord-est. L’eau au sud-est. De l’autre côté de l’eau, il y avait le vent et enfin au nord-ouest du vent, il y avait la foudre ! AH ! Ca lui revenait parfaitement dans le crâne cette histoire ! Tout n’était pas perdu. Et puis bon, il avait encore ces petits livres élémentaires. Même si il devait s’avouer que ces derniers avaient pris la poussière en un mois.

Il en sortit un de son sac à dos qui lui servait de voyage, ses griffes se trouvant à l’intérieur ainsi que les lettres de la maréchale et celles de sa mère. C’était une simple mesure pour lui permettre de garder quelques souvenirs au cas où. Disons qu’il n’était pas très confiant sur ce qui allait se passer sur un véritable terrain en guerre. Des centaines de personnes mourraient chaque jour, voire des milliers !

« Faut pas avoir peur comme ça, mon gars. Si tu pars avec l’idée que tu vas mourir, autant te tuer sur le champ. » alla dire l’un des soldats en le regardant.

« Pour, pourquoi est-ce que tu me dis ça ? » demanda t-il en s’adressant à lui.

« Car tu trembles comme un gamin ! Regarde tes jambes ! »

Regarder ses jambes ? Il baissa le regard, voyant que ses jambes s’entrechoquaient l’une contre l’autre. Il poussa un petit rire amusé, les faisant s’arrêter avant de dire :

« Ce n’est pas de la peur mais de l’excitation ! Je suis pressé d’y aller ! »

« Ohla ! Calme-toi hein ? Ne fais pas le fou sanguinaire qui va foncer dans le tas lorsque l’on ira combattre. Déjà qu’on est un peu les remplaçants de la vraie armée. »

« Les remplaçants de la vraie armée ? Qu’est-ce que ça signifie ? »

« Tu ne crois pas qu’on nous envoie quand même parce que nous sommes doués hein ? On va à l’abattoir, voilà tout ! Nous sommes ceux qui vont juste servir de boucliers humains aux véritables soldats de Shunter ! »

« Ah, d’accord, je vois … Merci d’avoir prévenu. »

Il avait terminé la discussion par une petite phrase un peu saccadée. Ainsi, c’était pour ça que la maréchale Nali voulait qu’il vienne ? Pour se faire tuer ? Sur le moment, il trouvait ça horrible puis il se rappelait que c’était la guerre.

Mais bon, il était hors de question pour lui de mourir comme ça ! AH ! Elle pouvait faire tout ce qu’elle voulait mais elle allait parfaitement voir qu’il avait la vie dure, très dure ! Maintenant, c’était décidé ! S’il voulait survivre, il allait devoir se donner à fond et cela qu’importe ce qui se passera qu’importe le lieu où il se trouvera !

Les charrettes les tiraient peu à peu vers l’endroit où ils allaient devoir se battre à nouveau. Une nouvelle garnison militaire, de nouvelles personnes, de nouveaux lieux, de nouvelles créatures. Il allait enfin quitter le royaume de Shunter après presque dix-neuf années. Il lui restait encore tant de choses à découvrir.

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